18 : Le corbeau couronné (3/3)
Dans le navire volant Silridriss, Braniss fixait la petite sphère de métal à l'endroit que lui avait indiqué Arsear. Il était sur le pont, autour de lui, c'était un silence quasi-complet. Seules les mains reptiliennes qui pilotaient le bâtiment de guerre occasionnaient quelques rares perturbations. De temps en temps, un opérateur se penchait vers un autre et murmurait quelque chose après avoir vérifié que personne n'entendrait. Braniss n'était pas dupe : il savait que ces discussions le concernait. Après tout, il n'avait aucun grade et il commandait un navire, sans compter qu'il avait été présenté au Seigneur des terres de Kalam et de Youris par la garde, enchaîné. Quelque soit ce qui s'était passé, certains avaient vus les soldats sortir, l'un d'entre-eux avec une blessure sérieuse.
Soudain, le guerrier se détourna et s'approcha du poste d'une des vigies du navire. Sur la plaque de cristal orange défilait la côte, la plage qu'il devait explorer. Le saurien avait réquisitionné l'une des frégates, qu'il faisait actuellement voler le plus bas possible pour éviter d'être repéré.
« - J'ai quelque chose ! » Dit un autre opérateur que Braniss rejoignit rapidement.
L'image présentait un petit monticule de sable avec une croix et, juste à coté, une AMC noire éventrée.
« - C'est sans doute ça. Un groupe d'esclave et une petite troupe débarquent avec moi. On va sortir ce qu'il y a là-dessous et le remonter à bord.
- Que doit-on trouver ?
- Un corps. Le corps d'un esclave, avec l'eau de mer et le sable, il doit être dans un sale état... Préparez un sarcophage : je ne veux pas qu'il empeste dans tout le navire.
- A vos ordres. »
*
* *
*
« - Non, vous n'avez pas compris, vous êtes libre d'accepter ou de refuser. Ce navire conviendrait à mes besoins, mais j'ai besoin d'un équipage et je ne veux que des volontaires. » Expliqua Manuel pour la cinquième fois au gnome face à lui.
« - Qu'est-ce que je risque si je refuse ? Demanda-t-il, apeuré.
- Rien. Juste une grosse déception de notre part.
- Alors personne ici ne vous suivra. Les Silridriss sont bien trop terribles. Il vaut mieux ne rien faire dans le cas où ils reviendraient.
- Votre condition d'esclave vous convient ? Demanda Manuel en changeant de stratégie.
- Non, mais elle est préférable à la mort atroce qu'ils nous réservent si l'on vous aide. Comprenez-nous, leur Impératrice est invincible, indestructible. Nous avons tout essayé, mais nous n'avons pu que constater l'évidence : Non seulement elle est immortelle, mais elle détruit tout sur son passage. Rien ni personne ne lui résiste.
- Laisse Manuel, ils ont trop peur, constata la tigresse et tirant le jeune homme par la manche. Essayons un autre.
- Mais c'est le quatrième... s'énerva Manuel en suivant la tigresse sur le quai. Qu'est-ce qu'il faut ? Que j'en bute un et que j'en pende un autre pour l'exemple ?
- Ça pourrait fonctionner. » Répondit-elle d'un sourire. Manuel ne su si elle avait vraiment comprit la caricature qu'il avait faite.
Les deux soldats de la Fantasy Circus avançaient à la recherche d'un nouveau navire pouvant correspondre à leurs besoins. Mais les bâtiments étaient soit en mauvais état, parfois trop petits, et souvent trop gros. A leurs passage, de nombreux anciens esclaves se retournaient. Était-ce la surprise de voir un humain porter cette épée ? Ou bien la forme de Salida ? Ni l'un ni l'autre n'aurait pu le dire. Mais ils restaient aux aguets de tout ce qui pouvait être étrange pour éviter les mauvaises surprises.
Manuel s'arrêta devant un bateau, à cinq-cent mètres du dernier qu'ils avaient visité. Contrairement à la plupart des autres, celui-ci était ''garé'' à l'envers : proue vers l'extérieur.
« - Il est trop grand. » Dit simplement la tigresse.
Mais le jeune ne bougea pas. Ses yeux arpentait l'arrière du bâtiment. La chimère eut du mal à comprendre ce qu'il faisait. Devant elle, ce n'était qu'un tas de bois.
Sans un mot, Manuel entra dans le vaisseau volant tout en observant les murs des bois et tout ce qui l'entourait. Partout, des caisses, certaines en laiton, d'autres en bois et, souvent, des sac remplis de denrées inconnues.
« - Vous cherchez quelque chose ? Demanda un énorme golem en sortant de la pénombre.
- Un navire... Dit-il
- Ce n'est pas celui-là. Partez.
- Je serai plutôt enclin à penser qu'il sera parfait. »
Après un bref regard à la tigresse, l'esclave reprit :
« - Nous ne voulons pas d'ennuis. Laissez-nous en dehors de tout cela.
- Où est le chef de quart ?
- Absente, et je vous déconseille d'avoir affaire à elle. Allez-vous en s'il vous plaît.
- Je veux juste discuter un peu. Qu'elle écoute ma proposition, et, ensuite, qu'elle fasse un choix. C'est tout. »
De nouveau, le golem posa son attention sur la tigresse, cherchant une information qu'il ne trouva pas. Il reprit peu après :
« - Vous prenez des risques...
- Je ne fais que ça en se moment... un peu plus, un peu moins, qu'est-ce que ça change. J'ai déjà tout perdu. »
Le jeune homme ne le vit pas, mais la tigresse eut un léger mouvement de recul qui n'échappa pas au golem. Ce dernier se détourna pour retourner dans la zone d'ombres près de la porte d'entrée sans dire un mot. L'attente dura deux bonnes heures, enfin, une dryade arriva. Manuel et Salida s'étaient installés sur une caisse et discutaient doucement. La princesse déchue cherchait à savoir ce que le jeune homme avait vu. Mais en dehors de lui dire de bien observer le navire, son supérieur éludait la question avec un sourire.
« - Vous vouliez me voir. C'est fait, dites ce que vous avez à dire puis partez.
- Pas ici. C'est relativement inconfortable et cela nécessite un endroit propice à la réflexion. » Déclara Manuel qui avait travaillé sa phrase le temps qu'elle arrive.
- Je vous ai dit...
- Et j'ai répondu. » coupa Manuel.
Il y eut un moment de flottement. Visiblement, la dryade n'avait pas l'habitude qu'on remette en cause pas ses ordres. Salida en profita pour l'observer attentivement. Elle portait la même robe de bure que tout les esclaves Silridriss, mais, contrairement à tout les autres membres de son espèce, ses cheveux n'étaient pas noirs avec des reflets verts, mais d'une couleur de feu. Sa peaux, verte, avec, en certains endroits, la même consistance que l'écorce d'un bouleau lui transmettait une beauté qui contrastait fortement avec son visage dur et impassible.
« - Montez à l'échelle, prenez l'escalier en face de vous puis entrez dans le kiosque arrière. J'arrive. »
Avec un petit sourire, Manuel se dirigea vers l'échelle et commença à la grimper. Salida vit la dryade sermonner le golem. Leur conversation n'était pas finie quand elle entreprit elle aussi son ascension. Ils suivirent les indications de la chef et arrivèrent sur le pont du navire. Le kiosque arrière était accessible par une petite porte à coté d'une grande baie vitrée. A l'intérieur, cela faisait plus office de cantine que de chambre du capitaine. Des tables, des chaises, un renfoncement duquel on voyait clairement la cuisine, des petites bibliothèques, et une quantité de créatures qui leur lancèrent des regards inamicaux.
Intérieurement, Manuel se demanda s'il n'avait pas fait une erreur. Salida, elle, reniflait, une odeur bizarre planait dans la pièce.
Ils s'installèrent à une table pour quatre places, tout les deux du même côté. Salida en profita pour dire à Manuel ce qui la tracassait :
« - Ça sent le sang. Beaucoup de sang.
- Ça vient d'où ? répondit-t-il
- Je ne sais pas, mais ça empeste dans toute la pièce.
- Essaye d'en trouver identifier l'origine.
- Ok. »
La princesse déchue se releva et arpenta lentement la pièce en reniflant. La dryade entra sur ces entrefaites, elle souleva un sourcil en voyant la tigresse marcher lentement entre les protagonistes qui l'observaient avec méfiance.
« - Je vous écoute, soyez bref. Et dites à votre amie de ne toucher à rien.
- J'ai besoin d'un navire volant pour la durée de ce conflit.
- Les engins militaires sont plus haut.
- Mais ils ne sont pas disponibles. J'ai pensé au vôtre.
- Non. Nous n'avons rien à voir avec vous ou votre guerre avec les Silridriss. Dans tout les cas, vous ne tarderez pas à faire connaissance avec leur Déesse-Impératrice.
- Super. »
Surprise, la dryade s'interrogea un instant sur la santé mentale de cet humain.
« - Comment vous appelez-vous ? Demanda Manuel.
- Calianne.
- Manuel ? »
Interrompant la conversation, Salida, de l'autre coté du navire ouvrit une trappe dans un mur et une pièce de tissu d'un rouge sombre, plié comme un drap, tomba sur le sol dans un bruit sourd. Tel un signal, Calianne sortit une dague et voulu frapper Manuel qui s'était retourné à la demande de la princesse. L'instant d'après, à la grande surprise de la dryade, la tigresse était recroquevillée sur la table, coinçait la dague entre sa botte et le meuble. La rapière était simplement posée sur la gorge de Calianne, les yeux de la princesse brillaient d'un blanc pur. Les babines retroussées, le dos légèrement arqué, et le poil hérissé. Elle n'était clairement pas contente. Le jeune homme se passa lentement la main sur le visage comme s'il se l'essuyait, la situation dégénérait. A son grand soulagement, le reste de l'assistance resta passif même s'ils restaient au centre de leur attention.
Calianne lâcha lentement la poignée de la dague les yeux fixés dans ceux de la tigresse. Intérieurement, elle ne comprenait pas comment cette créature s'était déplacée aussi rapidement. Manuel se leva et sortit son arme de poing en soupirant.
Bon, la situation a complètement merdé... j'en avais un peu peur au début, mais là, c'est fait. On a les pieds dans le plat. Mais qu'est-ce que ce tissu a d'important pour générer un tel état d'énervement ? Je vais commencer par les regrouper...
« - Tout le monde de l'autre côté. Allez...
- Toi tu bouges pas, fit Salida à l'adresse de la dryade entre deux grognements »
Voyant qu'aucun esclave ne bougeait, le jeune homme fit feu aux pieds de la créature la plus à droite. Celle-ci sursauta.
« - Je vous en prie... J'ai horreur de me répéter. »
Lentement, le groupe d'esclave se dirigea dans la direction qu'avait indiqué Manuel. Salida restait fixée sur Calianne, elle résistait à l'immense envie de lui planter la rapière dans sa gorge. Le soldat marcha jusqu'au tissu, et le déplia tout en s'interrogeant sur ce que c'était.
Un drapeau ?...
En effet, un drapeau. De couleur majoritairement rouge, mais avec des nuances, certains endroits étaient plus sombres, et d'autres plus clairs. Sur la pièce de tissus, deux symboles : un oiseau noir dans une position identique à celle du lion debout héraldique et une couronne à trois pointes.
« - C'est quoi ce truc ? »
En dehors de Salida, toutes les personnes présentent dans la petite pièce eurent des regards sidérés de l'ignorance du jeune homme. Calianne en oublia même la présence de la tigresse énervée devant elle :
« - Vous plaisantez j'espère... »
*
* *
*
La guerrière restait ainsi à contempler sans bouger les petits granulés dans la bouteille en plastique. Dans la base cachée, seule, elle avait cherché une solution sur la manière de détruire l'horreur qu'elle avait sous les yeux. Mais la pléthore d'ordinateurs qui l'entourait ne lui avait pas fournit une seule solution. Il lui avaient bien expliqué comment le créer, comment l'utiliser ou s'en protéger... mais une destruction saine semblait absente des registres et modes d'emplois.
Et j'en fait quoi... L'opercule ne tiendra pas une éternité non plus. Lorsque ce gaz se libérera, ce sera une catastrophe... Quand à le balader avec moi... non. Hors de question : une fausse manip et c'est pour ma pomme. Piotr... Qu'aurais-tu fais à ma place Piotr ? Bien entendu... Tu ne me répondra pas. Du moins, pas tant que je n'aurait pas trouvé ce qui me manque...
De manière imperceptible, la guerrière s'endormit lentement sur cette table en métal entourées de consoles informatiques. Dans son sommeil, elle courait après l'ombre de Piotr dans les couloirs de cette base. Mais cette dernière était immense, avec une architecture de labyrinthe, quand à sa proie, elle courait plus vite qu'elle. Elle lui hurlait de s'arrêter, qu'elle avait besoin de ses conseils. Mais l'ombre s'enfuyait de plus belle en riant, répondant de temps en temps qu'il était trop tard.
Finalement, l'ombre se découpa de dos dans l'encadrement d'une porte au fond d'un sombre couloir. Elle couru de nouveau après sa cible et, à sa grande surprise, elle l'attrapa. Nemaya le força alors à la regarder. Ce n'était pas Piotr, mais Striggle, avec un horrible faciès. Un genre de zombie dont l'état de putréfaction avancé dégageait une odeur insoutenable. Avec une vitesse stupéfiante, le loup la mordit violemment au cou.
Nemaya se releva d'un coup sec. Cherchant la menace autour d'elle. Mais il n'y avait rien. Pas de loup zombie, pas de Piotr, rien de tout cela. La bouteille pleine de granulés de mezech elle même n'avait pas bougé.
Mais, les mains à plat sur la table, la guerrière se mit à regarder fixement le métal brillant à la lumière des néons. C'était presque imperceptible, la table vibra de manière très légère. Le néon lui-même oscillait presque imperceptiblement. Pourtant, les ombres ne mentaient pas : quelque chose l'avait fait se déplacer.
Je ne connais que trop bien cette sensation... J'espère me tromper. Car je n'accepterais pas que qui que ce soit vienne mettre le boxon ici.
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