14 : Protocole Attila (2/3)

Le Seigneur des terres de Youris et de Kalam ouvrit les yeux. Dehors, le soleil se levait, et les nuages passaient lentement sous la coque de son navire. Il était dans son bureau, face à la baie vitrée, assis dans son fauteuil. Sa tenue de pilotage était ouverte et à moitié retirée. Sur son bureau recouvert de documents et de quelques croquis, trônait encore un verre d'alcool non fini. Lentement, les événements de la veille lui revenait en tête.

La poursuite du Berserker dans le ciel s'était terminé lorsque ce dernier avait littéralement disparu pour laisser place à une petite sphère qui s'était brisée en chutant sur le sol.

Ce pilote est loin d'être idiot : il nous a fait croire depuis le début qu'il tentait de nous vaincre. Puis, dés qu'il en a eu l'occasion, il s'est échappé. S'il avait tenté cela avant, vu notre nombre, il aurait échoué... Il y en aurait toujours eut un pour rester en arrière. Mais l'utilisation d'un leurre...

Arsear se leva et acheva de se déshabiller avant d'aller dans la salle d'eau. Il se plaça sous un orifice placé dans le plafond et un liquide jaune translucide commença à couler. Il repensa au bilan de cette opération. Pour commencer, le Sleipnir n'était pas un homme, c'était un objet, une machine à calculer.

Calculer quoi ? Pourquoi faire autant de calculs ? Les gnomes n'ont jamais eu besoin d'une telle machine pour faire des Sarbacks... Même les Kalieks n'ont eut besoin que d'études simples...

Mais les forces Silridriss avaient fini par trouver les décombres de la base de Clermont-Ferrand, et ce qu'il restait de l'engin.

Une pièce entière, ce doit être autrement plus compliqué qu'un disque à nombres. Se dit-il en repensant à cet outil qui accompagnait les marchands Silridriss. Il se frotta rapidement le liquide sur le corps avant de sortir et s'essuyer.

Et les troupes capturées ont soigneusement assassiné leurs semblables qui travaillaient dessus pour cacher son fonctionnement. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'une telle machine peut faire d'autre ?

Il sorti et s'habilla tandis que Rig-rid sortait de la chambre avec un ''Bonjour Monseigneur'' qu'il n'entendit pas, perdu dans pensées.

Et ces gens ? Les Ferreira ? Sont-ils bien ceux auxquels je pense ? Je dois m'en assurer avant de prendre des décisions...

« - Est-ce que tout va bien Monseigneur ? Demanda la Gnome inquiète.

- Oui. Répondit-il en remettant la broche sur son col. Conçois des armes de tirs pour les Kalieks, ainsi que des lames plus tranchantes que celles que nous avons actuellement. Osrak, Berik, vous êtes debout ?... Bien, Berik amène quatre chaises, une table et de quoi manger pour quatre personnes dans mon bureau. Osrak, tu vas me chercher les Ferreira. Prends deux gardes avec toi. »

Comprenant que quelque chose d'important allait se passer dans la pièce, Rig-rid n'y resta pas longtemps. Elle croisa alors Osrak qui menait les trois prisonniers vers le Bureau d'Arsear. Un mâle et deux femelles enchaînés aux poignets. Pourtant, son regard s'attarda sur le bras de l'une d'entre-elle.

Un bras mécanique... je voudrais bien voir cela de plus près !

Finalement, elle se détourna pour se diriger vers les hangars : elle y trouverait certainement à manger avant de se mettre au travail.

*

Le petit groupe entra dans le bureau d'Arsear tandis que celui-ci rangeait sa tenue de pilote de Sarback. D'un simple regard, il vit que ses ordres les concernant avaient été en majorité suivi. Les trois personnes étaient fatiguées, c'était visible, mais vivants et en bonne santé. Le groupe se composait d'un homme avec un ensemble en tissu gris et une chemise blanche et de deux femmes, la première en tailleur bleu sombre et la seconde avec une robe longue et un bras mécanique.

Incroyable...

L'homme regardait autour de lui, cherchant du regard tout ce qui pourrait servir ultérieurement. Analysant chaque chose, chaque emplacement, il ne regardait Arsear que de temps en temps, s'assurant que la discussion n'avait pas encore commencé. Pour le moment, seule une peur latente était présente.

« - Beaucoup de prisonniers de votre espèce sont passés par mon bureau, commença Arsear après s'être assuré que ce dernier portait bien le collier de traduction. Pourtant, un seul d'entre-eux a réagit comme vous Monsieur Ferreira... »

Le professeur recentra son intérêt sur le saurien face à lui, mais il ne dit rien, attendant la suite.

« ... Je suppose que vous savez de qui je parle ?

- Non. Je devrais ?

- Reste à ta place esclave ! » Cria Osrak en lançant un violent coup derrière le genou.

Le professeur Ferreira s'écroula avec un souffle court.

« - Osrak !... » Interrompit Arsear.

L'enseigne se stoppa immédiatement, la main levée pour cogner encore.

« ... A l'avenir, si j'ai besoin de ton intervention, je te le ferai savoir. Prends les gardes et sort. Je ne prends plus de risques maintenant.

- Mais Monseigneur...

- Dehors. »

Osrak sortit sous le regard appuyé du seigneur Silridriss. Avec elle, les deux gardes qui n'étaient responsable de rien. Elle ferma la porte tandis que l'homme se relevait. La porte fermée, Arsear se retrouva seul avec les trois humains.

« - Veuillez excuser la promptitude de ma subordonnée. Mais elle met un point d'honneur à ce que mon rang et ma personne soient respectés... Revenons à notre sujet : je parlais évidemment de votre fils.

- Je n'ai pas d'enfant, mentit-il.

- Votre fils s'appelle Manuel Ferreira. Un pilote exceptionnel dans un engin hors du commun. Le genre de combinaison explosive qui fait gagner des batailles, et dans le même temps, la guerre. Et vous avez une fille, Mylène je crois... qui a travaillé sur le Sleipnir. Dois-je continuer ? »

José Ferreira comprit en regardant le saurien dans les yeux qu'il ne pouvait rien lui cacher. Ses informations étaient sûres et fiables.

« - Que voulez-vous ?

- Pour le moment, juste discuter. Je suppose que ces deux femelles sont vos épouses ?

- Je ne vois pas en quoi cela vous concerne.

- Pour éviter que l'équipage ne s'amuse avec... Sur vos peau fragiles, les sévices ont tendance à marquer à vie.

- Alors oui, ce sont mes femmes.

- Bien. Je vais m'assurer que personne ne les touche. D'après ce que je sais, vous avez vous aussi travaillé sur le Sleipnir. Alors dites-moi : A quoi sert un calculateur ? »

Surpris par la question, José se tourna vers le professeur Belamour. Cette dernière haussa les épaules avant de répondre :

« - A calculer : comme son nom l'indique.

- Vous avez travaillé dessus aussi ?

- Un petit peu, mentit-elle.

- D'accord, mais calculer quoi ?

- Un petit peu tout ce que l'on veux. Tout dépends de ce que l'on cherche... »

Face à cette réponse aussi évidente, le saurien se prit la tête dans une main. Tentant de trouver une autre manière de s'expliquer. De son côté, le professeur Ferreira regarda sa femme, inquiet. Elle tentait de rester debout et calme, mais il la sentait paniquée.

« - On va essayer autrement... Est-ce que vous avez des exemples ?

- Ah, ok, j'ai compris... Non, cet engin ne sert pas à compter des verres de tequila. Ses calculs sont autrement plus complexes : Suivant la modélisation mathématique fournie il peut prédire le temps qu'il fera, ou des déformations mécaniques lors d'un choc. Il fut un temps où il servit à prévoir le futur. »

A ces propos le père de Manuel adressa un regard noir à la scientifique :

« - Patricia, je te suggère fortement de fermer ta gueule...

- Pourquoi ? De toute façons, il le saura à un moment où à un autre.

- Et s'il utilise le Sleipnir ? Tu y as pensé ?

- Y'a plus de Sleipnir. Higas a beau être un crétin, il suit les ordres à la lettre. Dans le cas où une base est prise les ordres sont de tout détruire. Même les intervenants s'il est impossible de s'échapper. Quand à notre hôte, je ne doute en aucun cas qu'il aurait été jusqu'à utiliser la torture pour avoir ces réponses. Moi, je passe mon tour. »

Arsear eut un air visiblement surprit. Il laissa un petit silence passer avant de déclarer, intrigué :

« - Poursuivez.

- Si vous voulez. Le fait que nous soyons ici et non dans une salle d'interrogatoire me fait dire que vous êtes suffisamment mesuré pour ne pas employer la force plus que nécessaire pour obtenir ce que vous voulez. Une autre solution suggère que de toutes façons, que nous le voulions ou non, nous allons servir à un plan bien plus audacieux. Dans tous les cas, ce que je lui dis ne lui servira à rien en l'état. »

Quelqu'un frappa à la porte. Sur l'ordre d'Arsear, Berik entra avec quelques esclaves. Rapidement, au milieu de la pièce fut installé quatre chaises autour d'une table couverte de victuailles. Un buffet froid composé de viandes crues et de fruits aux couleurs étranges. L'ensemble du groupe d'esclave quitta la pièce sans un mot. La porte à peine fermée, le seigneur Silridriss claqua des doigts, et les chaînes des trois prisonniers tombèrent au sol.

« - Je vous en prie, prenez place : nous avons beaucoup à nous dire, et je crains que cette journée ne soit pas suffisante. »

*

* *

*

Nemaya n'ouvrit pas les yeux tout de suite. Elle chercha d'abord ses lunettes, posée sur la table de chevet la veille. C'était une pièce en béton peinte. Avec une fenêtre dans un mur. Pourtant, aucune lumière extérieure n'y pénétrait. Seule la lampe de la sortie de secours éclairait faiblement la pièce. On y devinait des vêtements épars, une table, un chaise, un casque de pilote, deux portes et un lit simple. Après avoir posé sur son nez l'objet de ses recherches, elle sortit nue du lit, un pistolet dans la main. Son corps, bien proportionné, évoluait comme une ombre parmi les ombres. Elle fit quelques pas et s'adossa au mur à coté de la porte. Son corps se prépara au combat. Elle attendit quelques secondes, aux aguets de ce qui se passait dans le couloir derrière.

Rien, pas un bruit.

Dix minutes passèrent. Mais il n'y eut rien. Un silence de plomb remplissait la pièce. Finalement, elle ouvrit lentement la porte, cachant le pistolet derrière une de ses cuisses. D'un coup d'œil, elle vérifia qu'il n'y avait personne dans un sens. Derrière, les murs de bétons étaient eux aussi très faiblement éclairés par les lumières de sécurité, recouvrant ces derniers d'une couleur grise. Lentement, sans un bruit, elle ouvrit la porte suffisamment grand pour passer la tête dans le couloir. L'autre sens était vide également.

Elle referma la porte sans un bruit.

Elle mit le verrou puis bloqua la porte avec la chaise avant d'ouvrir la seconde porte. Celle-ci donnait accès à la salle d'eau, une douche, des toilettes, un lavabo et tout le nécessaire de toilette. Elle entra dans la cabine de douche, posa l'arme sur le panier retenant les produits de toilettes avant de fermer.

L'eau coulait sur ses épaules et elle se laissa aller un moment sous l'eau chaude. Prenant un plaisir à ce moment de détente. A travers la vitre floue, elle vit une forme humaine dans la pièce. D'un seul mouvement, elle attrapa le pistolet et le pointa. La respiration de la jeune femme s'accéléra par la peur. Son index retira la sécurité, alors que son autre main cherchait l'ouverture en tremblant. D'un coup sec, la porte de la douche s'ouvrit.

L'homme n'était qu'un peignoir accroché au mur, surmonté d'un petit miroir ovale.

Le pistolet redescendit le long de la jambe en même temps qu'elle soufflait. La russe s'affala dans le bac de douche, elle commença par hoqueter, puis, elle pleura. Elle lâcha l'arme avant de se recroqueviller. Elle resta dans cette position, pleurant, ne pouvant se relever, accablée par un souvenir indicible. Elle frappa deux fois le bac de douche avec violence, pestant par des cris étouffés avant de se relever et de pointer son visage vers la pomme de douche. L'eau chaude éparpilla les larmes de son visage su le sol, pour faciliter cela, elle retira quelques instants la paire de lunette. Elle attrapa rapidement son arme, et la posa après avoir remit la sécurité. Elle fit rapidement sa toilette, puis sortit de la douche avec son arme. Sans allumer la lumière, elle alla jusqu'à la glace avant de retirer ses lunettes pour se sécher. Elle fit un bon de surprise en se voyant son reflet. La guerrière rapprocha son visage du miroir, quelque doigts en dessous des yeux. Pendant quelques instants, elle ne sut quoi faire. Finalement, elle remit ses lunettes et se dirigea dans la pièce principale. Elle s'y habilla de sa combinaison et s'interrogea un moment devant le casque avant de mettre son arme à la ceinture et sortir.

Elle arpenta le couloir sombre jusqu'à un escalier qui descendait. Toujours dans la pénombre, elle descendit deux étages avant de se retrouver à la réception de l'hôtel dans lequel elle se trouvait. En dehors du standardiste qui lisait une tablette numérique sous une lampe de bureau. La pièce était relativement sombre.

L'homme était relativement vieux, mais il s'amusait de la caricature qui s'animait sur l'écran. Une peau brune, un petit bouc blanc sur le menton et une chemise rouge, il était clairement d'origine Indienne.

Malgré sa discrétion, l'homme la remarqua, il ne quitta pas son sourire pour autant.

« - Oh ! Bonjour Mademoiselle. Vous êtes bien matinale, il est à peine quatre heure... Vous désirez manger ?... »

Nemaya fronça les sourcils tandis que le standardiste continuait tout en souriant.

« ... pour le moment, je n'ai rien de chaud, mais je vais préparer tout ce qu'il faut. Je n'en ai pas pour longtemps. Allez-y, asseyez-vous. »

D'un mouvement il l'entraîna vers les tables et lui sortit une chaise de sous la table. Nemaya s'installa sur une autre table, en face des entrées de la pièce, celle donnant sur la rue et celle des étages.

« - Ha ? comme vous voulez, ici c'est bien aussi, alors, je vous sert quoi ? Thé ? Café ? »

Elle hocha la tête.

« - De quoi ? Du thé ? »

De nouveau, ses cheveux roux s'agitèrent pour signifier son accord. Mais elle continuait de regarder cet homme avec soupçons. Le standardiste ignora l'attention qui lui était porté et rentra dans la cuisine, derrière le standard. Il en revint rapidement avec un bougeoir et un morceau de pain.

« - Je suis désolé, mais la nuit, l'électricité est rationnée. Alors il faudra vous éclairer à la bougie, cela vous dérange ? »

La combattante secoua la tête en signe de négation.

« - Attendez, vous êtes à la chambre trente quatre n'est-ce-pas ? J'ai reçu un courrier pour vous. C'est rare à notre époque. »

Rapidement, l'homme se dirigea vers le tableau derrière son comptoir et en sortit une petite lettre blanche qu'il posa sur la table de Nemaya.

« - Bon, je vais voir si l'eau est chaude. »

Avant de rentrer de nouveau dans sa cuisine, il constata que la guerrière avait ouvert l'enveloppe et en avait sorti le contenu. Elle le lu sans montrer d'émotions avant de le ranger dans sa combinaison.

*

* *

*

Salida s'était installée devant l'énorme livre, et lisait page après page. La pièce était plongée dans la pénombre, seule une petite lampe de bureau éclairait le livre. Autour, ce n'étaient que des ombres, mais on pouvait distinguer les formes de la pièce-container. Elle n'arrivait pas à se concentrer, ses pensées étaient brouillées par de nombreux problèmes. Elle s'arrêta un instant pour regarder sa main droite, immobile, tenant la prochaine page.

Ça, c'est le premier : qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Lentement, elle tourna sa tête vers les quatre combattants qui dormaient dans les lits superposés.

Ça, c'est le second...

En accédant à la mémoire commune au peuple chimère, elle vit que rien n'avait vraiment changé : un bazar incommensurable. Hillgearim ne dirigeait pas vraiment, il se contentait de vivre sa vie et d'imposer des choix personnels. Quelques femelles en avait fait les frais, l'une d'entre-elle s'était même suicidée en comprenant qu'elle n'était sa reine. Salida ne put retenir une larme lorsqu'elle constata le climat de terreur qui prenait peu à peu sa place dans la mémoire. Tout contestataire était immédiatement banni par ordre royal, puis, il était assassiné. Seules les chimères du groupe de Kouiros échappaient aux éliminations. Les morts étaient nombreux.

« - On ne peut pas dire que votre cousin soit fait pour diriger, ma reine.

- Bonjour Kouiros, comment cela se passe pour toi ?

- Bien, pour le moment. Mais notre politique actuelle me désole. Le roi Shershen et la reine Sila me manquent. Leur sagesse surtout.

- A moi aussi. Mais c'est leur douceur à mon égard qui me manque surtout.

- Il faudra faire sans ma reine, reprit le grand bouquetin. La politique est un art aussi dangereux que le combat. Mais je ne suis pas doué en politique.

- Kouiros, tu as quand même plus de poids que moi dans ce domaine. Et vu ce qui s'est passé dernièrement, le peuple me hait. Je ne met plus rien dans la mémoire et je préfère me faire oublier.

- Ma reine, vous ne devriez...

- Kouiros, tu me connais depuis mon plus jeune age, j'aimerais bien que tu cesses de m'appeler ainsi. Je suis pas en droit de revendiquer ce titre.

- Peut-être pas pour l'instant. Mais je ne désespère pas... Sellgan m'a dit que vous aviez trouvé un compagnon ?

- Il a mit cette information dans la mémoire ? Demanda Salida en relevant le visage vers le mur de tôle dans la pénombre.

- Non, il m'en a parlé directement. Il est un peu déçu de ne pas être l'élu de votre cœur.

- Désolée.

- Il n'y a pas de raison à cela. Telle est la tradition... Pourrais-je savoir de qui il s'agit ?

- Personne : mais Sellgan n'entre pas dans la liste, je ne savais pas comment lui dire. Kouiros ?

- Oui ?

- J'aimerais quelque chose de ta part.

- Quoi donc ?

- Quand on discute dans la mémoire, j'aimerais que, de temps en temps tu m'appelles comme quand tu t'énervais après moi.

- Si vous voulez... petite peste, répondit le grand bouquetin, loin, très loin de là, une pointe de tendresse paternelle dans la voix et un sourire de dessiné sur le museau. J'aimerais aussi que vous fassiez aussi quelques chose pour moi.

- Quoi donc ?

- Mettez vos souvenirs dans la mémoire.

- Non.

- Attendez, pas n'importe lesquels. Ne posez que ceux qui vous plaisent, qui décrivent votre vie actuelle. Pas de lieux nommé, pas de cartes, juste des scènes de la vie quotidienne.

- Pourquoi ?

- Pour ne pas les oublier : rappelez-vous que nous ne pouvons pas tout garder pour nous au risque d'oublier. Désirez-vous oublier des morceaux de votre vie ? »

Intérieurement, Salida devina qu'il y avait une autre raison à cela. Pourtant, elle n'arrivait pas à en deviner la finalité. Et surtout, le héros du peuple chimère avait raison : à garder trop de choses pour elle, les souvenir s'estomperaient.

« - C'est d'accord. »

Faire entrer des informations dans la mémoire soulagea la princesse d'un poids mémoriel énorme. Rien de bien utile à son avis : le goût des tajines de Rachida, l'odeur du thé marocain, quelques recettes de cuisine, deux ou trois livres qu'elle avait lue, des fou-rires avec les pilotes de berserker, les discussions philosophiques avec le vieux Weng, la pratique du Taï-chi-chuan...

Les réactions de rejet furent quasiment immédiates. Selon certains, n'étant plus considéré comme chimère, elle n'avait donc rien à mettre dans la mémoire. Plus encore si cela ne concernait pas le peuple chimère.

« - Vous n'êtes pas obligé de les consulter ! Apprenez à trier vos recherches ! Répondit-elle à ses détracteurs du tac-au-tac avec une référence à la première chose qu'une chimère apprenait à faire dans la mémoire.

- Jolie réplique. Mais je n'aurais jamais cru l'entendre de votre bouche... Commenta Kouiros qui avait suivi l'échange.

- Salida ! C'est Hillgearim, ton roi ! Tu n'es pas autorisée à inscrire quoi que ce soit dans la mémoire ! Dans le cas contraire tu t'exposes à la justice royale !

- Tu as déjà tenté de me tuer Hillgearim. Tu as échoué, et nombreux sont ceux qui ont payé à ta place. Tu m'as ensuite banni ! Je n'ai plus d'ordres à recevoir de ta part ! Quand à la justice ! Il y a suffisamment de traces dans la mémoire pour démontrer que tu ne comprend même pas le mot ! De roi, tu n'en as que le titre : la grandeur et l'honneur qui caractérise les anciens t'es totalement étrangère !

- Silence Salida !

- Quoi ? Le bruit te dérange ? Ou ce sont les esprits de ceux qui ne sont plus là qui te tourmentent ? Sache que je me désintéresse totalement de ta vie ou de ton devenir ! Laisse-moi en paix ! Laisse-moi vivre ma vie comme je l'entends ! Si jamais je te revois, tu découvriras que je n'ai plus besoin de qui que ce soit pour me protéger !.. »

Le silence qui suivit le brouhaha dans la mémoire fut à la hauteur de la surprise générale. La princesse elle-même était étonnée d'avoir tenue tête à son cousin. Elle sentait la colère et l'excitation lui parcourir le corps, elle se prépara à poursuivre, avant de se raviser pour mettre en garde quiconque chercherait à lui imposer son point de vue :

« ... Et que celui qui en doute vienne ! Il sera reçu comme il le doit ! »

« Salida ?... »

La main sur son épaule fit sursauter le chimère. Fernand était derrière elle, le visage inquiet.

« ... Tout va bien ?

- Oui, oui, répondit-elle encore un peu stressée. Pourquoi ? »

Le jeune combattant regarda la main de la tigresse, griffes sorties et plantées dans la table.

« - Pour rien. Tu grognais et je te sentais tendue.

- Ne t'inquiètes pas Fernand, fit la princesse, en décrochant sa main de la table d'un coup sec. Mais toi, qu'est-ce que tu fais debout ?

- J'ai besoin d'aller aux toilettes, répondit-il en passant derrière elle pour rejoindre la salle d'eau. Tu devrais aller te coucher également : il est tard. »

Ces derniers temps, la princesse avait appris a bloquer les entrées de la mémoire. Personne ne pouvait ennuyer quand tout était fermé, et elle ne se sentait pas la volonté de rouvrir une conversation. Elle ferma le livre après y avoir mit un marque-page et grimpa à sa place. Juste en dessous, Tégos dormait à poing fermés.

Demain, tu vas faire des bonds en voyant comment j'ai remis Hillgearim à sa place.

Elle ferma les yeux, et, lentement, glissa dans un sommeil sans rêves.

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