17 : Détermination (3/3)

La porte de la petite pièce s'ouvrit pour laisser entrer Nemaya équipée d'une simple lampe torche. Le rayon balaya rapidement la pièce à gauche et à droite. Quelques étagères portant des outils ou des pièces mécaniques couvraient les murs, au centre, une machine complexe s'enfonçait dans un mur. Sur une petit pupitre, quelques leviers et manivelles.

Alors, si je me souviens bien... Pensa-t-elle en posant sa lampe de manière à éclairer la machine et le pupitre.

La combattante s'approcha d'une énorme manivelle d'un mètre de diamètre. Tour après tour, elle fit tourner la pièce de métal. Une dizaine de tours furent effectués puis Nemaya retourna au pupitre. Elle regarda quelques cadrans, tous à zéro avant d'appuyer sur un bouton rouge.

Rien ne se passa.

Allez ! Démarre !

Comme pour répondre à sa demande, l'engin intégré au mur se mit à bourdonner doucement. Quelques voyants s'allumèrent sur le pupitre, puis un gros rouge sur la machine avant que la pièce elle-même ne soit éclairée par le plafonnier. Un petit bruit de mouvement d'air se fit entendre lorsque la ventilation se ralluma.

Génial ! Le générateur fonctionne encore !

La jeune femme sortit alors de la pièce pour se diriger vers les locaux d'habitation. La majorité des lampes fonctionnaient, et éclairait les couloirs de béton nu, à certains endroits, il y avait quelques infiltrations d'eau, mais elle était rapidement récupérée et envoyée dans un siphon de sol. Ce ne fut que lorsqu'elle posa sa main sur la commande d'ouverture de la salle commune qu'elle se rappela qu'elle était le seule survivante. Quelques larmes coulèrent lorsque les souvenirs la violentèrent. D'un revers de la manche, elle retira ces traces de souffrances et entra dans la pièce avec conviction. Rien n'avait vraiment changé. Éparpillé un peu partout, des jouets d'enfants de tout âges. Ça allait du petit train à la console de jeu vidéo, de la poupée à la tenue de chevalier. Les chambres avaient été délimités avec de simples planches de bois autours des lits alignés les uns avec les autres dans toute leur rigueur militaire. Les matelas avaient en partie pris de l'humidité, et les couvertures étaient telles qu'elles avaient été laissé : en vrac.

La guerrière fit quelques pas. Ramassa une poupée pour la poser sur un des lits et la border.

Mais qu'est-ce que je fous là ? Se demanda-t-elle en se rendant compte qu'il n'y avait là aucune réponse à sa question.

Tant pis, il m'a été ordonné de désarmer les pièges. Je vais déjà m'occuper avec ça. Je verrais la suite plus tard, j'ai toute la nuit pour arpenter les archives.

La combattante fit demi-tour et ferma la porte après avoir éteint la lumière. D'un pas décidé, elle prit la direction de la salle des opérations.

*

* *

*

« - Seigneur Arsear, c'est une joie de vous revoir... »

La voix venait de derrière lui. La terreur envahi le seigneur Silridriss : une telle voix ne pouvait venir que de la Déesse-Impératrice. L'ancien Capitan avait installé son bureau dans l'une des plus belles pièces du château : la véranda. Le marbre blanc couvrait le sol et les colonnes étaient couvertes de lierres. L'isolation se faisait par un écran d'Erapha, suffisamment puissant pour protéger du froid et du vent, pas assez pour empêcher quelqu'un d'entrer ou de sortir. Seule une favorite ou la Déesse-Impératrice aurait su comment voler, et vu que les relations avec Myanate s'étaient brouillées.

«... Alors ? Comment se déroule votre installation ? » Demanda-t-elle en dépassant le bureau pour se déplacer entre les colonnes sous le regard d'Arsear.

« - Je suis en train de réorganiser les terres de Youris et de Kalam. Il y a beaucoup à faire. Déclara Arsear en se tournant vers le balcon. Vérifiant par la même occasion la manière dont la déesse était parvenue jusqu'à lui.

- Réorganiser ?

- Le conflit avec les humains coûte cher en personnes et en matériel. Il ne faut pas tomber en manque ; ni de l'un, ni de l'autre.

- En effet.

- Mais je suppose que votre sainteté n'est pas venue pour discuter de ce genre de sujet n'est-ce pas ? Alors, qu'est-ce que vous désirez ?

- Les démons d'Alikaross. Je veux les contraindre comme j'ai contraint ceux qui m'ont tenu tête. Shykosh n'a pu se débarrasser de ses sentiments envers ses enfants, cela lui a coûté la vie. Quel est le point faible des démons d'Alikaross ? En avez-vous trouvé un ?

- Oui, leurs femmes. Elles sont décédées et nous en sommes les responsables. C'est la leurs principal grief contre nous.

- Bien, où sont-elles ?

- La première a été dévorée par certains de nos soldats le jour de sa capture. La seconde est enterrée sur une plage dans leur monde.

- Excellent Seigneur Arsear. Mais comment avez-vous obtenu ces informations ?

- J'ai capturé les parents de l'un des démons. Une fois que j'eusse gagné leur confiance, obtenir ces informations fut simple, répondit Arsear, redoutant la prochaine phrase.

- Parfait, remettez-moi ces personnes, ainsi que ceux qui ont dévoré l'une des femmes.

- Pardonnez-moi ô Déesse, mais j'aimerais garder ces humains avec moi quelques temps encore.

- Et pour quel motif ? Demanda-t-elle, surprise.

- J'ai leur sympathie, j'obtiens de nombreuses informations. J'estime qu'il serait idiot de passer à coté d'une telle opportunité

- Et le dernier démon, le gris. Avez-vous quelque chose sur le sujet ? Dit l'Impératrice en éludant la réponse qu'Arsear attendait.

- Oui, d'après notre espion, les personnes auxquelles elle tient seraient enterrées quelque part dans des montagnes. Nous savons où c'est, dois-je envoyer une troupe pour récupérer les corps ?

- Oui, mais faîtes preuve d'une grande discrétion : personne ne doit vous voir. La surprise doit être totale ! Quand à vos prisonniers... conservez-les pour le moment. Envoyez-les-moi quand vous n'aurez plus rien à tirer d'eux.

- Bien sûr. Ô Déesse-Impératrice. »

*

* *

*

A la vue de leur énorme camion de transport dans le crépuscule, le reste de la Fantasy-circus comprit que l'ancien sniper ne ramenait pas que le pirate informatique. Trois AMC étaient assises dans le bac arrière. Chacune avec des équipements particuliers et des marques civiles bariolées.

Qu'est-ce que c'est encore que ce plan foireux ? S'interrogea Manuel en s'approchant de l'accès à la porte latérale du véhicule. En haut, cette dernière s'ouvrit pour laisser sortir le cyborg.

« - Vous n'allez jamais deviner qui j'ai rencontré de l'autre côté, dit-il comme un gosse fier de ses découvertes.

- Qui donc ? Demanda Tégos.

- Salut Manuel !

- Mylène ?! Mais qu'est-ce que tu fous ici ? Je te croyais en Angleterre à tenter de travailler avec Hermès. »

Rapidement, la jeune femme descendit la crinoline d'accès pour se jeter dans les bras de Manuel. Salida fronça les sourcils et grogna discrètement. Contrairement à son habitude, elle portait une combinaison complète de pilotage.

« - Tout le monde le croit, et c'est ça qui est bien ! Alors je vais pouvoir veiller sur mon petit frère. Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai mal. Vas-y doucement, j'ai morflé dernièrement. Y'a qui d'autre ?

- Bonjour Doux-dingue. » Fit une étrange créature en lui tendant la main.

- On se connaît ? » Demanda Manuel.

Une forme humanoïde, des poils bruns un peu bouclés, une combinaison de pilotage ouverte sur la poitrine. Le visage lui rappelait vaguement quelque chose. Une morphologie semblable à celle d'une chèvre, et des yeux d'un noir extrêmement profonds.

« - Tu te moques de moi là...

- Kouiros ? Demanda Fernand derrière eux en s'approchant.

- Correct Twister.

- Merde, Kouiros ? Reprit Manuel en regardant son ami comme pour la première fois. C'est bien toi ? Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ?

- C'est une longue histoire. Mais je vais commencer par rassurer tout le monde : reprendre ma forme d'origine est simple et sans problèmes. Princesse Salida ? »

A l'annonce de son nom, Salida sortit de sa torpeur. Ses yeux n'avaient pas quitté Mylène Ferreira jusqu'à ce moment précis.

« - Oui Kouiros ?

- Sous cette forme, comme sous la précédente, je respecterais les dernières volontés de votre père. Soyez-en assurés. J'aimerais également vous présenter un ami, rencontré sur le champ de bataille. Il désire nous accompagner.

- Bonjour, je m'appelle Ibrahim fit le jeune homme, j'étais...

- Avec Kouiros durant l'opération rêve d'ébène, compléta Fernand. On se souvient de toi.

- Mais où est Happy Summer ? Demanda Manuel.

- T'as toujours pas compris que c'était moi ? Demanda Mylène.

- Ha ? Toi ? Le pirate recherché partout à travers le monde ? Tu déconnes...

- Tadaaa ! Fit Mylène en ouvrant les bras. Et tu sais quoi ? J'ai modifié Krontch pour qu'il intègre des systèmes de guerre électronique. C'est peut-être pas une machine de guerre, mais si j'ai quoi que ce soit à pirater, je ne m'en priverais pas.

- Toi ? Recherchée ? Mais que vont dire les parents en apprenant ça ?

- Hého, parle pour toi ok ! T'es pas beaucoup mieux loti !

- Qui est Krontch ? Murmura Salida à Fernand tandis que le duo fraternel retournait dans une de ses disputes sans queues ni têtes.

- Son AMC.

- Je croyais que ces machines n'étaient pas vivantes.

- C'est le cas. Mais certains pilotes les baptisent quand même d'un nom.

- Mais quelle est...

- Quoi !? »

Le cri de Manuel créa un silence dans la petite équipe et sa sœur semblait ennuyée.

« - Tu es sûre de ce que tu dis ?

- Oui Manuel. Les parents ont vraisemblablement été capturés. La maison n'est qu'un amas de gravas et l'abri souterrain a été ouvert comme une boite de conserve. En revanche, il n'y avait aucun corps. Le nom de papa est absent du registre de la base. Il était donc absent quand l'attaque a eut lieu. Ils sont actuellement considérés comme disparus.

- Je le savais : j'étais sûr que j'aurais dû faire demi-tour et revenir.

- Et ma mère ? Demanda Fernand.

- Elle va bien. Elle a rejoint le conseiller Sanchez dans la zone dévastée, en sécurité.

- Quelle merde ! Jura Manuel.

- Ouais. Mais je suis à l'affût de toute information les concernant.

- Manuel ? Interrompit Maximilien, Il va falloir y aller. Le convoi part dans un quart d'heure. »

*

* *

*

Accroupie face à un mur, Nemaya sorti un couteau de combat de sa combinaison et coupa une paire de fils qui dépassaient d'un interstice. Elle tracta le câble pour ramener une petite brique de pâte à modeler marron dans lequel elle était insérée. Elle arracha les fils et le petit tube planté dans la pâte avant de les ranger dans des sacs séparés. Elle retourna à sa machine et y déplia une carte papier couverte de croix rouges. A l'aide d'un stylo noir, elle entoura l'une d'entre-elle. La combattante releva les yeux à temps pour voir la chimère se cacher. Elle n'eut aucun mal à reconnaître Hertalam, le daim turquoise aux yeux violets qu'elle avait rencontré à son arrivée. Un sourire orna brièvement son visage : ça faisait trente minutes qu'il la suivait, autrefois, il n'aurait pas dépassé les deux premières sans prendre une balle.

Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Se demanda-t-elle en regardant le plan. Voilà que je prévois mes déplacements en prenant en compte une chimère pour éviter de la blesser...

La guerrière leva son visage vers le ciel, et l'azur engloba tout son champ visuel. Lentement, une larme coula le long de la joue.

Suis-je en train de trahir mes amis ?

Qu'est-ce que je veux ? Mais qu'est-ce que je veux bordel !?

De colère, Nemaya tapa du poing sur sa machine, et se fit mal. Mais d'une certaine manière, la douleur lui rappela qu'elle vivait toujours.

Et si je restais ici ?

Depuis trois jours, elle avait arpenté le petit village, mangé avec ses habitants qui acceptaient de partager leurs repas en apprenant qu'elle déminait les ruines. Elle avait même participé à la construction d'un petit barrage pour alimenter un moulin primitif. Rald, ce jeune homme qu'elle avait rencontré ne cessait de l'ennuyer pourtant, elle ne lui en voulait pas. Il l'avait poussé dans l'eau lors de la construction du moulin, repeint sa machine avec une couleur rose, qui était partie à la première pluie, et posé un coq dans sa chambre à trois heures du matin. A chaque fois, elle avait bien tenté de corriger l'insolent, mais le jeune homme courait vite pour un civil. Et il ne cessait de rire. Immanquablement, cela déclenchait en elle un rire nerveux, et finissait pas lui créer un point de côté. Dans le village, les habitants avaient finis par s'habituer à leurs courses-poursuites et les regardaient amusés. Mais les ordres de Higas lui revinrent en tête.

Je dois d'abord finir ce que j'ai commencé ! Trouver ce qui me manque, puis partir tuer l'ami de ces monstres. Attends un instant... Si j'élimine Salida, est-ce que ces créatures me le pardonneront ? Je dois m'en assurer avant de partir.

« - Je sais que c'est toi. » Fit Hertalam en russe, tremblant de tout ses membres. Nemaya quitta le ciel de yeux pour les poser sur la chimère, surprise de la hardiesse dont il faisait preuve.

« - Même si je n'ai pas encore de pouvoir, je ne te laisserais pas faire du mal aux miens. Tu m'entends ?... »

Nemaya n'aimait pas le sens que prenait cette rencontre et, ignorant la créature, elle rangea la carte dans sa poche et se glissa calmement dans sa machine.

« ... Hé ! Je te parle ! Sale monstre ! »

Le berserker gris se leva, puis se tourna vers la jeune chimère. Une fumée blanche fut crachée par le respirateur tandis que le regard du loup se posait sur Hertalam. La créature vit qu'il n'y avait là aucune émotion. Elle aurait regardé un caillou de la même manière. Lentement, les deux sacs contenant les explosifs glissèrent de l'épaule vers l'arrière. D'un simple mouvement de la main, elle attrapa les sacs avant qu'ils ne touchent le sol.

- Mais il est con ou quoi ? Il veut mourir ? Commenta Striggle.

- Je sais, une chimère jeune et sans pouvoirs contre un berserker... on croit rêver. Laisse-le dans son trip : on continue de désarmer...

- Attention !

La surprise de voir la chimère la charger tête la première fut réelle. Mais, avec le poids de sa machine, ce fut à peine si Nemaya recula sous l'impact. Elle lâcha le sac d'explosifs qui tomba au sol.

- Ok, c'est avéré : il est irrémédiablement con : il attaque et se fait mal tout seul... Déclara Striggle

Nemaya ne répondit pas. Elle se contenta d'attraper le cou l'insolente créature lors de sa seconde change, et la plaqua au sol. Un énorme dilemme se créa au sein de la combattante. Cette attaque lui rappelait de très mauvais souvenirs, et ses automatismes lui imposaient d'occire rapidement la chimère. Mais, si elle l'éliminait, jamais plus elle ne pourrait revenir ici.

- Tue-le. Fit une voix douce au plus profond d'elle-même

- Attention Lyouba...

- Je sais. Elle est là... Mais je ne sais pas quoi faire.

- Tue-le. Répéta la voix.

Lentement, sa main de libre alla chercher son épée. Sous son autre main, la chimère cherchait à se dégager de la poigne de fer du Berserker. Il soufflait au point de faire gonfler ses joues. Ses pattes s'étaient arc-boutées sur le plastron de métal, et poussaient aussi fort qu'elles le pouvaient.

- Tue-le...

- Lyouba, je ne suis pas sûr que...

- Tue-le ! Fit la voix de manière plus rauque et pressante.

La russe posa doucement la lame sur le cou de la créature par habitude. Le contact du métal froid sur sa peau paniqua la chimère qui s'excita un moment, cherchant vainement une sortie.

- Qu'est-ce que je veux ... ? Pensa Nemaya

- Tue-le ! Cria presque la voix, devenue plus sombre.

- Lyouba... s'inquiéta Striggle

D'un coup sec, Nemaya abattit la lame au-dessus de la tête du daim turquoise, après avoir changé l'épée de position. La chimère pouvait se voir dans le reflet de l'arme. Elle n'eut pas le temps de s'interroger sur les raisons pour lesquelles la combattante lui avait laissé la vie sauve : La russe força la chimère à regarder sa machine dans les yeux avant de lui asséner une violente volée de baffes.

Sans trop savoir ce qu'elle faisait, Nemaya lâcha la créature que se précipita hors de portée.

- Tu m'as foutu la trouille Lyouba. J'ai vraiment cru que tu allais le couper en deux...

- Ça m'a traversé l'esprit...

- Je sais. Et je sais aussi la raison pour laquelle tu ne l'as pas faite.

Hertalam soufflait, les petites joues du daim se remplissaient et se vidaient au rythme de sa respiration. La panique, la haine, mais aussi l'incompréhension se lisaient dans ses yeux. Il se savait pas prêt pour un tel affrontement. Nemaya aussi. Elle releva sa machine, et lui fit le signe ''non'' en secouant l'un des doigts de sa main. La combattante se baissa, prit son arme, la rangea et ramassa les sacs avant de quitter les lieux en direction du prochain piège. Hertalam, épuisé et encore sous le choc, se laissa tomber au sol.

- Ai-je vraiment bien fait de le laisser en vie ?

- On ne le saura que plus tard... Attention, il remet ça !

Nemaya se retourna en laissant derechef tomber le sac. Ce coup-ci, je lui pète la nuque !

Mais, à la grande surprise de la combattante, la chimère freina des quatre pattes. Elle se mit à regarder de manière affolée dans tout les coins. Avant de reculer de quelques pas complètement terrifiée, et s'enfuir à toute vitesse de là où il était venu.

Nemaya détecta un mouvement sur sa droite. Rapidement une forme émergea d'un mur et se lança à la poursuite du daim turquoise. A sa forme, elle devina qu'il s'agissait de Magla, et la combattante fut persuadée qu'elle montrait des crocs.

- Étranges créatures, vraiment. Commenta le loup gris.

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