9 : Sarbacks (2/3)
Il arriva dans la maison familiale alors que le soleil se couchait, projetant des lueurs rouge-feu dans le ciel et sur les bâtiments. Sans un mot il alla dans sa chambre. Là, il s'assit à son bureau, et comme a son habitude, il alluma la lampe et le lecteur de musique. Mais ensuite, il posa simplement ses mains sur le bois abîmé. Lentement, il laissa glisser ses doigts dans les fentes laissés par les coups de scies ou de marteaux, les griffures laissées par les pièces qui dérapent ou la vis trop longue. Chaque trace laissée lui parlait comme des signes en braille lui racontait une histoire et, d'une certaine manière lui disait ''au revoir''.
Ce bureau avait vécu.
Il sorti une feuille de papier de son bureau, et commença à faire la liste des éléments à emporter.
Il constata alors qu'il tenait à emporter beaucoup trop de matériel... pas forcément utiles au combat. Il devrait faire des choix.
« - Tu viens manger ? » Murmura sa mère dans l'encadrement de la porte.
Manuel éteignit la lampe avant de sortir sans un mot, il aida à mettre la table. Il choisit d'attendre un peu avant de parler : Ses yeux rouges signalaient qu'elle avait encore pleuré récemment.
Mylène rentra sur ces entrefaites, suivie du professeur Ferreira. Tous les deux avaient la mine fatiguée.
« - Alors demanda Manuel à sa sœur, ta première journée de boulot s'est passé comment ?
- M'en parle pas... j'ai passé la journée à arpenter la grille de code d'un programme à la con pour trouver une erreur. Cette nana, là, Daniela, c'est un vrai bourreau de travail... je suis crevée répondit-elle en s'asseyant à sa place et en laissant tomber sa tête sur la table. Les couverts, verres et autres assiettes sursautèrent bruyamment comme pour marquer leur désapprobation ou leur surprise.
- Tu l'as trouvée son erreur ?
- Nan, j'ai déjà du mal à savoir à quoi ça sert... et elle ne veut rien me dire. Elle m'a dit que je devais deviner... Salope...
- Elle te teste Mylène, intervint le professeur en s'asseyant lui aussi après être allé embrasser sa femme. Et évite cette dernière remarque : c'est une personne très compétente. Manuel, peux-tu m'expliquer pourquoi je ne devais pas t'appeler par ton nom ?
- Je tiens simplement à vous protéger. Si mon nom devait être divulgué et que les Silridriss déboulent, vous seriez des cibles intéressantes... Alors, pour les chimères, comme pour la plupart des gens je suis Doux-dingue, et je n'ai pas de famille. D'ailleurs, à ce sujet... je connais déjà ma prochaine mission dans les grandes lignes. »
La mère de Manuel approcha de la tablée avec une soupière qui sentait bon le potiron. Elle commença a servir en commençant par le professeur.
« - Et ? demanda-t-elle
- Je pars pour le Mexique en mission d'escorte pour une durée indéterminée. Mais je sens que ça va être long, et dangereux.
- Et qui, mon modeste frère va-t-il devoir protéger ? interrogea Mylène, moqueuse.
- La princesse des chimères et sa suite. »
Sa mère qui avait commencé à servir se stoppa immédiatement. Elle reposa la louche dans la soupière. Elle regardait son fils avec un mélange de colère et d'incompréhension.
« - Vous risquez vos vie pour la sauver, elle vous met ensuite dans la merde, elle manque de tous vous faire tuer une seconde fois et c'est encore vous que l'on envoie la protéger ? Mais, y'a pas d'autres escadrons dans cette base ?
- Chérie ...commença le professeur.
- Chérie rien du tout ! Ce n'est pas normal ! Ce sont toujours les mêmes qui sont en danger ! Et pourquoi elle va au Mexique ?
- Maman, dit doucement Manuel, il y aura trois escadrons. Le mien et deux autres. Le premier est russe et le second est américain, je ne me souviens plus des noms. Pour terminer, on ne va traverser l'océan en radeau, c'est une flotte chinoise qui s'occupe du déplacement. Quant aux raisons de son déplacement... on ne nous a rien dit. Mais tu vois, on ne sera pas tout seuls. Même les chimères envoient un de leurs détachements. »
Les derniers mots de Manuel restèrent en suspens. En dehors de son père, qui commençait a avoir l'habitude de travailler avec une chimère, sa mère et Mylène étaient toujours aussi terrifiées rien qu'à l'évocation de ces créatures. Il comprit alors qu'il en avait trop dit lorsqu'il remarqua que son père se massait le front. Il vit sa mère fermer les yeux et inspirer profondément. Intérieurement, le jeune homme commençait à avoir peur que cette discussion ne se termine de la même manière que lorsqu'il avait annoncé qu'il irait chez les chimères.
Sa mère reprit la louche dans la soupière :
« - Amène ton assiette. »
Elle le servit, lui, puis sa sœur enfin elle se servi elle-même
« Promets-moi d'être prudent. D'accord ? »
Manuel répondit en hochant la tête avant de confirmer verbalement.
« - Tu pars quand ? Demanda Mylène
- Dans trois mois. Le vingt-huit décembre pour être précis. J'ai eu l'écho comme quoi on devait partir début décembre. Mais le commandement s'est débrouillé pour que l'on puisse passer Noël en famille.
- Les chimères n'ont rien dit ? Au sujet des fêtes de fin d'années ?
- Je pense qu'elles le savent déjà. Quelqu'un aura déjà dû le leur expliquer. »
Le reste du repas se fit en silence. Chacun ayant ses pensées occupées par ce qui venait d'être dit. Mais, au vu de ce qui s'était passé la dernière fois que ce type de sujet avait été évoqué, tous préféraient garder leurs pensées pour eux-mêmes.
Le repas fini, la famille débarrassa la table, Mylène aida sa mère en faisant la vaisselle pendant que les deux garçons rangèrent un peu la maison. Tous le monde était fatigué, et personne n'émis la moindre protestation lorsque le professeur Ferreira proposa d'aller dormir.
*
* *
*
Le lendemain, Manuel sortit de la maison familiale au lever du jour. Il portait un ensemble en jean. Il passa devant la boulangerie familiale et il tapa à la porte. Sa mère vint lui ouvrir.
« - Bonjour Maman. Tu aurais quelques viennoiseries pour moi ?
- Oui, deux ou trois c'est bon ?
- Croissants et pains aux raisins s'il te plaît.
- Tu vas en cours ? Demanda-t-elle en remplissant le petit sachet papier.
- Non, je vais à la base... Je doute qu'un cours sur la gestion de production puisse m'aider là où je vais. »
Sa mère, il le voyait, n'avait pas beaucoup dormi. Elle ne répondit pas.
« - Eh maman..., l'interpella-t-il gentiment, Je ne suis pas encore parti... Et je t'ai promis de faire attention. »
Sa mère lui sourit en lui tendant le petit sac.
« Allez, dégage, elle t'attend. »
Manuel récupéra le sac et marcha en direction de la base militaire. Il ouvrit le sac et regarda dedans : deux croissants, et deux pains aux raisins.
Génial !
En passant devant le kiosque à journaux il prit machinalement le journal, le paya, le glissa sous le bras et repartit dans sa direction originelle.
Chemin faisant, il ouvrit le sac et prit un des pains aux raisins.
Il allait mordre dedans. Mais quelque chose, au bout de la rue attira son attention : un camion venait de passer sur la rue transversale. Il avait trois AMC sur le dos. Un deuxième le suivait. Puis un troisième.
Merde... il se passe quoi là ?
Il croqua une nouvelle fois dans la viennoiserie tout en s'interrogeant. Il était clair que ces machines étaient destinées à la base : Elle était au bout de cette rue là.
Après avoir été contrôlée sur son identité à l'entrée, il put rentrer dans la base. Il vit qu'il avait raison : les camions se garaient les uns à coté des autres. Il y en avait déjà six et d'autres arrivaient. C'était des armures du même type que celle de sa sœur. Manuel se dirigea vers les baraquements de l'escadron. Il entra et se obliqua vers le bureau de Marilyn. La porte était fermée, signe qu'elle était absente.
Il retourna dans le sien après être allé cherché un café au distributeur au bout du couloir. Il s'installa, prêt à prendre son petit déjeuner en attendant les autres. Il se voyait bien faire de la simulation ce matin.
Il ouvrit le journal, et, dés le titre il comprit que rien ne se passerait comme prévu : Des failles s'étaient ouvertes en quatre endroits sur le monde. Ce n'était pas des petites failles comme celles qui avaient vu laisser passer les Sarbacks près de Pau. Non, là chacune avait vu laisser passer l'équivalent de deux divisions de machines Silridriss. Sans compter des engins que Manuel n'avait jamais vues, mais qu'Arson lui avait décrites. Elles se trouvaient en Algérie, dans le Sahara, c'étaient des Touareg qui l'avaient signalée, celles du Nevada, du Kalahari et du désert de Gobi avaient été identifiées grâce à des fermiers. D'après ce qui était écrit, les combats avaient commencé.
Mais... Pourquoi les déserts ?... Pourquoi ne pas frapper directement ici ? Dans des zones tempérées ...
Des bruits de course retentirent dans le couloir. Quelqu'un ouvrait toutes les portes en marmonnant des jurons. Jusqu'à ce qu'elle apparaisse dans l'encadrement de la porte : Marilyn. Avant même qu'il ne puisse lui dire bonjour, elle lui avait déjà lancé une enveloppe en kraft et lui avait donné ses ordres.
« - T'as trois minutes pour te mettre en tenue de combat et me rejoindre sur le parvis ! Fais passer le mot si tu vois quelqu'un ! Et mets ce qu'il y a là-dedans ! »
Elle repartit aussi vite qu'elle était arrivée.
Le pilote comprit l'urgence et se jeta sur son armoire pour s'habiller. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire il se retrouva en tenue de pilotage, l'enveloppe et le casque dans chaque main, un croissant dépassant de la bouche. Il laissa le café sur le bureau et sortit précipitamment. Il marchait rapidement dans le couloir pour rejoindre l'endroit désigné tout en glissant son casque sous le bras qui tenait l'enveloppe pour en prendre le contenu.
Des insignes de sergent.
Hé minute, c'est une blague ? Hé ho ! C'est un coup à avoir des problèmes ça...
Il continua son chemin pour trouver Marilyn dans la cour. Elle discutait avec deux autres personnes. Il en profita pour finir la viennoiserie.
Manuel s'approcha, et identifia des officiers. Il fit un salut militaire avant de parler :
« - Major ?
- A vos ordres Messieurs, dit-elle aux deux soldats après un salut, Doux-dingue, tu me suis ! »
Marilyn se mit à courir et Manuel la suivit, après avoir salué, lui aussi les deux officiers, qui partirent d'un pas alerte.
Elle alla dans les locaux de formation.
« - Major, c'est quoi ces insignes ?
- Tu les as mis ?
- Non, pas encore.
- Mets-les !
- OK. On va où là ?
- Tu vas t'occuper d'une partie de la formation des nouveaux...
- Hein ?!?
- M'interromps pas s'il te plaît. T'es arrivé le premier, donc tu t'y colles en premier. Mais je te rassure : les autres aussi y auront droits. Suite à ce qui s'est passé cette nuit, le recrutement va se dérouler d'une autre manière : on va aller chercher là où ils sont, ceux qui vont être appelés et ils vont recevoir une formation express. Les bus sont en train de quadriller la ville pour aller les récupérer, chez eux ou à leur travail. Les formations que vous deviez donner on été avancées. »
Ils s'arrêtèrent devant une porte.
« - Attends, une formation express, puis, on les envoie au feu ? Mais ça va être un massacre !
- Non, passe-moi ça. Marilyn attrapa l'enveloppe en kraft et récupéra les insignes. On les forme en express pour le cas où ces foutus lézards viendraient à ouvrir une faille dans le coin. Pour les bastons en cours on laisse les troupes sur place faire leur boulot. »
Elle commença à retirer les boutons d'épaules de la combinaison de pilote de Manuel pour y placer les insignes.
« - Et moi je sers à quoi dans cette histoire ?
- Jusqu'à présent, tu as fait l'élève... Maintenant tu vas faire prof ! Tu t'occupes de l'entraînement aux armures. »
Elle profita de ce qu'elle faisait aux épaulettes pour l'embrasser.
« - Je suis désolée, je n'ai pas été très disponible ces derniers temps... On rattrapera ça ce soir... ça te tente ? »
Manuel sentit la main de sa supérieure glisser vers son entrejambe. Il l'arrêta avec la sienne.
« - On verra ... Je te dois toujours un poulet Tandoori... et il faudra que tu t'excuses de toute ces remises à demain...
- T'inquiète, je saurais me faire pardonner... Allez, en piste ! Prof ! »
La seconde main de Marilyn glissa sur la poignée de la porte et l'ouvrit. A son entrée, l'ensemble des personnes assises présentes se levèrent. Devant le tableau, quatre individus ainsi que le commandant Sarlen étaient présents. Manuel risqua un regard dans la foule.
« - Mon commandant, je vous amène un excellent professeur pour ce qui est du pilotage d'armures. »
A la vue du vétéran, Manuel effectua un salut un peu raide. Le commandant avait des lunettes-loupe sur le bout du nez, il lui jeta un regard dénué de toute expression. Puis, dans la salle totalement silencieuse, il reporta son attention aux personnes qui allaient recevoir un enseignement.
« - Asseyez-vous... L'ensemble de la salle se rassit d'un seul bloc, laissant les six protagonistes debout. Merci Major. Repos sergent... »
Manuel prit une position simple en essayant de ne pas être trop raide, tandis que Marilyn sortait de la salle.
« ... Doux-dingue... c'est ça ?
- Oui mon commandant. Manuel était gêné : voir et discuter avec ces soldats était une chose rare. C'était sa seconde fois, et à la première il avait été sérieusement sermonné.
- Ces personnes sont de futurs pilotes d'AMC. Vous allez les former à leur manipulation. Je tiens à vous préciser que je ne vous demande pas de leur apprendre à piloter comme vous... primo, c'est utopique, secundo, je tiens à avoir des pilotes, pas obtenir des professionnels des arts du cirque. Avez-vous compris ?
- Oui mon commandant.
- Bon, les neuf premiers volontaires levez-vous et suivez-le jusqu'au simulateur quatre. Des questions Sergent ?
Dans la salle neuf personnes se levèrent.
- Oui, mon commandant. Est-ce qu'ils vont piloter les ''Black Stones'' arrivées ce matin ?
- Oui, mais en quoi cette information est-elle nécessaire à l'exécution de l'ordre que je vous ai donné ?
- Ces armures sont un peu lourdes au niveau des jambes. Vu que l'ordinateur de simulation a les données de ce type de machine en mémoire, je me dois de les y habituer au plus tôt mon commandant.
- Sage précaution. Autre chose ?
- Non mon commandant.
- Alors allez-y, jusqu'à nouvel ordre de ma part, vous êtes aux simulateurs. »
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