9 : Sarbacks(3/3)

Manuel effectua un salut avant de sortir, les neuf élèves à sa suite. Dans le couloir, il croisa Redcross et Dionysos, ils échangèrent quelques mots mais Marilyn les avait déjà prévenus. Ils étaient de formation et ils portaient eux aussi des galons de sergent.

Le jeune professeur choisit de passer d'abord à l'intendance, qu'ils puissent s'équiper correctement. Avec Fernand, ils avaient probablement été les seuls fous à piloter en civil dans cette base. Il en profita pour observer ses ''élèves''.

Deux hommes en costume-cravate qui se demandaient ce qu'ils faisaient là. Une ouvrière qui avait l'âge de sa mère, terrifiée par ce qui lui arrivait. Et six étudiants encore sous le choc, qui s'étaient levés quand ils avaient identifié leur camarade scolaire. Quatre garçons et deux filles.

Il les laissa s'habiller, corrigeant si le besoin l'était, la manière dont était enfilée la combinaison.

Merde Marilyn... Sur neuf pilotes, y'en a trois à qui pourraient être mes parents...

Le plus dur, fut de convaincre la dame de mettre la combinaison. Une fois tous équipés ils se rendirent dans la salle numéro quatre.

« - Bon, qui est déjà monté dans une de ces machines ? » Demanda-t-il en s'asseyant sur une carcasse.

Personne ne dit mot.

« - Dis, c'est dangereux d'affronter ces ''Sarbacks'' ?

- On voit les questions tout à l'heure, entre midi et deux. Pour l'instant on reste sur le sujet. Si vous vous débrouillez bien on voit ça un peu plus tôt. Bon, un volontaire ? »

Une des jeunes filles, habillée en gothique quelques instants plus tôt leva la main. Elle avait encore le teint blafard et du rouge à lèvre noir. Malgré son appréhension, elle mit son casque et entra avec précautions dans le simulateur.

Manuel l'aida à s'installer dans le poste de pilotage de l'un des modules de simulation. Il y eu quelques rires prépubères quand il expliqua les systèmes de fixation du bassin et de la poitrine. Manuel mit en garde les différentes personnes présentes contre le risque de se coincer les parties génitales pour les hommes et la poitrine pour les femmes.

Puis, il expliqua les différents éléments à disposition dans une AMC.

Les deux hommes avaient déjà délaissé la conversation pour discuter sur que faire après la guerre. Ou plutôt après la défaite. Quand il le remarqua, Manuel les repris aussitôt :

« - Désolé de vous décevoir, mais si on perd cette guerre, il n'y aura pas d'avenir...

- Écoute gamin... commença l'un des deux.

- Pour toi, c'est Sergent ! Maintenant, tu fais comme tu veux. Mais moi, j'ai déjà rencontré un Silridriss... et je te garantis que je préfère mourir plutôt que vivre après une défaite. Maintenant, tu fais ce que tu veux, que tu m'écoutes ou pas je m'en moque. Mais ce genre de sujet, tu évites. »

Visiblement Marilyn avait eu raison de lui fournir un grade, même si ce n'était que sergent, et de manière temporaire. L'homme fut surpris de voir Manuel, un garçon aussi jeune réagir ainsi. Il poursuivit :

« - Bon, pour ceux qui veulent avoir une chance de survivre. On va dans les simulateurs, et on se retrouve dans le monde virtuel. »

Manuel ignora les deux hommes et se dirigea vers un module. Il s'y harnacha avant d'appeler le technicien.

« - Ici Doux-dingue, escadron Rock pour formation. Qui est là-haut ? Déclara Manuel tout en sachant que les autres apprentis-pilotes écoutaient. Il espérait que donner le nom de l'escadron lui donnerait plus de poids.

- Yo ! Salut Tout-fou ! C'est Diego aux commandes... Sarlen a déjà données des directives. On commence par quoi ?

- Salut Diego. J'aimerais commencer par le programme de base de l'Olympe. Mets-moi tout le monde en ''Black Stones''.

- Ça roule ! Attention mes cailles, attachez vos ceintures ! On part en voyage ! »

Le simulateur de Manuel se ferma.

Il apparut sur une plate-forme de pierre circulaire au milieu d'un ciel bleu. La plate forme était très grande, entièrement faite de marbre poli. La place était encerclée par des sièges en granit, ensuite, les éléments concentriques devenaient des escaliers pour terminer sur une terrasse. Après, rien. Un programme basique.

Une a une, les armures apparurent, assises sur les sièges. Manuel s'était déjà levé et marchait vers le centre.

« - Pour commencer, que personne ne cherche à se lever. Je vais déjà vous donner certaines infos concernant vos machines. La ''Black Stone'' est une bonne machine, ce n'est pas la plus performante, mais elle est robuste, fiable et elle protège bien. Entre des mains expertes elle peut devenir un outil très efficace dans tout ce que vous voudrez faire. Et, en particulier... survivre. Diego, allume les loupiotes !... »

Dans son simulateur, Manuel sorti les mains de ses gants de contrôles et retira l'écran qui lui masquait les yeux. Des lumières s'allumèrent dans le simulacre de carcasse de métal. Il était encastré comme dans une AMC, entouré par les tuyaux et les câbles. Il trouva ce qui l'intéressait : quatre boîtiers gris avec différent boutons et mollettes.

« ... Merci, ... retirez les écrans de vos yeux et regardez dans votre machine. Il y a quatre boîtiers à portée de main, deux à gauche et deux à droite. Ils forment un rectangle. Ils servent à configurer votre machine. On va s'arrêter là pour le moment concernant ces boîtiers, mémorisez seulement là où ils sont... vous devrez les retrouvez dans le noir et avec l'écran sur les yeux. OK ? Bon on remet les écrans sur les casques... Diego, éteins les lumières s'il te plaît... »

Comme ceux à qui il enseignait, Manuel exécuta sa propre directive.

« ... Bon, maintenant, vous allez aller toucher chaque boîtier avec vos mains... »

Dans l'univers virtuel Manuel vit une des armures bouger les bras.

« ... sortez vos mains des gants quand vous faites ça, sinon, vos équipiers vont se demander ce que vous fabriquez. Le fait de sortir et de rentrer vos mains des gants de contrôle est une manipulation de base... C'est bon pour tout le monde ? Faites le plusieurs fois pour être sûr de leurs emplacements. »

Un a un, les pilotes signalèrent que ça allait.

« - Bon, un petit explicatif de ce qui est affiché sur votre écran. En haut, vous avez l'indicateur de cap... il vous permettra de vous repérer et de vous guider. Si le contrôle-commande vous donne un objectif, sa direction et sa distance sera affiché ici. A sa gauche, la fréquence radio sur laquelle vous émettez et recevez. A sa droite, le niveau de carburant ou la puissance restante de votre machine. En bas à gauche, tout le monde a compris que c'était la carte, et à droite en vue de fils de fer le statut de la machine et les dégâts. Ça va ? Je ne vais pas trop vite ? »

La plupart répondirent négativement, un des jeunes garçons demanda : « Qu'est-ce que le contrôle-commande ?

- Bonne question répondit Manuel. C'est le centre névralgique qui s'occupe de nous donner les infos concernant ce qui se passe sur le terrain et d'organiser l'attaque ou la défense. Accessoirement, c'est également eux qui s'occupent de votre état de santé dans votre armure.

- Ils vous envoient un médecin ? Demanda un des hommes.

- Si cela s'avère nécessaire, et sans risques, oui.

- Nécessaire ?

- Ta combinaison et ton casque sont équipés de senseurs, ils ont un bilan de santé complet en temps réel. Si tu es mort, il n'est pas nécessaire d'envoyer un médecin ni une équipe de secours... Plutôt une troupe de récupération. Mais on s'éloigne du sujet là... j'aimerais que vous soyez tous capable de vous tenir debout avant midi. Bon, où est ma volontaire de tout à l'heure... »

*

* *

*

Marilyn entra dans la salle de simulation. Elle trouva Manuel assis, adossé à son module. Il avait les cheveux en bataille, trempés de sueur. Il mangeait un sandwich, tout en discutant avec les personnes qu'il était chargé de former.

« - A bah bravo, ça bosse dur ici à ce que je vois.

A cette affirmation, tout le monde se leva.

- Désolé major, on vient de nous amener à manger et à boire. C'est notre première pause.

- Me doute bien... ça se passe bien ?

- Oui major, plus ou moins.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Après avoir discuté avec eux, je dois avouer qu'ils ont du mal à identifier le danger auquel nous sommes confrontés.

- Je note, je t'avoue que c'est un peu pareil partout... Les autres ont les mêmes soucis. Je vais aller voir le commandant pour lui en toucher un mot.

- Dis-lui aussi qu'il y en a quelques-uns qui sont tellement peu motivés qu'ils sont prêts à se barrer.

- Qui ? Demanda Marilyn, vivace.

- Quelques-uns. »

Marilyn regarda Manuel dans les yeux pour savoir où il voulait en venir.

« - Bon, repris-t-elle en lui tendant une feuille, tiens, c'est à remplir et à me rendre à la fin de la semaine.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Les indicatifs de tes élèves. Je repasse tout à l'heure. Marilyn se dirigeait vers la sortie

- Eh ! Attends ! Je me base sur quoi pour les indicatifs ?

- Fais preuve d'imagination ! » Lui dit-elle depuis la porte avec un sourire.

Manuel regarda cette feuille où neuf noms étaient marqués en face de neuf codes différents. Derrière, un emplacement blanc pour l'indicatif. En haut, le numéro de l'escadron : quatre-mille trois à coté d'un emplacement libre pour le nom.

Faire preuve d'imagination...

« - Euh Sergent... Manuel se retourna, celui qui parlait était un des deux hommes qui avait planifié la défaite. Pourquoi ne pas avoir donné nos noms ? »

Manuel réfléchissait aux différents codes qu'il allait donner.

« - J'ai déjà rencontré un Silridriss... Je sais ce que j'affronte... Ce n'est pas votre cas... Et, en dehors de vous attirer des ennuis, je ne vois pas ce que ça vous aurait apporté... Pour l'instant je vous demande juste de me faire confiance et d'écouter ce que j'ai à vous dire. Si vous le faites pas... tant pis, c'est votre vie, pas la mienne, je ne vais pas me battre pour que vous appreniez à survivre. »

Manuel croqua dans son sandwich. Il plia la feuille et la glissa dans sa combinaison.

« - Dis, tu fais vraiment partie de l'escadron Rock ? demanda la fille au style gothique

- Oui.

- Génial... murmura-t-elle un grand sourire sur les lèvres.

- Non, pas vraiment. Je me retrouve souvent dans des situations extrêmement périlleuses et pas vraiment simples. Je t'avouerais que si j'avais le choix je leur aurais déjà collé ma démission.

- Qu'est-ce qui t'empêches de le faire ? Si tu veux te barrer... fais-le.

- Non. J'ai pas envie de finir en mouton... Bien que le bœuf soit une meilleure métaphore. »

Au vu des regards des autres personnes dans la salle, Manuel se sentit obligé de donner des explications :

« - En gros, de ce que je sais, les Silridriss considèrent les autres espèces en nourriture ou esclave... et parfois les deux. Faites votre choix. »

Ils finirent le maigre repas avant de retourner dans les simulateurs. Étrangement, le binôme d'hommes qui auparavant n'étaient pas vraiment motivés devint soudain plus curieux. Manuel ne chercha pas à savoir ce qui les motivait. Il réfléchissait à quels indicatifs il allait donner à chacun. Pour les anciens étudiants, il avait déjà des idées, et il les en informa : la jeune gothique disposa de l'indicatif ''Hécate'', son amie, qui avait des réactions de gamine eut celui de ''Shojo''. Un des garçons, qui n'avait parlé que d'ordinateur se vit attribuer ''Geek'', celui au style de pilotage plutôt brutal eut ''Samson'' et l'avant-dernier, en raison de ses facilités de déplacement se vit nommé ''Runner''. Il n'avait pas encore d'idées pour les autres.

Ils avaient passé la matinée à essayer de tenir debout, et à marcher sur un sol droit, et, en dehors de Runner, qui avait parfaitement pris ses marques, ils ne se débrouillaient pas trop mal. Manuel décida donc de les entraîner à des terrains différent sur l'après-midi.

« - Bon, on va retourner à l'Olympe et apprendre à utiliser les escaliers. Ensuite, nous verrons les pentes et enfin les armes. On met l'instruction tactique à plus tard. »

*

* *

*

L'instruction terminée, le jeune sergent regardait la grue décharger, les unes après les autres, les nouvelles armures. De l'autre coté de la base avait été monté tout un ensemble de logements préfabriqués là où se trouvait autrefois le terrain de sport. Il savait, qu'en ce moment même, l'ensemble des nouveaux arrivants tentait de joindre leurs familles respectives.

Aucun n'avait le droit de sortir.

C'est vrai que ça fait un peu enlèvement... mais... Peut-on vraiment faire autrement ?...

Il avait vu des gens se regrouper devant la guérite pour exiger des explications ou pour demander à voir un responsable. Sans succès.

A ce qu'il avait entendu dire, ce soir, allait être diffusé un discours sur le sujet. Personnellement, il considérait être mieux informé que la plupart des gens. Alors il se moquait bien de ce que ce politicien allait dire. D'autant qu'il avait autre chose de plus important de prévu. Il avait croisé Mylène, qui allait rentrer chez elle avec son père, et il lui avait confié qu'il n'allait pas renter.

Il repensa à cette journée, tout avait si bien commencé pourtant. Mais comme d'habitude, c'est après que ça dégénère. On lui avait demandé d'apprendre à piloter à neuf personnes d'âges différents. Le jeune homme n'avait jamais pris de cours de pilotage. A partir du moment où il s'était mis en tête de fabriquer et piloter sa propre machine, il se posa la question sur sa manière de piloter. A de quinze ans, il commençait à entrer en douce dans les simulateurs. Les pilotes qui étaient parfois présent l'avaient regardé évoluer avec beaucoup d'humour. Ce fut la raison pour laquelle personne ne dit rien aux responsables : Un gamin dans une AMC avait des réactions vraiment drôles. Et cela permettait un peu de distraction entre deux sessions d'entraînement. Avant d'arriver à faire trois pas, il était tombé un nombre incalculable de fois. Il s'était souvent fait mal. Mais il avait persévéré, cachant ses bleus à sa mère. A l'origine une recherche de familiarisation des commandes, une identification des défauts de conception, rien de plus. Ce fut à cette époque qu'il rencontra Fernand. Ça s'était terminé en bagarre... Personne n'avait gagné et ils étaient devenus amis. Rapidement, ils furent deux à piloter en douce. Manuel ayant déjà une expérience, il aida Fernand à prendre ses marques. Les fous-rires passée dans ces simulateurs parce que l'un des deux était tombé sur l'autre et qu'ils n'arrivaient pas à se relever résonnaient encore dans ses oreilles. Mais ce fut son ami qui avait eut l'idée de se former au combat en posant cette question : Que feraient-ils si les chimères revenaient ?

C'est ainsi, que d'un paisible apprentissage au pilotage d'une machine toute simple, ils dérivèrent vers des opérations de combat. Ils remerciaient le technicien qui était au centre de contrôle par des pâtisseries que Manuel prenaient de la boulangerie et des fichiers musicaux de la part de Fernand. Les pilotes d'AMC de la base les virent alors s'essayer de manière fort comique à des opérations de combats : assaut, infiltration, défense, repérages. Mais, le temps passait, et les soldats commencèrent à les regarder de manière intéressés. Des vidéos de certaines de leurs actions circulaient : n'ayant, a proprement parler, reçu aucune formation classique, ils avaient des réactions qui surprenaient. Entre Fernand qui utilisait ses canons lourds comme des armes de poings, et lui qui jouait du grappin à tout va... Cela fit sourire. Un temps du moins.

Ils apprirent que des pilotes avaient essayé de copier certaines de leurs manœuvres. Sans vraiment de succès. L'amusement laissa place à une légère jalousie.

Son père entendit parler de lui à ce moment là. En premier lieu, il n'y crut pas. Mais dû bien se rendre à l'évidence : c'était son fils. Il y eu des discussions... ''Les simulateurs ne sont pas de consoles de jeux''. Mais, c'était trop tard : Manuel se plaisait à pousser dans leurs derniers retranchements ces machines qu'il affectionnait tant. Et la seule manière d'en connaître toutes les capacités, c'était lors d'un combat. Puis, ce fut le commandant qui entendit parler d'eux... et enfin, il rencontra Marilyn.

Aujourd'hui, il jouait l'enseignant. Ce que ça allait donner, il n'en savait rien. Le jeune pilote avait laissé ses ''élèves'' à un autre professeur vers dix-sept heures. Apparemment, le cours allait porter sur les réparations de fortune d'une AMC ainsi que sur ses points sensibles.

Là, il attendait.

Il attendait Marilyn.

Il réfléchissait, à tout, et à rien en particulier. Sur la manière dont il était arrivé là, sur Marilyn et ses sentiments pour elle, sur sa mère et le sang d'encre qu'elle devait se faire, sur comment monter un camouflage optique sur une AMC moyenne... Et les chimères ? Que pouvait bien devenir Kouiros... et la princesse ? ... et Tégos ?

Les interrogations se bousculaient dans sa tête.

Deux mains vinrent lui cacher les yeux et il senti une présence féminine derrière lui.

« - Alors mon petit sergent... on s'est fait emprisonner on dirait... murmura Marilyn à son oreille.

- En effet... après avoir capturé mon cœur, je me disais bien que le reste n'allait pas tarder à suivre. »

* * * * * *

Hécate : Déesse de la mort

Shojo : en japonais littéral, désigne une « jeune fille ». Désigne aussi un type de manga (bande dessinée japonaise) à l'usage de ces dernières.

Geek : Terme désignant un féru d'informatique et des nouvelles technologies

Samson : Personnage mythologique possédant une force extraordinaire

Runner : Coureur en anglais.

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