6 : Chez Rachida (1/3)

« - Et merde ! » Hurla le commandant Higas en raccrochant violemment le combiné de son téléphone sur sa base. Dans la salle de contrôle-commande, le silence se fit. Chacun cherchant la raison d'une telle violence tout en espérant ne pas être sur la liste lorsque celui-ci allait chercher les responsables.

« - Encore évaporé ? Demanda le professeur Belamour.

- Disparu près de Malaga. Il est allé au monument aux morts et l'a dégradé. Il a rayé son nom et celui de son ami.

- Il est intelligent... il donne ainsi suffisamment d'indice pour montrer qu'il n'est pas mort. Ou alors c'est pour s'en convaincre.

- Vraiment ?

- Oui, mais dans notre cas, c'est plus symbolique qu'autre chose.

- Où en êtes vous avec les nouveaux modèles ? Recentra le commandant Higas.

- C'est plus compliqué que prévu. Mais je devrais arriver à quelque chose correspondant à nos attentes. Il vous faut juste être patient. »

*

*      *

*

« - Bonjour Capitan. »

Dés qu'il entendit sa voix, Arsear se raidit. Relevant lentement la tête de la feuille qu'il avait en face de lui. La favorite était là. Elle avait pénétré dans son bureau sans se faire annoncer, sans même frapper à la porte. Si Arsear portait souvent sa cote de mailles de soldat, Myanate, elle, avait changé de vêtement pour porter des vêtements jaunes et transparent aux endroits stratégiques selon leur sexualité.

« - Bonjour, Favorite Myanate...

- Simplement Myanate.

- Bien Myanate...

- Quelles sont les nouvelles ? coupa le Silridriss en coupant court aux protocoles.

- Les prototypes sont en construction, la quatrième flotte que j'avais envoyé affronter les démons d'Alikaross a été sévèrement secouée. Mais, d'après mon ingénieure gnome, ils ont perdu de leur efficacité, peut-être par excès de confiance ou par...

- Restez sur les faits, précisa la favorite.

- L'armure blanche ne sert plus de sa queue et de ses ailes. L'armure rouge a parfois des hésitations dans ses tirs. Des trois premiers prototypes seront près d'ici deux à trois mois. Mais je n'ai pas trouvé de pilotes.

- Comment cela ?

- Personne ne veux piloter les prototypes sous prétexte qu'ils sont télécommandés. D'ailleurs, nous ne les avons pas encore baptisés. Je vous laisse cet honneur, dit Arsear en écartant une feuille de son bureau.

- Est-ce que des gardes de palais suffiraient pour piloter vos engins.

- Oui, ils seraient d'ailleurs plus à l'aise que les pilotes de sarbacks, dont le pilotage est sensiblement différent.

- Vous en avez essayé un ?

- Oui. J'ai de bonne raisons de croire que nous pourront les vaincre avec ces engins. Mais c'est sans garanties.

- Comment cela ?

- Ils ont de la ressource. Ce ne sera pas facile de les vaincre, même si nous mettons toutes les chances de notre coté, rien ne dit que nous ne devront pas réessayer. »

La favorite resta un instant pensive avant de commencer à arpenter la pièce. Elle s'arrêta devant le pupitre de Uki, vide.

« - J'ai un message pour vous, en provenance directe de l'Impératrice, à ses mots, un frisson parcouru l'échine d'Arsear, je vais les répéter mots pour mot : ''Capitan, jamais dans notre histoire, notre peuple n'a été soumis à une menace aussi grande. Si vous échouez, il n'y aura plus d'avenir pour nous. Dans le cas de votre réussite, une place vous a été réservé à mes coté. Soyez conscient du danger qui nous guette et agissez avec force et fermeté.''

- Tel sera fait selon ses désirs. » Répondit Arsear avec une révérence.

*

*      *

*

« - Comment va-t-il ?

- Comme quelqu'un qui a perdu un être cher. »

En répondant à Tégos, Fernand se rappela la manière dont Véronique était morte. Son visage devint triste, et se stoppa dans le couloir. Lentement, une larme coula sur sa joue. Manuel était arrivé en camion, Happy Summer, le pirate informatique l'avait fait entrer dans la zone dévastée de la manière la plus discrète qui soit : avec un camion de marchandise. Il ne put dire que quelques mots sur le destin de Marilyn avant que des larmes ne coulent de nouveau sur ses joues, les yeux étaient toujours cachés par ces lunettes noires. Il était allé s'asseoir dans le jardin, à regarder les poissons avant que le vieux Weng ne l'y rejoigne. La discussion avait duré longtemps, et, depuis, il était recroquevillé dans la chambre qui lui avait été attitré.

« - Je suis désolée...

- Ce n'est rien, répondit-il en s'essuyant le visage après avoir relevé ses lunettes. Va le voir si tu veux. Mais sache qu'il est différent du Manuel que tu as rencontré autrefois. Fait attention à ce que tu dis, ou il t'en voudra à vie. »

La chimère regarda un moment la porte coulissante en bois avant de se décider à ouvrir. Elle savait que Salida était allé prendre des informations auprès de Weng.

« - Est-ce que je peux rentrer ? Demanda-t-elle doucement.

- Je t'en prie, murmura-t-il.

- Est-ce que ça va ?

- Oui. » Ils surent immédiatement, l'un comme l'autre que c'était là un mensonge. Mais, ils choisirent tout les deux de faire comme si c'était la vérité.

« - Où es-tu allé ?

- D'abord là où Marilyn reposait, au fond de l'océan. Puis, je suis allé à Malaga. J'ai rayé les noms de Fernand et le mien du mémorial. Ils n'ont rien à y faire.

- Pourquoi ton espèce nous traite comme ça Manuel ? Comment...

- Mon espèce est la pire de toutes celles qui vivent sur cette planète. Sache que la cruauté qui peut nous animer ferait passer les Silridriss pour des enfants de cœurs. Pour eux, nous ne sommes ni Humains, ni Chimères, ni Silridriss. Nous sommes des cobayes, nous n'avons aucun droit.

- Mais...

- Ça m'arrange, coupa de nouveau le jeune soldat. Je n'ai, en effet, plus rien à voir avec eux. Et, je vais leurs prouver que je suis pire qu'eux. Pire qu'un Silridriss, pire qu'un Humains, et pire qu'une Chimère. Si je ne suis plus considéré comme Humain, je n'ai plus à agir en tant que tel. »

Le jeune combattant prit une violente baffe de la part de la garde du corps chimérique. Elle avait trouvé l'information dans la mémoire, de la part de Kouiros lorsque le Major Targin avait frappé les membres des volontaires de l'escouade près de Pau pour exprimer son mécontentement. Elle vit qu'elle avait atteint ses objectifs en croisant le regard du jeune homme malgré les lunettes qu'il portait.

« - Est-ce que tu entends les âneries que tu dis ? Où est Manuel ? Où est Doux-Dingue ? Où est le soldat qui sait faire la part de chose ? Celui qui a sauvé la princesse, et moi-même ? Où...

- Il est mort, coupa doucement Manuel, prenant la chimère de court dans ses questions. Laisse-moi maintenant, je veux rester seul. »

Totalement décontenancée, la chimère resta un moment à regarder le jeune homme. Elle ne su quoi faire. Mais quelque chose s'était déclenché avec cette claque. Quoi, elle n'aurait su le dire, elle n'aurait même pas su dire si c'était bon ou mauvais. Lentement, elle sorti de la pièce, sur le pas de porte, elle murmura :

« - Quoi que tu penses, il te reste toujours des amis.

- Mon cœur est vide. » Fut la réponse qu'elle entendit en refermant la paroi coulissante.

Elle se dirigea ensuite vers l'escalier pour arriver dans une pièce où discutaient Fernand, Salida et le vieux Weng.

« - Il passera le cap, fit le vieil homme. Il est bien plus solide psychologiquement que tu ne le penses.

- Je reste inquiet...

- N'y a-t-il rien que ne l'on puisse faire ? Demanda Salida

- Non, il faut le laisser, écouter ce qu'il a à dire, reprit le chinois. C'est la seule solution pour lui permettre d'évacuer son chagrin. Je ne sais pas comment cela se passe chez vous, dit-il en direction des deux créatures, mais, pour imager ce que ressent Manuel, c'est comme s'il était vide, comme si une partie de lui-même était manquante.

- Ouille... murmura Tégos.

- Oui, et, aussi terrible que cela soit, il n'existe aucun pansement, aucun remède à cela. Seul le temps peux le faire cicatriser. Pour le moment, j'aimerais que vous vous concentriez sur la maîtrise de vos corps. Fernand, est-ce que tu as pu voir Yin ?

- Oui, et, il ne me porte toujours pas dans son cœur. »

Le vieil homme sourit à cette remarque.

« - Yin a toujours du mal avec ceux qu'il considère comme meilleurs que lui. Il aura la charge de la triade lorsque je serais trop vieux pour cela, mais, je te confierais qu'il ne pourra exercer cette charge que quand il aura comprit qu'une personne meilleure que lui n'est pas forcément là pour prendre sa place. Est-ce qu'il t'a emmené au champs de tirs ?

- Oui, à ce sujet, quelle est la suite ?

- Il y a beaucoup de point de maintenance à vérifier. Les installations dont nous disposons commencent à vieillir de manière dramatique. Certaines devront être changées. Yin te dira lesquelles. Le travail aura lieu le matin, l'après-midi, Happy Summer a demandé à ce que vous appreniez à utiliser vos AMC. D'ici deux jours, Manuel te rejoindra, il va avoir besoin de se changer les idées. Ensuite,... et bien, nous avons pu constater que ces Silridriss, quand ils se battaient à pied utilisaient des épées. On va vous trouver un maître d'armes.

- Ils sont venus jusqu'ici ?

- Ils ont essayé du moins, précisa le vieil homme. Mais, la cité est tellement piégée qu'ils ne sont restés qu'en surface. Ils n'ont même pas pu pénétrer dans les galeries.

- Les galeries ? Demanda Salida, mais je croyais que la zone dévastée...

- C'est une ville complète ici ma chère. Avec hôpitaux, centrales électriques, usines, des champs artificiels, des postes de police et toutes les autres institutions nécessaire à son fonctionnement. L'ensemble est enterrés et séparé en trente-deux zones plus ou moins profondes. Elles sont reliées par des couloirs piégés et sévèrement fortifiés. La surface, comme vous le savez est complètement piégée, et le peu d'entrées possibles sont gardées et, là encore, piégées. Même si cela n'en a pas l'air, cet endroit est plus fortifié qu'une base de l'armée conventionnelle. Ce n'est pas pour rien que nous vivons en dehors du gouvernement central. Et ils savent qu'ils ne pourront pas prendre cet endroit par la force. Pour en revenir à votre sujet, votre amie et vous apprendrez aussi le maniement de l'épée, une fois que l'on sera sûr que vous maîtriserez vos corps. On ne sait jamais si cela peut servir.

-J'aimerais aussi apprendre à maîtriser une de vos peaux de pierre demanda Tégos.

- Une ?... interrogea Weng, surpris.

- Une AMC, monsieur Weng. » Corrigea Fernand.

Le vieil homme garda le silence un moment avant de répondre :

« - Je vais y réfléchir. »

*

*        *

« - Bonjour Manuel.

- Bonjour Yin. » Répondit le jeune pilote après s'être retourné pour identifier son interlocuteur. Il s'était de nouveau assis en face du petit bassin où tournaient des carpes blanches et rouges dés le matin. Son interlocuteur s'avança derrière lui. Au fond du jardin, les deux chimères continuaient leurs exercices d'arts martiaux avec la vieille dame.

« - Cela fait longtemps que nous ne t'avons pas vu dans la zone dévastée.

- La dernière fois que je suis venu, j'ai failli mourir. Ma mère est venue et je crois qu'il y a plus d'une personne dans le dôme numéro deux qui doit être hanté par la furie qui y est passé. Et ne parlons pas de Sanchez ou de ton père.

- C'était un accident Manuel. Mais laissons le passé à lui-même, dis moi plutôt ce que tu es devenu.

- J'ai intégré l'armée dans l'escadron Rock. J'ai rencontré une femme... pas une fille Yin, une femme, une vraie.

- Ha ? Une femme, laisse moi deviner : la peau sucrée, avec une senteur de jasmin ou de rose ? » Demanda le chinois en costume noir en s'adossant à un arbre derrière le jeune homme.

Manuel rit doucement avant de corriger :

« - Dans son cas c'était plutôt huile moteur et poudre à canon. Mais elle a changé ma vie. J'ignorais qu'une femme pouvait avoir de tels effets sur la vie d'un homme... Je l'aimais. Je l'aime encore. Mais elle est morte... Et j'ai été le cobaye d'une expérience extrêmement dangereuse, coupa-t-il. Voilà le résumé. Et toi ?

- Je suis devenu le numéro deux dans l'organisation de mon père. Il m'a dit pour ta compagne. Je suis désolé.

- Que veux-tu Yin ? Tu ne t'es jamais autant confié qu'aujourd'hui. Que se passe-t-il ? De quoi as-tu besoin ?

- Toujours aussi perspicace... Comme tu le sais, une partie des défenses de la cité est à la charge de la triade. J'aurais besoin que tu jette un œil dessus. Fernand s'occupe déjà d'une partie. J'aimerais que tu l'aides. »

Manuel comprit que par ''j'aimerais'', Yin voulait dire ''je veux''.

« - Je suis recherché Yin. Pour moi, comme pour Fernand, sortir dans la rue n'est pas très indiqué.

- D'après nos informations, ils vous cherchent en Espagne. Faut dire qu'aller abîmer un monument au morts n'est pas très indiqué, mais cela a le mérite d'attirer l'attention ailleurs.

- Je vais voir ce que je peux faire, je ne promet rien. Par contre, cette fois, tu me donnes une arme. Je ne tiens pas à refaire la même erreur.

- Bien sur. Autre chose, tes amies, les chimères, vont sortir d'ici dans peu de temps. Mon père leur a trouvé du travail.

- Faire travailler une chimère ? N'a-t-il pas peur d'attirer l'attention ?

- Non, ce qui se passe ici ne regarde que les gens de la zone dévasté. Et c'est une bonne expérience pour elles, compléta Yin.

- Où est-ce qu'elles vont travailler ?

- Chez Rachida.

- Oh ? ça va pas être triste alors.

- Non, mais comme je le disais ce sera une bonne expérience pour elles.

- Bonne, je ne sais pas. Mais elle sera mémorable. Ça, c'est sûr. »

*

*      *

*

Guidées par une des femmes de la maison Weng, Salida et Tégos se déplaçaient dans les rues de la cité souterraines. Elles étaient à la fois surprises et émerveillées par ce qu'elles voyaient. La cité de la zone dévastée était souterraine. Elles avaient pénétré là où aucune chimère n'était allées avant elles. Taillés dans la roche, les rues formaient un véritable labyrinthe souterrain. Des boutiques aux devantures accueillantes bordaient ces allées, le plus souvent piétonnes, pour proposer tout les produits disponibles dans la cité. Le ciel était reproduit par des projecteurs holographiques et transformaient ce lieu possiblement oppressant en un endroit où il faisait bon vivre. Les néons, éteins ou allumés, ainsi que d'autres hologrammes de racolages plus ou moins accrocheurs parsemaient les façades des bâtiments. Parfois des marchands posaient leurs étals au milieu de la rue. Toutes les personnes qu'elles croisaient ne pouvaient quitter des yeux les créatures des yeux. Mais, elles décrétèrent que c'était uniquement dû à leurs apparences. Tégos restait quand même sur ses gardes, stressée, soudain, se sentant agressée par un hologramme qui venait d'apparaître devant elle par surprise, elle lui mis un coup de griffe par pur réflexe... alors que l'image l'invitait dans la boutique de film. Salida ne put s'empêcher de sourire face à cette réaction. Elle voulu quand même s'excuser, pour sa garde du corps auprès de l'image, mais celle-ci l'ignora complètement. Autour d'elles plusieurs personnes sourirent en voyant ce qui se passait, mais personne ne dit rien, tant la situation était cocasse. Ce ne fut que lorsque la guide leur fournit les explications qu'elle comprirent leurs erreur.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top