9 : Les oubliés (2/3)

« - Bon, tu m'expliques ? » Demanda Manuel.

Assis dans le mess, les deux amoureux étaient seuls. La gaffe de Djiiza ayant rapidement fait le tour dans la mémoire, le peuple chimérique avait préféré s'éclipser pour permettre au couple royal de discuter tranquillement.

« - Que j'explique quoi chéri ? Répondit Salida en feignant l'ignorance.

- Une chimère m'a appelé ''Sire'' tout à l'heure.

- Normal, je suis redevenue leur reine, du moins, pour la plupart. Alors... Vu que tu es mon mari...

- Salida, dit doucement le jeune homme en se massant le front. Je suis un Humain, j'arrive à peine à prendre soin de moi. Avec beaucoup de difficultés, je commande un petit escadron. Comment veux-tu que je m'occupe d'un peuple entier ?

- De la même manière que tu l'as fait pour moi : avec gentillesse, patience et pédagogie. Nous avons déjà réalisé les réformes de notre système politique pour nous intégrer à l'Humanité. Et... Nombre de chimères, sous leurs nouvelle forme cherchent la compagnie d'un humain du sexe opposé.

- Pour quoi faire ?

- Jouer à ''papa et maman'' comme tu as l'habitude de dire.

- Je ne comprends pas... Pourquoi se sentent-elles obligées de faire comme nous ? S'interrogea Manuel en se pinçant l'arrête du nez tout en comprenant ce que Djiza cherchait réellement.

- Je n'en ai pas la moindre idée, mentit la tigresse avec un sourire.

- Bon, tu m'as dit que vous aviez fait des réformes, lesquelles ?

- D'une monarchie absolue, nous passons à une monarchie parlementaire. La moitié des élus du parlement seront des Chimères, l'autre, des Humains.

- Y'a des nobles ?

- Non pourquoi ? Tu désires en faire ? Demanda Salida

- Ha non ! surtout pas ! Non, c'était juste pour savoir s'il y en avait ; et si oui, s'ils avaient eu un pouvoir politique quelconque. Mais vu qu'il n'y a pas de noblesse, c'est pas plus mal.

- Pourquoi donc ?

- Parce que ça limite les problèmes si tout le monde est au même niveau. Ensuite ?

- On reprends le code pénal de l'Union Européenne pour le judiciaire. Vu que je les ai lu tout les deux, ils sont intégrés à la mémoire et il nous sera facile de nous en servir comme base. Quelques points seront à adapter, nous regarderons cela tout les deux.

- Génial... fit le jeune homme avec dépit.

- Chéri ? Demanda Salida en lui prenant la main. J'ai besoin que tu le fasses avec moi, dit-elle en comprenant que la politique n'était pas le point fort de son homme.

- Je sais, répondit-il, mais j'ai tellement peur de me planter et de tous nous conduire à la mort. Maintenant, j'ai un nouveau sujet de préoccupation : Accepter que je suis roi alors que je n'ai rien d'un monarque. Ni l'ascendance, ni les connaissances, encore moins l'expérience...

- Tu en as le cœur, coupa doucement Salida. Les Chimères ne regarderont pas plus loin.

- Mais les Humains ?

- Il faudra les convaincre, répondit-elle après s'être levée pour faire le tour de la table et le rejoindre. Mais ça, seul le temps le fera, fini-t-elle en s'asseyant sur les genoux de Manuel de manière à le regarder sur le coté.

- Tu es sûre ?

- Il y a environs trois-cent mille chimères qui nous font confiance, dit-elle en le prenant dans ses bras. C'est environs un tiers de ce qu'il reste du peuple chimérique. Le reste est encore acquis à Hillgearim, mais, petit à petit, ils nous rejoignent. A cela s'ajoutent les sept mille premiers Humains qui sont dans le village d'à coté.

- Le village du chef Stein ?

- Oui, quelques chimères sont restés là-bas vu qu'ils avaient besoin d'aide pour déblayer des décombres. Leur conseil de village a décider d'accepter notre proposition. Et avec les troupes en approche, il vaudrait mieux les mettre à l'abri.

- Quelles troupes ? Demanda Manuel, choqué de ne pas être au courant.

- Celles de ton ancien commandant. Il a annoncé vouloir Mylène et l'Arche, ou il prendra l'installation par la force. Bien entendu, cette proposition a été immédiatement refusée. Par sécurité, et par manque de place, une partie de nos forces a été envoyée dans cet autre monde sans Erapha, le professeur Wolkeazurblau les accompagne. Le reste est à l'écoute de ce qui se passe tout autour du monde. Les miens appellent cet endroit ''la cité d'argent'' en raison de la couleur grise des pierres.

- Bon... Et au fait, c'est quoi cette histoire de tueurs ?

- Pardon ? Demanda Salida en fronçant méchamment les sourcils.

- J'ai failli être agressé en descendant avec Sellgan dans la réserve. D'après lui, ils voulaient me tuer. Je te garanti qu'ils l'auraient fait s'il ne s'en était pas mêlé... »

Manuel avait beau parler. Salida n'écoutait plus. Elle grognait et montrait des dents tout en arpentant la mémoire à une vitesse prodigieuse. Son état d'esprit s'imposa immédiatement dans l'immense flot de données qui composait la mémoire chimérique. Le silence s'y fit dés qu'elle y entra. Ceux qui avaient des questions sur des sujets variés se retinrent de les poser, l'intégration des souvenirs et des savoirs furent suspendus lorsque leurs auteurs ressentirent la colère sans bornes de leur reine. Son esprit traversa comme un missile la barrière qui s'était crée entre les chimères qui s'étaient ralliées à elle et celles restées fidèles à Hillgearim. Sans peine, elle trouva l'esprit de son cousin. Elle l'accula dans un coin comme une brute aurait agressé une personne lambda en la collant contre un mur sans lui faire toucher le sol. La violence surprit tout le monde, y comprit le pégase.

« - Je sais que c'est toi ! » Lui hurla-t-elle dessus.

Hillgearim, sous le coup de la pression mémorielle que lui imposait Salida, ne put répondre. Il était presque en proie à une peur panique.

« - Je vais être on ne peux plus explicite, murmura la tigresse tout en sachant que le silence dans la mémoire était tel, que tous entendraient. Si quoi que ce soit vient à arriver à Manuel,... Tu m'entends ? Quoi que ce soit... Que cela soit de ton fait ou non. Je te garanti que je te trouverai, où que tu sois, et que tu le regretteras. Tu regretteras d'avoir touché à mon mari, ou de ne pas l'avoir aidé quand tu en avais l'occasion... Il n'y aura aucune grotte assez profonde, aucun océan assez large et profond, aucune forêt assez vaste, aucun monde, aussi dangereux soit-il, pour me stopper. J'éliminerai tout ceux qui auront la témérité de vouloir te protéger.

- Salida ! De quel droit ... commença Hillgearim.

- Silence, hurla-t-elle en le cognant contre le coin vide de la mémoire. Je suis Salida, reine du peuple chimère, et je t'impose de m'écouter et de bien comprendre mes paroles : que tu sois responsable ou non, s'il vient à arriver malheur à Manuel, je te retrouve, et le sort que je te réserve fera trembler les chimères pour des générations entières ! »

« - Salida ? Chérie ?

Les quelques mots de Manuel, inquiet, la sortirent de la mémoire.

- Oui ? Fit-elle en souriant pour cacher sa colère.

- Tu vas bien ?

- Très bien.

- Je te disais qu'il s'agissait d'un groupe isolé qui voyait d'un mauvais œil le mélange de nos espèces, d'après Sellgan du moins, et puis, d'un seul coup, tu es devenue...absente. Il s'est passé quelque chose dans la mémoire ? »

Oups... pensa la tigresse en laissant traîner son regard à droite, puis à gauche. Un nouvel accès à la mémoire lui permit de trouver une justification :

« - La ville Silridriss que nous avions capturé avec le commandant Sarlen a été reprise. Une Favorite était là... Ça s'est assez mal passé.

- Merde... Confirma le jeune homme. Des survivants ?

- Oui, on dirait, des esclavagistes ont pris des prisonniers de guerre et ont quitté la cité.

- Les enfoirés... On les sort de là ? »

Salida, répondit d'un sourire entendu.

*

* *

*

Devant la carte qu'il avait étalée en face de lui, Arsear s'interrogeait fortement sur la raison du nouveau changement de trajectoire du cœur d'Erapha. Sur la carte face à lui, les trajectoires se superposaient en de gracieuses sinusoïdes oranges.

« - Je crois que j'ai compris fit Rig-rid en pénétrant dans le bureau.

- Ha ? Fit le saurien. Je t'écoute.

- Vous rappelez-vous ce qui s'est passé quand nous avons commencé la recherche du ''cœur d'Erapha.'' ?

- Il nous a foncé dessus, et nous l'avons esquivé de justesse.

- Oui, ensuite, nous nous sommes installé près de sa trajectoire, mais il l'a modifié pour tenter de nous attraper compléta la gnome. Comme nous sommes toujours restés dans la même zone, sa trajectoire s'est superposée au fur et à mesure du temps, fit la gnome en montrant un ensemble de trajectoires qui se chevauchaient en plein d'endroit.

- Et ?

- Cela signifie que le cœur cherche à attaquer tout ce qui possède des pierres d'Erapha. Donc, quelque chose de suffisamment chargé à pénétré dans ce monde et a perturbé sa trajectoire.

- Quoi ? Où ça ? Interrogea Arsear.

- Je n'en ai pas la moindre idée. Mais on peut déterminer le cap avec la dernière trajectoire qu'il prendra : nous pouvons être sûr que le cœur d'Erapha. va nous garder pour cible tout en cherchant à attraper le nouveau venu.

- L'intrus, corrigea Arsear.

- Comment cela ?

- Ce monde n'est connu que de quelques membres de mon espèce. Tout les autres l'on oublié et il leur a été masqué la réalité. Si quelqu'un de suffisamment chargé en Erapha au point de perturber la trajectoire du cœur a pénétré dans ce monde, alors il va à l'encontre des désirs de la Déesse-impératrice.

- Que fait-on alors ?

- On se renseigne, puis on avise... Berik ! Osrak ! Braniss ! Vérification de toutes les armes dans deux heures. Contrôle de l'ensemble des équipements dans la foulée ! » Fini-t-il en parlant dans la broche.

*

* *

*

Mylène sortit de son sommeil sans rêve. À ses côtés, Shershalla dormait encore. La lumière du jour passait faiblement au travers du rideau qui obturait le hublot de la cabine du navire. Un rapide coup d'œil à un réveil qui traînait là l'informa qu'il était sept heures du matin.

Nan... pas aujourd'hui...

Tendrement, elle se rapprocha de la capitaine du navire qui émergeait elle aussi du royaume de Morphée. Elle retira son tee-shirt pour mettre sa poitrine à nu, et découvrit le dos de sa compagne avant de s'y coller. Le contact avec la peau froide lui plu, et, au vu des doux mouvements de la saurienne, c'était réciproque. La jeune femme remonta la couverture pour continuer à la réchauffer avant de l'enlacer.

« - Dis moi... murmura Shershalla. N'as-tu pas peur d'être accusée de pacte avec l'ennemi ?

- Je ne pactise pas : je couche avec, ironisa la pirate informatique.

- Je suis sérieuse Mylène. J'ai peur qu'il t'arrive malheur à cause de moi, de ce que je suis : Une Silridriss.

- Et ?

- Ça ne t'inquiète pas ?

- Non. Je suis heureuse comme ça. Je trouve même que l'on ne passe pas assez de temps ensemble... J'ai identifié mon homosexualité à l'adolescence. J'ai cherché à comprendre, puis, j'en ai eu marre, alors je l'ai pleinement vécu. J'ai rencontré de nombreuses personnes comme moi. Mais jamais quelqu'un qui m'attire à ce point, Silridriss ou pas. Selon l'Impératrice, je suis une déviante. Selon certains religieux de mon espèce, j'ai une maladie mentale. Je ne sais pas ce qu'il vont me sortir en constant une relation avec la membre d'une espèce qui veut notre destruction. Mais je les emmerde tous autant qu'ils sont. C'est mon cul, je le donne à qui je veux. Alors l'intolérance, ne t'inquiète pas, c'est comme les cons, je connais et je sais les gérer, répondit la jeune femme en caressant le torse de sa compagne. Contrairement aux femmes humaines la poitrine était plate et musclée, mais cela ne la rendait pas moins intéressante aux yeux de Mylène.

- Penses-tu aux conséquences ?

- Non. Ce que se passe dans ce lit, ne regarde que deux personnes. Toi et moi, dit la jeune femme en retournant doucement le corps de la Silridriss pour se coller de nouveau contre elle, poitrine contre poitrine. Le reste, n'est que fantasme et jalousie de leur part.

- Fantasme ? Jalousie ? Vraiment ? Interrogea la capitaine qui finissait de sortir de son état léthargique.

- Oui... Tu veux qu'on fasse travailler leur imaginaire ? Demanda Mylène d'un air entendu.

- Pourquoi pas... On ne se verra pas pendant quelques jours, autant se quitter sur un bon souvenir.

- Je te laisse te préparer, moi, je chauffe les draps. » Fini Mylène en s'écartant pour la laisser sortir du lit.

*

* *

*

Le chef Stein, un peu perdu, entra dans le hangar d'accès à l'Arche. Du regard, parmi toutes les créatures aux formes aussi étranges que variées qui s'activaient sur du matériel de combat, il chercha des yeux un interlocuteur valable. Deux chimères allèrent à sa rencontre pour le faire patienter le temps que Salida arrive. De plus, les préparatifs d'un combat difficile avançaient et il n'était pas envisageable qu'ils soient ralentis.

« - Bonjour chef Stein, je gère les urgences en ce moment, alors je ne vais pas avoir beaucoup de temps à vous accorder, fit Salida en guise de préambule. Que puis-je pour vous ?

- Je viens vous donner la réponse officielle du conseil de la zone dévastée. Nous acceptons... Mais qu'est-ce que vous faites ici ? Demanda-t-il en observant l'animation ambiante.

- Nous sommes toujours en guerre je vous rappelle. Et demain, une bataille commencera pour le contrôle de l'Arche. Les troupes régulières vont attaquer.

- Vous allez nous protéger n'est-ce pas ?

- Non, nous allons vous évacuer, nous-même allons quitter ce monde pour en rejoindre un autre. Et rien ne dit qu'ils ne vous tirerons pas dessus...

- Vous allez abandonner l'Arche ? Demanda le vieil homme incrédule.

- Elle est vide. Seules les défenses extérieures sont encore là. Tout le reste a déjà été transféré à la Cité d'argent. L'Humanité n'est pas notre ennemie Chef Stein, expliqua Salida en croisant les bras, comprenez que nous n'avons rien à gagner d'un conflit avec le gouvernement Humain. Au contraire, notre ennemie commune compte là-dessus pour vaincre.

- Vous parlez d'un endroit nommé la Cité d'argent, est-elle sûre ?

- Le monde où elle se situe est vide. Une grande partie du peuple chimère s'y est installé, cela devrait vous rassurer.

- Donc, il faut partir ce soir...

- Je dirais le plus tôt possible.

- Vous me garantissez tout ce qui a été convenu hein...

- Tout a été inscrit dans la mémoire et un amphithéâtre a été conçu pour la partie législative de notre organisation. Rassurez-vous, je tiendrais mes promesses. Le portail est au fond de la structure, il est constamment allumé pour permettre le transport du matériel. Vous pourrez sans peine l'emprunter.

- Je reviens, je dois absolument prévenir le conseil de la situation.

- Faites. Je donne l'ordre de vous attendre, mais ne tardez pas trop quand même : Les troupes qui viennent ne vous feront pas plus de cadeaux qu'à nous. »

*

* *

*

« - Es-tu sûre de ce que tu m'annonces Myanate ? Demanda Estelarielle.

- Oui, ô Déesse-impératrice. Les Humains savent se déplacer sous l'eau. En voici la preuve. »

Dans le bureau de la favorite, la fumée d'un petit feu avait prit la forme de la terrible guide Silridriss. Devant elle, Myanate tendait le petit scaphandrier de métal.

« - Ceci est la représentation de l'équipement qui leur permet de se déplacer sous les eaux.

- Cela expliquerai bien d'autre choses encore. Et les Démons d'Alikaross ?

- J'ai attaqué pour provoquer leur sortie, mais ils ne sont pas venus.

- Étrange...

- Je vais poursuivre mon attaque. Je vais les forcer à sortir à découvert pour m'affronter.

- Fait attention : ils ont déjà capturé une Favorite... Je serai ennuyée de devoir me passer de tes services à toi aussi.

- Ne vous inquiétez pas ô Impératrice. Je serai prudente. »

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