Chapitre 26 [2/2] ~ Le Syndrome du Primitif

- Précédemment - 

     Noà gémit en silence, ravala les pleurs ardents que son cœur tentait de déverser. Le simple fait d'imaginer Töm l'accablait de désespoir. Il devait se sentir tellement seul. Tellement terrifié.

— Je ne suis pas exactement une Lumière, reprit le drakkien. Je porte en moi le gène récessif des véritables descendants d'Adràzyde. Une maladie qui ne touche qu'une partie infime de notre espèce... mais qui s'avère être la seule chose qui me maintient en vie.

— Je... je ne comprends rien, déclara Noà.

     Kalyö se redressa et le força à le regarder.

— Je suis un Primitif, capable de contrôler les six éléments... ainsi que celui d'Adràzyde. Mes yeux changent de couleur en fonction de celui que j'invoque.

— Mais... pourquoi cacherais-tu cette particularité ?

— Parce qu'Iryanä a raison depuis le début, admit Kalyö. En plus des vers de la prophétie à acquérir, Arkalax recherche bel et bien à décimer les Lumières. Sa première extinction a eu lieu après la naissance d'Adràzyde. Sa deuxième par Glawar Hyr'gor, à l'issue de la guerre. Ne crois-tu pas qu'il a réfléchi à cette erreur, cette fois ? Le génocide de notre peuple lui permettrait de détruire la seule chose capable de le vaincre.

— Comment tu peux savoir tout ça ? Tu n'as aucune preuve sur ce que tu insinues, rien ne prouve que l'Ombre cherche à s'en prendre à eux !

— « Augure mythique, héritier du Présage, dont les murmures ont traversé les âges. Aie connaissance de cette nouvelle ère, préludant la résurgence des Lumières », annonça Kalyö, et Noà comprit qu'il récitait les vers de la Grande Prophétie. Les Lumières ont disparu après le conflit les opposant à Arkalax. Elles vivent cachées dans la terreur depuis plus de deux cent trente ans, mais certaines ressurgissent, volontairement ou non. Stelleüm est l'un des seuls, si ce n'est le seul à avoir revendiqué sa nature sans crainte des représailles. Les autres vivaient sur Drakkä dans la plus grande discrétion. Il fut un temps où être une Lumière te conférait un statut légendaire, presque divin. Aujourd'hui, ce n'est rien d'autre qu'un fardeau...

— Tu as passé ta vie en dissimulant ta véritable nature, souffla Noà, abasourdi. Tu avais juste à te faire connaître sous un élément et le garder à chaque fois que tu te retrouvais en communauté...

— Pas tout à fait, avoua le drakkien. Les Primitifs naissent avec un élément prédominant. Le mien était celui de Tellüs. J'ai appris à décider lequel je souhaite utiliser, et le changement s'applique aussitôt.

     Suite à ces paroles, Kalyö ferma les yeux. Il se tint immobile pendant quelques secondes, puis les rouvrit. Une tempête foudroyante éclatait désormais derrière ses prunelles métalliques. Un bleu orageux aussi profond que celui de Noà.

— Par tous les dieux... balbutia le xomythois.

— Tu comprends, maintenant ? Si le monde apprend que je suis une Lumière, si cette information parvient jusqu'à Arkalax, je ne donne pas cher de ma peau.

     Noà acquiesça, calmé, mais exténué par la tournure que prenaient les événements.

— Tu... Adràzyde est ton ancêtre, alors ?

— Oui. Et un cousin éloigné de Stelleüm ou Iryanä, si on prend en compte le fait que toutes les Lumières descendent d'elle.

— Et les disparus de Drakkä ?

     Kalyö grimaça.

— Garyä, l'héritière directe au trône. Vàloh, l'ancien commandant du quatrième escadron. Râgnar, à peine âgé de dix ans. Zénaë... ma petite-amie et dernière disparue recensée. Oui, tous étaient des Lumières ou des Primitifs.

— Comment Arkalax pouvait savoir qu'ils étaient des Primitifs s'ils vivaient cachés sous leur élément prédominant ?

     Noà se remémora avant d'avoir terminé sa phrase. Tout convergeait vers ce même problème.

— L'espion... le traître.

— Oui, confirma le drakkien. Garyä était une Primitive de Glace mais, en tant que princesse, n'a pas pu cacher sa particularité longtemps. Zénaë a muté devant moi, quelques tours avant sa disparition...

Muté ?

— Le gène que portent les Primitifs peut s'activer à n'importe quel âge et à n'importe quel moment dans la vie d'un élémentaire. Des légendes affirment que certains mouraient avec le syndrome en eux, sans qu'il ne se soit déclenché. On raconte qu'il a plus de chances d'opérer lorsque le porteur subit un puissant choc émotionnel. C'est ce que Zénaë a vécu le tour où elle a appris le décès de son frère. C'est ce que j'ai vécu, la veille de mes sept ans...

     Noà repensa brièvement à sa conversation avec le guerrier, pendant la quête, juste avant qu'ils arrivassent sur Errakys. Kalyö lui avait indiqué avoir déménagé sur Drakkä quand il était jeune. Il ne savait pas dans quelles circonstances, mais à entendre son récit, il était persuadé que l'activation de son gène avait un lien.

— J'ai eu une enfance très... compliquée, murmura le soldat. Une mère gravement malade, un père violent et une grande sœur qui encaissait ses coups à ma place.

     Il désigna sa joue droite, barrée de sa cicatrice qui remontait son œil en diagonale.

— Un soir, j'ai surpris mes parents se disputer. Mon père a frappé ma mère si fort que j'ai entendu l'os de son bras se déboîter. Je me souviendrai toujours de ce bruit... j'ai voulu intervenir. Il a attrapé la première chose qui lui est passée sous la main et s'en est servi pour me punir. Ma mère était sculptrice... c'est retombé sur un couteau à bois.

     Noà resta figé sur place. Tout s'enchaînait dans son esprit sans qu'il pût y mettre de l'ordre. L'enlèvement de Töm. L'existence des Primitifs. Le passé de Kalyö.

— Après ça, je ne me souviens presque plus de rien, si ce n'est une souffrance comme je n'en ai jamais connu. C'est... difficile à expliquer, mais j'avais l'impression que chaque cellule de mon corps fondait dans les flammes d'Hoxynûr, qu'on me noyait les poumons d'acide, qu'on me sectionnait les nerfs, un par un, avec un coutelas rouillé. La douleur était tellement intense que tout s'est passé au ralenti, alors qu'en réalité, selon ma sœur, ça n'a duré que quelques secondes. C'était la dernière fois que je voyais mes parents. J'ai repris connaissance sur Drakkä une lune plus tard. Mon gène Primitif s'était activé. J'ai laissé mon père pour mort sur Loréïze en le brûlant avec mon nouveau pouvoir, et ma mère s'est éteinte à cause de sa maladie pendant ma longue convalescence.

     Kalyö s'interrompit. Plongé dans ses souvenirs, il fixa un point au sol et murmura :

— Il ne restait plus qu'Élianne... étant elle-même une Primitive, elle a pris soin de moi jusqu'à ce que je sois capable de me contrôler. Après quoi, nous avons été recueillis par un couple formidable, nous nous sommes sociabilisés avec le reste du royaume et avons oublié notre passé, notre véritable nature dissimulée aux yeux de tous.

     Malgré l'immense tristesse de cette confession, Kalyö ne pleura pas. Il avait vécu tellement d'atrocités pour les déplorer que Noà en fut sidéré ne pas ressentir une once de peine dans sa voix. Sa propre situation lui semblait tout à coup si dérisoire. Une seule question traversa son esprit, qu'il ne pût se retenir de poser :

— Ta grande-sœur... où est-elle aujourd'hui ?

     Noà s'attendait à des explications toutes plus sinistres les unes que les autres. Il avait espoir qu'il ne s'agît pas de la pire d'entre elles, mais comment garder foi après la nuit qu'il venait de passer ?

— Elle est décédée deux ans après notre arrivée sur Drakkä, répondit Kalyö. Atteinte de la même maladie que ma mère...

— Je suis vraiment désolé. Pourquoi Iryanä et les autres n'en ont jamais parlé ?

— Parce qu'ils savent à quel point Élianne est importante pour moi. Sans elle, je serais déjà mort sous les coups de mon père ou consumé par mon gène récessif.

— Et ils ne savent rien de tout ça ? De ta nature ? Je veux dire... personne dans le royaume n'a jamais rien remarqué ? Tu as dû côtoyer tellement de drakkiens en tant que soldat et commandant d'escadron.

     Kalyö secoua la tête avant de répondre :

— On va dire que j'ai eu de la chance, dans mon malheur, que mon gène s'active lorsque j'étais encore jeune. Ça m'a laissé du temps pour apprendre à le contrôler... et à le cacher.

     Le xomythois observa les yeux de Kalyö prendre une teinte vermillon, puis abyssale. Le guerrier se prit la tête entre les mains.

— Je... ça m'arrive encore de devoir lutter contre lui, gémit-il. Nos émotions nous trahissent le plus souvent.

     Harassé, il reporta son attention sur Noà.

— Je vis chaque tour dans l'espoir de mettre un terme à cette guerre et de libérer les Lumières cachées sur Ustral. Tant de familles abandonnent leurs enfants ou les tuent à la naissance pour leur éviter une existence infâme. Alors, je t'en supplie, maintenant que tu sais tout : ne doute plus jamais de mes motivations.

     Noà demeura stoïque. Il hocha la tête, perdu au beau milieu d'un océan de pensées et d'interrogations. Plusieurs coups à la porte de chambre le ramenèrent à lui. Iryanä émergea dans l'embrasure.

— Androméda et mon père désirent nous parler, annonça-t-elle, avant de sourire à Kalyö. Bon retour parmi les vivants.

     Le Primitif lui rendit son geste. Il laissa Noà l'aider à se lever et, ensemble, ils se dirigèrent vers la sortie. L'élémentaire de Foudre s'arrêta juste devant la porte.

— En dépit de ce qu'il vient de se passer, sache que je comprends pourquoi tu as fait tout ça. Tu peux avoir confiance en moi, je ne dirai jamais rien à personne, promit-il. Et... merci.

     Kalyö fronça les sourcils.

— Merci de m'avoir sorti de la grotte, précisa Noà. Merci de m'avoir sauvé la vie.

***

     La nuit avait englouti le royaume et la Grand-Place, sur laquelle les survivants attendaient que leur souveraine prît la parole. Ensevelies sous des linceuls argentés, les victimes de la Guerre d'Errakys avaient été déposées au pied d'un immense bûcher funéraire. Un silence macabre serpentait dans la foule. Les visages endeuillés se mélangeaient aux regards haineux, déformés par le reflet des flammes des braseros. Un membre de leur famille reposait sous ces draps de soie ; un ustralois ayant risqué sa vie pour protéger son royaume.

     Androméda et Stelleüm se tenaient de chaque côté des rondins de bois, parfaitement amoncelés entre les corps enveloppés. Une torche en main, la reine s'avança. Sa longue robe ébène scintillait sous la lueur du feu. Ses yeux, d'un gris argile, portaient la culpabilité de chaque âme qu'elle s'apprêtait à incinérer. Noà l'observa lever la tête au ciel, puis brandir son flambeau vers son peuple.

— Ce soir, nous honorons ceux qui ont permis à Errakys de résister, annonça-t-elle. Nous saluons et glorifions un parent, un enfant, un ami.

     Son regard s'assombrit.

— La peine que je lis sur vos visages est la même que celle dont je suis accablée. J'ai eu l'audace de croire que notre stratégie militaire repousserait ces entités démoniaques avant qu'elles n'atteignent nos frontières, mais je me suis trompée. En tant que reine, j'accepte le fardeau de votre déception et je vous prie, à tous, de bien vouloir me pardonner.

     La mâchoire serrée, Noà reçut cette apologie comme un coup de sabre en plein cœur. À sa droite, Aria frissonnait, les yeux rivés sur l'elfe. Noà l'avait retrouvée quelques minutes avant le début de la cérémonie et s'était empressé – non sans mal – de lui révéler ce qu'il savait à propos de Töm. Sans doute Aria l'avait-elle pressenti, puisqu'elle s'était contentée de hocher la tête sans aucune réaction. À présent, perdus dans une foule d'inconnus, les deux xomythois prenaient conscience de ce que tout cela signifiait : Töm n'était pas là ; n'était peut-être déjà plus.

— Pour ceux qui ne le savent pas encore : Roskaï, notre Triménium, a été capturé par les serviteurs de l'Ombre, reprit Androméda. Depuis bientôt une lune, le fils de Sâtomb insuffle la peur aux ustralois les plus démunis, réduit à feu et à sang les terres qu'il sillonne.

     Elle tendit le bras vers Stelleüm, l'incitant à la rejoindre.

— Ce qu'Arkalax ignore, c'est qu'en agissant de la sorte, il a permis à deux royaumes majeurs de renforcer les liens qui les unissaient par le passé. La corrélation entre Errakys et Drakkä demeure plus puissante que jamais. Le roi Stelleüm et moi-même avons ainsi pris la décision d'envoyer, à partir de demain, des émissaires dans chaque contrée, dans chaque village et dans chaque royaume pour rallier les peuples à notre cause !

     Une clameur retentit sur la Grand-Place. Les centaures cognèrent le plat de leur épée contre leur thorax ; les elfes levèrent le poing au ciel.

— Si l'Ombre souhaite nous diviser et nous affaiblir, laissons-la assister à la plus grande unification de l'histoire d'Ustral ! tonna la reine. Envoyons-lui un message qu'elle n'est pas prête d'oublier !

     Le tumulte crût dans les rangs des survivants : des cris de guerre, des tintements métalliques, des martèlements de sabots. Androméda se dirigea vers la pile de cadavres située à la droite du bûcher et l'embrasa. Stelleüm l'imita et enflamma celle la plus à gauche.

     Des chants elfiques s'élevèrent au même titre que les flammes. Elles consumèrent le tissu des draps et la peau des victimes comme une seule et unique proie. Certains habitants s'agenouillèrent et se mirent à prier. D'autres geignirent de plus belle. Androméda, elle, joignit le pouce de sa main gauche au creux de celle de droite, puis récita une incantation que Noà ne parvint à entendre. Après quoi, elle se tourna vers une ruelle plongée dans l'obscurité et adressa un signe de tête.

     Le silence revint aussitôt lorsque résonnèrent les entraves de métal. Escortée par quatre centaures et enchaînée de la gueule aux pattes, la silhouette de Xyond apparut sous la lueur du brasier mortuaire.

     L'hybride souriait. Son pelage zébré, souillé de terre et de sang, contenait encore les traces de ses dernières victimes. Son armure lui avait été retirée. De ses poignets ruisselait une étrange substance pourpre – la même que Noà avait observé après que Juxane eût tranché la main de Tòphios.

     Des injures fusèrent de tous côtés tandis qu'on immobilisait le démon. Un guerrier plaça son énorme tête dans une fente en métal circulaire, qu'il referma par le dessus afin de le priver de la moindre échappatoire. Noà, qui ne l'avait encore jamais vu, éprouva la même sensation que lorsqu'il se trouvait face à Tòphios : une acrimonie, couplée à un irrépressible désir de le foudroyer avec son élément.

     Après s'être assurés que les chaînes de Xyond ne faillissent pas, les gardes autorisèrent Androméda et Stelleüm à approcher. L'hybride n'esquissa pas le moindre geste et laissa la reine le contempler de son air le plus écœuré. Lui-même ne dévoila pas une quelconque faiblesse. Il paraissait, au contraire, amusé, prêt à jouer avec ses bourreaux.

— Tu gagnes la confiance de tes sujets par des discours, railla-t-il de sa voix la plus rauque à l'égard de l'errakoise. C'est pathétique.

     Les yeux d'Androméda virèrent au noir.

— Dis-moi, elfe... penses-tu que ces cadavres brûlés derrière nous avaient foi en toi et en ta misérable éloquence ? Penses-tu qu'ils ont souffert quand nous leur avons ôtés la vie ?

— Tes calomnies n'ont aucun impact en ce lieu, proféra la souveraine. L'incinération est purificatrice. Ces vaillants guerriers auront l'honneur de rejoindre leurs dieux ou leurs ascendants. D'ici quelques minutes, ils festoieront ensemble, se remémoreront des souvenirs partagés.

     De toute sa grâce, Androméda s'accroupit, le regard anthracite à hauteur de celui de Xyond.

— Alors que toi... ton cadavre pourrira aux yeux de tous. Les insectes se délecteront de ta chair putréfiée. Tu dépériras sous la chaleur de Zunqèl et la nécrose de tes membres ouverts à vif. Tu souffriras tellement que, lorsque les ténèbres te renverront d'où tu viens, je serai incapable de dire aux autres si ta mort était due à la faim, à tes blessures ou à la maladie.

     L'hybride perdit son sourire à mesure que l'elfe retrouvait le sien. Un air vicieux, presque tortionnaire, distordait les traits de son visage.

— Dis-moi, démon... sais-tu que tu t'apprêtes à rejoindre Hoxynûr alors que cette guerre n'a rien apporté à ton maître ? Dans quel état va-t-il se rendre quand il réalisera que notre oracle n'a jamais été celui qu'il recherche ?

     L'hybride émit un feulement guttural. Il serra les pattes et se débattit avec véhémence.

— Je me réjouis à l'idée de retrouver notre seigneur Sâtomb, cracha-t-il. J'attendrai qu'Arkalax reprenne le contrôle d'Ustral. Et quand il me ramènera à la vie, si tu as eu l'audace de survivre jusque-là, je t'écorcherai vivante.

     Androméda se redressa, puis poussa un soupir d'exaspération.

— Tu as peur, railla-t-elle. Une créature née de l'essence de la nuit, des ombres et de la Mort... terrifiée lorsqu'elle s'y retrouve confrontée. Arkalax serait tellement déçu de toi.

     Xyond trembla de rage. Les lumières turquoise qui dansaient dans ses yeux se figèrent. De là où il se trouvait, Noà ressentait la puissance obscure émanant de son corps.

     Androméda ne devait plus perdre de temps. Il fallait qu'elle l'achevât.

— Récupérer ce vieux fou n'est pas la priorité de mon maître, gronda le monstre. Ustral baignera dans les ténèbres quoi qu'il arrive. Les flammes de ce bûcher ne sont qu'annonciatrices d'un avenir prestigieux ; un monde façonné à l'image de Sâtomb par son propre fils.

     Xyond pivota sa gueule vers Stelleüm. Il se mit à scruter la foule d'errakois. Quand son regard se posa sur Iryanä, la lueur fluorescente dans ses yeux s'intensifia et son sourire reparut.

Les peuples d'Ustral seront asservis en son nom. Dissimulé sous un cœur d'émeraude et voué à mourir dans sa lutte, le prince héritier de Glawar ne parviendra jamais à rétablir l'équilibre.

     Des cris étonnés se mêlèrent aux injures. Noà se surprit à devoir reprendre son souffle, tant il était abasourdi par les paroles de l'hybride.

     Les ustralois soumis à Arkalax. Un prince destiné à perdre la vie en essayant de l'en empêcher. Était-il celui mentionné dans les cauchemars de Noà par l'oracle rangé aux côtés de l'Ombre ? Et ce « cœur d'émeraude », à quoi se référençait-il ?

     Noà eut un horrible pressentiment. Androméda elle-même avait reculé d'un pas, incapable de juger si le démon disait la vérité ou s'il ne cherchait qu'à effrayer ses ennemis.

— D'où... d'où sortez-vous cela ? balbutia-t-elle.

— Je ne fais que répéter les mots du Triménium rallié à notre cause, exulta Xyond. Il a su lire l'avenir et anticiper ce que rien ni personne ne saura empêcher.

     Il toisa alors chaque elfe, chaque centaure, chaque élémentaire sur lequel ses yeux glissèrent.

— L'avènement d'Arkalax...

     Noà discerna Stelleüm dégainer son épée et se précipiter vers le démon.

— ... est inévitable.

     Le dernier mot de Xyond s'enlisa dans les âmes de chacun, résonna dans l'air glacé de la nuit tandis que sa gueule se détachait de son corps. Elle roula sur le sol gorgé de sang noir, puis s'immobilisa, le spectre de son sourire réfléchi par l'astre laiteux du firmament.

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Audiomachine ~ The Voyage ♪

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