7 : Fratricide ? (3/3)

« - Tu nous fais un feu Doux-dingue ?

- T'as trouvé ça où ?

- Un don des types de dehors ! Le reste de notre escadron a été autorisé à nous rejoindre. Bon, c'est vrai, du lapin au petit dej' ce n'est pas génial, mais on fait avec ce que l'on a... »

Manuel retourna à sa machine, il ouvrit le carter d'épaule droit et en sorti sa caisse à outil. Son estomac criait famine, et le lapin, même à neuf heures du matin avait une odeur de festin. Il chercha alors à tâtons, quelque chose à l'emplacement laissé par la caisse. Un jeu de baguettes en inox de vingt centimètres apparu dans ses mains ainsi qu'une petite bouteille de gaz de camping. Il descendit de l'AMC et les posa contre un mur. Puis, il vissa les barres les unes dans les autres. A la fin, il avait trois baguettes d'un mètre de long. Il monta une sorte d'étoile à trois branches autour de la bouche de la bouteille de gaz. Puis, il y plaça les baguettes pour s'assurer que tout rentrait bien. L'ensemble ressemblait à une pyramide vide montée sur un petit réchaud.

Pendant tout le temps où Manuel avait monté son réchaud, Marilyn avait préparé les lapins. Tout cela s'était passé sous le regard intéressé de la dernière des chimère restante. Oneshot et Fernand arrivaient à pieds avec leurs réchauds, du même modèle que celui de Manuel.

« - Euh ?! Qui monte la garde ? Demanda Manuel, inquiet.

- Dionysos, Grundig, Marcus et Rocco, ils ont été autorisés à nous rejoindre. T'as oublié ? »

- Ah oui, merde. Je suis vraiment con...

- Non, t'es fatigué, corrigea Oneshot.

- Nous le sommes tous... Compléta Fernand en s'installant.

- Princesse, crus ou cuits vos lapins ? » Demanda Marilyn.

Manuel avait déjà embroché trois lapins avec les arêtes de sa pyramide et les avaient mis en place. Il alluma le réchaud et une grosse flamme surgit pour cuire les gibiers qu'on leur avait fourni. La chimère eu un mouvement de surprise en voyant la flamme bleue apparaître bruyamment.

« - Je n'ai pas très faim...

- Il faut vous nourrir : vous en aurez besoin lorsque le conseiller reviendra. Comme je ne sais pas comment vous vous nourrissez, je vous propose. Crus ou cuit ? »

L'odeur du lapin cuit commença à envahir la pièce.

« - Normalement, je mange directement ce que je chasse. Mais votre préparation m'interpelle... je veux bien y goûter.

- Euh ? Major ? Je viens de me rappeler d'un truc... Y'a pas un risque avec les os de lapin ? demanda Fernand

- Ne vous inquiétez pas, répondit la princesse, j'ai déjà mangé certaines de ces créatures. Et je n'ai pas eu de soucis avec leurs os, croyez-moi.

- OK, donc on commence par un cuit. » Déclara Marilyn avec un sourire.

*

* *

*

Le ventre plein, Manuel s'installa dans son armure. Il mit son harnais et son casque. Il somnolait un peu, après tout, il avait mangé un demi-lapin à dix heures du matin.

Manque plus qu'un petit café et on est comme chez maman...

Cette pensée, comparant avec égalité le confort douillet de sa maison familiale et le froid et humide parking le fit sourire. Le confort était loin, très loin de ce que l'on pourrait attendre dans une maison.

Redcross arriva peu après, il mangea rapidement puis il informa que tout s'était bien passé, à la fois pour la chimère blessée et pour Tégos.

La princesse avait pris goût à la viande cuite. Elle mangeait un lapin en deux bouchées et s'était révélée patiente sur la cuisson des dits animaux. Et confiante en Marilyn sur le sujet. Elle en mangea douze avant d'arriver à satiété.

Lentement, Manuel commença à fermer les yeux, épuisé et repus.

Dans son casque, Manuel entendait les membres de l'escadron discuter de comment ils allaient se sortir de ce bourbier. Mais, tant que le conseiller n'était pas revenu, lui, considérait que c'était se triturer le cerveau pour rien. De ce qu'il avait compris, Grundig protégeait l'entrée avec son modèle lourd, Rocco, Marcus et Dionysos s'occupaient de la zone des escaliers et des étages inférieurs.

Sans le vouloir, sans même s'en rendre compte, bercé par les voix de ses camarades qui discutaient près du feu... il s'endormit.

Il rêva de Marilyn, les mots de son père, lorsqu'il s'était retrouvé à l'hôpital y jouèrent peut-être pour quelque chose. Toujours est-il qu'il se mit à rêver de son mariage avec elle. Il était dans une église, une de celles qui n'avaient pas été détruite durant la dernière guerre. Un lever ou un coucher de soleil faisait rentrer la lumière à l'horizontale par les différents vitraux. Il attendait, près de l'autel, dans l'assistance, les autres membres de l'escadron attendaient, relativement sérieux. Il vit, derrière lui son ami de toujours, Fernand, en témoin et le commandant Sarlen en prêtre. Elle entra, au bras du père de Manuel, la musique, jouait... mais, si jamais elle marchait, elle n'avançait pas. Elle ne se rapprochait pas de lui, Manuel descendit de l'autel pour aller à sa rencontre.

A peine son pied quitta-t-il l'estrade. Que la lumière devint soudain bleue et froide. Les soldats invités furent instantanément congelés sous ses yeux : morts.

Derrière la mariée, le sol se déforma, et creva comme si on déchirait un caoutchouc alors que celui-ci était fait de pavés. Le jeune homme se précipita vers Marilyn en hurlant, mais aucune voix ne sorti de sa bouche. Intriguée, ne comprenant pas tout, celle-ci se retourna pour identifier la menace : un monstre de glace était sorti du sol.

Il était entouré d'une brume givrante très épaisse, d'une taille équivalente à celle d'une AMC, seule sa silhouette et des yeux apparaissaient dans ce monde devenu frigorifié. Ce regard fit comprendre aux deux protagonistes qu'il y avaient urgence. Ils étaient triangulaires, bleus, et lumineux, pas au point d'être aveuglants, mais ils perçaient sans difficultés la brume glacée.

Manuel comprit en croisant le regard de cette horreur, qu'il était SA cible. Marilyn n'était qu'un moyen. Le jeune homme se retourna, pour savoir sur qui il pourrait compter, et la lumière ambiante passa au rouge. Un autre monstre, nimbé de flammes, était apparu près de l'autel, il tenait Véronique qui brûlait en hurlant tandis que Fernand tentait, avec de multiples brûlures et un costume déchiré de la lui faire lâcher. Son ami s'était armé d'un chandelier et tapait avec l'énergie du désespoir. Il en revint au monstre de glace, il vit son père se faire projeter contre un mur d'un seul coup. Marilyn était montée sur un des bancs et avait lancé son bouquet de fleurs sur la créature.

Futile et inutile.

Il vit alors, celle qu'il aimait prendre un coup si violent qu'elle alla taper un pilier avec un bruit de métal. Le jeune homme prit un morceau de bois pour se battre. Mais le monstre tapait sur Marilyn avec, à chaque fois un bruit de métal. Manuel se rua sur lui avec sa bien maigre arme...

« - Ho ! Debout ! » Hurla la voix de Marilyn en tapant sur la machine de Manuel du plat de la main.

Il ouvrit les yeux d'un coup sec, comme lorsque l'on s'éveille d'un cauchemar : complètement réveillé, cherchant à se rassurer que ce n'était qu'un mauvais rêve. Ses yeux allèrent des soldats à la princesse des chimères. Si les soldats présents riaient en se jetant des regards complices, la princesse, elle, s'interrogeait.

« - Oh ! Doux-dingue. Ça va ? Redemanda Marilyn.

- Euh,... oui, enfin, je crois » Répondit Manuel encore chamboulé par ce cauchemar et un peu rassuré par la présence de Marilyn.

« - Tu ne m'avais pas dis que tu parlais en dormant.

- Je ... je n'en savais rien. Qu'est-ce que j'ai dit au juste ?

- Pas, grand choses... juste mon nom... que tu as hurlé à plusieurs reprises soit-dit en passant.

- ... Merde... » Manuel mit la main devant la bouche. Il venait de comprendre les réactions du reste de l'escadron.

La supérieure descendit de l'AMC de Manuel d'un petit bond. Puis elle s'adressa au groupe de soldats :

« - L'incident est clos, arrêtez de vous marrer comme des baleines !

- On savait pas que vous aimiez la viande fraîche Major ! Déclara Redcross.

- Oubliez ça et passez à autre chose ! Reposez-vous : ça risque d'être stressant tout à l'heure. »

La réaction de la jeune femme fit rire les autres pilotes. Manuel entendait même ceux qui étaient de gardes : apparemment, ils avaient tout entendu. Les commentaires allaient bon train. Rocco, de garde à la porte avec Dionysos, commençait à le questionner sur ses rapport avec leur supérieure. Manuel coupa la liaison avant de fermer sa machine. Tandis que le carter se refermait, Manuel croisa le regard bleu-gris de la princesse chimère qui restait perplexe.

Il resta ainsi dans le noir, avant de se décider à allumer son AMC. Il n'avait plus envie de dormir. Les dernières images de Marilyn se faisant violemment frapper étaient gravées dans son esprit. Il finit par se dire que Rocco avait fini par abandonner son interrogatoire, et il rebrancha sa radio. Ce n'était pas par obligation qu'il le fit, mais par mesure de sécurité, s'il se passait quelque chose, il n'y aurait pas de perte de temps.

« - Major, ça bouge dehors.

- Qu'est-ce qu'il se passe Oneshot ?

- Je ne sais pas trop Major... Mais on dirait que nos hôtes sont en train de monter des gradins et une sorte d'estrade. Attendez, y'a un type qui s'approche de Grundig.

- Ici Grundig, je confirme : c'est le conseiller Sanchez. Major, on dirait qu'il vous attends.

- Bien, j'y vais, que tout le monde reste en alerte; et réveillez les assoupis. »

Manuel vit Marilyn aller à la rencontre de M.Sanchez, et discuter avec lui. Il le voyait par l'intermédiaire des caméras de Grundig. Il ne sut pas ce qui se disait : Grundig avait gardé sa machine fermée et Marilyn ne portait pas son casque.

« - Ici Dionysos, en poste aux escaliers, y'a des types qui s'activent derrière la barricade.

- Ils y avaient placé des charges explosives tout à l'heure. Ils sont peut-être en train de les récupérer... fit Manuel

- Probablement.

- Ici Grundig, le Major revient. »

Manuel devina qu'elle allait directement voir la princesse. Il ouvrit son AMC. Il constata également qu'en dehors de Dionysos, de Grundig et de Oneshot, tout le mode était là avec leurs machines respectives. Les regards et les expressions moqueuses avaient disparues, tout le monde était sérieux. Tous attendaient les informations sur ce qui allait se passer. La Major sortit de la pénombre, et marcha lentement vers la princesse des chimères. Sa main glissa vers son casque et réactiva les micros.

« - Alors ? Demanda Redcross.

- Ils ne peuvent pas se permettre de blesser la princesse, du moins, physiquement. Ça ils l'ont compris, c'est déjà une avancée. Selon eux, la princesse est venue pour voir les dégâts que la guerre a fait, mais ils ne veulent pas qu'elle se balade partout. De plus, ce qu'ils vous reprochent le plus, ce ne sont pas les dégâts matériels, mais les massacres... Marilyn regarda la princesse avant de poursuivre. Ils vont vous faire part de ce qui leur est arrivé pendant le conflit. Il y a environ deux milles personnes de présente, on risque d'y passer des jours entiers, alors il a proposé de ne se limiter qu'à certains membres du conseil, et de quelques habitants de la zone. Pour un total d'environs soixante personnes.

Je me dois de préciser que cela peut-se révéler particulièrement pénible. Si vous pensez ne pas pouvoir le supporter, dites-le-moi tout de suite et on trouve autre chose. »

La chimère réfléchit un moment avant de répondre :

« - Vous faites déjà beaucoup, je ne vais pas me défiler ; d'autant que cela pourrait être pire.

- Vous êtes sûre ?

- Oui, ça ira. J'estime que je m'en sors plutôt bien compte tenu de la situation.

- Bien, tout le monde, on sort dans deux heures, lorsque tout sera monté. Twister, Grundig, vous ouvrirez la marche, le reste, on se met en position autour de la princesse. Oneshot, tu es nos yeux sur ce coup-là, préviens-nous de tout ce qui se passe de travers.

- Bien reçu leader Rock » Répondit l'intéressé à la radio.

Les autres combattants acquiescèrent également de manière verbale ou en hochant la tête

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