12 : Politiques (1/3)
Salida ouvrit les yeux, dans les ténèbres un petit réveil écrivait ''9:14'' dans des caractères bleus et doux. Après avoir tellement stressé, elle avait demandé à pouvoir dormir un peu plus longtemps dans la mémoire. Le contact chaud de son mari lui avait vraiment manqué, et elle se colla tendrement à lui.
« - Bonjour chérie, fit-il avec douceur tandis qu'il commençait à caresser son corps.
- Bonjour mon amour, bien dormi ?
- Oui, j'ai fait un très beau rêve cette nuit.
- Ah ? Lequel ?
- J'ai rêvé que j'étais marié à une très jolie princesse, fit le jeune homme en lui glissant la main dans le cou. Je dois encore être dans ce rêve...
- Charmeur !
- Et alors ? Fit-il en l'enlaçant et en la poussant légèrement pour la mettre sur le dos. Cela te gêne ?
Elle bloqua.
« - Non, ce matin, c'est dans l'autre sens... » Lui glissa-t-elle dans l'oreille en le poussant pour que ce soit lui qui soit sur le dos.
Il ne résista pas lorsqu 'elle coula contre son ventre avec un ronronnement qui fit vibrer son cœur. Salida s'assit à califourchon sur lui, nue, et elle repoussa les draps au fond du lit. Dans cette pièce profondément enterrée dans la montagne, seule la veilleuse de la sortie de secours éclairait de sa lumière grise et sans reliefs. Manuel admira un instant les courbes et les marques bleues de la tigresse, il glissa ses mains dans la fourrure au niveau des hanches jusqu'à les remonter jusqu'à sa poitrine. Salida se cambra, mais elle non plus ne perdait pas une miette du corps de son homme. La peau à nue reflétait à peine la faible lumière dans un ton gris uniforme. Les marques noires que le berserker avait laissé sur la peau du jeune homme le sculptaient son corps comme une œuvre d'art, et les yeux vairons brillaient faiblement dans les ténèbres. Elle rapprocha son visage du sien et ils s'embrassèrent comme si la guerre qui faisait rage au-dehors n'existait pas. L'acte amoureux eut lieu dans un cocon de douceur et de tendresse réciproque. Au-delà des formes, des origines et des préjugés, ils s'aimèrent ainsi un long moment dans la pénombre jusqu'à ce que la fatigue les rattrape.
Allongés l'un contre l'autre dans des draps éparpillés, ils somnolèrent quelques instants dans une demi-conscience extatique. Manuel reprit ses esprits avant la Salida. Il commença à jouer avec le bout de ses moustaches. Cela chatouilla la tigresse qui agita de quelques spasmes les dites moustaches pour faire partir un quelconque insecte inexistant.
« - Arrête Manuel, ...
- Moi, je trouve ça rigolo.
- Arrête s'il te plaît. Tu as des choses importantes à faire aujourd'hui.
- Ha ?
- Oui, aujourd'hui, tu vas devoir te comporter en Roi.
- Ah... Fit-il, gêné. Je me doutais que ça arriverais un jour.
- Il y a des décisions à prendre. Certaines sont importantes et d'autres moins.
- On commence par quoi ?
- La présentation à l'assemblée législative. J'y serai aussi.
- La quoi ?
- Des membres du peuple, élus pour une durée de sept ans.
- Ouais... ensuite ?
- Il va falloir choisir un drapeau, un symbole représentatif. Les enfants ont fait des ébauches. Ils ont apparemment plein d'idées.
- Les enfants ? Reprit Manuel surpris que ce sujet soit à leur charge.
- Oui, ceux des Humains et des Chimères qui le veulent. Cela leur permet de participer. J'ai pris cette initiative car il va falloir nous différencier des autres Chimères, et donner aux Humains une existence.
- Il va aussi falloir se trouver un nom de faction si on utilise des symboles, constata le jeune roi.
- Je n'y avait pas pensé mais c'est vrai, fit la reine en posant son regard sur son Homme avec amour. Il y a trois autres... sujets à traiter. Ils sont importants et doivent être résolu de la manière la plus diplomatique possible.
- Aïe... C'est pas mon point fort chérie.
- Je suis sûre que tu vas y arriver.
- Je t'écoute. »
Salida raconta alors ce qu'elle avait découvert au sujet de son cousin, et de Dioclès. Elle n'omit rien. Même la confrontation dans la mémoire fut relatée.
« - Quel est ton ressenti à son sujet ? Demanda Manuel à la fin du récit.
- Il est sincère, enfin, je le crois.
- Qu'attends-tu de moi au juste ? Que l'on le gracie, qu'on le punisse ou qu'on l'élimine ?
- Je ne sais pas : je pense qu'il mérite les trois.
- Laisse-moi y réfléchir, on en rediscutera... Quel est le second ?
- Mylène est inquiète. Le gouvernement Humain tiens des propos très agressifs à notre égard. Ils nous accusent de toutes sortes d'horreurs, d'inégalités, et ils donnent une vision faussée de notre relation.
- Et ? On s'en fout non ?
- Sellgan, qui est plutôt bon dans le domaine des relations publique, et m'a dit que ce n'était pas une bonne idée. Il va falloir se battre sur les informations que l'on transmet à l'extérieur pour ceux qui pourraient devenir de futurs alliés.
- Quelle est la solution ? Il a une idée ?
- Les Humains n'ont pas de mémoire commune, par contre, ils ont un réseau. Alors... une conférence de presse ou une interview serait bien.
- Merde... Chérie, j'ai jamais été doué avec les journalistes. Tu ne pourrais pas t'en occuper toute seule ?
- Je n'aurais pas autant d'impact que toi, tu es Humain, pas moi.
- J'ai pas très envie, je risque de mettre mon poing dans le visage du journaliste dés la première question foireuse.
- Je suis persuadée que tu arriveras à te contrôler.
- Ensuite ?
- Arsear... »
A la simple prononciation du nom, Manuel se raidit. Sa seule et unique envie était de passer le Silridriss dans un broyeur. Pourtant, ce dernier n'était pas plus belliqueux que cela. Il cherchait à négocier, discutait et semblait prêt à transmettre des données stratégiques importantes. La simple évocation des informations qu'il pouvait obtenir du saurien suffisait à calmer le jeune roi. Dans les moments, où il était prêt à passer à l'acte, le simple rappel que la marque du Klastlabad protégeant le Seigneur suffisait à le calmer.
« ... Il va falloir faire un choix à son sujet. Ou nous l'aidons, ou nous nous en débarrassons.
- Nous ne pouvons pas nous en débarrasser, il a la marque sur la poitrine. Si on se loupe, il détruira complètement la cité. Non, il faut gagner du temps, et trouver le cœur d'érapha. On avisera après. Je vais demander à Oneshot de s'occuper de ça.
- Pas à Fernand ? S'étonna Salida.
- Non, j'ai besoin de lui pour surveiller le lascar fit-il en pensant à Arsear. En dehors de Nemaya, nous sommes les seuls à avoir un espoir de le stopper. J'aimerais qu'ils s'y relaient tout les deux. »
*
* *
*
Nemaya ouvrit les yeux sur le lit vide. Rald n'était plus là. La lumière filtrait sous les persiennes qui recouvraient la fenêtre de leur chambre à coucher. Les rais de lumière découpaient la pièce dans des tranches horizontales. Le lit double était au centre d'un loft avec mezzanine que Rald avait aménagé pendant l'absence de la guerrière. Sur une table de chevet fatiguée, le réveil qui y trônait écrivait en chiffre rouge l'heure matinale.
La combattante se mit sur le dos, et ses yeux cherchèrent dans les aspérités du plafond des pensées réconfortantes. La veille, la terreur l'avait envahie, ses réactions avaient inquiété Rald. Mais elle lui avait fait confiance, et, ne l'avait pas regretté. Contrairement à sa première fois, elle avait été d'accord.
Elle sortit des draps vides sans un bruit, ramassa la culotte et le haut qu'elle avait retiré la veille et les enfila. Elle descendit l'escalier en colimaçon en béton qui menait à la cuisine et y retrouva le jeune homme, une tasse de café et une tablette à la main. La partie inférieure du loft était composé de deux parties. La première, sous la mezzanine se composait d'une cuisine/salon, et la seconde, décalée vers un rideau de fer, d'une boutique de matériels. Il posa immédiatement la tablette numérique et sourit à l'approche de la combattante.
« - Bonjour Nemaya.
- Lyouba. » Corrigea-t-elle en un murmure d'une voix extrêmement douce.
Surprise, elle porta immédiatement les mains à sa bouche.
« - Tu parles ? Mais c'est génial ! Tu t'appelles Lyouba c'est ça ? » Se précipita Rald.
Elle le calma d'une main levée. Lentement, elle retira l'autre de sa bouche. Malgré des grimaces, aucun autre son ne sortit de sa bouche.
« - Bon, ce n'est pas grave, conclu Rald, avec du temps, on y arrivera. »
Soudain, avec force et violence, quelqu'un tambourina sur le rideau de fer. Une voix féminine forte et énervée se fit entendre.
« - Rald ! Je sais que cette salope est là ! Qu'elle sorte immédiatement que je lui pète sa gueule de voleuse d'homme !
- Non, je l'ai quittée si c'est ce qui t'inquiète, déclara l'incriminé devant le regard accusateur de la combattante. L'ennui c'est qu'elle le prends plutôt mal. Laisse-moi régler ça s'il te plaît. »
Nemaya entendit une nouvelle fois le rideau de fer résonner sous les coups de la furie en colère. Elle fit le choix de lui faire confiance : elle haussa les épaules avant de se tourner vers la cuisine.
Avec colère le magasinier ouvrit la porte avant de hurler lui aussi. Une longue et violente dispute s'engagea.
*
* *
*
« - Donc, ce sont là les trajectoires du cœur d'érapha... Fit Oneshot en tenant un grand parchemin entre ses mains.
- Oui, répondit Arsear en face de lui. »
La pièce restait celle des interrogatoires, et le prisonnier, sous surveillance. Fernand avait prit à sa charge le maintient de ce dernier en détention. Curieusement celui-ci ne semblait pas pressé de recouvrer la liberté.
« -... Mais nous avons beau chercher, nous ne le trouvons pas. Je me suis dit que vu que vous aviez toujours des idées bizarres, vous pouviez mettre la main dessus.
- Je dois avouer que je n'en ai pas plus que vous... Je vais garder le document pour faire nos recherches également.
- Si vous voulez.
- Je repasserai si j'ai des questions.
- A votre guise, mais j'espère que vous serez rapide avec la décision que vous prendrez me concernant.
- Pourquoi donc ? Fit le sniper, surpris.
- Je vous rappelle qu'une flotte patrouille dans la zone, et qu'elle attends mon retour.
- Je m'en souviendrai. » Répondit-il en se levant, identifiant une menace masquée de la part de son interlocuteur.
Comprenant que l'entretien était court cette fois-ci, le Seigneur Silridriss se leva également sous les yeux de Fernand qui bouillait intérieurement.
« - J'ai l'impression que vous ne m'appréciez pas, lui adressa le saurien.
- Pour moi, t'es qu'un salopard. Je sais pas ce que Manuel te veux, mais si on m'en laisse l'occasion, je te flingue ; et je te garanti que je vais prendre mon temps.
- Parce que j'ai tué ton ancienne compagne ? »
Le mouvement fut aussi vif que violent : le poing du combattant rouge s'écrasa sur la joue du Silridriss. Sous la surprise les gardes chimériques n'intervinrent qu'avec un temps de retard. Le premier écarta Fernand de son adversaire tandis que le second relevait Arsear.
« - Ne parle pas d'elle ! Enfoiré de fils de pute ! Tu n'en a pas le droit !
- Et si je te disais que tu la reverras bientôt ?
- Quoi ? Se calma aussitôt le guerrier à la peau rouge tandis que le Silridriss se massait la joue.
- L'Impératrice cherche à se protéger de vous. Elle a ressuscité ton ancienne compagne et votre ancienne chef d'escouade pour vous déstabiliser. Elles ne vivent que par sa volonté. Leurs esprits et leurs cœurs sont corrompus par sa présence. Vous devrez certainement les affronter. Si vous ne le faites pas, elles vous tueront tous les deux avant de retourner à leur état.
- Espèce d'enfoiré ! Hurla Fernand en cherchant à l'empoigner.
- Estelarielle ne reculera devant rien pour vous vaincre. Vous n'êtes pas les premiers à vous opposez à elle. Un autre que vous l'a affronté autrefois, mais il n'a pu se résoudre à tuer sa famille. Il en est mort, et avec lui, tout les espoirs de cette rébellion. Tout le monde connaît cette Histoire : Ne faites pas la même erreur. Mais tu pourras lui parler une dernière fois. »
Le garde chimérique poussa Fernand vers la sortie de la pièce tandis que son compère asseyait le saurien sur une chaise.
« - Est-il toujours ainsi ?
- Non, là il était calme.
- Vraiment ?
- A sa place, je vous aurai tué sur le champs : jouer avec les sentiments et la vie des gens... Vous n'avez décidément ni honte ni scrupules. Vous me donnez envie de vomir.
- Il voulait la revoir, je lui ai dit que ce serait le cas. Où est le mal là-dedans ?
- Vous avez aussi dit qu'il devra la tuer.
- Je ne vois pas où est le problème : elle est déjà morte. Seule la puissance de l'Impératrice lui redonne vie.
- Mais a ses yeux, vous êtes responsable de cette situation.
- Et j'en payerai le prix. Mais plus tard.
- Pardon ? »
*
* *
*
Oneshot étala le parchemin sur le bureau du commandant Sarlen. Dans la pièce, le vieux soldat s'était trouvé une tasse pour remplacer celle qu'il avait dû laisser dans la cité Silridriss. Le modèle en inox des ex-forces russes semblait lui convenir. Il la tendit à une chimère qui rentrait dans la pièce avec un thermos de café.
« - Je me demande vraiment comment vous pouvez boire cette boisson..., Fit Djiza en le servant.
- Avec beaucoup d'entraînement, de courage, et d'habitude.
- Hum, répondit-elle négativement après avoir humé le breuvage et vivement retiré la tête. Désolé, j'y arrive pas.
- Merci Djiza, fit simplement le vieil homme en prenant la tasse pour la porter à ses lèvres.
- Vous êtes marié ? »
Vite absorbé, le café, fut aussi vite recraché avec une quinte de toux.
« - Commandant ? Demanda Oneshot qui n'avait pas suivit la discussion.
- Ça va... Fit le soldat entre deux raclement de gorge. Djiza ?....
- Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
- Non, ce n'est pas ça, mais si tu pouvais me trouver de l'eau chaude, ce serait gentil.
- De l'eau chaude ?...
- Oui. Le café est tellement fort que la cuillère tiendrait debout toute seule dans la tasse.
- Je suis désolée, je vais chercher cela tout de suite.
- Ce n'est rien, prends ton temps. »
La chimère sortit de la pièce, et Mylène y entra avec Friedrich et Maximilien. Le sniper finissait de rire tandis que le vieux combattant se raclait la gorge.
« - Qu'est-ce qui se passe ? On a manqué quelque chose ? » Demanda la jeune femme en se dirigeant vers le thermos. Elle prit une tasse qui y était posé à coté. Le commandant la lui prit des mains avant de renverser une partie du breuvage de son mug dans la tasse.
« - Non, rien, mais fait attention, voici ta dose annuelle.
- Il est trop fort... comprit la jeune femme.
- C'est quoi ça ? Demanda Friedrich avec sa motivation habituelle.
- Les trajectoires du cœur d'érapha. Un artefact de ce monde sur lequel les Silridriss aimeraient bien mettre la main, répondit Oneshot.
- Et ?
- Et je vous ai demandé de venir car j'aimerais savoir si ces trajectoires vous disent quelque chose.
- Pas vraiment... De grandes courbes sur un planisphère... constata Arson.
- Est-ce qu'ils savent au moins ce à quoi ressemble cet artefact ? Ou du moins à quoi est-ce qu'il sert ? Demanda Aquil.
- Cela absorbe tout l'érapha qui est à sa portée. Cela a été fabriqué par le peuple originaire de ce monde avant son extermination. Un peuple sous-marin à ce qu'il paraît. Maintenant, les lézards n'ont pas la moindre idée de quoi il a l'air.
- Une arme ?
- Peut-être.
- C'est un satellite artificiel... »
La remarque du rasta surprit tout le monde
« ... La vache, il est bon ce café. On dirait celui que ma mère me préparait quand j'étais petit, continua-t-il en regardant sa tasse vide.
- Qu'est-ce qui te fait dire qu'il s'agit d'un satellite ?
- Les virages sont extrêmement amples. Comme ceux d'un satellite, pas étonnant donc que les lézards ne l'aient jamais vu. Pour cela il aurait fallu qu'ils conquièrent l'espace plutôt que des mondes parallèles. Et puis...
- Quoi ?
- Y'a un tel bordel là-haut qu'il a été difficile de déterminer la trajectoire de nos propres satellites et on doit parfois faire des ajustements pour éviter les collisions.
- Combien y a-t-il de débris ? Demanda Mylène
- Environs trois cent. Plutôt encombré pour un monde sous-marin non ?
- Pas dit : le carburant pour propulsion spatiale est à base d'oxygène et d'hydrogène, donc...
- De l'eau, conclu le sniper en reposant ses yeux sur la carte avec les grandes traces.
- Comment s'en assurer ? Fit Sarlen en s'interrogeant sur la solidité de l'estomac de l'opérateur radar qui se servait une nouvelle tasse.
- Nos propres satellites sont équipés de caméras, autant les diriger pour photographier chacun de ces objets et chercher le bon.
- On s'en assure comment ?
- Une simple pierre d'érapha devrait suffire, au moment ou il passe au-dessus, elle est vidée. Ça devrait nous donner une bonne confirmation.
- Bon, alors on essaye ? Demanda Oneshot.
- C'est parti ! » Confirma Friedrich en quittant la pièce avec une tasse pleine. Sans attendre que les autres personnes aient fini de délibérés. Profitant de la porte ouverte, Djiza entra avec le thermos d'eau chaude.
« - Merci Djiza, fit le vieux soldat en allant à sa rencontre. Je ne sais vraiment pas comment est-ce que ce type fait pour le boire aussi fort...
- De rien, mais je voudrais tout de même savoir, est-ce que vous êtes marié ? »
Pour toute réponse, le commandant lui adressa un sourire empreint de tristesse avant d'éluder la question :
« - Il y a plus important à faire pour le moment. Entre-autre : détruire les forges qui participent à l'effort de guerre Silridriss. »
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