20 : Prémices (1/3)

« - Tu as ce que je t'ai demandé ? Demanda Nemaya.

- Oui, le calculateur a forcé les accès des serveurs de la base. Mais il n'y a rien. En revanche, il y a neuf opérations en cours dont seuls les noms apparaissent. Les informations sont sur un ordinateur découplé du réseau. Je n'y ai pas accès. Il faudrait...

- Il faudrait un véritable pirate informatique.

- Oui, j'ai un très mauvais pressentiment sur ce sujet. »

Nemaya et Striggle se regardèrent ainsi en silence. Aucun des deux ne savait vraiment quoi dire.

« - Quoi ? fit le loup d'une voix sombre.

- Tu me dis ce qui se passe ?

- A quel sujet ?

- Tu t'es soigné, pourtant, je ne me souviens pas d'avoir rencontré un psychiatre.

- Tu vas mieux dans ta tête et tu trouves le moyen de t'en plaindre ?

- J'étais déjà très bien.

- Je sais, mais ça s'est amélioré. Je cherche ce pirate d'Happy Summers ? Changea de sujet Striggle.

- Non, mais inscrit partout sur le net que le loup gris veux un contact. Prépare-toi aussi au combat, nous retournons à Bordeaux.

- As-tu trouvé ce que tu cherchais ? Demanda le loup dubitatif.

- Non. Piotr s'est planté : il n'y a rien ici hormis de mauvais souvenirs. »

*

* *

*

« - Seigneur Arsear, une dépêche à votre attention, Fit Berik en tendant une missive.

Le seigneur Silridriss, sur le pont de son navire ouvrit le document et le lut. Autour de lui, l'équipage s'était rodé au combat contre les humains, et une confiance quasi-aveugle en leur seigneur les animaient. Pourtant, tous se retournèrent lorsqu'il écrasa la console d'un coup de poing rageur.

« - Berik, mes ordres à l'ensemble de la quatrième flotte, dit-il après quelques instants, cap sur Zeltec. Rig-rid, monte sur le pont immédiatement !

- Qu'est-ce qui se passe Monseigneur ? Demanda Osrak.

- La favorite Myanate nous vole nos cibles. La Déesse- Impératrice a décidé de lui confier la chasse aux démons d'Alikaross.

- Quoi ? Mais vous avez eu de bon résultats face à eux.

- Visiblement ce n'est pas suffisant, ou notre Déesse-Impératrice a changé d'objectifs.

- Vous m'avez fait mander Monseigneur, demanda la petite voix de Rig-rid dans le silence qui emplissait désormais le pont du navire.

- Oui, tu démontes toutes les commandes pour les Kalieks, et tu te prépare à les installer dans un autre navire.

- Euh... Oui, répondit la gnome visiblement surprise d'un tel retournement de situation, qui en disposera ?

- La Favorite Myanate. Assures-toi qu'elle n'ait rien à redire à ton travail.

- Bien sûr Monseigneur, selon vos désirs. » Termina la gnome en sortant du poste de commande un peu retournée par une telle annonce.

« - Une favorite sur un champ de bataille ? Avec des Kalieks ? Commenta Berik. Les Humains vont le sentir passer.

- Oui, mais au-delà de ça, je dois demander une audience. J'apprécie peu la méthode sans explications.

- Et seule la Déesse-Impératrice le sais... » Fini Berik

Effectivement... commenta Arsear en son fort intérieur.

*

* *

*

Sur le pont du navire que la plupart des hommes appelaient désormais le ''Corbeau-Couronné'. Le commandant avait fait hisser le drapeau rouge à l'arrière du navire, et, quasiment immédiatement, une foule s'était amassée sur le quai. Bien qu'elle gardait ses distances, la ville entière était au courant. Shershalla, qui avait espéré un minimum de discrétion fut déçue, et un peu colère contre le vieil homme. Pourtant, elle avait compris la manœuvre : les gens de la ville avaient vu le drapeau sur le navire, et en avaient déduis son appartenance. Nul doute que cette information arriverait aux Silridriss, et qu'ils les prendraient en chasse. De par cette simple action, le vieux renard avait forcé la loyauté de la capitaine.

Salida observait les derniers préparatifs avant le départ, ainsi que Shershalla qui pestait dans le poste de pilotage. Maximilien et Tégos, continuaient d'emmener Ibrahim et Kouiros à l'entraînement, généralement, ils ne rentraient que le soir. D'après sa garde du corps, le grand bouquetin réalisait des progrès non négligeables. Il reprenait une fonction de soldat d'assaut. Ibrahim, lui, se débrouillait le mieux dans une machine d'artillerie. En y repensant, elle ne l'avait jamais vu avec autre chose qu'un lance-roquette. Le héros chimérique n'avait pas parlé de sa transformation malgré les incessantes questions de Tégos. Selon lui, le procédé était différent mais pour un résultat similaire.

Il doit y avoir une raison pour qu'il ne veuille pas en parler...

Soudain, de manière mécanique, elle descendit dans l'antre du navire. Elle passa les cabines avant de s'arrêter devant celle de Manuel. La porte était ouverte, le jeune homme rangeait des affaires dans un coffre. La chimère remarqua alors qu'il n'y avait que ses effets dans la pièce.

« - Tu es seul ?

- Hein ? Fit Manuel en se retournant. Heu... Oui, Fernand s'est fait porté pâle. Il dort désormais avec l'infirmière de bord, compléta-t-il avec humour.

- Mais... Comment est-ce que ?...

- Comment est-ce que ce salaud a fait pour rencontrer cette nana ? Fini Manuel. De ce qu'il m'a raconté, il l'a vue près du portail. C'est elle qui l'a soigné après la bataille contre les machine bizarre, et il se sont bien entendus. Le commandant a demandé à ce qu'une autre personne du service médical épaule Daniela. Fernand lui a proposé, elle a accepté, et elle est ici. Je t'avoue que je n'ai toujours pas vu à quoi elle ressemblait.

- Est-ce que je peux m'installer ? Demanda la tigresse qui regretta ses paroles de manière quasi-immédiate.

- Ici ?

- Oui.

- Moi, je veux bien... Mais Tégos...

- Mon pouvoir est apparut Manuel. Je suis adulte. Elle n'a plus vraiment de légitimité sur moi, et elle le sait.

- Installe-toi si tu veux, la place est libre de toute façon. J'ai le lit du dessus. Tu veux qu'on échange ?

- Non non. Je vais chercher mes affaires. » Répondit Salida, trop heureuse de la tournure que prenaient les événements.

*

* *

*

Larsen nourrissait ses vaches depuis que les premiers rayons de soleil avaient pointés à l'horizon. Le fermier avait passé une tenue de travail qui avait traversé le temps. Des bottes en caoutchouc, une chemise à carreaux et une salopette raide en tissu vert. Pourtant, il n'était pas à ce qu'il faisait. Dans sa tête, il ne savait que faire, il avait pourtant suivi l'évolution du conflit de loin. Mais de là à être touché par celui-ci... jamais il ne l'aurait imaginé. Ces Silridriss les séquestraient sa femme et lui désormais. Il avaient l'intention de laisser cet homme étrange recopier un document sur son ordinateur personnel. Larsen ne pouvait s'empêcher de ressentir de la haine pour cet individu qui travaillait pour eux.

Peut-être retiennent-il aussi sa femme... Il devrait pourtant se battre, refuser de collaborer. Mais moi aussi, pensa-t-il en s'appuyant sur sa fourche. Seulement, je ne peux pas faire autrement, ils risquent de faire du mal à la mienne...

Larsen repensa alors à ceux qui avaient traversé la guerre dans l'Histoire. Ceux qui avaient effectué des actes de résistance au péril de leurs vies et de celles de leurs proches.

Un choix n'est jamais simple. Il va pourtant falloir que je fasse le mien. Et qu'est-ce que ce type est en train d'écrire ? Il a l'air de savoir ce qu'il fait, en bien ou en mal. J'y comprends plus rien... Je dois en parler à quelqu'un... Mais qui... et comment le contacter ?

En regardant ses vaches, l'agriculteur sentir venir une idée qui ne lui plaisait pas, mais il n'en avait pas d'autres.

*

* *

*

A chaque minute qui passait, Nemaya se rapprochait de Bordeaux. Pourtant, elle aurait voulu être autre part, elle regrettait un peu d'être partie ainsi en catimini. Mais jamais elle n'aurait pu dire ''au revoir''.

- On peut toujours faire demi-tour si tu le désires, proposa le loup gris d'une voix sombre.

- Oublie ça.

- J'ai deux échos qui approchent par l'arrière. Des avions apparemment... Signal d'anti-tir ami détecté, ce sont des alliés.

- Qu'est-ce qu'ils nous veulent ?

- Je ne sais pas.

Comme pour répondre à leurs questions, une communication radio leurs parvins :

« - Ici Mantis deux-un, forces de défense de Bordeaux, à engin volant étranger, déclinez votre identité et votre destination. »

Nemaya ignora la demande et poursuivi sur sa trajectoire. Rapidement, deux chasseurs la rejoignirent et l'encadrèrent tandis que les appels continuaient. Puis, Nemaya les entendit discuter :

« - Bordel... t'as vu ça ? Fit l'un des deux pilotes

- Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?

- On dirait une AMC volante...

- Autant faire voler un tank !

- Avec le Hind les russes ont réussi dans le temps, non ?

- Bon, on fait quoi ? Recentra un des deux pilotes. Quoi que ce soit, ce n'est pas agressif, et son transpondeur renvoi un signal ami.

- Encore une erreur de la nature... Contacte la base pour savoir ce qu'on fait.

- Ok, je passe sur le canal sécurisé. »

Nemaya ne se retourna pas, elle se contenta de garder son cap. Peu importait ce que ces deux pilotes allaient faire : elle avait reçu des ordres, et elle comptait bien les appliquer.

- Nemaya, j'ai une demande d'entrée sur l'un des ports de communication de l'AMC. Il se présente comme Happy Summer.

- Passe-le moi, par écrit. Précisa-t-elle.

- Bien entendu.

« - Bonjour, s'écrivit devant les yeux de la russe. Vous n'avez pas été très discrète pour me joindre.

- J'avais pas vraiment le choix.

- Avez-vous fait un choix ? Demanda le pirate

- Non. J'ai besoin de votre aide pour pirater des informations sur un ordinateur de la base de Bordeaux. Neuf opérations ne sont connues que de nom. J'aimerais connaître leurs objectifs.

- Bien sûr, mais votre machine devrait pouvoir y arriver discrètement normalement.

- L'ordinateur n'est pas relié au réseau. Je vous fait parvenir les neufs noms d'opération en question.

- Transmis. Confirma le loup

- Pas sur le réseau ? Voilà qui complique sérieusement les choses. Difficile mais pas impossible... Vous recherchez une opération en particulier ?

- Oui, une qui aurait pour cible les Humains qui vivent en harmonie avec les chimères.

- Bien. Et comment comptez-vous me dédommager ?

- Pardon ?

- Il y a toujours un prix à ce que l'on demande. Généralement, plus c'est complexe, plus c'est cher. Et je n'ai jamais travaillé gratuitement. Au vu du travail à effectuer, et sa complexité, j'estime le coût entre un et deux millions de crédits »

Nemaya n'avait pas autant d'argent à sa disposition, et fut sans voix en entendant ce prix exorbitant.

« - On fait comme ça ? Demanda le soleil informatique

- Je n'ai pas autant d'argent. Comment est-ce que ça se fait que cela coûte aussi cher ?

- Voyons voir...Vous me demandez de rentrer sur un ordinateur découplé du réseau, dont le système l'environnant est lui-même probablement équipé de pare-feu et de spywares impressionnants et le tout dans une base ultra sécurisée pleine de soldats qui sont armés jusqu'au dents... Ai-je oublié de mentionner que la peine encourue est la perpétuité ? Par conséquent, en prenant en compte l'ensemble des risques, je considère qu'il s'agit là d'un prix d'ami.

- Ça ne change pas l'état de mon compte en banque.

- J'en conclu que vous devrez donc trouver un nouveau pirate pour votre demande...

- Faites-moi cette faveur, je vous rendrai la pareille quand j'en aurait la possibilité. »

Durant un cours instant, il n'y eut plus rien d'inscrit sur l'écran.

- Il a déconnecté ? Demanda la Russe ?

- Non, il est toujours là. Il doit réfléchir, répondit le loup gris.

« - Et si ma demande va à l'encontre de vos ordres ? Je sais que vous mettez un point d'honneur à accomplir vos missions. Que ferez-vous s'il y a conflit d'intérêts ?

- Je respecterai votre choix, quel qu'il soit.

- Et si cela implique des traitements dégradants ou humiliants ? »

Une seconde passa, mais l'esprit de Nemaya se tourna vers le souvenir de Rald. Le besoin de le protéger fut plus fort que les possibles sévices.

« - J'obéirais.

- Vous avez eut un moment d'hésitation... preuve que vous ne prenez pas cet engagement à la légère. Cependant, je vous sais orthodoxe. Jurez devant Dieu que vous tiendrez votre promesse.

- Je le jure.

- Bien, il ne me reste plus qu'à trouver un moyen d'infiltrer cette base. Je vous recontacterai dés que j'ai du neuf sur le sujet.

- Merci.

- Vous payez, je fais mon boulot. Et rassurez-vous, j'ai déjà vu une photo de vous, vous n'êtes pas du tout mon genre. Bonne journée. »

Nemaya se demandait encore si elle avait eut raison de contacter le pirate. Mais elle n'eut pas longtemps à s'interroger : l'un des deux chasseur s'était porté à sa hauteur et battait des ailes.

- Qu'est-ce qu'il me veux ? Il a un problème pour voler ?

- Ça veut dire : suis-moi. C'est un signe international. Informa le loup.

*

* *

*

Manuel était dans le poste de pilotage. Il se tenait à l'encadrement de la porte et ne pouvait cacher son stress. Shershalla, debout au centre de la petite pièce le regarda de manière étrange. Le local devait faire dans les deux mètres carrés, sans sièges avec les trois murs bardés de jauges, et de leviers. Devant eux, l'horizon, quelques nuages et le pont du navire prêt au départ.

« - Quelque chose ne va pas ?

- Disons que j'ai du mal à avoir confiance dans une machine quand j'ignore comment elle fonctionne... Et ce navire n'a pas d'ailes !

- J'en reviens pas... Fit la capitaine. Un combattant dont le courage et la renommé a fait le tour de son espèce et de la mienne a la trouille de partir sur un navire volant ?

- La réputation est très surfaite, répliqua Manuel en se mordant la lèvre.

- Mais ta machine vole pourtant, fit Calianne arrivée discrètement derrière lui.

- Mais je sais comment elle fonctionne, elle.

- Ne t'inquiète pas, si tu tombes je te rattraperai, reprit-elle avec un sourire.

- Ça servira pas à grand chose si c'est le navire qui tombe, répliqua Manuel sans se retourner pour voir l'effet dévastateur que produisait sa réplique.

- Capitaine Ferreira, j'ai passée toute ma vie à piloter ce navire. Je vous garanti qu'il ne tombera pas sans que j'en donne l'ordre, déclara calmement Shershalla.

- Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou m'en inquiéter.

- Nous avons un accord. Je peux comprendre votre méfiance, mais je m'y tiendrais. Si vous voulez bien quitter le poste de pilotage. »

Manuel comprit immédiatement que la phrase sous-entendait que sa présence gênait. Il s'écarta donc du montant de porte pour revenir dans le kiosque arrière et sa salle à manger. Il ignora Calianne pour aller s'asseoir à la table où Fernand s'était installé. La Dryade le suivi et s'y installa également. Le soldat sculptait des pièces de bois avec un petit couteau.

« - Qu'est-ce que tu fais ?

- Des jeux d'échecs. Les espaces entre les combats risquent d'être long. Le vieux t'a donné les ordres ?

- Oui, ils sont dans le coffre de la salle d'opération. Mais on ne doit les ouvrir qu'après le départ.

- Oh ?

- Ouais.

- Qu'est-ce qu'un jeu d'échec ? Le but est de perdre ? Demanda Calianne en faisant référence au nom même du dit jeu.

- Heu... non, répondit laconiquement Fernand. Ce sont des jeux de stratégie très anciens. Il en existe trois différents. Le jeu européen, le Shogi et le Xiangqi. C'est relativement complexe.

- Tu vas nous faire les trois ? » Interrogea Manuel

Fernand répondit avec un grand sourire.

« - Tu as pris assez de bois j'espère.

- Du verni et de la peinture également, confirma Fernand, mais si tu stresses tant, pourquoi tu ne descends pas aux machines pour voir comment ça marche ?

- Shershalla l'a interdit, répliqua-t-il, pas durant les manœuvres du moins.

- Si ça te calme, je crois qu'il y a prescription non ? Et puis, tu regardes seulement, tu ne touches à rien.

- C'est hors de questions, s'offusqua Calianne. Quand la capitaine donne un ordre, on l'exécute.

- Je vais aller faire un tour en bas. Juste regarder. »

Avant que quiconque ait pu commenter cette décision, le jeune homme s'était levé et se dirigeait vers la sortie.

« - Manuel, attends, Shershalla a... Commença Calianne derrière lui.

- Ma pauvre fille, commenta Fernand dans un murmure, si tu savais dans quelle merde tu te mets en lui courant après... »

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