Chapitre 12 [2/3] ~ Réunion du Conseil Royal
- Précédemment -
D'un pas hésitant, Kalyö s'approcha des marches menant au trône de la Lumière.
— Si je puis me permettre, mon roi... peut-être pourrions-nous demander à Matharach et ses enfants d'accomplir ce sauvetage ?
— Il a raison, Stelleüm, fit remarquer Ylærä d'une voix douce. Le trajet serait considérablement réduit. Dylix et Kréah pourraient transporter au moins cinq survivants chacun. Nous leur devons bien cela...
N'ayant aucune idée de ce dont ils parlaient, Noà observa le roi réfléchir à cette requête. Après quoi, il se leva de son fauteuil d'or.
— Fort bien, trancha-t-il. Kalyö, trouve Matharach et fais-lui part de cette décision. Il a jusqu'à l'aube pour se préparer. Assure-toi que son remplaçant ait connaissance de son départ afin qu'il puisse prendre la tête de l'escadron jusqu'à son retour.
L'élémentaire hocha la tête, un sourire satisfait dessiné au coin des lèvres.
— À vos ordres, mon roi.
Il tourna alors les talons et, quand il passa à hauteur des trois xomythois, Töm, à moitié soulagé, lui souffla un « merci ».
De nouveaux seuls, les xomythois reportèrent leur attention sur la famille royale. Un étrange halo de lumière avait enveloppé Stelleüm, qui dut fermer les yeux pour le faire disparaître. Harassé, il se frotta les paupières avec le pouce et l'index.
— Bien. Nous discuterons de tout ceci lors du Conseil, annonça-t-il. Y a-t-il autre chose dont vous aimeriez nous parler ?
Avant qu'il n'eût pu répondre, Noà fut stoppé dans son élan par Aria. Elle dévisageait le vieil homme sans aucune gêne.
— Vous avez dit il y a quelques minutes que vous attendiez notre venue... que vous vous appeliez Orbis, remarqua-t-elle.
Le concerné, toujours dénué d'expression, hocha la tête. Noà n'eut pas besoin d'en entendre plus pour comprendre à son tour.
— Vous êtes l'oracle de Drakkä. Un membre de l'assemblée des Triméniums...
Le prophète acquiesça.
— Vous... vous avez connu les dieux et Sâtomb, bégaya Töm, dont les yeux s'étaient révulsés. Vous avez assisté à leur imploradiation...
— Je préfère ne pas parler de nos divinités, annonça Orbis. Mais oui, j'ai eu l'incommensurable honneur de les côtoyer.
Les remarquant abasourdis, le Triménium reprit :
— Laissons au passé ce qui lui appartient. Malheureusement, le présent est désormais l'unique époque sur laquelle nous devons nous focaliser. Cela fait déjà plusieurs lunes que mes frères et moi-même ressentons la présence de l'Ombre. Elle sème ses ténèbres, s'abat sur les contrées d'Ustral sans la moindre retenue. Jusqu'à ce que Boulrèk m'informe de votre arrivée, je n'avais conscience de la dangerosité de la situation. Et si nos théories s'avèrent fondées, je crains qu'Ustral soit entré dans une ère nouvelle. Une ère aussi sombre que celle infligée par la Première Noirceur.
— Tòphios nous a affirmés rechercher un prophète, lui rappela Noà, dont la Foudre s'agitait dans son corps. Il faut nous dire où il réside afin que nous le trouvions avant lui.
— Chaque chose en son temps, mon garçon. Sais-tu avant tout pourquoi l'Ombre cherche à mettre la main sur notre gouverneur ? As-tu d'ailleurs la certitude qu'il est l'oracle convoité ?
Incapable de répondre, Noà se tourna vers les jumeaux.
— Mais, Boulrèk nous a dit...
— Boulrèk a émis certaines possibilités. La différence d'interprétation est colossale. Chaque décision peut faire basculer le cours de l'histoire, alors tâchons de ne pas nous hâter dans nos réflexions.
— Que devons-nous faire, alors ? demanda Aria.
— Attendons la réunion de demain. En fonction de ce qui sera discuté, je vous informerai de tout ce que vous devrez savoir. D'ici là, profitez d'une nuit réparatrice dans l'une des chambres du château. Je ne doute pas que le roi et la reine vous accorderont cette faveur.
Il pivota vers Stelleüm et Ylærä, puis se courba.
— Mon roi, ma reine. J'ai mes pälampes à arroser et un dîner à préparer.
Sans attendre leur réponse, il quitta à son tour la salle des trônes, mettant un terme à l'entrevue.
***
Allongé dans un lit ridiculement trop grand et aux draps en soie, Noà contemplait les étoiles. Suite à sa rencontre avec la famille royale, les jumeaux et lui furent envoyés dans une chambre par un garde du roi, qui s'assura de la verrouiller afin de les empêcher de s'échapper. S'il fut, une fois de plus, fasciné par le mobilier, l'élémentaire se précipita dans la salle de bain adjacente. Il glissa dans la douche et laissa l'eau brûlante marteler sa peau endolorie pendant de longues minutes. Après s'être débarrassé de toute souillure, il se changea avec les vêtements mis à sa disposition.
Depuis, à travers l'une des fenêtres de la pièce, incapable de dormir, Noà s'occupait en analysant chaque constellation que son père lui avait appris à identifier. Petit, quand il vivait encore sur Xomythe et qu'il était angoissé ou contrarié, observer la voûte céleste lui permettait de vider son esprit. Mais en cet instant, même s'il s'efforçait de contenir sa détresse, Noà était terrifié.
Son arrivée sur Drakkä n'avait répondu à aucune de ses questions. Pire encore, cela n'avait fait qu'en apporter de nouvelles. Noà n'avait aucune idée de la façon dont se passerait la suite des évènements. Pour la troisième fois depuis la mort tragique de sa famille, Zunqèl se couchait, mais le temps demeurait suspendu. Le vide présent dans les tréfonds de son cœur ne l'avait toujours pas quitté et, s'il sentait sa peine s'atténuer, quelque chose de plus fort encore s'éveillait en lui : de la frustration. Un sentiment d'impuissance, mêlé à une extrême colère.
À mesure qu'il réfléchissait, dans ce silence qu'aucun membre du trio ne cherchait à briser, Noà finit par se questionner sur son propre avenir. Maintenant qu'il avait accompli sa mission, que les jumeaux et lui avaient prévenu la famille royale, que devait-il faire ?
Des centaines, voire des milliers de soldats drakkiens seraient plus aptes à reprendre la route pour trouver l'Oracle du Temps – si telle était leur prochaine indication ; des ustralois plus âgés, des guerriers plus expérimentés. Pourtant, dès l'instant où Stelleüm avait ordonné de réunir son Conseil pour discuter de la suite des évènements, Noà s'était aussitôt senti impliqué. Il ne laisserait jamais personne l'empêcher de poursuivre son chemin. À la seconde où Tòphios avait logé son poignard dans le ventre de sa mère, un lien indéfectible s'était créé entre eux. Un lien animé par un désir de vengeance pur. Une promesse qui certifiait que, peu importait le temps que cela prendrait, peu importait les obstacles obstruant son périple, Noà retrouverait ce démon et mettrait lui-même fin à ses tours.
Noà reprit ses esprits et sentit ses ongles enfoncés dans ses draps. À sa droite, Töm ricana faiblement :
— Évite de saccager ce lit, il coûte sûrement plus cher que ta propre existence.
— Ça veut absolument rien dire, lui fit remarquer son ami.
— Tu m'as compris. Tu repenses à la conversation avec Stelleüm ?
— Avec Orbis. Je peux pas m'empêcher de penser à ses dernières paroles, au fait qu'on est sûrs de rien. Qu'est-ce qui se passerait si Tòphios ne recherchait pas l'Oracle du Temps ? Si tout ce dont on a parlé s'avérait être faux ? Si on était tous en train de foncer dans un mur et que personne n'en avait encore conscience ?
— Comment ça, « on » ? demanda Töm.
Noà ne répondit pas, attendant que son ami comprît où il souhaitait en venir.
— Tu veux pas t'arrêter là...
— Pourquoi, toi oui ?
Les ustralois s'interrompirent lorsqu'ils entendirent Aria remuer dans son lit, sans savoir si elle dormait vraiment ou si elle le prétendait. Töm se mit à chuchoter :
— On a galéré pour atteindre Drakkä, Noà. J'ai dû laisser ma mère sans savoir si elle est encore en vie. On est enfin en sécurité et tu veux déjà repartir ?
— À quoi bon rester cloîtrer derrière ces murs et voir le monde s'effondrer sous tes yeux si tu peux contribuer à sa préservation ?
— Arrête, tu t'entends pas parler. On a assez joué les héros. Drakkä enverra ses meilleurs soldats, son armée entière s'il le faut. Et oui, pendant ce temps, je resterai cloîtré derrière ces murs, jusqu'à ce que je retrouve ma mère et que la situation se rétablisse.
Un long silence demeura, durant lequel les xomythois digérèrent les paroles de l'autre. Aussi dur que cela lui coûtait de l'admettre, si Noà avait été dans la situation de son ami, il aurait pensé la même chose.
— Je suis vraiment heureux d'avoir fait cette route avec toi, reprit Töm d'une voix plus hésitante. Et avec Aria, même si elle a pas besoin de l'entendre. Mais il faut savoir s'arrêter. Et en fonction de ce qui sera décidé demain, m'en veut pas de ne pas vouloir t'accompagner s'il faut repartir.
— Je comprends. Tu penses qu'Aria partage le même avis ?
— Je sais pas. Elle a même pas essayé de persuader Stelleüm d'envoyer ses soldats pour aller secourir notre mère, alors j'en ai aucune idée. C'est comme si elle s'en fichait...
— Je suis sûr qu'elle est aussi inquiète que toi, mais qu'elle a une façon différente de le montrer, le rassura Noà. Vous allez la retrouver, j'en suis certain.
Töm se tourna sur le côté afin de lui faire face. Noà serrait nerveusement le bracelet de son frère dans ses doigts.
— T'auras aucun souci à te faire si tu reprends la route, tu sais ?
Il posa sa main sur le filament de cuir.
— Il sera toujours à tes côtés, peu importe où tu iras.
Le sourire aux lèvres, Noà inspira profondément et ferma les paupières. Il imaginait Isach le regarder de son habituel air farceur, ses iris émeraude briller de malice tandis qu'il lui ébouriffait les cheveux avec le poing. Noà l'avait toujours méprisé pour ça, mais à cet instant, il aurait donné sa vie pour revivre ce moment.
— Merci.
D'un accord commun, Töm et lui mirent un terme à leur conversation et tentèrent de s'endormir. Désormais apaisé, Noà se sentit peu à peu sombrer, jusqu'à ce que le sommeil l'atteignît enfin.
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Tom Player ~ Soul Searcher ♪
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