17 : Détermination (1/3)
Rig-rid se leva avec difficulté de la paillasse sur laquelle elle avait été allongée. La douleur qu'elle avait au ventre était encore là, même s'il n'en restait que des résidus. Elle n'avait pas quitté l'atelier, et avait été emmenée dans un coin servant à la vie de la petite équipe de techniciens.
Un autre esclave, un golem, s'assit juste à côté d'elle, et lui tendit une écuelle pleine d'eau. La créature ne portait quasiment aucun vêtement, comme tout ceux de sa race.
« - On a vraiment eu peur sur ce coup-là, dit-il doucement, Osrak nous aurait tous tués sans hésitation s'il t'était arrivé le moindre mal.
- Non, elle a dû deviner que si la Favorite avait voulu me tuer, elle l'aurait fait... Je crois plutôt qu'elle m'a fait quelque chose...
- Et... elle t'a fait quoi ?
- Je ne sais pas... Et ça m'inquiète.
- Tu devrais en parler à ton maître, non ?
- Quoi ? Demanda l'ingénieur.
- Il a l'air de se satisfaire de tes charmes... Tu pourrais en profiter pour savoir ce qu'elle t'a fait... »
Rig-rid regarda son camarade esclave avec une surprise non-feinte.
Même les esclaves y croient...
« ... Tu es doublement chanceuse : tu as survécu au premier assaut sexuel d'un mâle Silridriss, puis, une Favorite évite de te tuer. Je ne sais vraiment pas quel pacte tu as fait avec les dieux que tu adores, mais ils protègent plutôt bien.
- Un dieu... murmura-t-elle, un démon plutôt.
- Quoi ?
- Non, rien. Est-ce que vous avez pu installer le premier sélecteur de décharge ? Demanda Rig-rid en changeant de sujet.
- Nous en avons installé trois. »
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L'ensemble de la Fantasy Circus était réuni dans le local qui leur servait un peu à tout. Ce dernier vibra un peu au passage d'un camion à l'extérieur, mais personne ne s'en affola. Manuel s'assura que tous étaient là, de droite à gauche, Oneshot, Fernand, Tégos, le professeur Wolkazurbleau, Salida, Friedrich, et Maximilien. Tous avaient compris qu'avec les derniers événements, beaucoup d'informations n'étaient pas forcément passées. De son coté, le jeune lieutenant n'était pas à son aise, il y avait beaucoup de choses à dire, et pas de celles qui lui plaisaient.
« - Pour commencer, merci d'être venus : j'ai pas envie de vous courir derrière pour me répéter. Je vais commencer par enfoncer les portes ouvertes. Pour ceux qui l'ignorent, le sniper fantôme qui répond au nom de ''Casper'', c'est Salida. Elle a demandé à intégrer l'escouade, et, si je ne le fais pas, elle en intégrera une autre. Alors, si nous voulons la protéger, il va falloir lui faire de la place sur la carte.
- Je m'y oppose, déclara Tégos.
- Tu n'en as pas le pouvoir, répondit Salida. »
La garde du corps jeta un regard noir à celle qu'elle avait élevée. Mais, contrairement à ses attentes, la princesse ne détourna pas les yeux. Elle soutint le regard meurtrier de la créature de cauchemar. Tégos allait houspiller l'insolente mais Manuel fut plus rapide :
« - Personne ne peut s'y opposer. Elle trouvera toujours une solution pour affronter les Silridriss. Et, vu son palmarès, la plupart des autres escadrons seront heureux d'avoir un pilote de cet acabit. Autant qu'elle reste avec nous, ça nous permettra de garder un œil sur elle. Mais Salida, si jamais ça chauffe de trop, je veux que tu t'enfuies. Ne prends aucun risque.
- Bien, concéda la chimère.
- Je suppose que vous avez tous dû m'entendre au sujet d'Ego. Eh bien... Ego est mon subconscient personnifié. Il m'aide à piloter ma machine, il s'occupe des systèmes annexes. Et avant que vous vous en rendiez compte, il y a aussi une troisième entité, elle est surnommée la ''Bête''. Ce n'est rien qu'un gros sac de haine qui ne désire que la destruction de tout ce qui passe sous son regard. Lorsque je pilote, ma principale difficulté est de gérer la ''Bête''.
- C'est toujours bon à savoir si tu pètes les plombs, commenta Friedrich.
- Il n'est pas le seul, ajouta Fernand, j'ai les mêmes problèmes. Et si on ne maîtrise plus rien, tirez-vous. Loin, précisa-t-il avec quelques secondes.
- Je saurais m'en souvenir.
- Le deuxième point : Happy summers. Il est de l'autre côté du portail. Oneshot, tu iras le chercher, trouve un prétexte, ce que tu veux.
- Bien.
- Je vous suggère à tous d'être très méfiant avec ce type : on ne sait pas qui c'est, on ne sait pas ce qu'il veut. Tant que ces deux points ne sont pas éclaircis on reste prudent.
- Et s'il ne désire que nous aider ? Suggéra Daniela.
- S'il y a bien une chose que j'ai compris, précisa Manuel, c'est que tout le monde veut quelque chose. Un pirate informatique ne fait certainement pas exception à la règle. »
Le jeune lieutenant laissa passer quelques secondes au cas où quelqu'un d'autre aurait eut une question. Mais personne ne releva.
« - Enfin, nous avons vu que les Silridriss ont crées de nouvelles armes pour nous affronter. Ces engins sont spécifiquement crées pour contrer les armures de type berserker... Je vais avoir besoin de votre aide à tous si nous voulons nous en sortir. Si quelqu'un a une idée sur la manière de procéder pour se débarrasser de ces machins, qu'il me le dise maintenant.
- Où est le problème, on connaît leur point faible, non ? Dit Tégos.
- Maintenant qu'ils savent que nous en avons identifié un, tu peux être sûre que les lézards ne vont pas le laisser en plan.
- D'autant qu'une fois identifié, ils ont perdu l'ensemble de leurs troupes en moins d'une minute... rajouta Friedrich d'une voie monotone. Et je ne parle pas de la seconde partie de la bataille. Non, ils vont remédier à ça. »
Quelques coups à la porte en métal fit tourner la tête des protagonistes. Juste après, celle-ci s'ouvrit pour laisser entrer le commandant Sarlen. Le vieux soldat se déplaça lentement jusqu'à rejoindre le petit groupe. Il portait une combinaison avec un camouflage du désert cerclée à la ceinture et son éternelle casquette blanche. Dans ses mains, une enveloppe de grande taille.
« - Vous êtes tous là ? Bien, ça facilite les choses. Commença-t-il. J'ai deux nouvelles à vous donner : une mauvaise et une bonne. On va commencer par la mauvaise : les chinois ont perdu la tête de pont... »
La nouvelle jeta un froid dans la petite assistance.
« ... ils ont perdu soixante pour cent de leurs forces engagées en une seule attaque, la flotte était menée par un étrange navire. On a montré la photo du bâtiment à quelques prisonniers, et ceux qui l'on reconnu nous ont tous dit la même chose : le vaisseau de l'impératrice. Il a été donné pour ordre de déguerpir à tous ceux qui voient cet engin.
- C'est une plaisanterie ? Demanda Aquil.
- Non. Cette saloperie résiste à toutes les armes connues à ce jour, même aux armes atomiques. Croyez-moi, c'est loin d'être une blague. Voici la photo qui est adressée à votre escouade. »
Joignant le geste à la parole, le vétéran posa l'enveloppe sur la table.
« - D'autres nouvelles maintenant, nous avons avancé dans les terres Silridriss. Et nous avons pris une ville, vous avez ordre de vous y rendre et de tenir position. Je suis persuadé qu'à terme, des opérations commandos et de guérilla seront lancées. Préparez-vous à pénétrer derrière les lignes ennemies et y mettre le plus de bordel possible. Vu que nous ne pouvons réellement affronter les lézard de front, c'est ce qui risque de vous être demandé sous peu. Des questions ? Non ? Bon, je vous laisse, je vais tenir le reste des troupes au courant. »
Avec son pas pesant, le commandant sorti de la pièce lentement. Tégos avait déjà pris l'enveloppe et l'avait ouverte. Désormais, la photo passait de mains en mains.
Chacun y vit un navire Silridriss bien différent des modèles militaires. C'était une sphère coupée avec un angle de quarante-cinq degrés. Tous pouvaient y voir les entrelacs dorés sur la surface rouge de la sphère. L'intérieur comportait plusieurs étages qui débordaient de verdure, d'eau et d'or.
Le navire de la Déesse Silridriss... Pensa simplement Manuel, redoutant d'avoir à y monter un jour.
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Arsear guettait les moindres mouvements du professeur Ferreira. Mais en dehors d'une lecture rapide et assidue du livre, ce dernier ne manifestait aucune forme d'intérêt. Le professeur ferma le document, ramenant la couverture sur la dernière page, avant de se tourner vers son hôte. Dés que leurs regards se croisèrent, Arsear vit que le scientifique avait compris le problème auquel il était confronté. Le chercheur, lui, comprit immédiatement la situation du seigneur des terres de Kalam et de Youris.
« - Bien, Berik, amène-nous aux docks du château. Que la flotte relâche à ceux de la ville. Que l'équipage vérifie la totalité du navire avant de passer en quartier-libre. Rig-rid, rejoins-moi. »
Arsear se leva et se plaça en face de la vitre qui montrait un château en haut d'un piton rocheux. Tout autour, sur les flanc, telle une fourmilière, une immense ville s'étalait comme une pyramide dans un paysage désertique.
Le professeur se leva, et le rejoins, le livre à la main.
« - Où sommes-nous ?
- Chez moi. Dans les terres de Youris. Je pense que c'est l'endroit le plus sûr pour le moment.
- Si ce qui est écrit dans ce livre est vrai, je crains que cette sécurité ne soit que relative.
- Elle l'est, acquiesça Arsear, mais c'est le meilleur endroit pour discuter. »
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A son entrée dans le village, Nemaya comprit immédiatement que sa présence n'était pas souhaitée en ces lieux : tous la regardaient avec méfiance et suspicion. A la suite de son guide, elle avait passé les fortifications faites de carcasses de véhicules et de constructions mécano-soudées en tous genres pour entrer dans la partie de la ville qui avait été réhabilité. La plupart des maisons n'étaient que des bâtiments qui n'avaient pas trop souffert de la guerre. L'ensemble était relativement propre, malgré l'état de détérioration général des équipements. La plupart des personnes qu'elle croisait étaient des fermiers ou des agriculteurs. La combattante passa aussi devant un atelier de mécanique, un hospice et une école pour arriver devant un garage. Des gardes armés patrouillaient sur les toits et les fortifications de fortune.
« - Chef Stein, cria son guide, j'ai trouvé quelqu'un dans la ville haute. »
Dans les ténèbres du bâtiment, une ombre plus sombre que les autres se rapprocha de l'entrée. Apparu alors un homme maigre aux cheveux blancs, et au visage ridé. Son corps était d'une maigreur que seules les pires anorexiques pouvaient atteindre, et sur son menton, une barbe de trois jours sel et poivre. Il portait une combinaison bleue de mécanicien ouverte sur le torse, dont les manches se nouaient autour de la taille ; au dessus, un simple tee-shirt rouge.
« - Bonjour Madame, que faisiez-vous donc là-bas ? Demanda-t-il d'une voix dénuée d'agressivité dans un russe parfait.
- Elle ne m'a pas parlé de tout le voyage. Elle ne doit pas comprendre la langue... »
Le vieil homme s'essuyait les mains avec un chiffon tout en adressant un sourire chaleureux à la guerrière rousse.
« ... Elle est venue avec une AMC bizarre. Et, j'ai pas bien compris, mais Hertalam s'est enfui, terrorisé en parlant d'un ''monstre''...
- Tu es sûr ? Demanda le vieil homme en se figeant.
- Oui, ... enfin, je crois.
- Va le voir, rappelle-lui que ce n'est qu'une légende, dit-il en reprenant ce qu'il faisait.
- Une légende ? Quelle légende ?
- Je te la raconterai plus tard fiston. Allez, va. »
Le jeune garçon parti en direction de la sortie du village. Le chef Stein, resta un moment dehors, à le regarder s'éloigner, avant de rentrer dans son garage. De l'intérieur, il héla Nemaya, qui entra elle aussi. A l'intérieur, ce n'était qu'un amas de pièce métalliques épars. Sur une table trônait le châssis d'une moto, dans un coin de la pièce, un lave-linge était éventré, ailleurs, on devinait ce qui restait d'une très vieille tondeuse à gazon.
« - Vous voulez boire quelque chose ? »
La combattante hocha la tête.
« - Je m'en doutais : vous comprenez parfaitement mes paroles. Whisky ? Vodka ? Rhum ? »
Nemaya leva un seul doigt.
« - Le premier ? Un whisky donc... Je vais m'en servir un moi aussi. A titre homéopathique bien sûr. Ma grand-mère disait qu'il fallait au moins en boire un verre par jour pour n'être jamais malade. Alors je suis ses conseils. Toujours suivre les conseils des anciens. » ajouta-t-il de manière rhétorique.
Tout en parlant, le vieil homme sortit une bouteille et des verres de derrière un établi. La bouteille était d'un verre vert sombre et recouverte de saleté, les verres, eux, étaient recouverts d'une fine couche de poussière. Il souffla dans les verres avant de servir un liquide brun, il tendit l'un des récipients à la guerrière.
« - Bien, je vais maintenant rentrer dans le vif du sujet. Je ne sais pas qui vous êtes. Je ne sais pas ce que vous êtes venu faire ici. J'ignore si vous êtes le monstre de la légende chimère, et je m'en moque. Mais si c'est le cas, je vous demande de ne rien leur faire... »
Nemaya regarda le vieil homme de manière interrogative. Elle ne comprenait pas : les chimères étaient redevenues des cibles partout à travers le monde. La plupart du temps, les Humains et elles s'évitaient. Quand ils se rencontraient, il y avait souvent des bagarres.
« ... Nous vivons en paix avec elles, continua le chef Stein. Je pourrais même parler d'harmonie. Nous les aidons lorsqu'elles le demandent, et vice-versa. Je dois avouer que c'est très bénéfique pour notre petite communauté : Pas de problèmes de voisinage, de l'aide lors des semences et des récoltes... Alors, ne venez pas mettre le bordel là-dedans. C'est tout ce que je vous demande en tant que chef de village. »
Nemaya hocha la tête pour signifier qu'elle ferait l'effort. Le sang lui avait monté à la tête en entendant le vieil homme ; mais il était vite redescendu quand elle eut compris les raisons de cette demande. Cependant, au plus profond de son cœur, il lui était difficile d'accepter que ces créatures puissent se déplacer sans être inquiétées. C'était une ville qu'elle avait défendue, une ville dont elle avait été la seule survivante.
« - Vous vous baladez dans une AMC, cela signifie que vous avez certainement des compétences militaires, continua le vieil homme. Si vous voulez vous rendre utile, cherchez et désamorcez les pièges de cette ville : y'en a partout. Parfois c'est une chimère qui en déclenche un... Parfois, c'est un homme. Les principales artères sont dégagées, mais on ne peut toujours pas aller dans les rues annexes : trop dangereux. »
Nemaya hocha la tête.
Je dois d'abord rejoindre l'arche... Pensa-t-elle en reposant le verre.
Rapidement, la guerrière retrouva son véhicule à l'extérieur de la ville. Mais elle se stoppa juste avant de monter à bord. Elle ne connaissait que trop bien cette sensation, elle l'avait ressentie toute son enfance : Une ou plusieurs chimères la surveillait.
Finalement, elle s'écarta de l'engin, et sortit un paquet de cigarettes de sa poche. Elle en sortit une, ainsi que le briquet qui y était rangé et elle l'alluma. Naturellement, sans se presser, elle cracha un nuage de fumée vers le ciel. Son regard croisa alors celui d'un garde en haut d'une fortification de métal.
Elle lui proposa une cigarette en montrant le paquet. Le garde posa son arme contre le mur de tôle et tendit les mains. Elle jeta la petite boite qui arriva légèrement sur la gauche. Cependant, toujours à portée, le soldat l'attrapa sans efforts. A son tour, il alluma le bâtonnet de tabac, avant de rendre le paquet avec un merci de la main.
La combattante se stoppa net.
Qu'est-ce qui m'arrive ? Depuis combien de temps n'ai-je pas fait un geste qui n'ait pas été en rapport avec une mission ?
Elle finit par se retourner, cherchant dans les décombres qui l'entourait la chimère qui l'observait. Mais il n'y avait rien, pas d'yeux brillants au fond d'une zone sombre, par de monstre en haut d'un bâtiment : elles étaient absentes.
Du moins en apparence... pensa Nemaya en finissant sa cigarette.
Elle jeta le mégot au sol, l'écrasa du pied puis grimpa dans le cockpit de l'AMC. A peine la machine fermée, le loup gris vint la voir.
- Ça ne me plaît pas du tout. Ces gens jouent avec le feu. Dit-il d'une voix presque murmurante.
- Je sais Striggle. A moi non plus. Mais ils ont fait leurs choix, même si c'est une connerie. On va à l'arche.
- Es-tu sûre que c'est une bonne idée ? Ceux qui sont là vont probablement nous suivre.
- Au moins ils seront fixés à mon sujet. Ça devrait aussi les convaincre de me foutre la paix. Je ne suis pas là pour me battre. Mais pour chercher les réponses que tu refuses de me donner.
- Désolé, mais, comme je te l'ai expliqué, je ne le peux pas.
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