Chapitre 11 [3/3] ~ La Cité des Élémentaires
- Précédemment -
— Donc ce symbole veut prouver aux ustralois que les Lumières ont bel et bien existé ? supposa Noà.
Naély se mit à glousser. Elle posa ensuite la main sur son épaule.
— T'es mignon, mais peut-être trop insouciant. Les Lumières ont existé, et elles existent toujours aujourd'hui.
L'ustralois soutint son regard afin de s'assurer qu'elle ne se moquait pas de lui.
— Tu en as déjà rencontrées ?
À l'instant où elle s'apprêtait à répondre, Kalyö les rejoignit et mit un terme à leur conversation.
— Il ne faut pas traîner. L'horaire des rapports va bientôt être terminé et le roi n'acceptera plus de visite.
— On arrive, rétorqua Naély. J'étais en train de leur raconter l'histoire de l'Exhadràlûm.
— Laisse-les discuter avec Stelleüm avant de parler de ça. Allez, ne perdons plus de temps.
Le groupe passa par les innombrables rues du royaume. Après de longues minutes de marche, Noà se mit à penser que celui-ci n'avait aucune limite. Il pouvait marcher pendant des heures, traverser les dédales labyrinthiques sans n'en jamais voir la fin. Chaque croisement débouchait sur une autre cour, un quartier ou un nouveau chemin. Malgré tout, à chaque tournant, Noà finissait plus émerveillé qu'au précédent. Façonnés dans du granite argenté, les bâtiments étaient plus spectaculaires les uns que les autres. Des odeurs de plats cuisinés s'échappaient des habitations aux toitures colorées. Des enfants, qui jouaient en riant aux éclats, s'arrêtaient pour saluer Kalyö, Naély ou Sélianh, à l'instar des drakkiens adultes.
Enfin, après d'ultimes détours, Noà, ses amis et leur escorte parvinrent dans la cour du château, plus vaste et plus majestueuse que celle par laquelle ils étaient entrés. Taillés en forme de flocons, d'éclairs de foudre, de gouttes d'eau, de feuilles de chênes, de cyclones ou de flammes, des buissons étaient plantés de manière à symboliser plusieurs étoiles à six branches. De chaque côté de l'avenue, d'immenses statues dorées représentaient des élémentaires en armure, la tête redressée et l'épée levée au ciel. Puis, face à eux, au bout de l'allée, se dressait le château de Drakkä.
Noà sut, dès l'instant où il le contempla, qu'il n'avait jamais rien observé de plus sublime dans sa vie. L'édifice, dont les murs de pierres immémoriaux étincelaient avec Zunqèl, surplombait l'ensemble du royaume. Ses innombrables tours effleuraient la voûte céleste. Si quelqu'un lui avait dit, jadis, qu'il aurait l'occasion d'accéder à tel lieu, Noà n'y aurait pas cru. Les plus puissants guerriers et les plus grands rois élémentaires de l'histoire avaient été sacrés à l'intérieur de ces murs.
Envoûté par la splendeur du domaine, Noà suivit Kalyö jusqu'aux portes du château. Lorsqu'il reporta son attention devant lui, il aperçut deux chevaliers, postés de chaque côté.
— Glassye, Illidân. J'ai avec moi trois nouveaux arrivants, ils aimeraient parler au roi, annonça l'archer.
Face à leur hésitation, Kalyö poursuivit :
— Ils ont été fouillés et ne possèdent aucune arme sur eux. Je me porte garant de leur sentence s'ils tentent quoi que ce soit.
Croyant d'abord qu'il plaisantait, Noà écarquilla les yeux quand il vit les gardes lui adresser une révérence.
— Veuillez entrer, leur dit celui de gauche avant d'ouvrir la porte.
La troupe pénétra alors dans le vestibule, où de longues frises dorées aux motifs inconnus s'étendaient sur des murs argentés. Suspendus au plafond de chaque pièce, des candélabres en diamant dégageaient leur lumière chaleureuse et se reflétaient sur le sol au dallage gris laqué.
À mesure qu'il examinait les lieux, Noà ressentait un puissant malaise l'envahir, et il comprit assez vite pourquoi. Le monde dans lequel il venait d'atterrir n'accueillait jamais personne comme lui. Il n'était qu'un ustralois vivant dans un village mineur, destiné à travailler sans relâche et bâtir son propre avenir. Ici, il observait tout ce qu'il ne pourrait jamais obtenir ; tout ce qui lui rappelait qu'il n'appartenait pas à cet univers.
— C'est pas à Xomythe qu'on aurait pu voir ça, hein ? lui murmura Töm en montrant du doigt un canapé en velours indigo.
Au détour d'un énième couloir, Noà fut attiré par un tableau représentant un homme en armure, à la longue chevelure argentée et aux yeux d'un bleu presque hyalin.
— C'est Stelleüm ? demanda-t-il.
— Non, c'est son père, Yxyän, répondit Kalyö. La génération l'ayant connu raconte que c'était un très bon roi. Stelleüm a été sacré à quinze ans suite à son décès prématuré. L'évènement est considéré comme le plus mémorable du royaume.
— Qu'en était-il de sa mère ?
— À Yxyän ?
— Non, à Stelleüm.
— Décédée en lui donnant naissance. La plupart des femmes ustraloises ne survivent pas à ce type d'accouchement.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Le commandant d'escadron s'apprêta à répondre. Au lieu de quoi, il annonça :
— On y est !
Le cœur de Noà se mit à tambouriner lorsqu'il aperçut, au bout du couloir, l'immense porte blanche menant à la salle des trônes. Des centaines de joyaux incrustés étaient alignés de manière à former l'Exhadràlûm.
— Ce symbole est partout !
— Il va falloir t'y habituer, déclara Naély. Après tout, c'est l'emblème de Drakkä !
Immobile devant la porte, Kalyö se tourna vers les xomythois et les traits de son visage se durcirent.
— J'ignore comment vous avez été éduqués, de là où vous venez, mais vous devrez faire preuve d'un grand respect face au roi. Quand je dis respect, ça signifie lui adresser une révérence lorsque vous arrivez au pied de son trône, et ça signifie vous relever seulement lorsqu'il vous en donne l'autorisation. Vous ne lui couperez pas la parole, ni à lui ni à la reine. Vous ne parlerez que quand il vous le demandera et ne le contredirez surtout pas, même s'il est en désaccord avec vos opinions, vos requêtes ou vos idéaux.
— On a le droit de respirer ? l'interrogea Töm, visiblement agacé par toutes ces directives.
— Et par-dessus tout, ne le fixez pas trop longtemps, conclut le guerrier en ignorant sa remarque. Même s'il peut paraître impressionnant pour une première rencontre, il a horreur qu'on le dévisage.
Sans attendre de réponse, Kalyö frappa contre la porte sertie de diamants, provoquant un écho qui se répercuta à travers le couloir. Elle s'ouvrit sans un bruit. Le drakkien s'engouffra à l'intérieur et ordonna à ses visiteurs de le suivre.
La première chose que Noà distingua en entrant fut une multitude de colonnes. Des piliers de pierres blanches dispersés dans la salle royale et qui s'élevaient vers un plafond culminant à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de sa tête. Chacun d'entre eux dégageait une puissante aura, comme s'ils renfermaient l'âme d'un ancien roi. Le carrelage, d'un gris argile, reflétait les lueurs des torches aux flammes bleutées accrochées aux murs.
Noà discerna rapidement quatre trônes en or massif, surmontés par une estrade et plusieurs marches. Seuls deux d'entre eux – les plus grands –, étaient occupés. Enfin, pour la première fois de son existence, il posa les yeux sur Stelleüm et Ylærä.
Le roi, assis sur le trône central, portait une tunique royale en soie dorée et brodée du symbole de l'Exhadràlûm. Bien qu'il fût assez loin de lui, Noà remarqua sa longue chevelure argentée ; la même qu'arborait son père, Yxyän, sur le tableau aperçu quelques minutes plus tôt. La reine, elle, était parée d'une robe en lin cintrée, d'un bleu glacier et aux manches trompette. Ses cheveux blonds et bouclés, aussi plongeants que ceux de son mari, tombaient en cascade le long de son dos.
Bizarrement, rien dans le physique de Stelleüm ne troubla Noà. Suite au discours de Kalyö, il s'était imaginé avoir affaire à quelqu'un de plus grand que la normale ou au visage marqué par de multiples cicatrices de guerre, mais il n'en fut rien. Il se contenta de suivre l'escadron et observa un troisième individu situé en contrebas des marches.
Il s'agissait d'un vieil homme au crâne dégarni, au faciès rond et ridé. Le tissu gris dont il se vêtait recouvrait l'intégralité de son corps et dissimulait ses jambes, ses bras et ses mains. Sa peau semblait rêche, son regard ancien. Quand il tourna la tête vers Noà, que ses yeux noirs plongèrent dans les siens, l'élémentaire se sentit frémir.
— Kalyö Sandust, claironna-t-il en reportant son attention sur le commandant. Bien le bonjour à toi.
— Bonjour, Orbis, lui répondit-il.
Kalyö pivota vers Stelleüm et Ylærä. Suivi du reste de son escadron, il s'agenouilla.
— Mon roi, ma reine.
Se souvenant de ses avertissements à l'égard de la famille royale, Noà, Töm et Aria s'inclinèrent à leur tour.
— Bonjour Kalyö, le salua Stelleüm d'une voix puissante. Tu viens faire ton rapport de la journée ?
— En effet, confirma le drakkien avant de se redresser. Aucune trace suspecte n'a été relevée aux frontières du royaume. La quantité de mues de Smaragdus est en accord avec la saison, mais Phöra se chargera de les analyser afin de s'assurer que tout va bien.
— Parfait, se réjouit le roi. Je vois que tu m'as amené trois élémentaires ?
— Nous les avons trouvés dans la Forêt des Ambres. Ils m'affirment qu'ils souhaitent s'entretenir avec vous.
Kalyö se tourna vers Aria, Töm et Noà, puis leur fit signe de poursuivre. Noà ancra alors ses yeux dans ceux du roi et son cœur manqua un battement.
— Je m'appelle Aria Mornèk, se présenta la xomythoise. Et voici mon frère, Töm.
— Puis-je savoir ton nom ? demanda ensuite Stelleüm à son troisième invité.
Mais, en dépit de toute sa volonté, Noà fut incapable de lui répondre. Car en observant Stelleüm, l'histoire contée par Boulrèk sur Azikru s'extirpa de sa mémoire et le heurta de plein fouet. Le cri de surprise d'Aria qui suivit lui fit comprendre qu'elle venait aussi de s'en rendre compte.
Les yeux du roi étaient totalement différents de ceux des autres élémentaires. Ils rappelaient à n'importe qui, sur Ustral, que la légende d'Adrazyde était réelle ; que son peuple avait existé, et qu'il subsistait encore aujourd'hui.
Ils étaient dorés.
Stelleüm, le roi de Drakkä, était une Lumière.
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Really Slow Motion ~ Beneath the Starry Skies ♪
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