10 : Désillusions (3/3)
Dans son bureau, le professeur Belamour lisait le rapport des deux commandos sur l'engagement avec les chimères. Aucun des deux n'avait cru pouvoir s'en sortir. Le jeune Ferreira avait encore eu de la chance, mais ce qu'elle avait deviné s'avérait véridique : les Berserkers avaient un point faible. Celui de Manuel en tout cas. Il lui fallait plus de précisions sur cette chimère, ce Hillgearim.
Sans motivations, le professeur Ferreira entra dans la pièce, il s'installa sans un mot à son poste de travail, un bureau aménagé en face de celui de la femme.
« - Est-ce que cela vous intéresse de savoir ce que devient votre fils ?
- Qu'est-ce que cela va me coûter ?
- Que de méfiance à mon égard mon cher... rien. C'est cadeau ce coup-ci. » Dit-elle en lançant une impression papier avant de le donner au père du premier Berserker de l'Histoire.
*
* *
*
Confortablement assis dans le bureau d'Arsear, les trois Silridriss discutaient calmement. Le nouveau seigneur Arsear finissait de faire la présentation de leurs adversaires au général Themta.
« - J'ai l'impression que vous les admirez. Dit ce dernier.
- C'est le cas : jamais dans notre histoire nous n'avions eu d'adversaires plus retors. La Déesse-Impératrice sera fière de nous une fois qu'ils auront été matés. Soyez prudent, et cela se passera bien. Un excès de zèle, et c'est la catastrophe. Il ne faut jamais rien tenir pour définitivement acquis avec eux.
- Je vois... et vous n'avez pas essayé de capturer ce... Sleipnir ? Demanda la favorite
- Ce n'est pas le moment pour cela : les Démons d'Alikaross le protègent. Pour le prendre, il faudra attaquer une de leur place forte. Même avec une flotte complète, il n'est pas dit que cela fonctionne. Le tout sera de miser sur la vitesse et sur l'effet de surprise.
- Nous pourrions aussi attaquer en force, proposa le nouveau général.
- Mauvaise idée. Les esclaves humains ont affronté les esclaves chimères en infériorité numérique. C'est dans ces cas-là qu'ils sont le plus terrible. Regardez plutôt cela. »
Arsear installa un des cubes d'airain dans le bureau et appuya dessus. Une image en trois dimension d'une ville apparue.
« ... c'est la ville qui abrite Sleipnir, les points de défenses sont éparpillés un peu partout dans cette zone là. Ici, c'est un véritable enfer. Et là, là et là. On peut passer sans se faire repérer, du moins, d'après ce que nous avais dit notre contact. Regardez bien. »
Le Silridriss effleura son écran translucide et des petits points lumineux se déplacèrent sur la carte. Les blancs, censés symboliser les défenseurs, se faisaient rapidement éliminer par les bleus qui passaient par les points qu'Arsear avait défini.
« - Quelle est la durée de l'intervention ? Interrogea la favorite.
- Une journée maximum. Après, il n'y a plus d'effet de surprise. Mais je pense que ce genre de travail préparatoire doit être effectué avant chaque attaque au risque de voir la bataille changer en notre défaveur. Berik en a fait l'expérience. Chaque assaut doit être préparé avec rigueur. Jusqu'au niveau de détail nécessaire : tenez, ceci est le bâtiment dans lequel Sleipnir vit. Il habite ici. Je suis encore en train d'y réfléchir, mais, je vais devoir tout prévoir : cet endroit est une véritable forteresse. A ce sujet, Favorite Myanate, j'ai l'intention de former une troupe à pied avec des armes de tirs magique.
- Pourquoi donc ? Répondit-elle en fronçant les sourcils.
- Parce que les esclaves humains ont ce genre de troupes. Et qu'ils défendrons leurs places fortes avec. Autant leur rendre la pareille non ?
- Allez-y.
- Et quand comptez-vous prendre Sleipnir ? Demanda Le général.
- Quand les démons d'Alikaross auront quitté la ville, répondit Arsear, puis, j'enverrai les Kalieks pour voir ce qu'ils valent face à ces esclaves avant de les envoyer contre les démons eux-même.
- Une fois fait, pourrais-je compter sur votre flotte et votre escadron spécialisé ?
- Bien sûr. »
*
* *
*
Quand Manuel ouvrit les yeux, le soleil s'était couché. Il était dans un sac de couchage, allongé sur quatre sièges à l'arrière du camion. Fernand ronflait un peu plus loin. Le véhicule était arrêté en pleine forêt. Mais seuls les deux combattants étaient dans le véhicule. Des voix et une faible lueur provenaient de l'extérieur, de là où il était, le jeune homme ne comprenait rien. Il se leva et entreprit de descendre de l'habitacle par la crinoline. En bas l'attendaient Oneshot, Maximilien, Daniela et Salida. Ils étaient dans un noir quasi complet. Seules les petites flammes bleues en dessous de la casserole créaient une très faible lumière. Salida semblait triste et pensive.
« - Bien reposé ? Demanda la scientifique.
- Ça ira.
- Ne joue pas avec ça Manuel, dit l'ex-capitaine, si tu es trop fatigué, tu ne sera pas réceptif à ce qui t'entoure.
- En parlant de ce qui m'entoure. Où est Sellgan. Je n'ai pas pu lui parler tout à l'heure. Je me suis endormi par inadvertance.
- Va part là, il est avec Frantz, déclara Maximilien en désignant une direction. Je lui ai demandé de surveiller notre lascar. On ne sait jamais.
- Sellgan ne fera rien. Murmura la princesse déchue en se recroquevillant.
- Je préfère en être sûr. Et mes anciens ordres sont toujours d'actualité : il fait le con, je shoote. C'est pour cela que j'ai besoin de le voir. Je dois tirer certaines choses au clair... Et il a des réponses. Ne bougez pas, je reviens tout à l'heure. »
Manuel pénétra entre les arbres dans la direction que le pilote lui avait indiqué. Et il ne mit pas longtemps avant de trouver les deux masses sombres de la machine de combat accroupie et de la chimère allongée.
« - J'ai l'impression que vous ne voulez pas de moi... commença Sellgan en guise de bonsoir.
- Avouez que j'en ai quand même pris plein la gueule par votre faute prétendant Sellgan.
- Je ne suis plus prétendant je vous prie : la princesse m'a éconduit. Elle a fait un choix.
- Un roi ? Demanda Manuel.
- Oui, mais ce n'est pas moi. C'est la seule chose dont je suis sûre. Pour le reste, elle a préféré taire son nom. Je la comprends : Si Hillgearim venait à apprendre de qui il s'agissait, il le tuerait sans hésiter. Alors elle le protège, et elle rends un peu d'espoir à ceux qui connaissent bien notre... chose.
- Chose ? Interrogea Manuel en s'adossant à un arbre.
- Oui, je ne me résous pas à l'appeler ''Roi'' : c'est un titre qui ne lui convient absolument pas... »
Sur le visage de la chimère, le jeune homme vit passer un discret sourire.
« ... En ce moment, la mémoire est saturée d'insultes à mon égard, mais je préfère ne pas répondre. Je verrais bien quand la situation se sera calmée.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous nous aidez.
- Je vous l'ai déjà dit, la première fois que nous nous sommes rencontrés. Je veux bien avouer que c'est là la seule chose de censée que j'ai dite ce jour là : je l'aime. Peut importe sa forme, je respire pour elle. Nous concevons l'amour de manière bien plus... comment dites-vous déjà, Ha oui : platonique... que vous, les Humains.
- Mais elle dit qu'elle a choisi quelqu'un d'autre.
- Peu m'importe : son nom n'est pas sorti. Et quand bien même, je tiens plus à elle qu'à n'importe quel duel avec un rival. Et pour tout vous avouer, je me moque bien du trône. Capter son attention me suffit déjà amplement, même si j'aimerais plus. Entre rentrer dans le rang, obéir à un ... que je ne considère pas comme tel et devenir un paria par amour, j'ai choisi la déchéance. Et je ne suis pas le seul.
- Comment cela ? Demanda Manuel
- Kouiros et quelques autres ont également refusé la situation. Actuellement, nous sommes une cinquantaine de chimère à avoir refuser son autorité. Nous savons tous comment se comporte cet enfant gâté. Et il y a de grands noms parmi eux : Kouiros, Eriji, Marlar, Versporan,... et tant d'autres...
- Sellgan aussi.
- Oui, lui aussi. Dit la chimère après un petit rire. Mais c'est Kouiros qui est le pilier central de cette fronde. Le héros devient l'ennemi public numéro un. Et dire que je suis en parti responsable de sa situation. Voila une histoire aussi tragique qu'épique.
- N'allez pas trop vite, le récit n'est pas fini : y'a encore des pages à écrire.
- Oui, en effet. Mais je ne pense pas que vous soyez venu uniquement pour parler politique ou histoire. Répondit la grande loutre ailée en posant ses yeux sur le jeune homme.
- Non, je voudrais savoir si des chimères sont à notre poursuite.
- Je ne pense pas. Hillgearim a fait croire que vous avez attaqués les premiers. Cela vous auréole d'une grande dangerosité et d'une forte agressivité. Les forces terrestres ont abandonné la poursuite, enfin, je crois. Les forces volantes ne bougeront pas : vous savez aussi voler, et elles ne prendront pas le risque de générer un combat aérien sans avoir un minimum d'information.
- Quel est le pouvoir de Hillgarim demanda Manuel.
- Quel est le pouvoir de... Je n'en sais rien. Attendez. »
Pendant quelques secondes, Manuel vit la chimère se figer, avant de le regarder une nouvelle fois.
« - Salida vient de me dire qu'il a le pouvoir de se téléporter dans le champs de vision de toute chimère qui l'y autorise.
- Cela explique ça vitesse...
- Oui. Encore une petite chose, déclara Sellgan.
- Oui ?
- Merci, merci d'avoir protégé Salida pendant tout ce temps où je ne le pouvait pas. Merci d'avoir respecté les dernières volontés de Shershen, car rien ne vous y obligeait.
- J'essaie de sortir en vie de ce merdier tout en réparant mes erreurs. C'est tout.
- Non, répondit la chimère du tac au tac, c'est bien plus que ce que vous pensez. Pour moi en tout cas. J'aimerais pouvoir vous accompagner, où que vous alliez, est-ce possible ?
- Jusqu'où ? Interrogea Manuel.
- Le plus loin possible, aussi loin que l'on me permette d'aller.
- C'est d'accord.
- Merci.
- Faites attention quand même. Je ne crois pas que les choses vont aller en s'arrangeant. » Déclara le jeune homme en retournant au camp.
A son arrivé, il s'adossa à l'un des pneu de l'énorme camion, un peu à part du reste du groupe. Il avait besoin de réfléchir. Sellgan semblait honnête, et il avait pris d'énormes risques en prenant parti dans un sujet qui semblait vraiment sensible et mortel.
Alors comme ça, il aurait fait tout cela par amour... Vraiment, les chimères sont des créatures étranges. Au moins, s'il n'y a aucun calcul politique derrière.
« - Tu as faim ? »
Perdu dans ses pensées, le jeune homme sursauta en entendant Salida lui adresser la parole. Sans qu'il ne la remarque, elle s'était approchée avec deux assiettes en tôle fumantes entre les mains.
« - Ha oui, je veux bien. Qu'est-ce ?
- Tortija. Une spécialité espagnole que nous a apprise Rachida. C'est bon et nourrissant. Déclara la princesse en lui tendant un des plats d'où dépassait le manche d'une fourchette, avant de s'asseoir à coté de lui.
- Je n'en ai jamais mangé. Comment est-ce que c'est fait ?
- Une simple omelette avec des pommes de terre coupées grossièrement préalablement frites. C'est bon ?
- Succulent. » Réussi à articuler Manuel, la bouche pleine.
Dans son plat, l'omelette n'était cuite qu'à quatre-vingt-quinze pour cent. La partie non cuite rendait l'ensemble savoureux, contrairement aux omelettes classiques. Un véritable délice culinaire.
« - Manuel, tu m'avais dit que tu allais essayer d'éviter de tuer les miens... » Murmura doucement la tigresse blanche.
A ces mots, le mis en cause stoppa la fourchette dans le chargement de sa bouche. Après une ou deux secondes, il la reposa dans l'assiette.
« - Je suis sincèrement désolé, mais en plein combat, on cherche avant tout à survivre. S'ils n'avaient pas attaqués, je n'aurais pas eu besoin de me défendre.
- Aurait-tu réagi pareil s'ils avaient été Humains ? Demanda la princesse déchue.
- Je ne sais pas, répondit-il après un court silence. Il s'est passé tellement de choses, mais j'ose espérer que j'aurais réagi de la même façon.
- Pourquoi donc ? Par souci d'égalité ?
- Non, pas du tout : En fait, si je n'avais pas été capable de le faire en face d'Humains, nous serions tous morts. Voilà pourquoi j'ai envie de croire que j'en aurais été capable. Cela m'attriste profondément de savoir que j'ai tué des chimères à qui Hillgearim avait monté la tête. J'ai vraiment envie de lui éclater la gueule à celui-là. »
Salida se rapprocha de Manuel et laissa aller sa tête contre l'épaule du pilote. Ce dernier la regarda un peu surpris.
« - Tégos est allée monter la garde de l'autre côté, est-ce que je peux me mettre comme ça ? Ça me rassure un peu.
- Vas-y, je t'en prie.
- Tu sais, repris la princesse déchue après quelques instants, je me rends compte que j'ai déçu beaucoup de monde. Mon père, Tégos, mon peuple, et même Sellgan. J'ai envie de disparaître de ce monde.
- La fuite n'a jamais été la meilleure solution. On ne peut pas changer le passé, mais le futur, c'est l'inconnu. Ma mère m'a appris qu'il est ce que l'on en fait ; Plutôt que de te demander ce que les autres attendent de toi, essaye plutôt de vivre comme tu l'entends. Peu importe ce que les autres disent où pensent. Du moins, c'est comme cela que je vois les choses. Qu'est-ce que tu en penses ? »
Il n'y eut aucune réponse. Mais, à ses lents mouvements de poitrine, Manuel compris que la princesse venait de s'endormir.
Tant qu'elle est jeune, elle ne peut dormir qu'avec une personne avec qui elle se sent en sécurité, généralement, celui ou celle chargé d'élever les petits, mais cela peut aussi être quelqu'un en qui elle a confiance. Se rappela Manuel
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top