7 : La cité d'argent (2/3)
Shershalla s'était endormie dans le lit de Mylène et ce, malgré les travaux qui défilaient sur les deux écrans. La Silridriss avait bien tenté de comprendre le charabia, mais elle avait abandonné. Pour elle, c'était là une connaissance qui se rapprochait beaucoup trop de la magie. Et la jeune femme était une vraie magicienne, et pas uniquement en informatique. Cette compagne inespérée, avait rempli sa vie d'un bonheur qu'elle n'avait jamais envisagée. Bon, c'était vrai, de part et d'autre, elles avaient dû faire des concessions. Mais c'était une gêne si faible en comparaison de la joie de vivre qui l'animait.
Le ''bip'' de l'ordinateur la réveilla en sursaut. Elle se leva rapidement pour lire le message inscrit sur l'écran.
Paquet : [noname]
Origine : Sangsue
Statut : Complet - pas d'erreurs
Prêt au transfert
Confirmation [Y/N] ?
La saurienne prit le petit talkie-walkie qui lui avait été confié, et appuya sur un bouton avant de parler dedans.
« - Mylène, c'est Shershalla, est-ce que tu m'entends ? »
Il n'y aucune réponse, elle réessaya une seconde fois :
« - Mylène, c'est Shershalla, réponds s'il te plaît, Rhaa ! Comment ça fonctionne ce truc ? » Commença-t-elle à s'énerver en le tournant et le retournant dans tout les sens avant de le taper une ou deux fois contre le bureau.
« - Shershalla ? C'est Mylène, qu'est-ce qui se passe chérie ? Demanda-t-elle d'une voix endormie. Est-ce que tu sais quelle heure il est ?
- Ton matériel s'est arrêté avec un bip. Il me demande quelque chose.
- Quoi donc ?
- Euh... un paquet sans nom provenant d'une sangsue qui demande un transfert. »
Il y eut ensuite un moment de silence
« - Mylène ?
- J'arrive Shershalla, répondit une jeune femme parfaitement réveillé avec l'autre talkie-walkie. Surtout, ne touche à rien. »
*
* *
*
Salida, restait devant sa tasse de café, silencieuse. Elle n'avait pas mangé, ni même bu encore. Le mess de la base souterraine était spartiate mais fonctionnel. Par l'intermédiaire de la mémoire, la nouvelle souveraine avait inséré dans la mémoire une bonne partie de ce qu'elle avait appris au contact des humains. Ses connaissances partagées, les chimères qui l'avaient reprise comme reine s'étaient éparpillés dans la structure pour la remettre en fonctionnement. Mais elle n'avait pas le cœur à diriger qui que ce soit. Elle s'était contentée de donner les principaux jalons pour que cette forteresse soit pleinement fonctionnelle. Depuis, les chimères discutaient fréquemment dans la mémoire pour se transmettre les informations. Ces dernières passaient dans son esprit sans déclencher d'intérêt particulier. Elle déprimait légèrement : Cela faisait maintenant deux semaines que Manuel était parti, et elle n'avait toujours pas de nouvelles. Son inquiétude grandissait avec le temps.
« - Bonjour petite peste, fit Kouiros en remplaçant la tasse de café froid par la sienne, bien plus chaud.
- Ce n'est pas le moment Kouiros, répondit-elle tristement.
- Allons, allons princesse...
- Merci, mais je n'ai pas envie que l'on me remonte le moral.
- Je me doute que c'est dur, dit-il plus sérieusement. Mais restez telle que vous êtes : c'est cette Salida-là que Manuel va vouloir retrouver quand il reviendra.
- Je le sais bien... »
- Multiples échos radars en approche. Ils sont apparemment en formation serrée, résonna la pensée de l'opérateur dans la mémoire...
Les deux chimères se regardèrent, surprises.
-... Approche rapide par l'ouest. Quatre à cinq appareil, aucune identification amie. Les premières images du satellite arrivent... Trois armures ? Initialisation du périmètre de défense...
- Manuel ! Le cri dans la mémoire fut aussi clair que du cristal et toutes les chimères présentes se figèrent Désengagez ! Ne tirez pas ! Hurla Salida dans la mémoire en se levant précipitamment pour courir vers le centre de commande.
Elle entra dans la pièce le souffle court lié au sprint qu'elle venait d'effectuer dans les couloirs. Son esprit fixé sur son mari, elle ne fit absolument aucun cas de ce qui se passait dans la mémoire. Contrairement à ce qu'elle aurait pu imaginer, les différents opérateurs étaient calmes et la regardaient avec beaucoup d'interrogations. C'était une pièce rectiligne assez petite avec de nombreux écrans radars alignés dans la longueur. Au fond, une table holographique derrière une vitre. Sur chaque siège s'était installée un chimère ayant revêtu un uniforme russe. Beaucoup se retournèrent en voyant leur reine passer la porte. Ce fut Friedrich, qui sortit de la petite pièce du fond, qui lui adressa la parole en premier :
« - Princesse ? Demanda-t-il d'un ton monocorde.
- Ne tirez pas sur Manuel !
- Bien sûr que non : on accueille pas un copain avec du plomb.
- Vous alliez lui tirer dessus !
- Bien sûr que non... La procédure veut que je vérifie ce que l'opérateur a identifié avant d'engager le combat. Ce que j'ai fait, et j'ai désarmé le bazar, continua-t-il comme s'il sortait d'un lourd sommeil.
- Est-ce qu'il va bien ? Est-il blessé ? Et pourquoi est-ce qu'il a mit autant de temps ! ?
- Oulla, moi, je ne suis pas conseiller matrimonial sœurette... Si tu veux des réponses de ton homme faudra que tu ailles les lui poser toi-même. On le dirige vers la porte quatre du hangar sud. »
Ayant reprit du poil de la bête, Salida sortit aussi vite qu'elle était entrée. Le rasta resta ainsi quelques secondes interdit avant de se tourner vers une opératrice chimère :
« - J'espère qu'il a une bonne excuse, sinon, il va prendre cher.
- Où est Salida ? Fit Kouiros, essoufflé lui aussi dans l'embrasure de la porte.
- Porte quatre du hangar sud, répondit la chimère.
- Merci ! Lâcha le bouquetin avant de reprendre sa course folle.
- Toute cette agitation me stresse trop, j'vais me faire un petit splif moi. T'en veux un aussi ? Demanda Friedrich à la chimère.
- Un quoi ? »
*
Les trois berserkers apparurent dans le ciel. Fernand au milieu, Nemaya et Manuel sur les cotés. Les engins portaient d'énormes d'énormes pièces de métal constituées de tôles pliées. Ils se posèrent à l'endroit indiqué par les opérateurs de la base, et restèrent sur le palier de la porte en voyant une dizaine de chimères en train d'effectuer des exercices de manutention de munitions sur un char d'assaut.
Finalement, sous l'impulsion de Fernand, les trois engins avancèrent dans le hangar sous les regards interrogateurs pour certaines, curieux pour les autres. Ils laissèrent tomber les énormes récipient fabriqués à la va vite sur le revêtement tandis que derrière eux, la porte se refermait lentement.
L'ancien commando, Maximilien Aquil, et une autre chimère anthropomorphique sortirent d'un accès et se dirigèrent vers les trois machines. Encore sous le choc de voir d'autres chimères sous ces formes, les pilotes ouvrirent leurs engins et en descendirent.
« - Bonjour Monsieur Doux-Dingue, fit la nouvelle chimère avec une tête d'oiseau.
- Euh... Bonjour. On se connaît ?
- Vous ne vous souvenez pas de moi ?
- C'est Ernach, devina Fernand.
- Exact !
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
- Oh, alors ça... c'était assez improbable comme... »
Il y eut un coup de vent, un ''Aoutch'' sonore, et Manuel disparut de leur champs de vision commun. Allongé sur le sol un peu plus loin, Salida le tenait tout contre elle.
« - Tu m'as manqué... murmura Salida en se glissant son museau dans son cou.
- Je vois ça... répondit le jeune homme le souffle court. En tout cas, toi tu m'as pas raté. »
La princesse rit doucement tandis que les bras du jeune homme l'enlaçaient.
« - Dites-nous si on dérange ! Intervint Maximilien.
- T'es pas obligé de regarder non plus ! Répliqua la chimère.
- Hé ! Y'a des chambres pour faire ça. » s'amusa Fernand.
Les quelques chimères en train de faire des manipulations d'armement ralentirent leurs manœuvres. Salida sentit tout de suite que le ton familier que les Humains employaient avec elle ne leurs convenait pas. Elles allaient intervenir, peut-être même violemment. Elle les recadra immédiatement par un regard explicite et une injonction dans la mémoire avant de poursuivre en se redressant :
« - Arrête je pourrais t'apprendre des trucs !
- Et comment ça !
- Un de vos livres s'appelle le ''Kamasutra'' il me semble...
- Bon, ça c'est fait... commenta le commando tandis que la russe se passait une main sur le visage.
- ... Et y'a aussi plein de vidéos sur votre réseau. On y apprends vraiment plein de trucs.
- Mais qu'est-ce que tu es allé chercher sur le réseau pour trouver ce genre de chose ?
- Moi rien, mais je te rappelle que nous avons une partie de notre mémoire commune...
- Ohlala... si jamais les chimères... commença Manuel.
- Trop tard ! Fit joyeusement Salida en replongeant contre lui tandis que Nemaya changeait de couleur pour virer au rouge tout en souriant.
- Bon, Manuel, conclu Fernand en tapant dans ses mains, tu as l'air occupé, alors on va te laisser. On se retrouve tout à l'heure, nous, on va aller se reposer. »
*
Nemaya se déplaça dans les couloirs animés de la base à la recherche d'un endroit où dormir. La présence des chimères l'indisposait, mais elle passait outre. Autrefois, elle s'était battue pour les morts, son esprit, verrouillé sur le passé. Elle avait cessé de regarder ce qui se passait réellement dans le monde. Ce dernier avait changé, il avait muté. Les chimères n'étaient plus des monstres sanguinaires sans cœurs, mais des victimes elles aussi. Certes, aller au-delà de sa tragique expérience ne serait pas facile, mais elle se consolait en se disant que pour eux non plus. En effet, la plupart lui laissaient le passage et s'écartaient dans les coursives.
« - Bonsoir guerrière... » fit une chimère derrière elle.
Instinctivement, elle se stoppa, attendant la suite du message provenant de cette voix familière. Cependant, elle n'eut aucune réaction.
« ... Magla m'a demandé de te conduire là où l'on pense que tu te sentira le mieux. Est-ce que tu me suis? »
La combattante ne bougea pas d'un pouce lorsque Hertalam la dépassa pour la guider. Il prit une direction qu'elle ne connaissait que trop bien : son ancien dortoir. Celui dans lequel elle dormait étant enfant.
Arrivés devant la porte métallique, Hertalam se retira légèrement. Dans son regard, elle comprit qu'il ne la portait toujours pas dans son cœur, et que ce qui lui était demandé lui coûtait beaucoup.
« - Nous avons deviné... Ton odeur y est encore. Magla imagine que c'est là un endroit ou tu te sentiras bien. Personne n'a touché à quoi que ce soit. C'est tel que tu l'as laissé. »
La combattante planta ses yeux masqués par les lunettes dans ceux de la créature. Comme à une question silencieuse savamment posée, Hertalam répondit :
« - Oui, j'ai peur de toi. J'ai peur de ce que tu es capable de faire et je ne te fais toujours pas confiance... Oui, je sais ce qui s'est passé ici, dans son intégralité, Magla m'a donné un cours. Le reste n'est que suppositions. »
Nemaya ne réagit pas, attendant la suite. Au bout de quelques secondes, la créature violette continua :
« - Il y a des impacts de balles dans le mur du fond, et les odeurs de sang et de poudre, bien qu'anciennes,sont toujours présente dans la douche. Je suppose que même parmi les tiens tu as dû te battre. »
Décidée, Nemaya entra dans la pièce avant d'en claquer la porte et fermer le verrou. Une fois dedans, elle s'adossa à l'entrée avant de pleurer en se laissant glisser le long de la porte de métal. Son regard vagabonda dans la pièce, passant sur chaque jouet avant de se poser sur le mur du fond encore troué et la porte de la salle d'eau.
Elle pleura de plus belle en glissant la tête entre ses mains. Les souvenirs qu'elle avait de ce lieu étaient bien trop douloureux pour être enfouis.
*
* *
*
Le commandant Gerhart reposa le casque sur le bureau avant de s'allonger sur le dossier de sa chaise. Il était revenu presque tout les jours à ce cybercafé pour étudier tranquillement ce qu'il se devait de faire. Il avait vu suffisamment de vidéo, et lu suffisamment d'articles pour se faire sa propre opinion. Plusieurs groupes parsemaient la toile désormais : Les premiers criaient à la propagande, arguant qu'aucune machine ne pouvait disposer de telles performances. Dans le cas contraire, pourquoi ces machines n'avaient-elles pas été produite en série ?
Excellente question...
D'autres restaient septiques face à de telles performances. Ils posaient souvent des questions très pertinentes. Beaucoup de comprenaient pas pourquoi de telles machines, si elles existaient, étaient cachées aux yeux de la population. Les vidéos étaient trop bien réalisées pour n'être que de simples montages. Quelques experts avaient bien tenté de démontrer que ces combats n'était que virtuels. Mais, à travers le monde, de nombreux témoignages de personnes ayant vu l'une de ces machines se firent connaître. Et tout autant criaient au multicompte...
Ça m'avance pas
Les derniers se composaient de convaincus, d'extrémistes de tout bords et de théoriciens du complots. Aussi fanatiques que les détracteurs, les deux camps entretenaient des relations tendues. L'un de ces convaincus, un internaute à l'étrange pseudonyme de ''Maktoub'' paraissait en savoir beaucoup sur le sujet. Il ne s'énervait pas souvent et répondait à beaucoup de questions avec des détails lorsque c'était nécessaire.
Il doit tout inventer...
Machinalement, le commandant sorti le matériel de stockage informatique de sa poche.
Et ça, qu'est-ce que j'en fait ?
Le bruit de l'ordinateur réalisant une mise à jour automatique le sortit de ses réflexions. Le dénommé ''Maktoub'' venait de mettre en ligne une nouvelle vidéo. Sans grande convictions, Gerhart prit le casque et le reposa sur ses oreilles avant de lancer la lecture. Le choc fut tel, qu'après les premières secondes de lancées il dû remettre à zéro pour être certain d'avoir bien vu et entendu ce qui était dit.
Un soleil souriant se déplaçait de droite à gauche de l'écran vidéo tandis qu'une voix modifiée, celle qu'il avait déjà entendu pendant des jours entiers commentait :
« - Bonjour, ici, vous me connaissez sous le nom de Maktoub ; mais ailleurs sur le net, je suis connu sous le nom d'''Happy Summer''. Oui, je suis un pirate informatique lié au ''carré d'argent''. Oui, j'ai fait des choses condamnables. Et non, je ne mens pas. Aujourd'hui, j'ai découvert des informations terribles, qui ne peuvent rester cachées. Afin de vous faire comprendre le danger auquel nous sommes aujourd'hui confrontés, je vais, ici, et maintenant, dévoiler mon identité. Je ne tiens pas à vivre dans le monde que l'on me prépare, et, face à une telle menace, je vais me battre avec tout les moyens dont je dispose. Mon identité est secondaire... »
Le soleil disparut, laissant une jeune femme aux cheveux bouclés à l'écran. La voix modifiée continua quelques instants encore avant d'être remplacée par celle d'une femme.
« ...Si vous me cherchez, sachez que je me nomme Mylène Ferreira. Concernant les vidéos des ''Berserkers'' que j'ai pu poster, en dehors du montage des prises de vues, il n'y a aucun trucage. Et si vous me demandez où je me suis procuré les originaux, je répondrais que mon frère est le pilote de la machine blanche. Les risques que je prends aujourd'hui devraient faire taire les plus septiques. J'ai aujourd'hui en ma possession des informations qui sont bien plus terribles, et celles-là ne doivent pas être mises en doute, le résultat en serait catastrophique. Il y a quelques mois, j'ai appris l'existence d'un serveur très particulier au sein de la base de Bordeaux. Relié à réseau indépendant du web, il compile les dossiers les plus secrets de l'armée. Toutes les opérations ''pourries'' y sont regroupées. Sept opérations de ce types sont encore en cours et sont successibles de changer le destin de l'Humanité. La plus terrible et la plus urgente concerne les zones dévastées sur lequel le gouvernement central n'a pas de contrôle. Ça ne plaît pas à certains... Certaines de ces zones ont même crée des liens pacifiques avec les Chimères... Ce qui plaît encore moins, que ce soit chez les Humains ou chez certaines chimères. Des opérations conjointes ont été lancées pour faire disparaître ces espaces de libertés. Bamako, Stockholm, Genève, Hô-Chi-Minh-Ville, Kyoto, Adélaïde, Seattle et tant d'autres villes ont déjà subit leur foudre. Il n'y a eut aucune demande de reddition, ni même de discussion : ils ne sont pas là pour ça. Oubliez également l'idée de survivre si vous décidez de vous rendre : ils ont tué hommes, femmes, et enfants de manière indifférente avant de partir pour une nouvelle cible. Oubliez également l'idée de leur résister : ils utilisent des armes interdites par le TNIPANER. Il y a trois unités de ce type, il y en avait quatre à l'origine, mais l'une d'entre-elle a fait une mauvaise rencontre et n'existe plus aujourd'hui. Les trois dernières sont toujours en activité.
Je mets donc ici en garde toutes les zones dévastées à travers le monde. Attendez-vous à recevoir ces unités de nettoyeurs dans peu de temps, si possible, évacuez les lieux. Ce message est terminé, je pare au plus urgent, les six autres opérations seront décrites plus tard. Bonne chance à tous. »
Encore sous le choc, Gerhart regarda défiler la liste des cibles identifiées à la fin de la vidéo. Sa main tremblait légèrement avec la compréhension de la valeur de la preuve qu'il avait dans sa main. A ce moment précis, il fit un choix qui allait changer son existence.
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