34 : Sonate au Clair de lune
Le courant d'air qui s'engouffrait par la fenêtre soufflait dans la chambre des envies d'évasion. Une fois le travail anti-magique accompli, Owen allait bien finir par la libérer. Mais pas question de rentrer avant de savoir ce qui se cachait derrière ce portail, derrière cette forêt et ces montagnes. N'y avait-il pas tout un monde là-bas ? Des princesses, des enchanteurs et même des créatures magiques ! Un monde cruel et imprévisible. Peut-être plus dangereux encore que le manoir. Fallait-il l'affronter ou se cacher, comme le magicien maudit ?
Que faisait-il, d'ailleurs ? Il avait passé la journée à l'éviter. Elle-même n'avait pas daigné sortir de sa chambre. Puisqu'elle n'était pour lui qu'un épouvantail à malédiction, à quoi bon lui imposer sa présence ?
Elle songeait encore à l'épisode tumultueux de la matinée, quand elle entendit un souffle rauque derrière sa porte. Intriguée, elle tendit l'oreille. Bien que les mots qu'elle interceptât soient tout à fait audibles, ils ne lui étaient pas directement adressés.
– C'est la troisième fois que vous restez planté ici comme un pommier. Peut-être, cher maître, faudrait-il prendre une décision...
– Veux-tu te taire, maudit chat ! maugréa une voix qui s'efforçait de chuchoter. Très bien, grâce à toi, ma décision est toute prise.
On entendit un mouvement confus, suivi de pas lourds et fuyants. Saisie d'une curiosité irrépressible, Alicia arracha presque la porte de ses gonds.
À ses pieds, un tout petit bouquet de perce-neiges jonchait le sol, entouré d'un ruban rouge. Il y avait également un mot, simplement griffonné sur un bout de papier :
Ils baissent la tête pour cacher leur honte.
Rêveuse, Alicia ramassa cette offrande inattendue avec toutes les précautions du monde. Son ironie légendaire surprit avec effroi quelques notes d'une musique romantique se jouer dans son crâne. Heureusement, quand elle se releva, une vision des plus déplaisantes fit instantanément dérailler le tourne-disque imaginaire : Belzébuth. Planté au milieu d'une collection de potiches, le félin la dévorait du regard. Son sourire plus manipulateur que jamais semblait lui dire : « Je peux lire en toi comme dans un livre ! »
– Le comte aurait aimé avoir votre compagnie ce soir, expliqua-t-il en désignant le bouquet. Mais il redoutait que son invitation soit mal accueillie.
– Il a eu raison de le redouter, répondit sèchement Alicia, moins pour contrarier Owen que pour contrecarrer ce traitre de félin envers qui elle portait une aversion de plus en plus forte.
– Quel dommage, fit Belzébuth avec une hypocrisie manifeste, il comptait vous montrer le théâtre.
Alicia souleva un sourcil.
– Le théâtre ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
– Pour le savoir, il faudrait sortir de votre chambre et le demander au maître des lieux.
– Tant pis, grogna-t-elle, plus obstinée que jamais.
– Très bien. Et si, toutefois, l'envie vous prend de découvrir le théâtre, fit le chat, en insistant bien sur le mot théâtre, il suffit de vous laisser guider par le son du piano...
Alicia le congédia dans un haussement d'épaule. Elle s'assit sur son lit, l'air préoccupé. On l'avait visiblement contrariée dans son inactivité. Et maintenant il lui semblait difficile de rester enfermée toute la soirée. Ses pensées se fixèrent inévitablement sur l'invitation mystérieuse que le comte n'avait pas osé lui faire. Le théâtre, le théâtre ! Elle pourrait y aller, juste par curiosité. Mais l'ambiance était électrique et elle n'avait pas très envie de se confronter au comte.
Bientôt, son estomac hurla famine et Alicia s'extirpa de son lit pour ouvrir le « coffre sur demande ». Comme elle l'espérait, il s'y trouvait un grand plateau en étain où reposait son repas. Un potage fumant, des légumes frais, un poisson baignant dans une sauce dorée ainsi qu'une petite assiette de fromages. La jeune fille dîna donc dans la chambre, soulagée d'avoir repoussé le moment où elle aurait à sortir. Car elle allait sortir, elle le savait : sa curiosité était trop forte. Toutefois, elle avait beau se raisonner, se dire que ce soir-là n'avait rien de plus que les autres soirs, il lui semblait évident que quelque chose de différent était en train de se tisser, en dehors de ce qu'elle avait prévu, en dehors de tous les scénarios qu'elle avait imaginés.
Soudain, les battants de son armoire s'ouvrirent dans un craquement.
Le souffle coupé par la surprise, elle contempla avec stupéfaction une étoffe scintillante s'extraire de l'armoire pour s'évanouir gracieusement sur le tapis. La jeune fille souleva cet amas de tissu et comprit que c'était une robe. Le tulle sombre qui recouvrait la jupe était recouvert de broderies et de dentelles finement découpées. On aurait dit la robe de bal d'une princesse. Sans vraiment réfléchir, Alicia la passa par-dessus sa chemisette. Elle se décida enfin à sortir de sa tanière. D'un pas incertain, elle traversa le couloir morne pour rejoindre l'escalier, aussi glacé et ténébreux qu'une cave. À ce moment, une douce musique tinta dans ses oreilles. Cette musique, d'après le chat, la guiderait jusqu'à l'improbable « théâtre ».
Alicia gravit donc les marches avec une légère fébrilité, ébahie à l'idée que le petit manoir ne lui ait pas encore livré tous ses secrets. Arrivée face au couloir, plongé dans la pénombre bleutée, elle fronça les sourcils : la musique semblait venir du dehors. En se tournant, elle vit un immense rideau de couleur pourpre qui pendait lourdement sur le sol et qu'elle avait toujours pris pour une décoration murale. Mais l'air frais qui s'échappait du rideau et le son distinct du piano lui firent réaliser qu'elle s'était trompée. Ses mains s'aventurèrent alors dans cette cascade de velours rouge qui s'entrouvrit au centre pour offrir à la jeune fille un spectacle merveilleux : elle se trouvait sur un grand plateau de pierres claires qui avançait dans le vide, sans garde-corps. Seuls les côtés étaient dentelés de balustres effondrées. C'était l'étrange balcon que l'on pouvait apercevoir depuis l'extérieur. Il s'accrochait à la maison par l'intermédiaire de la tour qui formait une grande alcôve, couverte des mêmes tentures pourpres de l'entrée. Seulement, vu d'en bas, cet endroit lui avait paru beaucoup plus petit.
À droite, au pied d'une des tentures, Owen jouait un air qui ressemblait étrangement à la Sonate au clair de lune, penché sur un magnifique piano de concert. Il lui tournait le dos, complètement insensible aux éléments extérieurs.
Alicia s'approcha timidement de lui et ses souliers en velours émirent un léger frottement. À ce bruit, le comte se redressa en tapant un coup sec sur le clavier. Il éloigna lentement ses mains des touches assassines.
– Owen...
La petite voix embarrassée d'Alicia sembla le réveiller, car il tourna aussitôt la tête et se leva d'un bond. Un fois face à elle, il chancela légèrement sur ses pieds :
– Oh, bonsoir. Je ne m'attendais pas à vous voir, Alicia. Mais c'est sûrement Belzébuth qui vous...
Il s'arrêta un moment pour l'observer :
– Vous êtes... éblouissante.
Alicia leva les yeux au ciel mais ses joues étaient plus rouges que d'habitude.
– C'est ici, le théâtre ?
– Ici même ! Surprenant, n'est-ce pas ?
Tout en parlant il avança souplement vers le centre du balcon en écartant les bras et tournant sur lui-même de manière à lui présenter l'endroit. Il avait récupéré toute son assurance de prestidigitateur :
– Voyez-vous, continua-t-il, la charmante fleur que vous avez découverte ce matin a fait émerger de multiples souvenirs à la surface de ma mémoire. Des réminiscences de jours heureux et insouciants que je croyais pour toujours plongés dans le fleuve de l'oubli... Je me suis donc rappelé les soirs où je recevais un peu de beau monde et que ce lieu se transformait en salle de bal. Il y avait ici toutes sortes d'animations : musiciens, artistes, comédiens, illusionnistes !
Il s'interrompit, donnant l'impression de se perdre dans le chaos de ses souvenirs. Soudain, il retourna s'asseoir au piano pour y jouer une musique languissante, à peine audible.
– Il y avait également ce piano sur lequel je jouais, très mal d'ailleurs... je jouais quelques airs à la mode pour amuser des amis ou des... (il n'osa pas terminer sa phrase). Ce sont, je crois, les gens qui ont baptisé ce lieu « le théâtre » ! Il s'est toujours appelé ainsi, c'était une sorte d'évidence. Malheureusement, les lieux de fête deviennent terriblement lugubres une fois abandonnés. Quand j'ai perdu mon visage, j'ai complètement délaissé cet endroit... Jusqu'à ce soir où j'ai eu envie de faire revivre ces spectres du passé.
« Dansez maintenant ! », sembla murmurer le comte au fil de ses accords.
Alicia perdit son regard dans les profondeurs du paysage qui se déployait devant elle. Le balcon dominait secrètement une forêt couverte d'une neige sombre ayant pour limites des montagnes lointaines, plus sombres encore. Et juste devant, la lune, unique projecteur qui inondait chaque recoin d'une lumière fascinante et romanesque.
– Mais j'aurais besoin d'une cavalière pour m'aider à reconstituer mes souvenirs.
La jeune fille mit un certain temps avant de saisir l'invitation du comte, tant elle était absorbée par la vue sur la forêt glacée que la nuit claire rendait phosphorescente. Owen se tenait devant elle, la tête légèrement inclinée en attente d'une réponse. Il avait troqué ses habits de tous les jours, élégants, mais un peu poussiéreux, contre une tenue de soirée qui lui rappela celle qu'il portait le jour de leur rencontre. Sur son gilet rutilant, des motifs fleurissaient au rythme de ses mouvements puis s'évanouissaient aussitôt. Ça et là, des rangées de boutons dorés scintillaient comme des étoiles et dialoguaient avec les perles qui constellaient la robe d'Alicia.
Elle déglutit. La main que tendait le comte lui paraissait aussi irrésistible et effrayante que la porte de la pièce interdite.
– Je peux danser tout seul, ajouta-t-il, mais cela risque d'être un peu moins convaincant.
Elle s'appuya sur lui :
– Bon, je veux bien me dévouer.
Ils esquissèrent quelques pas de valse timides en se laissant bercer par le son du piano. Le piano ?
Les touches d'ivoire s'actionnaient toujours, mais sous la seule pression de l'air, comme si un musicien invisible avait remplacé Owen.
– Je crois qu'il n'a pas besoin de moi, remarqua-t-il.
Et il la fit tourner sur elle-même avec une aisance surprenante.
– Pas mal, concéda Alicia.
– J'ai une excellente cavalière.
Tout d'un coup, l'atmosphère qui les entourait bascula. Surprise, Alicia reconnut le son d'une harpe enchanteresse, suivie d'un violoncelle tourmenté. Puis ce fut tout un orchestre imaginaire qui retentit pour prolonger la danse. Enfin, elle crut entendre comme une rumeur, des silhouettes diaprées d'ombre et de lumières commencèrent à tourner tout autour d'eux. Sa vision se dédoublait. Par-dessus le balcon calme et ténébreux, une foule chatoyante envahissait l'espace. Le torrent musical déversait ses vibrations frénétiques dans ses oreilles, se propageait dans toute sa tête, ricochait entre ses tempes. À mesure qu'elle virevoltait, l'illusion se précisait : elle entendait les murmures, les frottements des robes, les cliquetis des bijoux et des verres en cristal.
La jeune fille se laissa envouter par ces danseurs fantômes. En équilibre sur les pointes, elle faillit s'emmêler les pieds plusieurs fois. Mais son cavalier ne perdait pas le rythme. Il l'entraînait avec nonchalance, sans jamais se fatiguer. L'euphorie avait complètement remplacé l'appréhension du premier contact. Aurait-elle imaginé, il y a quelques jours seulement, qu'elle partagerait une danse avec le comte de la Luna ? Elle lui adressa un sourire timide mais radieux.
Finalement, l'illusion s'évapora et ils ralentirent peu à peu leurs pas. À bout de souffle, l'apprentie danseuse leva les yeux vers Owen et se sentit secouée par un drôle de vertige. Le piano concluait sa mélodie par des notes cristallines. L'histoire du magicien maudit lui revint en mémoire. Si elle avait été à la place de Rosa ou Dahlia, les choses auraient peut-être été différentes. Mais elle n'était qu'une figurante dans ce monde. Tout juste là pour casser la magie. Et pourtant, si seulement elle avait un pouvoir... Peut-être qu'après tout, elle en avait un. Sa respiration haletante se mêlait aux battements anarchiques de son cœur. Sans réfléchir, elle s'éleva sur la pointe des pieds, approcha ses lèvres de la figure vide et glacée du comte puis...
Quand elle réalisa ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle s'arrêta net.
Le comte, lui, n'avait pas esquissé un mouvement, pas dit un seul mot. Il semblait abasourdi. Alicia porta une main contre sa bouche en bredouillant des excuses. Des flèches de glace criblèrent sa poitrine. Alors, faute de pouvoir disparaître, elle s'enfuit en courant.
Dans un coin de pénombre, la grimace victorieuse de Belzébuth lui lança :
– Où fuyez-vous encore comme ça ?!
La phrase du chat se répercutait en échos infinis et moqueurs tandis qu'Alicia écrasait ses oreilles pour lui échapper. Peine perdue : la voix était partout.
Encore étourdie par la danse, elle regagna sa chambre avant de s'y enfermer en reniflant. Sa robe se dénoua aussitôt pour glisser sur le sol. C'est à peine si elle s'en aperçut. Son corps entier tremblait sous les coups effrénés d'un gong invisible qui la privait de tout repère.
Elle se laissa tomber, face contre les draps. Le grand lit de princesse rebondit dans un hurlement de ressors à lui vriller les entrailles.
Pourquoi ? Mais pourquoi est-ce qu'elle avait fait ça ? Elle pensait peut-être qu'Owen allait se transformer en prince charmant, ou ce genre de choses qu'on lit dans les contes de fées ?
Elle n'avait jamais eu aussi honte de toute sa vie.
Et en même temps...
Cette confusion qui l'étreignait encore et toujours quand il était là. Ce pêle-mêle ahurissant et labyrinthique d'admiration, d'exaspération, de tendresse, de curiosité et de fierté mal placée qu'elle éprouvait à chacun de leurs échanges. Est-ce qu'elle n'avait pas passé son temps à se mentir à elle-même ? Ce qu'elle ressentait, est-ce que c'était... de l'attirance ?
– Oh non. Non, non, non, non, c'est du délire. Tu nages en plein syndrome de Stockholm, ma vieille.
« Syndrome de Stockholm, tu parles ! T'étais mordue dès le premier jour où tu l'as dessiné », nargua la petite voix dans sa tête.
Alicia se couvrit les oreilles avec un oreiller. Peine perdue.
Si seulement le Livre avait été là ! Elle aurait pu lui parler, lui demander conseil !
Le crâne d'Alicia prenait l'eau de toute part quand elle entendit quelqu'un frapper à la porte. Trois coups hésitants, presque craintifs. Elle sentit son cœur gonfler comme une éponge puis se serrer convulsivement. Owen se mit à l'appeler.
Son premier réflexe fut de faire la morte. Peut-être qu'il allait finir par se décourager. Pourtant, sa voix était à la fois si douce et si pressante qu'elle finit par céder. Elle ouvrit sans dire un mot, la tête baissée, comme toujours. Cette fois, Owen n'eut aucun scrupule à lui relever le menton :
– Regardez-moi.
Alicia détourna immédiatement le visage.
– Quoi ? Je vous ai dégoutée à ce point ?
Ce ton direct la fit grimacer.
– Owen, je préfèrerais me reposer et vous parler plus tard...
– J'ai quelque chose à vous montrer, c'est important !
Sa voix avait légèrement déraillé.
Alicia releva la tête. Pendant un moment terriblement long, elle maintint son regard résolument fixé sur le comte que les flammes des chandeliers éclairaient d'une lumière tourmentée. Toute la pellicule de ces dernières minutes défila dans sa tête, de l'invitation manquée jusqu'au moment où ses lèvres avaient frôlé le visage de cire.
Le comte sembla satisfait. Il articula d'une voix douce et pour la première fois dénuée de tout sarcasme :
– Vous pouvez fermer les yeux.
Comme elle fronçait les sourcils, il la rassura en posant une main sur son épaule :
– Si vous voulez que je retire mon masque, faite-le.
Sans hésiter davantage, la jeune fille se plongea dans les ténèbres, tenant son corps et ses sens éveillés, anticipant le moindre contact. Être en suspension dans le vide ne l'aurait pas autant troublée, et Alicia crut que son cœur allait éclater quand elle entendit murmurer près de son oreille :
– N'ouvrez les yeux sous aucun prétexte...
Immédiatement, une main froide saisit la sienne pour la porter dans les airs, de plus en plus haut. Cette traversée sembla durer une éternité. Soudain, Alicia sentit comme une plume s'étendre sous la pulpe de ses doigts, puis la plume se mit à trembler pour devenir une aile de papillon... des paupières... repoussés, les doigts se cognèrent contre un récif anguleux... un nez... glissèrent tout au bord d'une cavité dont ils suivirent le contour avant de sentir un souffle chaud qui les déracina brusquement de cette surface étrange, organique. Son visage. C'était son visage !
Alicia ouvrit les yeux. Le visage disparut aussitôt.
Owen n'avait pas relâché ses doigts. Il les serrait de plus en plus fort, les compressait dans l'étau de sa main.
– Il est temps, murmura-t-il.
Et avant qu'elle ne réplique quoi que ce soit, il se dirigea vers son armoire, s'empara d'une grande pelisse doublée de fourrure et la lui lança d'une voix déterminée :
« Tenez, couvrez-vous et suivez-moi. »
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Très horrifique journée à toi qui t'es aventuré.e jusqu'ici ! Merci pour ta lecture, j'espère que tu as autant apprécié lire ce chapitre que j'ai apprécié l'écrire ! 🎶🌙🪄
Pour la petite anecdote, la scène de la danse est la TOUTE PREMIÈRE scène que j'ai imaginée. Et à la base... c'était un dessin ! Oui, j'ai écrit Le Conte de la Luna à partir d'un dessin que j'ai fait quand j'étais au lycée il y a fort longtemps...
Et toi, est-ce que tu as des anecdotes sur la genèse d'un de tes romans ?
À venir : publication du prochain chapitre le 14 février, histoire d'avoir un peu de réconfort en cet affreux jour guimauvesque. 🥀
Macabrement vôtre.
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