4 : Éclaircissements (3/3)
Manuel frappa à la porte de la chambre de sa sœur. Il portait une nouvelle combinaison et avait laissé Salida s'endormir.
« - Euh... deux minutes ! Je suis occupée. C'est urgent ?
- J'ai besoin de te parler Mylène. C'est important.
- Attends encore quelques secondes... C'est bon, vas-y entre. »
Le jeune homme pénétra dans la petite pièce. Sur le bureau, les trois écrans d'ordinateurs travaillaient avec ardeur. La jeune femme était assise sur la seule chaise de la pièce. A son regard, Manuel comprit immédiatement qu'il dérangeait.
« - Tu as quelques minutes à m'accorder ? Je n'en ai pas pour longtemps.
- Vas-y, je t'écoute... Non ! Ne t'assoit pas sur... »
Trop tard, le jeune homme s'était installé sur le lit. Il sentit immédiatement quelque chose de dur sous ses fesses. Caché sous les couvertures, cet objet se dégagea pour se placer là où il ne serait plus sous pression. Sous la surprise, Manuel se releva et se retourna immédiatement. Il vit alors la couverture bouger légèrement.
« - Qui est-ce ? Demanda-t-il à sa sœur qui se massait l'arête du nez.
- Sors, on est grillées, répondit-elle. De toutes façons, il l'aurait su un jour où l'autre. »
Lentement, la couverture descendit pour laisser apparaître le visage reptilien de Shershalla. Manuel ne le vit pas, mais la capitaine le regardait avec des yeux inquiets.
« - Je te défends de commenter... l'informa Mylène.
- Fait moi une place, lança-t-il à l'adresse de la Silridriss en s'asseyant de nouveau sur le lit. Eh, maintenant Mylène, je sais pourquoi tu ramenais pas d'hommes à la maison.
- Sans commentaires je t'ai dit,répondit-elle en secouant la tête pour rassurer Shershalla quand à la futilité de la situation. De quoi voulais-tu me parler ?
- Je suis avec Salida.
- Oui, depuis un moment, et ?
- Non Mylène, tu n'as pas compris : j'ai fait l'équivalent d'un mariage.
- Félicitations ! Déclara-t-elle avec un immense sourire.
- Merci... Mais maintenant je me dis que... Je me demande comment les parents vont accueillir la nouvelle. Un humain et une chimère...
- Ils n'auront pas le choix. Idem pour Shershalla et moi. Même s'il va falloir mettre les formes avec maman.
- On va finir par se faire déshériter avec nos conneries. Mais maintenant, je sais pourquoi tu es considérée comme une Silawësis, continua Manuel avec un regard amusé à la saurienne. Celle-ci montra des dents et siffla pour exprimer son mécontentement.
« - Du calme chérie, c'est mon frère...
- Hé, doucement, ajouta Manuel. Contrairement à la parole de l'impératrice, j'ai jamais dit que c'était mal. Ce qui se passe dans ce lit ne regarde que vous. Moi, ce qui m'importe, c'est que ma sœur soit heureuse, je me fous des bras dans lesquels elle trouve ce bonheur.
- Vraiment ? Demanda la Silridriss en se relevant, incrédule. Les vôtres laissent tranquille les gens comme moi ?
- Nous sommes homosexuelles, lesbiennes, gouines, broutte-minous et tout les autres synonymes plus ou moins glauques... Mais la définition exacte est ''homosexuelles''... rhabille-toi un peu bébé.
- La plupart des gens te foutront la paix Shershalla, renchérit Manuel. Même si certaines personnes ''bien pensantes'' voudront te faire plier, c'est ton cul : tu es la seule à juger de l'utilisation à en faire. Bon, l'acception n'est pas mondiale. Mais au moins tu as un endroit où tu n'as pas à te cacher... euh maintenant que j'y pense... je vous ai quand même pas interrompues... Si ? Demanda le jeune homme en comprenant que la Silridriss dans le lit était nue.
- Si, confirma Mylène.
- Oh merde. Bon, je vais vous laisser à vos affaires alors... on verra la suite tout à l'heure » Reprit Manuel en se levant et en se dirigeant vers la sortie sous le regard des deux femmes, Mylène amusée, Shershalla, encore surprise de l'absence d'esclandre. De la porte, il fit un clin d'œil à la capitaine Silridriss dans le lit de sa sœur : « Prends soin d'elle. » lui glissa-t-il en fermant la porte.
« - Il n'a pas désapprouvé ?
- Pourquoi l'aurait-il fait ? Demanda Mylène en retirant son haut, vite enfilé quelques minutes auparavant. Pour la plupart des membres de notre espèce, le seul point réellement important, c'est que deux individus s'aiment. Le reste est accessoire... Et si on reprenait là où nous en étions ? » Demanda la jeune femme en se glissant sous la couette.
*
Dans la soute, assise sur les cuisses d'une armure qui n'était pas la sienne, Nemaya constatait les dégâts que sa machine avait subie. L'aile arrachée était appuyée contre la coque, juste derrière le berserker gris. Ce dernier était méconnaissable. Seul le poste de pilotage était indemne, en voulant la faire souffrir le plus longtemps possible, le loup blanc avait toujours évité de frapper cet endroit précis. Face à de tels dommages, la jeune femme s'interrogeait :
Qu'est-ce qui s'est passé ? Même Piotr semblait savoir que j'allais mourir... pour quelle raison a-t-il perdu le contrôle de lui-même ? Que me manque-t-il donc pour devenir aussi puissante ?
Comme pour lui répondre, le fantôme de l'homme revint la tourmenter :
- Tu as eu de la chance Lyouba...
- Bonsoir Piotr, tu t'es planté on dirait.
- Non. Tu le sais comme moi : s'il l'avait voulu, tu ne serais plus de ce monde. Tu te demandes probablement ce qui te manque pour rivaliser avec lui n'est-ce pas ?
- Tu peux me guider ?
- Je peux te dire qu'il possède quelque chose que tu as failli avoir.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il possède que je n'ai pas ? Cesse de tourner autour du pot.
- Un avenir Nemaya. Un avenir, répéta le fantôme. Il se construit son avenir, et il le défendra bec et ongles, quitte à mourir avec lui.
- Un avenir ? Pensa la guerrière.
- Oui, il suit les ordres pour sa réalisation, et ignore les autres. N'as-tu pas remarqué ? Toutes les personnes à bord de ce navire rêvent de leur avenir, même si elles n'en ont pas conscience.
- Mais de quels... avenirs... est-ce que tu, lentement, les paroles d'Happy Summers, la pirate informatique lui revinrent en tête : un endroit en paix, tranquille, où vivre ne serait pas un combat de chaque instant.
- Et toi Lyouba ? Que veux-tu ? Pour quelle chose serais-tu prête à remplacer tes habitudes et ton obéissance par des convictions et des rêves ? Demanda l'esprit.
Lentement, autour de la jeune femme, les machines de guerres disparurent, le bois de la coque du navire également, devant ses yeux, le décor changea, laissant apparaître la ville qui vivait en harmonie avec les chimères. En particulier le magasin de récupération dans lequel Rald travaillait. Le jeune homme en sortit, une poubelle plastique remplie de pièces métalliques plus ou moins abîmées.
« - Rald... » Murmura-t-elle
Le son de sa propre voix brisa le rêve éveillée qu'elle faisait. Pourtant, elle vit le jeune homme tourner la tête vers elle avec un immense sourire. Le cœur de la combattante se sera à l'idée de le savoir si loin d'elle, à avoir frôlé la mort pour une mission dont elle n'était pas convaincue de l'utilité.
Mais qu'est-ce qui m'a prit ? Se morfondit-elle en se recroquevillant. Quelle mouche m'a piqué ? Lentement elle sentit des larmes lui monter aux yeux et couler sur ses joues. J'avais pourtant commencé à oublier toutes ces horreurs grâce à lui...
« - Hého, ça va ? »
Le contact de la main de Cyclope, le sniper de leur petite équipe, sur son genou, lui fut insupportable. Elle se dégagea vivement du contact de cet homme qu'elle n'avait pas vu arriver dans le poste arrière.
« - Oulla ! Reste zen !.. Fit le soldat avec un petit mouvement de surprise face à la réaction excessive de la jeune femme. Dis ? Tu es sûre que ça va ? »
Nemaya hocha la tête, elle avait besoin de quelqu'un sur qui pleurer ses erreurs, elle attrapa la combinaison du sniper. Sous le regard un peu méfiant du sniper, elle le rapprocha avant de poser sa tête sur sa poitrine. Face à cette réaction en totale opposition à ce qui s'était déroulé quelques instants plus tôt, cyclope resta interdit. Elle pleura de plus belle sur la combinaison du soldat qui ne savait pas vraiment comment réagir. Finalement, il se décida à passer une main sur les épaules et une autre pour maintenir la tête de la guerrière contre lui. Il chercha à lui remonter le moral sans vraiment connaître la véritable cause de son état.
Aux oreilles de Nemaya : le fantôme de Piotr répétait la même phrase : « Tu n'as pas d'avenir Lyouba. »
*
* *
*
Manuel attendit que tout les membres de la Fantasy-Circus et des Papillons soient présent pour proposer une réunion dans la salle des cartes avec le reste de l'équipage du Corbeau-couronné. Il était nécessaire de faire le point sur ce qui s'était passé et sur ce qu'il convenait de faire désormais.
« - On fonce à Bordeaux, et on leur défonce la gueule pour nous expliquer ce merdier dans lequel ils nous ont fourré, proposa Fernand
- Ce ne sera pas nécessaire, déclara Mylène, j'ai toutes les réponses. L'opération ''Caprice chaud'' est une vaste escroquerie. En haut lieu, on nous a déclaré ''gênants'', et donc, à faire disparaître. Ils ont donc envoyé leur meilleure unité contre nous.
- Comment tu sais ça toi ? Demanda Fernand avec le tact d'un camion de marchandise.
- C'est le scénario le plus probable en accord avec ''Oracle''
- Un prophète ? Demanda Daniela
- Un programme, corrigea la jeune femme, avec les objectifs actuel, c'est l'option la plus probable. En théorie, d'ici à une quinzaine de jours, je serais fixée.
- Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Interrogea à son tour Oneshot.
- Un logiciel de détermination stratégique. Ça date d'avant la guerre, mis au point par l'union européenne pour les stratégies commerciales. Le logiciel permettait de déterminer les réactions des adversaires sur le long terme et appréhender les actions futures en fonctions des objectifs... Ça fonctionne aussi très bien avec les options militaires. Jusqu'à présent il ne s'est jamais trompé.
- Tu étais au courant qu'on allait se faire attaquer ?
- Oui... enfin non... j'avais pris mes précautions. Toujours selon ''Oracle'', un soutient de la population à l'escouade aurait diminué le risque d'attaque de soixante dix pour cent à trente-cinq pour cent...
- Ça fait quand même une chance sur trois d'avoir une partie de l'armée sur le dos, constata Tégos. Tu aurais dû nous prévenir plus tôt.
- Pour la suite, je n'y manquerais pas, je le promet, s'excusa Mylène.
- Cela ne me convient pas, grogna la chimère, la princesse a failli mourir !
- Je sais, j'étais là, merci de nous rappeler qu'on a failli s'entre tuer. » Riposta la jeune femme
La créature de cauchemar grogna en avançant, toutes griffes dehors. La main de Kouiros se posa sur son épaule, d'un coup d'œil, elle vit le bouquetin que secouait la tête de négations. En relevant le regard vers Mylène, elle vit que Shershalla s'était déplacées entre-elles.
« - On se calme mesdames... coupa Kouiros, désamorçant un conflit. Happy... euh, Mylène, est-ce que ton programme peut nous dire quoi faire maintenant ?
- Non, il est capable d'analyser une situation et de donner une finalité en fonctions des objectifs, et des différents leviers disponibles, mais pas de prendre des décisions a notre place.
- Que fait-on alors ? » Interrogea alors Aquil.
- Salida, Manuel, c'est à vous qu'on parle là, compléta Kouiros après un petit instant.
- Quoi ? Demanda Manuel ?
- Il n'a pas tort, rappelle-toi ce que je t'avais dit dans la zone dévastée : tu dois gérer les coups durs. Et c'est maintenant. »
Tégos allait ajouter quelque chose, mais, par l'intermédiaire de la mémoire, Kouiros lui enjoignit de ne pas le faire. Silencieusement, Manuel réfléchit quelques instants à ce qu'il convenait de faire avant de prendre quelques décisions :
« - Maximilien, comment sont les ruines ?
- Elles rentrent dans la montagne, il y a des cavernes aussi grandes que celles de la zone dévastée. Quelques constructions encore debout et des chemins praticables. On a aussi trouvé des poteries et des statues, des ustensiles étranges et pas mal d'ossements avec des formes de poissons.
- C'est habitable ?
- Et défendable. Pourquoi ?
- On ne peux plus compter sur les Humains, ni sur les chimères, ne parlons pas des Silridriss. Nous allons devoir créer notre propre base opération... Nous sommes seuls, et nous ne pourrons compter que sur nous même. Shershalla, dans quel état est le navire ?
- Le système d'urgence nous autorise un vol d'un quart d'heure environs, et un saut vers un autre monde également.
- Est-ce que tu saurais retrouver l'endroit où nous sommes actuellement ?
- Bien sûr.
- Quelles sont nos réserves de vivres et d'eau ?
- Un mois pour chaque, peut-être plus en rationnant.
- Parfait, bon, la priorité est de monter une base d'opération, pour ça, il va nous falloir un maximum de matériel de combat et des équipements de communications ainsi que toutes les fournitures. Il va aussi falloir prévoir une chaîne de ravitaillement. »
Nemaya leva la main avec un petit son improbable qui surprit tout le monde. Une fois l'attention sur elle, la guerrière chercha fébrilement une carte du monde Humain. Une fois fait, elle pointa avec conviction la chaîne montagneuse du Caucase.
« - Qu'est-ce qu'il y a là-bas ?
- Aucune idée... »
De son index, la combattante aux cheveux roux fit le signe du tir avec un pistolet, puis manger avec une fouchette.
« - Elle sait où trouver des armes et des vivres, comprit Maximilien.
- Ok, voila ce qu'on va faire. Nous allons tous repasser dans le monde des hommes. Twister, tu viens avec moi, direction les Amériques : on fait le plein de pierres, et on se tire... contact au minimum.
- On leur file pas de coup de main ?
- Uniquement si cela sert nos objectifs. Salida, tu vas devoir prendre le commandement du second groupe, vous suivez Nemaya pour voir où elle vous emmène. Tout le monde la suis. Laissez le maximum de nourriture et d'eau ici : faites aussi le plein de l'autre coté.
- Non, chéri je viens avec toi.
- Ça ne va pas être possible, fit Manuel en la prenant dans ses bras. Mais on se revoit juste après. Promis. Kouiros, Tégos, Maximilien, même si elle sait bien se battre prenez soin d'elle. »
La créature de cauchemar croisa les bras et regarda ailleurs en soupirant. Le grand bouquetin hocha simplement la tête, et l'ex commando répondit d'un sourire entendu.
« - Mylène, essaie d'en savoir plus sur ce que ces enfoirés du commandement de Bordeaux ont foutu avec nos ordres.
- Pas de problèmes, répondit l'intéressée encore surprise de la métamorphose de son frère en chef de guerre.
- Bon, reprit le jeune homme en tapant bruyamment dans ses mains. Au boulot ! »
*
* *
*
« - Alors ? Demanda Arsear dans l'atelier de Rig-rid.
- Alors je n'y comprends rien. On viens de le croiser à bonne distance, il est là, mais il semble qu'il n'y ait aucun moyen de l'approcher sans se faire siphonner l'Erapha des pierres. S'il était visible, ce serait plus simple, je pourrais deviner comment il fonctionne, mais là...
- C'est vivant ?
- Pas après autant de temps. Je pencherais plutôt pour un système automatisé encore fonctionnel, répondit l'ingénieure avant de poursuivre : mais comment on-t-il rendu une telle masse d'Erapha. invisible... c'est impossible.
- Les Humains aussi savent rendre des objets invisibles. Peut-être savent-ils ce qui pourrait cacher le cœur d'Erapha...
- On peut toujours leurs demander. Professeur Ferreira ? »
Le seigneur des terres de Kalam et de Youriss ne reçu aucune réponse.
« - Alors ?
- Il ne doit pas porter la broche. Nous allons devoir trouver une autre solution.
- Monseigneur, fit Berik par l'intermédiaire de la broche.
- Je t'écoute, que se passe-t-il ?
- Message de la Déesse-Impératrice, elle demande à savoir où nous en sommes.
- Ne répondez pas. Nous n'avons rien de très sérieux à lui montrer.
- Euh...
- Quoi encore Berik ?
- Je n'aime pas mentir à la Déesse-Impératrice monseigneur. Je préférerais lui donner un rapport, même partiel.
- Quel rapport ? Que nous avons perdu la quasi-totalité de la quatrième flotte en essayant d'attraper le cœur d'Erapha. ? Non ? Alors cesse de dire des inepties et cherche aussi une raison pour laquelle nous ne parvenons pas à détecter cette chose.
- Calmez-vous, dit doucement Rig-rid en caressant la joue du saurien en face d'elle : crier ne sert à rien. »
Arsear regarda quelques instants la gnome qui lui souriait doucement alors que son intendant gardait le silence.
« - Suis mes ordres Berik, ne me cherche pas d'ennuis, ça te desservirai.
- Bien monseigneur. Désolé monseigneur. » Murmura le fautif.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top