7 : La cité d'argent (3/3)

« - Comment avons-nous pu être piraté ? Hurla le consul tout en entrant dans le bureau du colonel responsables des opérations secrètes.

- Je n'en ai pas la moindre idée ! Ce putain de système était sensé être sûr ! Répondit le colonel sur le même ton.

- Foutaises ! Hurla de nouveau le consul en se penchant sur le bureau du soldat.

- J'avais remarqué ! Répliqua ce dernier en se levant pour planter son regard dans celui du politique

- Qui a conçu cette merde ?!

- Vous ! C'est vous qui l'avez conçu avec vos génies de ce qui reste de notre civilisation !

- Foutaises ! Trouvez moi le responsable !

- Le type qui a signé l'ordre d'exécution pour la construction de ce serveur c'est vous !

- Navré de vous interrompre messieurs, fit calmement la secrétaire du consul tout en fermant la porte derrière elle, mais la recherche d'un responsable peut attendre. Il faut avant tout agir, démentir officiellement on trouvera comment ils ont fait plus tard.

- Faites... répondit avec lassitude le consul en s'écartant du bureau.

Le téléphone sonna et le militaire répondit. Après les politesses d'usage, il attendit, concentré sur ce que son homologue lui racontait. Il termina par un ''Merci'' évasif et raccrocha.

« - On sait comment ce pirate a procédé.

- Je vous écoute.

- Lors de la mise à jour quotidienne, les stockages de données se déconnectent du système principal. Le pirate a modifié le système principal pour qu'il emporte avec lui une petite partie des données à chaque fois. Il a simplement reconstitué les fichiers chez lui.

- Je ne comprends pas, fit Arionis.

- C'est comme s'il avait récupéré les informations d'un broyeur et, avec un bon rouleau de scotch, avait tout reconstitué, répondit le soldat en sortant une bouteille de whisky d'un tiroir.

- A-t-on enfin des données sécurisées ?

- Aucun système n'est sûr. Le carré d'argent vient de le démontrer une nouvelle fois.

- Merde.

- Au moins, nous avons maintenant le nom réel d'Happy Summers. Il va maintenant falloir lancer une campagne de dénigrement.

- Comment allez-vous vous y prendre ?

- Vrai ou faux, vrai quand même. Ne vous inquiétez pas : on est très fort là-dessus. Nous avons suffisamment d'informations sur eux pour les décrédibiliser. »

*

* *

*

Assis à son bureau, Arsear réfléchissait profondément à ce qui s'était passé ces dernières heures. Le cœur d'Erapha avait changé de trajectoire pour mettre ce qui restait de la flotte Silridriss sur sa route. La manœuvre avait été délibérée, l'artefact si difficile à trouver ne se contentait pas seulement de rester sur son chemin, avalant toute l'Erapha cristallisée sur son chemin, il pouvait aussi changer se trajectoire pour aller la chercher là où elle se trouvait. Ses ordres étaient désormais de réaliser de grands cercles avec une flotte groupée. L'engin était trop rapide pour changer ainsi brusquement de trajectoire sur une distance aussi courte.

« - Monseigneur ? Fit doucement la gnome en s'approchant lentement du bureau.

- Oui, Rig-rid ?

- Durant les heures où j'avais besoin de faire une pause, j'ai... Comment dire...

- Je t'écoute.

- Il est en bas. Dans l'atelier.

- Quoi donc ?

- Je ne sais pas comment le nommer... Si un Kaliek pouvait se mesurer à un Démon d'Alikaross, il y a toujours l'important défaut de la commande à distance. J'ai donc tout repris depuis le début, sans la contrainte de temps. Le résultat est en bas. »

Le seigneur des terres de Kalam et de Youriss mit un petit instant avant de comprendre de quoi l'esclave parlait. Avec le cœur d'Erapha devenu agressif, les deux pilotes étaient devenus secondaires.

« - Montre-moi, dit-il. J'ai aussi besoin de faire une pause.

- Avec plaisir. »

Les deux individus traversèrent les coursives pleines de soldats Silridriss. Ils devenaient de plus en plus agressifs les uns envers les autres. Les esclaves étaient de moins en moins nombreux, entre autres, parce qu'ils faisaient souvent office de défouloirs. Mais les sauriens se calmaient en présence d'Arsear, et tous savaient qu'il ne fallait pas toucher à la gnome. Ils arrivèrent enfin dans l'atelier, Arsear eut du mal à comprendre ce qui était debout dans le fond tant cela paraissait incongru en ces lieux. Il reconnut immédiatement des pièces de machines humaines mélangées à du matériel gnome et Silridriss.

« - Qu'est-ce que tu m'as fait là...

- J'ai étudié une de leurs machines, remplacé les systèmes internes par quelque chose que nous pouvons maîtriser. Je n'avais jamais vu de tel blindages, avec des performances aussi impressionnantes. J'ai donc laissé les principales pièces de protection sur lesquelles j'ai rajouté des symboles de boucliers. Elle fonctionne à l'Erapha, mais... Seul un seigneur, une favorite ou la Déesse-Impératrice peut la piloter.

- Pourquoi donc ? Fit Arsear en quittant des yeux l'étrange machine pour interroger la gnome.

- Parce qu'elle est extrêmement gourmande en Erapha : Ses performances devraient être du même niveau de celles des démons d'Alikaross. Et il faut être dans les grâces de la Déesse-Impératrice pour l'alimenter correctement. »

Arsear reprit son inspection du patchwork assemblé devant lui. Elle avait vraiment l'allure d'une machine de guerre humaine. Les larges plaques de métal qui la composaient y étaient pour beaucoup. Chacune de ces pièces avait été soigneusement poncée pour en retirer toute peinture avant que les marques de bismuth n'y soient apportés. Le casque, qui autrefois portait les caméras disposait maintenant des gemmes de visions. En certains endroits apparaissait un morceau de laiton, une pièce de bismuth ou d'acier noir.

« - Pourquoi as-tu conçu ceci ? Nous avons les Kalieks non ?

- Pas pour ''quoi''... Plutôt pour ''qui''. Et cet engin n'a pas le principal défaut des Kalieks. »

*

* *

*

Manuel ouvrit lentement les yeux. Dans les profondes ténèbres de la chambre, il sentit le corps nu de son aimée, dos contre lui. Comme pour un aveugle, l'absence de ce sens modifia la perception qu'il avait des autres. Lentement il glissa ses mains sur la fourrure de la chimère aux endroit où toute femme aimait être amoureusement caressée. D'abord la hanche, jusqu'à la cuisse. Puis il remonta, passa sur le ventre avant d'arriver à la poitrine. Salida se tordit légèrement de plaisir. Le jeune homme posa alors son nez dans son cou pour sentir l'odeur de celle qui partageait sa couche. Une odeur douce et sucrée empli ses narines. Il prit plusieurs inspirations avant de sentir la créature hybride s'agiter de soubresauts et rire légèrement.

« - Arrête... ça chatouille...

- Quoi ? » Demanda innocemment Manuel en respirant de plus belle à l'endroit sensible tout en la tenant plus fermement.

La princesse éclata de rire tout en cherchant à se dégager. Ils chahutèrent ainsi quelques secondes dans les ténèbres et les draps avant de finir par tomber du lit avec beaucoup de bruit. Immédiatement après, ou presque la porte s'ouvrit et deux chimères entrèrent dans la pièce, paniquées.

« - Princesse, on a entendu du bruit, est-ce que tout va bien ? »

L'encadrement de la porte éclairait désormais le lit vide et défait d'un rectangle de lumière. Il n'y eut plus un son, plus un souffle, de derrière le lit, lentement, la main de la tigresse se leva tandis que des rires mêlés se faisaient entendre.

« - Oui. Je suis occupée. Dehors. »

Comme pour appuyer ses propos, la main désigna la porte de l'index. A demi rassurées, les deux créatures sortirent en fermant la porte derrière elles non sans avoir regardé une dernière fois le meuble de manière inquiète.

De nouveau dans le noir complet, collés l'un contre l'autre, Manuel demanda :

« - Au fait, tu m'expliques comment les chimères sont arrivées ici, et dans cet état qui plus est ?

- Cela te déplaît ?

- Non, a vrai dire, je m'en moque. J'essaie juste de comprendre : Y'a pas trois semaine, elles voulaient encore ta peau parce que tu étais devenue différente. Maintenant, elles sont là et elles cherchent à te protéger. J'ai manqué des trucs pendant mon voyage aux US...

- Pour résumer, elles fuient Hillgearim. Elles ont volontairement changé de forme en pensant pouvoir ainsi lui échapper. Mais,... je suis la seule qui ait une expérience de ce que cela implique de rester dans cet état.

- Elles te considèrent comme princesse ?

- Une partie oui. Pas toutes, mentit Salida. Et toi ? Comment est-ce que cela s'est passé ? Qu'est-ce qui vous a pris si longtemps ? »

Le jeune humain ne répondit pas tout de suite à cette question. Il se contenta de serrer un peu plus la chimère anthropomorphique comme s'il cherchait à se rassurer.

« - Manuel ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda-t-elle inquiète

- Disons que c'est assez mitigé... J'ai peur que tu n'apprécies pas vraiment...

- Dis-moi... »

Manuel laissa passer un court instant avant de raconter ce qui s'était passé. La bataille d'Oklahoma-City fut rude et difficile, en particulier en raison de la présence des mages et de la Favorite. Une fois éparpillés, ils passèrent dans le monde de fuite des Silridriss où une bonne partie de la flotte y fut achevée.

« - Noral a pu trouver un procédé qui extrait la moitié de toute utilisation normale d'Erapha du Klastlabad qu'elle avait en elle, et qui s'en sert pour annuler la seconde moitié. Seuls les soins furent autorisés. Nous... nous sommes relayés pendant dix jours, jours et nuits pour la torturer et lui soutirer des informations. Pendant ce temps-là, le second récupérait le maximum de pierre d'Erapha tandis que le troisième fabriquait les bacs de transport.

- Tu l'as... murmura Salida, incrédule en s'écartant légèrement.

- Oui, moi aussi... », Répondit-il gravement.

Salida fut choquée de ce que Manuel lui racontait, et ce dernier continua :

« ... Nous avons utilisé un petit peu tout ce qui nous tombait sous la main. Du tuyau de métal au coup d'épée en passant par le feu et la glace. Parfois avons fait des combinaisons : le tuyau chauffé au rouge ou la lame glacée à l'azote. Et corps se soignait toujours, même après des coups mortels. L'immortalité n'est pas toujours bénéfique... Toujours est-il, qu'elle n'a pas mangé, ni bu, ni dormi pendant les neufs jours. Par contre, elle a eut mal... J'ai du mal à me débarrasser de ses cris et de ses hurlements qui résonnent encore à mes oreilles. Les quatre premiers jours, elle nous menaçait, nous invectivait... à partir du cinquième, elle nous demandait de nous arrêter. Le septième jour, nous avons obtenu ce que nous voulions : l'emplacement exact du Klastlabad. Durant les deux derniers jours, Fernand est allé vérifier ce qu'elle nous avait dit tandis qu'on continuait à ma maintenir éveillée. Lorsqu'il nous as dit que c'était bon, nous l'avons laissée là-bas, et cachée dans une grotte que nous avons trouvés. Ni lumière, ni eau, ni nourriture, son pouvoir est devenu sa malédiction.

- Et tu es fier de ça ? Demanda Salida, outrée.

- De l'obtention de l'information, oui. Pas de la méthode employée. Chérie, ils n'ont aucune pitié, ni pour les humains, ni pour les chimères. Les Silridriss doivent comprendre qu'avec nous, c'est la loi du talion... La réciprocité sera la règle applicable... On ne rigole plus... S'ils jouent les sauvages, nous allons faire pareil. »

Salida se dégagea et tourna le dos à Manuel.

« - Chérie ? Fit se dernier en posant sa main sur la hanche de sa femme.

- Ne me touche pas.

- Qu'aurais-je dû faire ? Ce n'est pas tout les jours que l'on a une favorite sous la main.

- Je ne sais pas. Mais autrement, ça c'est sûr ! Ce que tu as fait... me fait peur. Que feras-tu aux Chimères si le conflit doit perdurer ?

- Rien : ce sont des victimes, comme les Humains... et j'ai épousé l'une d'entre-elle.

- Et les tiens ?

- Si je le savais... mais je ne m'en prendrais pas à ton peuple.

- Ce que tu as fait... tu n'avais pas à le faire. Pour les chimères, la torture est un crime impardonnable ! Tu as passé un cap, quelque chose qu'ils vont avoir beaucoup de mal à accepter.

- Chez les hommes aussi... » Ajouta Manuel.

Salida se retourna vers cet humain qu'elle aimait mais qui l'avait profondément choquée.

« - ... je ne doute pas une minute que si ce conflit finit un jour, des soldats viendront me chercher pour me conduire à un tribunal. Je serai alors jugé pour crime de guerre, et certainement condamné pour cela.

- Mais... tu l'as fait quand même...

- Oui : quand je pense à toi, je... comment dire, je pète les plombs. Je veux faire tout mon possible pour que tu sois heureuse plus tard. Quitte à me sacrifier pour ça. Quitte à mettre les mains dans la boue et le sang. Je suis prêt à devenir le plus terrible des monstres ou des démons si nécessaire, je suis même prêt à signer un pacte avec le diable ! Au besoin, au coup par coup, je mettrai mon humanité de côté pour faire comprendre à ceux d'en face ce qu'il en coûte d'énerver un homme... Mon père m'a dit un jour un vieux dicton : ''L'homme le plus dangereux du monde, n'est ni roi, ni tyran, C'est celui qui défends sa famille et sa maison. Celui-là est décidé, et est plus dangereux qu'une armée entière, car il est prêt à tout, et il ne s'arrêtera pas avant d'être sûr que les siens sont à l'abri. '' Je ne sais plus qui a dit une telle phrase, mais c'est l'état dans lequel je suis aujourd'hui. Une menace, même lointaine, contre toi, m'est totalement insupportable.

- Manuel ? Demanda Salida en sentant l'immense part de tristesse dans la voix de son homme.

- Oui ?

- Promet-moi de ne jamais recommencer. Jamais.

- Mais...

- Rien ne justifie ce que tu as fait. Rien, appuya-t-elle. Si tu arpentes cette voie, tu deviendras comme eux, terrible et sanguinaire. Tes limites disparaîtront et celui que j'aime disparaîtra avec. Je t'en prie, promet-moi que tu ne referas plus jamais cela... même si ma vie en dépends. Reste celui que j'aime, ne change pas.

- Je te promets de faire tout ce que je peux pour ne jamais recommencer, répondit Manuel à demi-mot.

- Ce n'est pas ce que je t'ai demandé, déclara la princesse avec douceur.

- Je te le promets. Je ne m'abaisserai plus à ce genre de chose. »

Les deux amants choqués, se collèrent l'un à l'autre, chacun cherchant dans le contact un réconfort. Manuel et Salida avaient du mal à vider leurs esprits. Pour l'homme, ce qui s'était passé le torturait mentalement, pour la chimère, c'était la peur de perdre son mari. Ce contact doux entraîna une caresse, un mouvement tendre, puis un baiser, pour prendre de l'ampleur et finir par le plus beau et le plus pacifique des actes au milieu des ténèbres.

*

* *

*

Dans le local qui leur avait été affectés, le sniper de l'escadron Papillon déplaça la souris sur l'écran pour fermer la vidéo du journal télévisé. S'il ne devait en extraire que l'essentiel c'est que ça se passait mal pour l'Humanité. L'utilisation des nouvelles machines berserkers permettaient le maintient de certaines zones de front. Mais il n'y avait pas assez de matériel pour tout les champs de bataille, et il le déplorait. Ce qui manquait, ce n'était pas les machines, c'était la puissance de calcul nécessaire au déploiement complet : les réseaux de transmissions n'étaient pas dimensionnés pour ça. Dans cette pièce sans âme où ses équipiers jouaient aux cartes en attendant leur tour de garde, le soldat se leva pour regarder le soleil couchant, l'esprit encore embrumé par ces informations. Un pirate informatique avait mis aux grand jour des opérations secrètes particulièrement horribles. Les démentis avaient scindés la population en deux : ceux qui y croyaient et les autres. Ces vidéos étaient régulièrement supprimées, mais de nouvelles apparaissaient ça et là. Le temps de la supprimer, elle avait déjà été vue plusieurs milliers de fois.

« - La Fantasy-circus... et l'ancienne unité Rock... sacrifiées... » Murmura-t-il pour lui même sans que personne dans la pièce ne l'entende vraiment.

Il s'appuya sur l'aluminium de la fenêtre avec ses mains tandis qu'il prenait conscience que tout ces types excellents, étaient morts. Sauf trois, mais ces derniers étaient désormais recherchés par toutes les polices du monde.

Lorsque son front heurta doucement la vitre, ses pensées se dirigeaient vers les chimères. Ces monstrueuses créatures s'étaient désintéressées du conflit entre les Hommes et le Silridriss dés l'arrivée du nouveau souverain. Pourtant, certaines avaient continué le combat, au risque d'avoir de sérieux problèmes. Mais là, c'était différents : leurs cités, désormais connues des Humains se vidaient peu à peu. Elles partaient pour ce qu'elles appelaient ''le second exode'' sans plus de précisions. Elles n'étaient pas agressives, et évitaient soigneusement les zones densément peuplées pour ne pas créer de gêne. Seulement le malaise était là : Ces fantastiques créatures partaient en laissant derrière elles l'Humanité seule face aux terrifiant Silridriss.

Elles se tirent et nous laissent dans la merde... Pourtant, elles sont responsables de notre état actuel. Que faire ? Que faire bordel !?

« - Cyclope ! Jette un œil là-dessus !! Cria Shojo en entrant dans la pièce.

- Pas le moment pour les vidéos de petit chats, répondit-il, mélancolique.

- Arrête des conneries ! Pose ton cul sur cette putain de chaise et regarde ça ! » Joignant le geste à la parole, la pilote jeta son équipier encore surpris des propos qu'elle tenait. Dans la pièce, il ne fut pas le seul, toutes les personne dans la pièce restèrent interdites. Sans rien lui demander, la pilote décidée lui jeta la tablette numérique entre les mains.

« - Commence à regarder, je vais chercher Hécate. »

La jeune femme sortit aussi électrique qu'elle était entrée.

Encore sous le choc, le sniper regarda l'écran qu'elle lui avait donné. Une image, début d'une vidéo, montrant le consul Arionis et une chimère à forme de pégase.

Mais c'est quoi ce bordel ? S'interrogea-t-il en reconnaissant Hillgearim, le roi déclaré des chimères.

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