4 : Éclaircissements (2/3)
« - Je désapprouve le procédé ! C'était complètement inconscient ! »
La voix humaine qui résonnait aux oreilles d'Arsear créa un sourire sur le visage du saurien. Dans son bureau, le Silridriss quitta quelques instants son écran orangé des yeux pour se concentrer sur son interlocuteur qui utilisait une broche.
« - Bonjour professeur Ferreira...
- Mais qu'est-ce qui vous a pris de faire ça ? Reprit l'homme en colère.
- Le besoin de vous sauver la vie.
- Pardon ?
- La Déesse-Impératrice avait besoin de vous pour neutraliser votre fils. Vous n'y auriez pas survécu, poursuivit Arsear.
- Je devrais donc vous remercier de m'avoir plongé quinze centimètres d'acier dans la poitrine ?
- Je n'irai pas jusque là, mais c'était un mal nécessaire. Êtes-vous correctement installé ?
- C'est... spartiate. Mais ça fera l'affaire. J'ai lu le message que vous avez laissé à ma femme. Êtes vous sûr que personne ne viendra nous chercher ici ?
- J'en suis persuadé. Vous garder près de moi eut été trop dangereux dans le contexte actuel. Je vous ai donc envoyé là où vous auriez le plus de chances de survivre, même si ça ne sera pas facile. Soyez très prudent et ne vous faites surtout pas remarquer.
- Avez-vous des nouvelles de mes enfants ?
- Oui, une favorite que je connais bien a constaté qu'ils avaient participé à une bataille fratricide avec d'autres de votre race. Les raisons nous échappent encore, mais ils ont réussi à lui échapper de justesse. On dirais qu'ils sont devenus des parias au sein de votre espèce.
- C'est un cauchemar... murmura le scientifique.
- Non, le cauchemar, c'est ce qu'il est devenu au cours du combat. A l'origine, la Déesse-Impératrice voulait les capturer, maintenant, elle les veut morts. Tous.
- Qu'est-ce qui s'est passé au juste ?
- Là encore, nous n'avons que des bribes d'informations, mais quelques survivants ont dit que l'un des pilotes avait perdu le contrôle de sa machine.
- C'est pas vrai... déclara le professeur Ferreira incrédule. Et le ''Gleipnir'' ? Est-ce qu'il a été déployé ? Est-ce qu'il a fonctionné ?
- Le ? »
Le silence aux oreilles d'Arsear fut éloquent.
« - Ne me dites pas qu'il y a une solution pour stopper cette engin.
- Si, elle existe, et il faut beaucoup de conditions pour la mettre en œuvre. Elles sont également à usage unique. Mon fils ne doit plus piloter de nouveau, c'est trop dangereux : s'il venait à perdre une nouvelle fois le contrôle du berserker...
- J'ai besoin de connaître les conditions nécessaires pour stopper cet engin : Personne ne doit plus les réunir. »
De nouveau, un silence pesant se fit sentir, le Seigneur Silridriss sentait que l'homme ne lui faisait pas encore confiance.
« - Professeur, je ne compte plus les risques que j'ai pris pour vous et les vôtres sans être sûr du résultat. J'ai besoin de savoir.
- Pour commencer, il faut isoler le berserker du réseau ; il faut limiter ses capacités de calcul au maximum. La première mesure est de lancer le programme ''Walhalla''. Si le logiciel ne fonctionne pas, il faut attirer l'attention du pilote hors de son processus principal puis lancer celui nommé ''Gleipnir''. ''Walhalla'' bloque le programme sur une boucle sans fin et le stoppe. ''Gleipnir'' est plus complexe, mais aussi plus instable, il annule les ordres dépassants les capacités actuelles de la machine, puis stoppe toutes les arrivées d'énergies. L'ennui, c'est que le pilote peut s'en libérer à tout moment en reprenant le pilotage. Il entre dans une situation ou deux états contradictoires sont...
- Pourquoi est-ce à usage unique ?
- Le berserker évolue. Il s'adapte à tout. Une mesure préventive qu'il a déjà vue sera immédiatement contrée.
- Existe-t-il une troisième solution ?
- Non. Et s'il perd de nouveau le contrôle... il ne restera qu'à abandonner le monde dans lequel il sera, attendre le décès du pilote, ou qu'il arrive à cours d'énergie. »
*
* *
*
Salida ouvrit lentement les yeux. Mais elle ne réussit pas à les ouvrir complètement. Le petit sourire du bonheur ornait son visage. Dans son dos, elle sentait le corps nu de l'Humain qui s'était lié à elle. La main du jeune homme passait sous son bras puis se posait sur un sein. Une main blanche, sans poils ni griffes, à peine une partie un peu plus dure sur leurs extrémités.
Rien a voir avec les critères de beauté du peuple chimère.
Cette simple réflexion accentua son sourire. Puis elle repensa à ce qui s'était passé une heure auparavant. Les sensations qu'elle avait eu étaient très différentes de celles qui se trouvaient dans la mémoire. Avant de s'avancer plus, elle y accéda pour vérifier.
L'état de la mémoire commune au peuple chimère ne s'était pas arrangé. Hillgearim était présent partout, sa dictature était en place et personne ne se sentait le courage de le contredire. Il avait fait des exemples de ceux qui lui avait manqué de respect ou avaient émit des doutes sur ses choix. Elle ignora tout cela : elle n'était pas là pour ça.
Nus depuis leur naissance, le sexe n'était en rien un sujet tabou pour le peuple chimère. Elle trouva sans difficulté ce qu'elle cherchait : les sensations d'un rapport sexuel. La princesse constata alors qu'il y avait une sacrée différence. L'acte était le même, mais, avec Manuel, elle avait eu un plaisir inconnu. Une sensation qui parcourait encore son corps tout entier comme un spasme rien qu'à son évocation.
Si j'en profitais ?
Salida accéda là où toutes les chimères en couples se déclaraient. Tel un immense registre de mariage, les informations regroupaient les trois informations importantes. En premier lieu, le nom des deux individus, en second, une preuve mémorielle de l'acte, en dernier, un ou plusieurs commentaires.
Elle resta un moment devant la masse d'information, contemplative. Depuis sa plus tendre enfance, elle savait qu'elle aussi aurait un jour à y inscrire quelque chose. Elle resta contemplative devant la trace laissée par ses parents. Enfin, elle inséra son nom, puis, celui de Manuel.
Manuel ? Ou Manuel Ferreira ? M. Ferreira ? Doux-Dingue ? Capitaine Ferreira ? ... Je prends lequel ?
Finalement, elle opta pour Manuel Ferreira. Les deux informations à peine rentrées, elle sentit immédiatement les pensées de ses congénères se diriger vers elle. Telles des centaines de personnes contrôlant votre travail dans votre dos, elle se rappela qu'elle était une Princesse déchue. Elle avait bien changé, la petite princesse gâtée s'était métamorphosée, la guerre, les combats, les tortures, les brimades, les reproches,... Ses erreurs comme ses réussites l'avaient endurcie. Personne ne l'empêcherai de finir cet acte important. Nul n'en avait le droit, et, lâchée par tous ceux de son espèce, plus personne n'avait assez d'ascendant sur elle pour l'y forcer.
- Princesse ? Qui est cette chimère ? Demandèrent plusieurs d'entre-elles.
- Ce n'est pas une chimère, répondit-elle en créant un lien avec les informations concernant un certain Doux-dingue, Humain, et pilote d'AMC de surcroît.
A sa grande surprise, les réactions de rejet furent faibles.
- Salida, la vie d'une bannie ne nous intéresse pas, fit Hillgearim. Quitte cet endroit que tu souilles de ta présence.
La chimère ne répondit pas à l'agression, et continua ce qu'elle avait commencé. Son esprit inséra les images de l'acte amoureux. Avec une satisfaction non feinte, elle ajouta également les sensations de plaisir qu'elle avait eu, tel un bonus pour clouer le bec à ceux qui la décriait. L'apothéose étant le coït en lui-même.
La sensation oppressante autour d'elle s'accentua, mais personne ne lui adressa la parole. Un silence gêné, lié à la découverte d'une nouvelle perception l'entourait.
Son accès à la troisième partie, la surprit : Il y avait déjà de nombreux messages déjà inscrits. Certains de félicitations masquées pour ne pas attirer l'attention d'Hillgearim, d'autres, d'insultes ou de caricatures à son encontre, et de son choix de mari. Mais les plus étranges étaient celles qui demandaient plus d'informations.
''Bandes de petites perverses !'' dirait certainement Manuel. S'en amusa la tigresse
Elle réfléchit quelques instants sur ce qu'elle allait mettre dans la mémoire avant de se décider :
J'ai fait un choix, j'en suis fière et je ne le regrette pas.
Je remercie celles et ceux qui me soutiennent ou qui se réjouissent avec moi de cet événement
J'apprécie ceux qui savent garder le silence par respect pour ma vie privée.
J'emmerde tout les autres.
- Une insulte à peine masquée à destination de ton cousin... constata Kouiros. Mais le plus beau est à venir princesse.
- Quoi ? Kouiros que... ?
- Regarde.
Salida fit de gros yeux en voyant les messages que d'autres chimères laissaient. La plupart étaient des opposants à Hillgearim, les plus grands noms de la société chimère inscrivirent une note. Toutes étaient des félicitations, des vœux de bonheur et toutes se finissaient de la même variantes de ''Vive les époux Royaux''
- Kouiros, dit leur d'arrêter : Manuel va pas apprécier.
- Il a accès à la mémoire ?
- Non mais...
- Alors on s'en fout. L'important c'est que Hillgearim se sente menacé.
- J'ai peur que ça ne dégénère.
- Ton cousin a déjà essayé de te faire disparaître... je ne crois pas que ça puisse dégénérer plus
- Tu es sûr ?
- Oui, tiens, voilà le mien.
Le message du héros chimère lui fit chaud au cœur :
Dans quelque monde que ce soit, vous n'auriez pu trouver de meilleur mari en des temps si troublés. Vos parents seraient fiers de vous.
Vive le Reine !
Vive le Roi !
Sans vraiment s'en rendre compte, cette simple phrase, répétée à l'envie, eut un effet que personne n'aurait vraiment pu prévoir. Dans la mémoire du peuple chimère, plus l'information est répétée, plus elle est considérée comme importante. Les ''vivas'' des opposants attirèrent l'attention de ceux qui n'entraient plus dans la mémoire que pour y déposer leurs souvenirs. Et, galvanisés par ce défi lancé à Hillgearim, beaucoup d'entre-eux y ajoutèrent leurs voix. Le petit cri de défiance prit rapidement la dimension d'une immense onde de choc qui fit relever la tête de toutes les chimères encore vivantes aux travers des différents mondes.
- Ça, en revanche, c'était pas prévu, fit Kouiros dans l'immense clameur qui secouait la mémoire.
Salida lut quelques unes des traces laissées par le peuple chimère : La première bonne nouvelle depuis longtemps, tout mes vœux de bonheur. Vive le Roi ! Vive la Reine ! De la part de Magla. C'est sous une autre forme que vous vous épanouissez, mais vous restez Chimère. Vive la Reine ! Vive le Roi ! De la part d'Arson. Il est temps pour vous de sortir notre peuple des ténèbres ! Guidez-nous ! Vive la Reine ! Vive le Roi !... Dans tout ce fatras d'informations il y eut tout de même quelques messages désapprouvant cette union contre-nature. Mais ce fut là fort minoritaire par rapport au tsunami qui envahissait la mémoire. Elle renvoya ces individus vers le message qu'elle avait elle-même laissée puis sortit de là.
« - Eh ? Qu'est-ce qui se passe ? Demanda tendrement Manuel en la sentant pleurer. Je t'ai fait mal ?
- Non, bien au contraire..., répondit-elle en séchant ses larmes. En fait, je ne sais plus, faudrait réessayer pour être sûr. »
Le temps que le jeune homme comprenne les propos de la princesse, celle-ci se tourna vers lui et l'embrassa tout en le caressant doucement.
*
Tégos avançait lentement parmi les rochers ronds et polis. Le soleil était haut, et éclairait fort. Pourtant, il ne faisait pas très chaud. Le petit groupe s'était rapidement équipé pour l'exploration des ruines et avançait en file indienne. Le bateau qu'elle avait quitté faisait encore trente bons centimètres sur l'horizon lorsque le séisme mémoriel l'atteignit. Elle se stoppa, le temps pour elle de comprendre se qui se passait, et n'eut pas besoin de faire de grosses investigations pour en déterminer l'origine.
« - Oh ? Ça va ? » Demanda Fernand juste derrière elle.
La guerrière chimérique se retourna vers Kouiros, trois places derrière.
« - Tu es content de ta connerie ?
- A un point que tu ne peux imaginer, confirma le fautif, cela a dépassé mes attentes.
- Et que crois-tu qu'il va se passer maintenant ?
- Hillgearim va prendre pour épouse la première... euh comment vous dites déjà ? Demanda-t-il à l'attention d'Hécate. Ha ! Oui, il va épouser la première cruche venue pour tenter de minimiser ce qui vient de se passer.
- T'es optimiste toi. Il va nous envoyer ses tueurs une nouvelle fois.
- Personne ne bougera... »
Par l'intermédiaire de la mémoire, Kouiros montra qu'il avait déjà inséré ce qui s'était passé lorsque Manuel avait perdu le contrôle de sa machine.
« ... Personne ne l'apprécie assez pour se sacrifier en son nom. Et il y réfléchira à deux fois avant de les agresser désormais.
- On peux savoir de quoi vous discutez tout les deux ? Demanda Aquil en revenant sur ses pas
- Disons que de manière objective, notre chef d'escouade est devenu le roi des chimères.
- Comment ça ? Reprit le commando incrédule.
- Ils viennent d'avoir des rapports sexuels ensemble. Pour nous, c'est l'équivalent de votre ''mariage''. »
Le combattant eu un mouvement de recul, ne parvenant pas à concevoir l'acte physique entre les deux individus.
« - Hé, Kouiros, quand il y a une dimension sentimentale, l'expression c'est : ''faire l'amour'', corrigea Fernand. Là, on a l'impression que deux tranches de barbacks viennent de baiser.
- Allez, on avance. Nous ne sommes plus très loin. » Coupa Maximilien qui préférait passer à autre chose.
*
* *
*
Myanate s'installa sur le toit du navire amiral. Ses pouvoirs de Favorite lui donnait la possibilité d'atteindre par le vol des points les plus inattendus sans pour autant risquer quelque chose. Autour d'elle, la neuvième flotte se déplaçait mollement dans le ciel. Le soleil se couchait lentement, recouvrant le ciel d'un dégradé de rouge, de violet et de bleu. Aucun nuage ne venait entacher ce superbe tableau, pourtant, la Favorite ne l'admirait pas. De sombres pensées entachaient ses réflexions. Elle repensait à Arsear, celui qui l'avait repoussée, elle, l'une des proches de l'Impératrice.
Je ne comprends pas...
Depuis que le corbeau-couronné s'était échappé, la flotte ne cessait d'envoyer dans d'autres monde choisis aléatoirement des sondes à sa recherche. Seules vingt pour cents d'entre-elles revenaient, et seules trois pour cent revenaient avec les coordonnées d'un monde viable. Mais aucune trace du navire volant. Inconsciemment, ses pensées se tournèrent vers le souvenir de la bataille qu'elle avait vue entre les Humains. L'interrogatoire de son prisonnier n'avait rien donné, il ignorait complètement ce qui s'était passé. Après analyse des données que les navires avaient recueilli, l'énergie déployé était certes extraordinaire, et extrêmement destructrice, mais pas assez pour menacer l'Impératrice. Même à quatre, les démons n'auraient pas assez d'énergie pour cela.
Quelle prophétie idiote... Ou alors je suis passée à coté de quelque chose, quelque chose de très important.
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