7 : Fratricide ? (1/3)
Manuel, dans son armure, s'approcha des deux véhicules. Il activa une fonction qui n'existait que sur les engins de construction : le compresseur de puissance. Sur les armures militaires, il était remplacé par des armes intégrées ou des munitions. Il s'agissait d'un compresseur qui fournissait un surplus d'énergie pour des travaux sur des éléments lourds. Ce faisant, un sifflement retentit, suivit d'un bruit de soufflerie. De la main gauche, Manuel releva son écran pour regarder les jauges de pression. Elles avaient atteint le double de ce que sa machine avait l'habitude d'utiliser.
OK, c'est parti !
Il remit l'écran en place, et attrapa l'épave de véhicule au niveau du bas de caisse avec sa machine. Il souleva, et mit la carcasse sur la tranche. Puis, il colla le dessous de caisse contre la porte, empêchant ainsi toute personne de rentrer. Rapidement, il alla chercher la deuxième carcasse de voiture. Il la poussa contre la première pour l'empêcher de basculer. Il coupa le compresseur juste après. Il recula pour contempler le résultat : une barricade.
Je ne regrette pas d'avoir conservé la configuration de construction de cette machine... ça se révèle très pratique au final...
Il y eu un choc sur les carcasses. Mais les voitures ne bougèrent pas. Silence. Puis un autre choc.
Oh ?! ... on dirait qu'ils utilisent un bélier...
Au troisième choc, les véhicules tanguèrent et bougèrent légèrement. Manuel appuya le pied de son AMC sur le second véhicule. Le poids de sa propre machine remit immédiatement la barricade dans sa configuration initiale. Il changea sa commande de vision pour passer en infrarouge, il vit huit personnes derrière le mur. Il brancha le haut-parleur :
« - Messieurs, je sais que vous m'entendez, il y a deux-trois trucs que vous devez savoir. Malgré le fait que je sois armé jusqu'aux dents et dans une armure de combat, je n'ai pas la moindre envie de me battre avec vous, mes copains non plus soit-dit en passant. Je serais bien plus heureux si on pouvait discuter afin que vous compreniez bien l'ensemble de la situation... »
Nouveau choc sur les voitures.
« ... Arrêtez de taper : vous vous fatiguez pour rien : je suis derrière pour tout remettre en place. Il faut que vous sachiez que les enjeux ici présents dépassent largement la simple altercation entre nos deux sociétés. Il y a des chances pour que ce qui passe ici influe dans le monde entier. Il influera aussi certainement le futur de notre espèce... »
Derrière le mur, les hommes avaient cessé de bouger.
« ... et je vous garanti que ce n'est pas une blague. Si vous pouviez également dire à vos copains dehors d'arrêter de tirer sur notre modèle d'artillerie... Ce serait sympa. Merci d'avance. »
Manuel coupa le son et attendit. Un nouvel individu arriva par les escaliers, parla aux autres, puis s'activa avec un camarade, déjà présent, sur la barricade. Les sept autres remontèrent les escaliers.
Oh-oh... C'est pas bon ça...
« - Leader Rock ! Ici Doux-dingue, ils vont y aller à l'explosif ! Je fais quoi là ?
- Si tu es directement menacé tu es autorisé à ouvrir le feu... Attends une minute : ça s'est calmé dehors. Twister, Oneshot, Qu'est-ce qui se passe ?
- Ici Oneshot, les véhicules sont arrivés. Ce ne sont que des modèles légers : jeeps et camions. En revanche, j'ai bien vu deux ou trois lance-roquette. Faites gaffe en bas !
- Ici Twister, je confirme la présence de lance-roquette et de l'accalmie. »
Manuel recula et se plaça derrière une des colonnes du parking. Il sortit son fusil, engagea une balle dans le canon et attendit. Les deux combattants avaient fini de poser leurs charges. Ils remontaient en tirant une bobine. Manuel changea de nouveau son mode de vision. Il éteignît sa vision thermique pour passer en ultrasons. Il entendit alors le système, placé dans son épaule, siffler. Il vit alors une modélisation monochrome grise de ce qui était devant lui. Pas très belle, mais utile.
Avec ce truc, je devrais voir à travers la poussière si ça saute... on n'a toujours pas riposté et on a évité le contact... Espérons qu'ils vont réfléchir...
« - Ici Twister, y'a un type qui s'avance dans la rue. Il n'a pas l'air armé. Je crois que l'on tient notre contact.
- OK, Twister, tu ne bouges pas, déclara Marilyn. Je m'en occupe.
- Sauf votre respect Major, Twister devrait y aller avec vous : il connaît bien les lois de la zone dévastée, fit calmement Manuel.
- OK. Twister, si je suis dans une impasse, tu interviens. Je garde mon casque et la liaison radio ouverte.
- Reçu leader Rock » Répondit l'intéressé.
Manuel entendit alors Marilyn sortir de son armure, demander à Tégos de rejoindre le fond du parking. Avant d'aller à la rencontre de leur homologue. Manuel comprit dés les premiers mots qu'ils n'étaient pas sortis d'affaire pour autant. Le responsable en face semblait particulièrement dur et exigeait que le personnel de l'escadron Rock se retire. Les chimères étaient sur les terres dévastées : donc il était de son ressort de les abattre. La troupe n'avait donc rien à faire ici. Marilyn évoqua la capture des chimères et demanda qu'on les laisse repartir. Son interlocuteur exigea que chimères lui soient remises. Si elles ne l'étaient pas, lui et ses hommes s'assureraient qu'elles ne revoient jamais la lumière du jour. Il proposa même à Marilyn d'abattre les chimères pour elle si elle avait du mal. Mais la sous-officier ne lâcha rien : les chimères avaient été capturée, c'était suffisamment difficile, elles seraient donc à ceux qui avaient pris le plus de risques. L'homme en face de Marilyn posa alors un ultimatum : soit les chimères leurs étaient données, soit ils iraient les chercher eux-mêmes, quitte à faire de la casse.
C'est à ce moment qu'une autre voix, par la radio, parla :
« -Leader Rock, ici Twister, demandez le jugement du conseil ! Puis, demandez Sanchez ! »
Marilyn suivit les instructions de Fernand. Et, à l'évocation du jugement du conseil, son interlocuteur ne pu cacher sa surprise. Il demanda alors quel membre du conseil elle désirait. Elle suivit derechef les conseils de Fernand. L'homme éclata de rire en déclarant qu' il allait transmettre sa demande. Il tourna les talons en pleurant de rire.
« - Twister ! Qu'est-ce que tu m'as fait faire ? demanda Marilyn en rentrant dans le parking.
- Pour commencer, on a gagné un peu de temps... Ils vont nous foutre la paix le temps que Sanchez arrive. Ensuite, vous devrez tout lui dire, jouer franc jeu. Enfin, je lui parlerais.
- Mais c'est qui ce type ?
- C'est l'un des cinquante-neuf membres du conseil qui régit les terres dévastées. En cas de litiges graves, on peut demander son jugement. Il faut que cela soit suffisamment important pour justifier son intervention sinon on risque gros. Mais c'est notre cas. La réaction du mec en face de vous vient du fait qu'il est connu pour être l'un des plus radicaux au sujet des chimères et de l'autonomie de la zone dévastée...
- Et c'est celui qu'on a demandé... Tu veux nous faire tuer ?
- ... C'est mon oncle. »
Le silence gêné qui suivit cette affirmation fut rompu quelques secondes après par la voix de Oneshot.
« - OK, je vois qu'ils se replient, partiellement du moins : ils prennent position tout autour de la préfecture. Autre chose : Marcus, Grundig, Rocco et Dionysos viennent de me rejoindre. Vous n'avez plus d'accès satellite mais les escadrons Sabre et Revenant sont en train de prendre position... Major, c'est en train de devenir une vraie poudrière ici.
- Twister, c'est Redcross, tu penses vraiment qu'il va se déplacer ?
- Le fait de demander le jugement du conseil, devrait le faire se déplacer. Le fait qu'il soit appelé nominativement va certainement piquer sa curiosité. Donc, il viendra. Si ça ne vous dérange pas, moi, je vais piquer une petit somme : il ne viendra certainement pas avant huit-neuf heures.
- OK, repris le major, les nouveaux arrivés vous montez la garde, prévenez-nous si ça merde. Redcross, Oneshot, Doux-dingue, faites comme Twister : on ne sait pas ce qui nous attend tout à l'heure alors reposez-vous tout en restant disponible. »
*
* *
*
Malgré les ordres de Marilyn, Manuel n'arrivait pas à trouver le sommeil. Il avait trop faim et paradoxalement, il était trop fatigué pour dormir correctement. En plus, le harnais de son AMC était bien peu confortable. Il nota qu'il devrait se pencher sur le problème plus tard. Il avait déplacé son armure dans un coin d'où il pouvait surveiller sa barricade sans pour autant prendre un trop gros effet de souffle ni de projectiles si une explosion se produisait. Adossant son armure contre un mur, il ouvrit le carter de protection pour avoir un peu d'air, mais il laissa ses projecteurs éteint : aucun intérêt si ce n'est de gaspiller de l'énergie. Il ferma les yeux et tenta de se reposer. La température fraîche de ce vieux parking lui faisait du bien. De plus, la pénombre dans laquelle il était l'apaisait : la fatigue, rajouté à la scrutation des écrans de contrôle faisait généralement mal aux yeux. Il commença à se sentir somnolant. Il avait entendu de manière distante les explications de Marilyn au commandant Sarlen... qui avait décidé d'appuyer ses choix. Il se sentait bien, de mieux en mieux même, d'autant que des bourrasques d'air tiède venaient parfois lui caresser le visage... il pensa à Marilyn...
Tiède ? ! Mais que ...
La surprise le réveilla d'un coup sec, il ouvrit les yeux en même temps qu'il allumait les projecteurs. La chimère blanche, à coté de lui détourna le regard, éblouie.
« - Princesse, que faites-vous ici ? C'est dangereux ! Retournez tout de suite au fond du parking ! »
L'énorme tigre blanc et bleu aux ailes multicolores clignait des yeux et avait du mal à regarder Manuel.
« - Pourriez-vous baisser un peu la lumière s'il vous plaît ? » Demanda-t-elle.
Manuel changea l'inclinaison de sa machine, changeant dans le même temps l'éclairage de la pièce.
« - Mais qu'est-ce que vous foutez là ? Vous voulez faire empirer la situation ou quoi ?
- Je voulais simplement discuter... » La voix était douce, à peine audible.
Au visage qu'elle faisait, Manuel comprit que quelque chose n'allait pas.
« - Qu'est-ce qui se passe ? Fit-il, désormais complètement réveillé.
- Je m'interrogeais... pourquoi semblez-vous vous inquiéter à ce point à mon sujet ?
- Alors là... vous vous plantez royalement. »
La chimère eu un mouvement de recul.
« - Sans faire de mauvais jeu de mot bien entendu... Mais je crois que vous vous trompez complètement sur mon sujet, ou plutôt sur le vôtre. La seule raison qui me pousse à venir vous tirer de là, c'est que si vous vous faites tuer ici, par un membre de mon espèce, il y a de grandes chances pour que nous repartions en guerre. Elle est la chose que j'exècre le plus au monde, je ne souhaite à personne de vivre cela, pas même à mon pire ennemi. Et, s'il est en mon pouvoir d'en éviter une, je ne me priverais pas de le faire. Même si pour cela je me dois de protéger une princesse insouciante, têtue et égocentrique...
- Vous rendez-vous compte à qui vous parlez ?
- Désolé pour le protocole, mais je n'appartiens ni à la haute société, ni à votre espèce. Alors je n'ai aucun remord ni aucun complexe à vous dire la vérité crûment. Si ça ne vous plaît pas, je suis désolé, mais c'est du pareil au même. Vous n'agissez pas en princesse, mais en enfant gâtée !
- Vous ne me connaissez même pas ! Objecta la princesse
- Pas besoin : j'en ai assez vu. Redcross vous a dit de ne pas venir, et vous avez fait tout le contraire ! Maintenant, certains de vos gardes sont morts, et d'autres sont sérieusement blessés. Kouiros lui-même est dans un sale état. Et nous, on est coincé en tentant de vous sortir de là en un seul morceau...
- Mais je ne suis pas responsable de...
- Allez dire ça à votre collègue là-bas avec les tuyaux dans le bide... Manuel désigna l'entrée où ils avaient vu le cadavre.
- Silence ! » La voix de Marilyn résonna dans le parking. Les deux protagonistes tournèrent la tête vers la jeune femme qui sortait de l'ombre. « Doux-dingue, tu fermes ta gueule en même temps que ta bécane et tu pionces : t'es naze ! Dors !
- Mais je...
- C'est un ordre !
- Bien Major ! »
Manuel s'exécuta et attendit. S'il avait faillit s'endormir tout à l'heure, là, il était bien trop énervé. Marilyn s'excusa de son comportement auprès de la princesse, elle mit la réaction sur le dos de la fatigue et du stress. Cette dernière ne répondit rien, Manuel voyait bien, par l'intermédiaire de ses caméras, qu'elle continuait de fixer son AMC. Sa supérieure poursuivit en lui demandant d'aller se reposer à coté de Redcross au fond du parking. Le pilote vit la chimère s'enfoncer dans la pénombre pour rejoindre sa collègue blessée et l'infirmier. Marilyn resta un moment à regarder l'armure de Manuel avant de retourner à sa machine. Seul, Manuel éteignit les éclairages de sa machine, se replongeant dans le noir.
Il n'eut l'impression de n'avoir que fermer les yeux avant que Fernand ne signale l'arrivée d'une personne à l'extérieur. Le jeune pilote reprit sa position de surveillance de la barricade. Marilyn demanda à ce que tout le monde reprenne sa position de défense, tout en sachant que c'était déjà le cas. Un-à-un, les différents soldats présents signalèrent qu'ils étaient réveillés et qu'ils avaient repris leurs postes. Ceux restés dehors signalèrent leurs positions et les cibles possibles à leurs dispositions. Marilyn assimilait les informations, avant de déclarer :
« - OK. A tous, je vais sortir, restez en alerte. »
Manuel entendit peu après la discussion entre le Major et le conseiller Sanchez. Dans ses souvenirs, le conseiller était un homme sec et vieilli par la vie difficile dans la zone dévastée. Malgré cela, lorsqu'ils s'étaient rencontrés, le vieil homme n'avait jamais quitté son sourire, sa bonne humeur ou sa voix enjouée. Mais ça remontait à pas mal d'années maintenant et ce qu'il entendait de la discussion était bien différent de ce gentil papy...
Il n'avait aucun visuel sur le vieil homme.
« - Twister ? C'est bien monsieur Sanchez ? La voix et le ton me semblent différents...
- Ouais, c'est bien mon oncle, je le vois, et je te garanti que c'est lui... Major ? Dites-lui que je suis dans l'armure noire. Dites mon nom. Dites aussi que Manuel est là. Il le connaît. »
Manuel entendit la major profiter d'une ouverture pour passer l'information à son interlocuteur. Celui-ci demanda immédiatement à rencontrer les deux jeunes. Elle lui répondit que cela se ferait à l'intérieur du parking. Il acquiesça.
« - OK... Doux-dingue, tu prend la place de Redcross, Redcross prends la place de Twister qui prends la place de Doux-dingue. Faites le dans cet ordre. Désolé Twister, y'a pas la place pour ta machine près des chimères. »
Un à un les pilotes acquiescèrent. Et ils commencèrent leurs déplacements. Manuel rejoignit Redcross près des créatures. Celui-ci partit en direction de la sortie. Manuel ralluma ses projecteurs pour permettre aux chimères de s'habituer à la lumière avant de rencontrer le conseiller. Ce faisant, il interrogea Redcross sur la blessée :
« - Comment va-t-elle ?
- Mal. »
Le jeune homme choisit de ne pas demander plus de précisions. Sous ses yeux, l'espèce de tapir était toujours inconscient. Juste à coté, la chimère blanche et bleue cligna les yeux quand il alluma la lumière. Mais elle ne bougea pas, elle ne lui accorda pas un regard, elle semblait préoccupée.
Les minutes s'écoulèrent comme des heures. Dans son casque, Manuel entendit Marilyn le prévenir : ils arrivaient pour voir les chimères.
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