33 : Bas les masques, Owen !

Alicia tapota sur un chandelier qui s'alluma aussitôt. Ses doigts teintés de rouge et de noir laissèrent une trace poudreuse sur le métal doré. C'étaient les couleurs des masques de djinn qu'elle avait voulu dessiner de mémoire. Mais à peine avait-elle esquissé quelques traits qu'elle s'était aussitôt empressée de tout recouvrir, insatisfaite et découragée par l'allure de son esquisse. Elle repensa aux mots d'Owen dans la bibliothèque : « Mes pouvoirs ne servent qu'à détruire. »

Elle avait vivement méprisé son défaitisme, mais depuis combien de temps n'avait-elle pas produit quelque chose de bon, elle ?

Elle souffla d'un coup sur la feuille rugueuse et fit s'envoler le surplus de pastel qui s'éparpilla dans l'air comme de la poussière de fée. Elle regrettait un peu de ne pas avoir avec elle le magnifique carnet que lui avait offert le bibliothécaire. Ce carnet lui semblait plus propice à l'inspiration. D'ailleurs, ses premières rencontres fantastiques y étaient consignées. Quand elle rentrerait chez elle (car elle rentrerait), elle pourrait peut-être le publier, à la manière d'un carnet de voyage. Qui sait, peut-être qu'elle aurait du succès ! Elle soupira : encore faudrait-il qu'elle puisse enchainer deux traits sans les recouvrir de ratures.

En repassant son doigt sur le contour à moitié effacé d'une mâchoire acérée, elle réalisa soudain qu'elle venait d'échapper à la mort. Pourquoi était-elle aussi peu effrayée ? Dès le danger dissipé, le frisson de l'aventure avait pris le dessus. Peut-être qu'elle commençait un peu trop à s'habituer aux règles de cette Contrée...

*

Le lendemain matin, un regard distrait vers la fenêtre lui fit surprendre un spectacle éblouissant. Le jardin sordide avait été comme effacé, enseveli sous une couche de lumière et de poudre adamantine. Alicia se jeta sur un carreau de la vitre troublé par la buée qu'elle effaça d'un coup de manche. La neige était tombée pendant toute la nuit et continuait encore à se déverser dehors en monceaux de flocons si gros qu'on aurait dit des plumes blanches qui se décrochaient du ciel.

Le visage d'Alicia se fendit d'un sourire malicieux. Elle enfila une grande cape en laine et une paire de bottines faites d'une sorte de vinyle rouge. Que ces chaussures eussent pu appartenir à feu la princesse Dahlia n'était pas exclu, mais elle préféra oblitérer ce détail.

Au moment de sortir, une brise glacée qui transportait des effluves de sève et de pomme de pin vint chatouiller ses joues. La forêt semblait la saluer. Quand elle s'avança, elle dut faire bien attention à l'endroit où elle posait les pieds, les dernières marches verglacées du perron étaient complètement noyées sous la neige.

Devant elle, le sol se montrait encore pur de toute trace. Pendant un moment, elle admira les contours blancs et parfaitement lisses du jardin sans oser les abîmer de ses pas. La neige s'accrochait partout, s'amoncelait sans fin sur les arbres jusqu'aux plus fragiles ramifications. Quelquefois, on entendait craquer leurs pauvres branches chargées tels des haltérophiles tremblants de tous leur membres.

Alicia jeta un regard autour d'elle, le ciel semblait incroyablement bas ; il formait une voute pesante, presque irréelle. Finalement, elle s'aventura sur le tapis de flocons qui s'effondra sous les semelles de ses chaussures. Après avoir déployé sa large capuche, elle vagabonda dans le jardin, recueillant dans ses mains les cristaux aux diverses formes étoilées qui tombaient du ciel. À la fin, elle s'agenouilla sans se soucier de sa cape et s'amusa à creuser des volutes sur le sol. Le silence sourd du jardin lui semblait encore plus silencieux et la course du temps était, comme les gouttes d'eau qui tombaient des nuages, figée par le froid. Elle resta longtemps ainsi, à plonger ses doigts rougis dans la glace. Puis, alors que sa main découvrait la terre à un endroit, ses yeux se posèrent sur une prodigieuse perle, suspendue comme une larme de lait à une tige d'un vert éblouissant. Elle se pencha et comprit que c'était un perce-neige, la première fleur qu'elle voyait pousser à la Luna. Partagée entre curiosité et fascination, elle effleura du bout des doigts les pétales satinés. L'idée lui vint de partager sa trouvaille avec le comte. Il le méritait après tout : malgré son comportement de tyran, il lui avait sauvé la vie. Elle se précipita vers le manoir en l'appelant sans reprendre son souffle. Aussitôt, des pas retentissants dévalèrent l'escalier.

– Qu'y a-t-il ? fit Owen, d'une voix tremblante.

– Venez voir !

– Il neige, je sais, répondit-il, vexé de s'être inquiété pour rien.

Alicia secoua la tête et plongea impatiemment vers lui pour le tirer par le bras.

– Oh, arrêtez de grogner et venez dehors, j'ai une surprise pour vous !

Intimidé, le comte bredouilla en vain quelques mots puis se laissa docilement entraîner par Alicia qui ne pouvait se retenir de rire.

– Allez !

La chute des flocons s'était fortement ralentie, déposant sur leurs vêtements quelques grains de glace qui fondaient immédiatement. Elle retrouva la fleur qui était au pied d'un petit banc rouillé, près d'une allée d'arbres et de buissons nus.

Partout ailleurs, cette frêle pousse n'aurait formé qu'un détail infime, foulé par des pieds indifférents, mais ici, elle était un spectacle inouï, particulièrement pour le comte. Ce dernier tomba sur ses genoux et se courba pour mieux voir le perce-neige.

– C'est incroyable.

Un instant, il faillit le toucher en approchant une main frissonnante, mais il se ravisa mystérieusement et enfonça ses doigts crispés dans la neige. Peut-être pensait-il qu'un simple contact suffirait pour le faner.

– Vous y êtes sûrement pour quelque chose...

Alicia regarda le perce-neige qui semblait leur murmurer que tout était possible.

– Je vous dois une faveur, en échange de cette belle surprise.

Le comte s'était levé et invitait la jeune fille à le suivre. Ils firent donc quelques pas vers un coin du jardin qu'elle connaissait bien, la façade nord. Là, se dressait le sombre puits, enchaîné par des filets de ronces qui l'obstruaient complètement. À sa vue, Alicia ressentit une légère appréhension, mais le comte semblait paisible. D'un geste nonchalant, il fit se rétracter les ronces.

– Amusez-vous.

*

Comme Alicia n'osait pas bouger, il ajouta malicieusement :

– Je vous attends sous l'orme. Ne tardez pas trop.

Alicia prit une grande inspiration et posa ses coudes sur le rebord de pierre...

À peine quelques secondes plus tard, des bribes de conversation traversèrent le vortex invisible du puits. D'abord chaotiquement agglutinées dans une bouillie d'échos et de réverbérations, puis de plus en plus précises et intelligibles.

Depuis le début, je disais que cette gamine avait un problème. Elle a toujours été un peu faiblarde, pas très réveillée, si vous voulez mon avis. À mon époque, les enfants, on les laissait pas enfermés dans leur chambre à regarder des dessins animés japonais ou surfer sur l'internet. Nous, on jouait dans la nature, on construisait des cabanes dans les arbres et, parfois, on aidait même les adultes à travailler. Ça, ça dégourdit, ça forge la santé.

« Merci pour le conseil, grand-père. »

Si tu savais. J'ai trouvé des dessins dans sa chambre, des horreurs. Moi, je suis persuadée que les médecins me cachent des choses : je pense qu'elle n'allait pas bien du tout et qu'elle a tenté de... enfin, quand elle sera guérie, il faudra lui enlever toutes ses bêtises de la tête. J'ai déjà contacté un psy.

– Les enfants, venez, si vous restez trop dans votre chambre vous allez finir comme tata Alicia.

« Moi aussi je vous aime. », ponctua Alicia, les mâchoires serrées.

Il avait fallu peu de temps avant que les masques tombent et que les langues se délient.

Sans surprise. Au moins ses amis étaient-ils plus tolérants.

– Des nouvelles de la sorcière ?

Quoi ?

Alicia retira sa main du rebord de pierre comme s'il était couvert de venin mortel.

Ce sobriquet venait d'être lancé par une de ses camarades de classe.

Elle est pas morte ?

Une voix toute minaude prit le relai :

Mais non, imbécile, elle est dans le coma.

C'était une de ses plus proches amies.

En même temps, objecta un troisième camarade, ça change pas beaucoup de d'habitude. On la voyait jamais.

C'est clair. Trop bizarre cette meuf.

T'exagères, je l'aimais bien, moi.

Ouais, c'est pas sympa de parler d'elle comme ça.

T'imagines, elle meurt et elle revient nous hanter ? BOUUH !

Ah ! Ah ! Arrête, t'es con...

Alicia fixait le vide. On aurait dit une marionnette sans âme, un automate aux circuits disjonctés.

Je ne suis qu'une idiote.

Honte, tristesse et révolte se battaient pour avoir le contrôle de son cerveau, en vain.

Tout le monde se fiche complètement de moi.

Ce puits n'était d'aucune utilité en fin de compte. Elle poussa un long et douloureux soupir qui ne parvint pas à soulever la pierre tombale étalée sur son cœur.

Ses jambes commencèrent à se déplier quand une voix inattendue perça la pénombre du puits.

Elle retint son souffle pour s'assurer qu'elle la reconnaissait.

Oui. C'était bien lui, le jeune homme de la cafétéria avec qui elle avait partagé une idylle naïve mais à peine cicatrisée. Et ce qu'il disait retint toute son attention. C'étaient des balbutiements de sentiments qu'elle avait toujours espéré entendre et qui arrivaient finalement, un peu tard :

Tu comprends, j'avais peur de lui parler mais avec le recul, je regrette... J'aimais bien son côté bizarre, moi. Quand on était ensemble, c'était cool. Et tu vois, je me rends compte que... je sais pas, j'ai l'impression qu'au fond je ressens toujours quelque chose pour...

Un rire sardonique ricocha tout autour du puits tandis que les ronces se refermaient comme un nœud de vipères.

– Qu'est-ce que vous faites ?!

La silhouette du comte se détachait en noir et blanc derrière la chevelure givrée de l'orme. Ses grandes épaules triangulaires avachies contre le tronc, il massait sa tempe pour simuler une migraine :

– J'épargne à vos délicates oreilles les fadaises dégoulinantes de cet illettré...

– Je rêve ! Vous étiez en train d'écouter ?

– Je vous conseille simplement de ne pas donner trop de crédit à ce genre d'éloge funèbre. Vos amis pensent que vous ne reviendrez jamais ; ils sont donc prêts à dire n'importe quoi pour se donner bonne conscience.

– Et en quoi ça vous regarde ? Fichez-moi la paix !

Alicia se jeta avec fureur sur le puits, écorchant ses mains dans les barbelés de ronces qu'elle essaya de dégager sans succès. Exaspéré, le comte la tira sèchement en arrière.

– Arrêtez ça ! Ce puits va finir par vous faire perdre la raison ! Je sais ce que je dis...

Il essaya de la retenir mais elle se débattait si férocement qu'il fut contraint de la lâcher.

– Oh ! et puis allez au diable ! Après tout, ce n'est pas mon problème !

Alicia n'avait pas l'intention d'aller au diable. Elle se calma brusquement, laissant monter et descendre sa poitrine pour apaiser une respiration chaotique. Deux filets de sang coulaient sur ses bras meurtris qu'elle sentait à peine tant elle bouillonnait. Immobile, elle se contentait de fixer le comte, comme pour l'obliger à se rappeler son absence de visage. Malgré cette attitude féroce, ses pupilles semblaient trembler, noyées sous un voile de tristesse.

– Ce n'est pas votre problème, évidemment.

Elle tourna un instant son regard vers le puits :

– Il ne doit déjà plus parler de moi. Vous êtes content ? Ah ! Vous m'avez laissée écouter quand je m'en suis pris plein la tête. Les fadaises de mes amis ne vous dérangeaient pas, là ! J'avais réussi à trouver un peu de réconfort et vous... vous me... Mais je sais pourquoi ! En fait, vous ne supportez pas de voir des gens s'aimer, n'est-ce pas ? Ça vous rappelle cette triste vérité qui est que PERSONNE au monde ne se soucie de votre existence ! Eh oui, personne ne parle de vous quand vous vous penchez par-dessus ce puits, Owen. Et c'est bien mérité ! Parce qu'il n'y a que VOUS qui vous intéresse. Vous et tout ce qui tourne autour de votre visage !

Alicia sentit le regard invisible du magicien maudit se planter dans le sien et, comme à chaque fois, elle ne put s'empêcher d'être parcourue par un désagréable frisson. Elle attendait qu'il lui retourne la balle avec une de ses répliques ironiques et horripilantes dont il avait le secret. Mais non, il resta complètement muet. C'était comme s'il s'était arrêté fixement sur une pensée en ignorant tout le reste. Même les plus cassants reproches d'Alicia paraissaient l'avoir laissé de glace. Qu'est-ce qui avait pu provoquer cela ?

La jeune fille traça un demi-cercle sur la neige avec la pointe de son pied.

– Il faut m'expliquer, maintenant, m'expliquer pourquoi vous me retenez ici.

Comme le comte s'accrochait à son mutisme, elle le regarda encore plus intensément :

– Vous savez très bien que vous gagnerez à me le dire.

Cette supposition tâtonnante eut plus de portée qu'elle n'espérait. Owen redressa vivement la tête et demanda d'une voix étouffée :

– Vous savez ?

Son pouls s'emballa sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle avait terriblement froid tout à coup.

– Non, vous bluffez, trancha-t-il, vous êtes vous-même bien trop égoïste pour apercevoir la réponse.

Alicia se figea. Des flocons s'accrochaient à ses cheveux en bataille et piquaient ses joues mais elle ne les sentait plus. Elle observait le comte lui tourner le dos sous le regard pesant des statues érodées par la mousse. Elle aurait pu se prendre elle-même pour une de ces statues si son cœur ne battait pas aussi fort.

– J'ai lu votre histoire.

L'écho de sa voix se brisa sur le magicien qui se pétrifia à son tour.

– Je sais la condition pour rompre la malédiction. Mais c'est comme si vous l'ignoriez et... et vous vous acharnez encore à penser que je peux faire quelque chose pour vous. Mais je n'ai aucun pouvoir, vous l'avez bien vu !

Ses lèvres laissèrent échapper un filet de voix presque inaudible :

« Je ne suis... qu'une incapable. »

Elle le vit serrer le poing dans un spasme incontrôlable. Puis il balança sa tête en arrière pour détendre ses cervicales courbaturées par le froid et la nervosité.

– Cette fameuse condition, siffla-t-il entre ses dents, n'est qu'un mensonge de la sorcière pour me torturer. J'y ai cru et cela m'a fait perdre dix ans de mon existence.

Il pivota sur ses pieds, le dos droit et le port de tête altier d'un prince.

– La magie peut être anéantie par la connaissance, la logique et la science. Et vous, grâce à votre singularité, vous pouvez m'y aider.

– Mais je ne sais pas quoi faire pour vous aider ! Je ne sers à rien ici !

Owen se rapprocha lentement, abaissant la voix à chaque pas.

– Vous n'avez rien à faire. Vous portez en vous l'anti-magie naturelle de votre monde.

Il la frôlait à présent. Alicia n'osait pas le regarder d'aussi près. Elle courba la nuque et laissa ses cheveux tomber en rideau devant ses yeux. Le comte esquissa un mouvement timide pour lui dégager le visage mais la jeune fille se recula d'un bond protecteur.

Les entrailles de la forêt poussèrent un long gémissement. Owen replia aussitôt sa main, de la même manière qu'il l'avait fait pour le perce-neige.

– Votre simple présence, ajouta-t-il calmement, diminue ma malédiction. Vous pouvez le constater par vous-même : les fleurs repoussent, le temps poursuit son cours et j'arrive même à dormir sans me transformer en bête sanguinaire.

Il retint son souffle avant de conclure dans un murmure :

– Vous me guérissez.

Alicia sentit un nœud de ronces s'enrouler autour de son cœur et le serrer de plus en plus fort, jusqu'à l'écorcher. Anti-magique. Ce n'était donc pas une blague.

Elle releva brusquement la tête :

– Mais pourquoi dois-je forcément être prisonnière ?

À son tour, le comte eut un imperceptible mouvement de recul. Pourtant, il se ravisa et déclara abruptement :

– Si vous partez, vous ne pourrez plus jamais revenir.

La jeune fille cligna des yeux, aussi effrayée qu'incrédule.

C'était

donc

ça.

La voix lointaine du comte de la Luna continuait de lui jouer une partition qui n'avait rien d'une sérénade : « Quand vous êtes venue ce fameux soir, juste avant l'incident avec Dahlia, j'allais vous dire quelque chose. Mais tout ne s'est pas déroulé comme prévu. Il se trouve que, la veille, le Passeur m'avait rendu une petite visite pour m'annoncer que son portail venait d'être fermé.

Il laissa à Alicia quelques secondes pour encaisser la nouvelle, puis ajouta :

« En d'autres termes, vous pouviez rentrer chez vous, mais vous n'auriez plus jamais retrouvé le chemin vers mon monde. Ce soir-là, je m'apprêtais donc à vous faire mes adieux mais, après réflexion, je me suis ravisé. »

Quelle morgue !

– Tout s'explique, ironisa-t-elle.

– Eh oui ! Maintenant vous comprenez mieux pourquoi je vous ai retenue (il toussota) prisonnière, comme vous dites.

Alicia hocha la tête, un sourire amer au coin des lèvres :

– Effectivement. Difficile de se résoudre à laisser partir la seule personne qui pouvait vous aider à retrouver une vie normale.

À ces mots, le comte éclata d'un rire satisfait qui s'évanouit brusquement :

– Vous l'avez dit vous-même : je ne me soucie que de moi et de ce qui tourne autour de mon visage !

Sur ces mots, il la gratifia de cette révérence volontairement ridicule dont il était passé maître en la matière avant de s'esquiver, laissant Alicia se débrouiller seule avec cette révélation.

Un incompréhensible sentiment de déception acheva d'égratigner son cœur à vif. Tout ce mystère pour de la lâcheté. Il aurait pu lui parler au lieu de la traiter comme une ennemie ! Ils auraient pu trouver un terrain d'entente, éviter cette guerre froide ridicule. Mais non, il avait fallu que cette tête de bourrique de comte s'enferme dans sa paranoïa. Alicia observa la silhouette svelte et dégingandée du magicien trébucher sur la glace.

Bien fait !

Elle soupira. Pourquoi ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à lui en vouloir ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top