1 : Messages (1/3)

Le navire de guerre Silridriss flottait doucement dans le ciel. Autour de lui, d'autres forteresses volantes dans le même genre suivaient ses mouvements. C'était là une impressionnante démonstration de force pour quiconque observait ce spectacle. Les armes étaient inactives, et le personnel absent des postes de combats. Cependant, personne ne prendrait le risque de s'attaquer maintenant à une flotte aussi conséquente. Au milieu de cette débauche de puissance voguait un bâtiment qui attirait l'attention de par son étrange conception : une forme sphérique coupée en biais sur un côté.

De l'horizon arriva une petite navette. C'était là un petit navire de transport de personnes tel que les Silridriss les concevaient. Une demi coque en métal dans lequel prenaient place les passagers, le tout piloté par un conducteur placé à l'arrière. Il n'y avait aucune protection, ni contre le soleil qui se levait, ni contre le vent froid qui soufflait en altitude.

Dans l'embarcation, le professeur Ferreira était frigorifié. Les sauriens autour de lui, eux, ne semblaient pas plus gênés que cela. Le scientifique serrait contre lui le petit ordinateur portable qu'il avait conservé de la ferme de Larsen. Il remercia intérieurement le destin de l'avoir conduit chez un homme qui avait eu un peu de jugeote, et qui avait pris la peine de discuter avant d'agir. Avant de partir, Braniss, son garde, juste en face de lui, avait volontairement laissé trois combattants dans la maison pour éliminer le fermier et sa femme lorsque ceux-ci sortiraient de la cachette. Mais le scientifique savait pertinemment que Larsen ne sortirait pas. Il allait tout bonnement attendre les renforts que le professeur avait demandé en regardant les caméras de sécurité de la ferme. Les trois guerriers ne reviendraient pas. Cette simple pensée d'avoir au moins réussi à sauver cet homme et sa femme réchauffait un peu le cœur de l'homme de science dans les vents glacés. Son regard se posa sur la sphère en se demandant comment les arbres pouvaient pousser avec une telle température et à cette altitude.

Ce fut avec un soulagement non masqué que le professeur José Ferreira sentit la navette se poser dans le ventre du navire principal. Il n'avait pas fini de descendre la rampe qu'Osrak, un peu plus bas leur adressa la parole.

« - Braniss, Esclave, le seigneur Arsear a demandé à ce que vous le rejoigniez dans son bureau dés votre arrivée. »

Braniss hocha la tête pour signifier son assentiment sur le sujet. Le professeur ne pu rien dire, ni même vraiment agir tant il tremblait. Il suivit le saurien jusqu'à la pièce indiquée.

En entrant, l'homme comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas : les traces de sang au sol n'avaient pas été complètement nettoyées. Rig-rid, l'ingénieure gnome, frottait une serpillière pour nettoyer. Dans un coin de la pièce, deux sarcophages de cuivres, fermés de rivets, étaient empilés. Un troisième attendait là, ouvert.

« - Au rapport Braniss, murmura Arsear, visiblement ennuyé.

- La mission s'est déroulée comme prévue Monseigneur, a ceci près que des prisonniers se sont enfermés dans une pièce protégée. J'ai laissé un petit groupe pour s'occuper d'eux quand ils sortiront.

- Bien. Esclave, as-tu fais ce que je t'ai demandé ?

- Oui Monseigneur. Comme demandé, je vous ramène le livre... Répondit le professeur en tendant le livre au Silridriss.

- Bien, qu'est-ce que c'est que cela ? Demanda Arsear en montrant un livre noir posé sur son bureau après avoir récupéré le sien.

- C'est une Bible... » Répondit le scientifique après s'être approché, avant de reconnaître le seul objet que sa femme avait pu emmener avec elle lorsqu'ils avaient été capturés. Une Bible noire avec une croix dorée sur la couverture. Immédiatement, son regard se porta vers les taches de sang avant de se reporter aux sarcophages.

Les Silridriss ne supportent pas les autres religions... Non, lui est différents ! Il n'aurait pas osé ça quand même !

Mais en croisant les yeux irrités par les larmes de l'ingénieure, le scientifique comprit que sa crainte pouvait fort bien s'être réalisée.

« - Es-tu croyant ? Demanda le Seigneur Silridriss en s'approchant de l'Humain.

- Non, grogna José, de la colère dans la voix.

- Vraiment ?... »

Sans aucune gêne, Arsear amena sa main dans le cou du professeur et en sortit du vêtement une petite croix dorée au bout d'une chaînette.

« ... Je crains de ne pouvoir te croire. »

Ce fut à peine si le scientifique sentit la lame de la dague se planter dans le cœur. Il voulu parler, mais aucun son ne put sortir de sa bouche. Il regarda un instant la poignée qui sortait de sa poitrine avant de tomber à genoux. Le souffle lui manquait, il voulait simplement poser la question du ''pourquoi ?'' au Seigneur Silridriss. Lorsque ses yeux se posèrent sur cet interlocuteur, Arsear lui asséna un violent uppercut qui le coucha sur le dos.

Le scientifique sentait la vie s'échapper. Et la douleur fut absente lorsque le Silridriss retira la lame.

« - Braniss, mets-le dans le sarcophage, on va livrer le tout à la Déesse-Impératrice. Rig-rid, aide-le, puis verrouille-le : ils doivent arriver le plus intact que possible là-bas. Même s'ils reçoivent la punition due à leur hérésie.

- Bien Monseigneur. » Déclara la gnome en s'approchant du corps sans vie.

*

*         *

*

Dans sa petite cabine du navire pirate, Manuel ouvrait difficilement les yeux. Un petit rideau cachait la lumière du jour entrant par le seul petit hublot de la pièce. Le jeune homme, allongé sur sa couchette, tout près du bord avait une vue parfaite sur cette fenêtre ovale. Pourtant la faible lumière le gênait. Il tourna la tête de l'autre côté, cherchant encore la pénombre qui s'enfuyant loin de lui. Ce qu'il vit ensuite en entrouvrant les yeux acheva de le réveiller pour de bon.

Salida, était là, dans le lit superposé. Dans son lit, et, comme à son habitude pour dormir, totalement nue. Les draps avaient glissé et découvert le corps bien proportionné. La surprise passée, le pourquoi et le comment seraient étudiés plus tard. Il passa sa main passa sur son dos, caressant doucement la fourrure blanche et bleue tandis que la chimère se réveillait lentement. Le jeune homme en profita pour étudier un peu le pelage de celle qui partageait sa vie. C'était des poils très courts, à peine six millimètres pour les plus longs, mais leurs densité sur la peau créaient une fourrure bicolore agréable au toucher.

La chimère s'étira avec un sourire, Manuel retira sa main, que Salida attrapa au vol pour la reposer sur sa hanche.

« - Continue, j'aime bien ça.

- Salida, dit Manuel, je n'ai rien contre ta venue dans mon lit dans la nuit, mais ce serait bien si tu mettais quelque chose pour dormir.

- J'ai un manteau intégré, j'ai chaud.

- Je me doute, mais le problème, c'est que j'ai du mal à résister à tes... atouts féminins.

- Ça me va. » Murmura-t-elle en se rapprochant de lui, avant de lui mordre la bouche.

Manuel se dégagea, surpris.

« - Mais qu'est-ce que tu fais ? Demanda-t-il en se massant le visage.

- Heu... J'ai vu Daniela et Oneshot faire ça hier dans le couloir. Je me suis dit qu'il y avait une signification particulière. Désolée... je t'ai fait mal ? Demanda la tigresse, inquiète.

- Non, non, ça va... j'essaie de comprendre là. Ils sont ensemble ces deux-là ?

- Je crois. »

Soudain le visage de Manuel laissa entrevoir un sourire qui fit comprendre à la chimère que le jeune homme avait compris ce qu'elle avait voulu faire.

« - Attends, je te montre. »

La main de Manuel remonta jusqu'à la joue de la tigresse, avant d'approcher son visage. Il lui referma la gueule qu'elle avait de nouveau ouverte avant de reposer sa main sur la joue et l'embrasser tendrement. La chimère n'insista pas et laissa le combattant poser ses lèvres contre le bout de son museau.

« - Ce n'est pas mieux ? Demanda-t-il après quelques secondes d'un baiser qui aurait fait la joie de l'industrie du cinéma.

« - Si... murmura-t-elle, j'aime bien, mais quelle est la signification d'une telle coutume ?

- Suivant les peuples, elles sont différentes. Mais de là d'où je viens, et d'où viennent Oneshot et Daniela, c'est une marque d'amour.

- Et toi ? Ça t'a plus ?

- Oui, même si je dois avouer qu'embrasser une chimère est très différent de le faire avec une femme. Mais c'est loin d'être désagréable.

- Encore. » Murmura-t-elle en se rapprochant de lui.

Manuel ne se fit pas prier pour s'exécuter.

L'alarme du navire sonna, juste après un message de Friedrich annonça la découverte de leur première cible et la nécessité pour tout le monde de rejoindre les poste de combat. Manuel s'écarta de quelques centimètres.

« - On continue tout à l'heure ? Demanda-t-il avec tendresse dans le bruits des alarmes.

- Oui. » Répondit-elle de la même manière.

*

*         *

*

A son entrée dans le baraquement, tous se retournèrent en silence. Nemaya resta un instant devant la porte avant de se diriger vers le premier lit de libre qu'elle vit. Le dortoir, réalisé dans un bâtiment de bureaux réhabilité, était séparé en fonction des unités. Les murs n'étaient que des cloisons d'open-space bleues et tout était mixte, du lit au douches. La combattante ignora les quelques regards liés à ses compagnons de chambrée.

« - Tu es la nouvelle ? » Demanda une fille au teint blafard derrière elle.

Nemaya se retourna et hocha la tête sans aucun autre sentiment visible.

« - Je suis Hécate, lieutenant de l'escadron Papillon. Est-ce qu'il est vrai que tu ne parles pas ? »

De nouveau, la russe hocha la tête.

« - ''Nemaya'' hein ? Bon, au moins tu me comprends, c'est déjà bien. Tu connais quelle est notre future mission ? »

Lorsqu'elle hocha la tête, un jeune homme derrière elles intervint :

« - Excellente idée qu'ils ont eu là : présenter la mission seulement à la muette du groupe. Pour faire partir une mission en sucette, confiez là à une handicapée. Sincèrement Hécate, je la sens mal cette opération... »

Sans mot dire, Nemaya se rapprocha de cet homme assis sur son lit. Il était du même age qu'elle, mais il semblait déjà usé par ce qu'il avait vécu.

« ... Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? tu as un problè... »

Le soldat n'eut pas le temps de finir sa phrase : Le violent coup de poing qu'il reçu le fit chuter de l'autre côté du lit. Il se releva immédiatement et se mit en position de combat à main nues.

« - Cyclope ! Non ! C'est un ordre !

- Mais Hécate, elle... Commença-t-il

- Tu l'as cherché, tu l'as insultée je te signale. Elle est muette abruti, pas sourde.

- Oups... Désolé, j'ai pas voulu être insultant, dit le soldat à l'adresse de la guerrière. Mais faut quand même avouer que briefer la seule personne qui ne parle pas c'est complètement crétin.

- Calme-toi. Dis-toi que l'on saura tout ce que l'on doit savoir au moment voulu... » Avec violence, elle força la combattante à se retourner pour lui faire face « ... Quand à toi, pour aujourd'hui, je passe l'éponge. Mais ne frappe plus personne de l'unité sinon je m'occupe de toi ? On s'est comprises ? »

Nemaya hocha la tête à contre-coeur, tels étaient les ordres de celle qui allait tout superviser.

« - Installe-toi, et pas de conneries ! Cyclope, va à l'infirmerie : tu saignes du nez. ! »

*

*          *

*

Arsear se laissa tomber sur son siège, derrière son bureau. Devant lui, le livre sacré des Humains. Il soupira de dépit avant de le prendre, le regarder quelques instants , et le glisser dans un tiroir du bureau. Il fit ensuite tourner son siège pour faire face à la fenêtre où les nombreux navires de guerre volaient lentement autour de celui de la Déesse-Impératrice.

« - N'y avait-il aucune autre solution ? Demanda une petite voix derrière lui.

- Non, Rig-rid, s'il y en avait eu une autre, je ne l'ai pas vue. Mais je t'écoute, qu'aurais-je dû faire selon toi ? »

De nouveau, le seigneur Silridriss fit pivoter son siège pour voir le regard triste de la Gnome.

« - Rappelle-toi ce que je t'ai dit il y a longtemps maintenant : Si je dois me salir les mains pour atteindre mes objectifs, je n'hésiterais pas.

- Mais eux n'y étaient pour rien !

- C'était la moins mauvaise des solutions à ma disposition. Et j'ai scellé mon destin par la même occasion en agissant ainsi. Espérons seulement que la sirène ne s'est pas trompée et que personne ne comprendra avant que cette guerre ne soit finie.

- Et dans le cas contraire ?

- Ni toi ni moi n'en verrons la fin. Sèche tes larmes, je sais que tu les appréciait toi aussi, mais ç'aurait été pire dans les des deux autres cas.

- Vous êtes vraiment prêt à tout et vous me...

- Je sais, coupa Arsear, mais ce qui est fait est fait, nous ne pouvons pas revenir en arrière. Quand bien même je le voudrais, alors passe à autre chose. J'ai besoin d'un détecteur d'Erapha.

- Comment cela ? Demanda l'ingénieure.

- Un genre de boussole qui indique dans quelle direction se trouve la masse d'Erapha la plus importante.

- Bien. » Répondit simplement Rig-rid avant de quitter la pièce sans autre propos, la colère bloquant toute volonté de discussion pour le moment.

De nouveau, le seigneur Silridriss se tourna vers la baie extérieure avec les navires dans le champs de vision.

« - Berik, dit-il en passant par la broche, assures-toi que tout nos navires soient entièrement équipés de pierres d'Erapha rouge. Bouclier, armement, propulsion, cuisine, chauffage,... tout. Ensuite, tu remplaceras tout notre stock de la même manière. Enfin, tu doubleras la taille de ce stock.

- Bien monseigneur, répondit l'Intendant. Nous allons quelque part ?

- Oui, à ce sujet, je veux que tu réunisses tout les capitaines de vaisseaux. Je veux les voir dans deux jours à mon bord, Braniss, Osrak et toi êtes également convoqué. Au regards de nos succès, la Déesse-Impératrice fait directement appel à nous pour une mission que personne n'a pu réussir jusqu'à présent. J'en parlerai lorsque tout le monde sera réuni.

- Bien monseigneur. Et la favorite ? Que se passera-t-il si elle réussi à capturer les Démons d'Alikaross ?

- Nous verrons bien, répondit Arsear avec un sourire moqueur.

- J'ai l'impression que vous prévoyez sa défaite... murmura Berik.

- Je la prévois car elle est évidente... Mais même si j'avais essayé de lui expliquer quelque chose elle n'aurait pas écouté : elle m'en veut beaucoup trop... Allez, fait ce que je t'ai demandé, et laisse là agir. Nous verrons bien si je me trompe, ce que j'espère de tout cœur. » Mentit-il.

*

*         *

*

Devant l'armure blanche de Manuel, un paysage désolé fait de montagnes escarpées jaunes s'étalait à pertes de vue. Pas de neige sur les sommets, pas de verdure sur les pentes, pas d'eau coulant sur les faces. Juste deux navires Silridriss écrasés qui brûlaient. Le combat avait été plus violent que prévu et Ibrahim avait été blessé. Rien de très grave d'après l'infirmerie de bord, mais il avait tout de même reçu un rude coup : sa machine avait perdu une jambe dans l'affaire et lui avait été touché à la cheville. Mais face à deux AMC classées Berserker, les navires de guerre n'avaient eut aucune chance : Les armures de Salida, Tégos, Kouiros, Ibrahim et de Maximilien avaient été déposées en un point. Ensuite, le navire volant était allé provoquer les deux navires de guerre pour les attirer. Par soucis de protection, Shershalla, la capitaine, avait manœuvré près du sol entre les falaises et ses assaillants l'avaient suivie. Fernand et Manuel s'étaient occupés de la chasse ennemie pour protéger le corbeau-couronné. A l'endroit prévu, les deux berserkers concentrèrent leurs tirs sur les navires Silridriss tandis que les autres AMC au sol ouvraient le feu. Aucun des deux navires n'eut le temps de réagir, et ils s'écrasèrent contre une montagne dans des bruits de tonnerre. Il y eut quelques prisonniers de faits, et ceux qui cherchèrent à s'enfuir furent abattus. Le jeune homme vit alors deux ombres sortir des flammes pour s'enfuir en courant. Sans vraiment s'en rendre compte, il avait levé l'arme de sa machine et tiré. Il avait vu de manière totalement détaché les deux corps déchiquetés par les projectiles s'envoler puis retomber mollement sur le sol aride.

- Manuel ? Tu sais que je suis connecté à Noral en permanence... Dit Ego.

- Bien sûr. Qu'est-ce qui se passe ?

- Eh bien... Il y a un courriel de ton père dans ta boite mail.

- Tu plaisantes ? Il a été capturé par les Silridriss.

- Rappelle-toi que c'est de ton père dont on parle : il est loin d'être idiot.

- Quels sont les risques si j'ouvre ça ?

- Piratage, virus, e cetera. Mais je ferai office de pare-feu et d'antivirus intelligent, répondit le loup.

Mentalement, Manuel ne savait trop quoi faire.

« - Happy summer, ici Doux-dingue, tu me reçois frangine ?

- Ouais, je suis là. Étrange... tu appelles au moment même où je reçois un mail de papa...

- C'est pour ça que je t'appelais. Combien de chances y'a-t-il pour que ce soit un piège ?

- Très peu. L'envoyeur est le compte Pabolin de papa. Et Pabolin a toujours voulu garantir la liberté du réseau. Je ne sais pas comment le vieux s'est démerdé, mais je crois qu'il a réussi à nous envoyer un message.

- Je l'ouvre ?

- Non, je vais faire ça de mon coté. Je te mets en visuel de ce que je vois... Attends quelques secondes... voilà ! »

Devant les yeux de Manuel, la vue d'un écran d'ordinateur apparut. Cette dernière était encombrée de fenêtres, certaines de codes informatiques, d'autres de sites internet divers. L'une d'entre elle se mit en plein écran et la boite mail de sa sœur s'afficha. Le premier message était celui de leur père, il contenait juste deux fichiers joints. Une vidéo et un fichier multimage.

« - Je commence par la vidéo ? Commenta sa sœur.

- Vas-y. »

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