1 : Retour (3/3)

Dans son bureau, Arsear continuait d'étudier les images qu'il possédait sur ''les démons d'Alikaross''. C'était ainsi que les Silridriss avaient appelés ces deux machines étranges. La scène qui aurait dû permettre à leur espèce de frapper les humains à leur moral avait été transformé en un autel de défiance à leur égards. Mais, ce qu'il avait pu trouver ne semblait jamais lui suffire. Il devais les affronter, mais il voulait d'abord avoir le maximum d'information sur eux.

Et où les trouver ?

Des petits coups frappés sur la porte sortirent le Capitan de ses sombres pensées. Jamais la petite clé qui servait à fermer le tiroir dans lequel il avait enfermé le livre n'avait quitté sa main. La tenir le rassurait un peu : personne n'avait encore vu l'ouvrage.

« - Entrez.

- Je vous ai trouvé une sphère de silence et un livre vierge. La sphère a été plutôt compliquée à obtenir : les inquisiteurs des interrogatoires ne sont pas prêteurs, expliqua Berik en entrant.

- Ce n'est pas grave. Donne-moi tout ça s'il te plaît. Ensuite, prépare un décollage pour dans cinq jours. Juste nous, le reste de la flotte ne bouge pas.

- Entendu Capitan. »

L'intendant repartit aussi vite qu'il était rentré. Arsear attendit qu'il soit parti pour ouvrir le tiroir. Il le prit comme soulagé de l'avoir entre les mains. Il récupéra la sphère de silence et le livre vierge avant de se diriger lentement vers l'esclave assis à son pupitre.

« - Qu'est-ce Seigneur Capitan ? Demanda Uki en regardant la sphère marbrée entre les mains reptiliennes.

- Une sphère de silence. Rien de ce qui est dit en son sein n'en sort. Tu vas travailler a l'intérieur.

- Monseigneur, Vous verrez que je suis tout à fait digne de confiance,

- Je n'en doute pas. » dit simplement le saurien en frottant la pierre.

La sphère brilla un instant, avant qu'une autre sphère transparente et légèrement fumée ne superpose à la première. Elle grossit rapidement, les englobant tout les deux. Ils échangèrent quelques mots, et le Capitan posa les deux livres sur le pupitre. L'esclave hocha la tête avant de prendre le livre vierge et de d'en laisser tourner les pages pour s'assurer qu'il l'était réellement.

Arsear sorti de la sphère et retourna à son bureau. Il se mit à guetter la réaction de l'esclave lorsque celui-ci ouvrirait l'original. Elle fut conforme a ses attentes : exactement la même que lui quand il avait comprit ce que c'était. Uki ouvrit le document à la première page de titre, et le referma d'un coup sec à sa lecture. Il se retourna, le visage terrifié. Implorant silencieusement le Silridriss de trouver quelqu'un d'autre.

Mais il était trop tard : L'esclave était impliqué, et il allait terminer ce qu'il n'avait pas encore commencé.

*

*        *

*

Le professeur Belamour avait rivé ses yeux noisettes sur les deux pilotes. Ils regardaient depuis leurs lits les images qui avaient été diffusées un mois plus tôt.

Lorsque la première armure Berserker apparut, tout les deux restèrent bouche bée.

« - C'est une blague ? Murmura Fernand.

- Non, c'est tout à fait sérieux. » Répondit le professeur.

Avec une facilité déconcertante, la machine commença à se débarrasser de ses adversaires. Lorsque la seconde machine fit son entrée, Fernand regarda un instant ses bras, avant de recentrer son attention sur l'écran. Le professeur remarqua que leurs réactions étaient totalement différentes. Manuel était bouche bée, limite tétanisé, ne pouvant détacher son regard de l'écran. Fernand s'était mis à se caresser les bras, cherchant à se rassurer. Les images s'arrêtèrent et le professeur éteignit la télévision.

« - Alors ? demanda-t-elle. Quelque chose vous revient-il à l'esprit ?

- Non, désolé, murmura Manuel sous le choc.

- Moi non plus. »

Les images avait été d'une violence extrême. Et, ce qui était terrifiant, c'était que ce n'était pas un film avec des effets spéciaux. C'était la réalité, et ils en avaient été les acteurs principaux, les marques qui ornaient leurs corps en étaient la preuve.

« - Je veux voir ma mère. Demanda Fernand.

- Plus tard.

- Non, maintenant.

- Plus tard, lorsque vous serez à même de vous déplacer. Cela vaut aussi pour vous,expliqua-t-elle en regardant Manuel. D'ailleurs vous commencez la rééducation demain. Une fois que ce sera fait, on essayeras de redémarrer vos AMC.

- Comment ça ? Elles sont là ?

- Oui, A l'intérieur du centre. A cause de leurs dangerosité, elles sont dans le secteur de très haute sécurité. »

Manuel mit la main à sa bouche. Avec tout ce qui venait de se passer, son esprit assimilait difficilement l'ensemble des informations. Il commençait à en avoir des vertiges. Il avait massacré des adversaires qui avaient voulu sa mort dans un spectacle morbide. Des machines terrifiantes avaient été crée, même les chercheurs en avait peur, c'était probablement la raison de leur mise à l'isolement. Personne de savait ce que ces horreurs pouvaient faire.

Et il en était l'un des pilotes.

Ses sentiments et ses idéaux s'envolaient à mesure qu'il comprenait que désormais il n'aurait plus le choix. Il était au premiers plan de ce conflit, les Silridriss allaient probablement chercher à se venger. Et ses supérieurs allaient certainement tout mettre en œuvre pour que le système Berserk soit généralisé.

On va droit en Enfer !

*

*        *

*

Le regard d'Arsear quitta un instant l'écran translucide qui montrait l'image du second démon pour aller le poser sur l'esclave copieur. Dans sa sphère de silence, l'esclave écrivait, ligne après ligne, avec rigueur, professionnalisme et rapidité mais peu d'entrain.

Le Silridriss s'interrogeait sur le moyen d'obtenir les informations qui lui manquaient.

Il se leva et regarda à l'extérieur. La fière cité Silridriss se réveillait.

Les Forges ! Ragoune le maître des forges a dit qu'il avait une gnome compétente dans la fabrication de Sarback. Il faudrait voir ce qu'elle a réussit à retirer de ces images.

Arsear se dirigea vers son bureau, il en effleura un bord et un esclave apparu sur l'écran translucide.

« - Bonjour, Bienvenu Seigneur, Que demand...

- Je suis le Capitan Arsear, est-ce que Ragoune est là ? c'est urgent.

- Je vais voir Monseigneur. »

L'esclave quitta l'écran, et peu après, fut remplacé par un visage de saurien.

« - Salutation Capitan. Que puis-je pour vous ?

- Est-ce que ta gnome est encore vivante ?

- Laquelle ?

- Ta chef d'équipe.

- Bien sûr. Je vous avais dit lors de l'arène qu'elle attendrait votre sentence.

- Si elle tiens à la vie, elle doit faire une analyse complète des démons d'Alikaross, expliqua Arsear, sachant très bien qu'elle ne vivrait pas longtemps.

- Je lui dirais. Je rejoins les forges demain, répondit le maître des forges. Quand venez-vous pour récupérer les informations ?

- je serais là dans vingt jours.

- C'est entendu. »

*

*         *

*

« - Et moi je vous dit que nous risquons de les perdre. Ils vont se barrer à la première occasion si on ne leur fait pas croire qu'ils sont encore considérés comme soldats.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que cette idée leur viendrait à l'esprit ? Et où iraient-ils ? Les chimères les étriperont dés qu'ils approcheront pour savoir où se trouve leur princesse. Et je ne crois pas qu'ils iront de nouveau chez les Silridriss. »

Le professeur Belamour secoua la tête de dépit face à cet homme buté. Ils étaient dans le bureau du commandant Higas, l'ancien bureau du commandant Sarlen. Le nouveau propriétaire des lieux avait décoré la pièce avec des cartes et des photos de différentes machines sur leurs théâtres d'opérations. Sur un mur, une gigantesque carte du monde physique, avec les zones de combats représentés par des bulles hachurées de rouge.

« - Nous avons besoin de toutes les informations possibles de leurs part, cela implique nous gagnions leur confiance et cela les motiveras.

- Vraiment ? On ne demande pas sa confiance ni son avis à un cobaye...

- Ce ne sont pas des souris. Ils sont humains, ou du tout du moins ils l'étaient. Si vous l'oubliez, sachez que eux s'en rappellent, les infirmières m'ont dit qu'ils étaient gentils avec pas mal d'humour. Ce n'est pas la marque d'une machine, ni celle d'un...

- Vous vous égarez professeur. Je vous rappelle que ces deux cobayes sont considérés comme des armes de destruction massive. Les sentiments n'ont pas cours ici.

- Je ne parle pas de sentiments ! Mais d'intelligence ! Nous avons tout a gagner à les faire participer pour obtenir un maximum d'information. »

Le commandant leva les yeux au plafond pour réfléchir avant de demander :

« - Comment comptez-vous procéder ?

- Pour commencer, nous allons mettre chacun d'eux en binôme pour savoir qui leur parle et quel sont leur niveau d'information. Il y a certaines informations qui ne doivent jamais leur arriver au oreilles. Notamment les instructions de type neuf que vous avez validées.

- Très peu de gens sont au courant. Et si vous tenez votre langue...

- Je me vois mal laisser partir deux cobayes ! Ensuite, il faudra les laisser voir leur familles, et leur petites amies, l'un des deux n'arrête pas de la demander.

- Ça va être compliqué de la lui ramener.

- Pardon ? » Demanda la professeur Belamour.

*

*        *

*

Uki dans sa sphère de silence se retourna. Ce mouvement interpella immédiatement Arsear derrière lui. L'esclave fit un signe de la main pour demander au Silridriss de venir. Cela faisait cinq jour qu'ils étaient enfermé dans la même pièce. Le Silridriss surveillant sans relâche l'esclave, et, ce dernier, s'épuisait sur un travail de copie fastidieux. Les repas se faisaient au milieu de la pièce, par terre, aucun des deux ne parlait durant ce court moment où ils rencontraient un autre individu pensant. C'était des esclaves qui amenaient les denrées, le silence était toujours présent, quand ils venaient les chercher. Pour les besoins corporels et naturels, une porte cachée s'ouvrait sur tout les nécessaires de toilettes utiles. Uki dormait sur son pupitre lorsque la fatigue le gagnait. Il n'avait même pas essayé de demander l'autorisation de rentrer chez lui pour voir sa famille, cela lui aurait été refusé. Le travail qu'il avait à effectuer était trop sensible, il l'avait deviné. Qu'il se couche ou qu'il se réveille, Arsear était toujours éveillé, comment arrivait-il a se reposer, l'être du peuple Dryade se l'était plusieurs fois demandé.

Arsear constata que le regard de l'être des bois, devant lui avait changé. Il y avait quelque chose derrière. Ce n'était pas le regard de quelqu'un d'intéressé ou de passionné par son travail, comme ce qu'il avait pu voir lors de leur première rencontre. Il y avait autre chose.

L'esclave tendit les deux livres. L'original et la copie.

Lorsque la main du Silridriss se posa dessus, Uki prononça ses premiers mots depuis des jours :

« - Soyez très prudent. »

Arsear identifia alors ce qui transpirait sur le visage de l'esclave : il n'avait plus peur. Bien au contraire, il regardait le Silridriss avec pitié. Comme quelqu'un qui savait tout, qui avait tout compris.

« - Cela ne te sauvera pas. Murmura Arsear.

- Vous non plus. »

La réponse a la limite de l'insulte et sans politesses fut immédiatement sanctionnée. Le mouvement fut si rapide qu'un spectateur aurait cru que la poignée de la dague était apparut dans la poitrine de l'esclave comme par magie et sans un bruit.

Uki s'écroula comme une marionnette tandis que le Silridriss s'interrogeait sur les paroles de l'esclave, avant de se rendre compte que cet automatisme venait de lui coûter sa possible réponse.

« - Que voulais-tu dire ? Parle avant que je ne décide que ta famille ne te rejoigne ! »

Les lèvres de l'être des forêts dessinèrent un léger sourire avant de bouger imperceptiblement. Arsear colla son oreille contre la bouche d'Uki. Avant de se relever d'un coup sec.

« - Ce n'est pas ce que je t'ai demandé par l'impératrice, je... »

Mais c'était fini, le copieur était mort.

Que voulait-il dire par « Tout les choix sont mauvais. » ? J'aurais dû lui demander des précisions avant de le tuer.

Arsear récupéra son arme dans la poitrine de l'esclave, l'essuya contre le vêtement du cadavre puis le rengaina dans sa ceinture. Il alla à son bureau et mit la copie du livre sous clef. Puis il revint vers l'esclave et le traîna hors de la pièce par un pied, le livre original dans l'autre main. Il traversa tout le navire ainsi, sans ménagements, à travers les escaliers et les coursives jusqu'à l'arrière. Il croisa certains de ses congénères qui, où se moquait de ce qu'il faisait, estimant qu'il avait ses raisons, ou le croisèrent avec un petit sourire. Les esclaves, eux, s'écartaient en le laissant passer, espérant ne pas être le prochain. Il arriva enfin là où un groupe d'esclave, dirigé par un Silridriss entretenaient le foyer dans une énorme chaudière.

« - Brûlez-moi ça. » Dit-il en lâchant le pied d'Uki.

Sans dire un mot, les esclaves des différentes espèces se retournèrent vers leur chef Silridriss, qui hocha la tête en signe d'approbation.

A l'ouverture de la porte, Arsear y jeta le livre original, celui dérobé à la gouverneure. Avant que le corps sans vie d'Uki ne l'y suive.

Bien, la suite... il va falloir faire le plus difficile : lire le livre, le comprendre et savoir de quoi parlait Uki.

*

*        *

*

Cela faisait maintenant cinq jours que Manuel et Fernand faisaient les exercices de rééducations pour récupérer leurs facultés motrices. Sous les encouragements de deux ou trois infirmiers spécialisés ils passaient tour à tour sur différentes machines sensées développer leurs masse musculaires. A la grande surprise des médecins, les progrès étaient rapides et les résultats plus qu'encourageants.

Ce fut à la fin d'une de ces séances qu'ils furent rejoint par leurs familles respectives. Malgré les chaises roulantes, Mylène, sa sœur ne pu résister à l'envie de se jeter au cou de son frère. Quand à la mère de Fernand, elle eut toutes les peines du monde pour lâcher son fils.

« - Comment vous sentez-vous ? Demanda le professeur Ferreira.

- Vivant.

- Ouais, c'est le mot, confirma Fernand. On a un peu mal partout mais cela commence à disparaître.

- En tout cas, vous allez faire forte impression dans la rue avec de tels looks, déclara Mylène.

- Faudrait déjà que l'on puisse sortir.

- Oh ? pas le droit de sortir, pas de télé, pas de connexion internet, pas d'ordinateur ?

- Nan, rien de tout ça. A croire que l'on est en prison.

- Et qu'est-ce qu'on se fait chier ! Renchérit Fernand.

- Je vais te laisser mon ordinateur portable alors, y'a une quantité non négligeable de films et de musiques dessus. A la limite, si on te laisse un accès au net, tu pourras y aller.

- C'est cool de ta part ça.

- Sinon, est-ce que vous avez besoin de quelque chose en particulier ? » Demanda la mère de Fernand.

Manuel vit quelque chose passer sur le visage de sa propre mère. Une inquiétude non masquée. Elle avait envie de faire, ou de dire quelque chose qu'elle ne pouvait pas.

Il se passe quelque chose... quelque chose queje ne suis pas sûr d'apprécier.

« - Comment ça se passe sur le front ? Les Silridriss se sont décidés à quitter notre monde ?

- J'ai bien peur que non. Ils ont continué à avancer en Amérique, puis il y a eut une grosse contre-attaque. Les américains ont bloqués leur avancée. Mais ce qui se passe là-bas est terrible.

- Explique maman.

- Les américains ont employés des armes bactério-chimiques. Les morts sont nombreux chez les civils et les Silridriss. Mais...

- Mais ?

- Ces foutus salopards relèvent les cadavres pour les faire combattre, compléta Mylène.

- Tu plaisantes j'espère ? interrogea Manuel

- J'ai bien peur que non Manuel, répondit le professeur Ferreira. Mais pour le moment la zone est stabilisée : ces morts-vivants sont nombreux, mais ils n'utilisent ni armes, ni véhicules, ni protections. Ils sont attaqués à l'aide de napalm et de lance-flammes. Une fois qu'il n'y a plus de chairs, les ossements tombent inertes. »

Les nouvelles qu'ils eurent des actions chinoises et sahariennes n'étaient pas extrêmement bonnes. La zone de front était stabilisée, mais pour combien de temps ? A cause de la perte de sa fille, le roi, inconsolable, n'arrivait plus à gouverner correctement. Une bonne partie des chimères ne voulaient plus avoir affaire aux humains. Elles estimaient qu'ils étaient responsables, et que l'on ne pouvait pas compter sur eux. Néanmoins, une petite quantité était resté sur la ligne de front, prêtes a se battre, mais sans réel commandement centralisé. Les protections de combat chimériques avaient été amenées sur les différents théâtres d'opérations, et elles consistaient en un ensemble de plaque de métal modulaire et articulés qui protégeait au mieux la chimère. Mais, même avec cet équipement, les créatures étaient trop peu nombreuses pour être vraiment efficace.

Les deux jeunes soldats comprirent qu'ils devaient au plus vite mettre le système Berserk au point. Ça devenait urgent.

Voir tome 1 : Premiers pas

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