5 : Silridriss (3/3)

Manuel marchait en ville. Après être arrivé à Clermont-Ferrand vers neuf heures il avait demandé à pouvoir aller voir sa famille. Marilyn ne le lui autorisa qu'après le débriefing. Il s'y plia.

Fernand avait demandé la même chose, mais ça ne s'était pas passé comme prévu. A peine sorti de la salle, il avait été, tout comme Grundig et Oneshot, mis en quarantaine par le service médical. Les médecins ne le laisseraient probablement sortir que lorsqu'ils auraient identifié comment la chimère les avait soignés.

Le jeune homme savait qu'il serait bientôt appelé car ils allaient faire le mur. C'était certain.

En attendant, il marchait dans les rues en direction de la maison de ses parents. Son armure portant encore le camouflage militaire et le symbole de l'escadron Rock il ne pouvait pas sortir avec. Il aurait pu prendre le bus. Mais, après ce qu'il avait vécu là-bas, il préférait marcher. Il se sentait... un peu plus vivant. Il posait son regard sur tout ce qui l'entourait comme s'il voyait le monde avec un regard de nouveau né.

Il passa devant son lycée. Sachant que demain il y retournerait, avec pour objectif de rattraper les cours manqués. Autrefois, il aurait soupiré face à la corvée que ça allait être. Là, il prit cela comme des vacances.

Ses pas le menèrent jusqu'à la maison. Il sentit l'odeur du pain chaud fraîchement sorti du four dés la rue précédente. Il sourit. Sa mère tenait la boulangerie en dessous de la maison. Sa sœur et lui en avait un jour eu assez de voir leur mère se lever à des heures pas possibles pour travailler. Ils avaient alors travaillé ensemble pour la première fois. Ils avaient crée un automate pour lui permettre de dormir plus longtemps le matin. A l'origine, le système ne devait que récupérer les ingrédients puis malaxer la pâte. Avec le temps, le système s'était compliqué et a intégré des systèmes de pesages, et de façonnage du pain. Seules les viennoiseries étaient restées faites mains. Quand à la cuisson, sa mère avait refusé un contrôle de la cuisson considérant que c'était à elle de surveiller.

Il s'était rapproché et voyait sa mère s'activer pour servir ses derniers clients avant de fermer pour la pause de midi. Mylène n'allait probablement pas tarder non plus.

Lorsqu'elle le vit arriver, elle se figea. Sa cliente lui passa commande mais elle l'ignora. Elle fit le tour de son présentoir pour aller enlacer son fils.

Manuel l'enlaça également.

« - Salut maman.

- Tu vas bien ? Tu n'as pas été blessé ? Ton père m'a dit que vous aviez eu des problèmes là-bas. Qu'il y avait eu des morts...

- Oui, mais je n'étais pas là quand c'est arrivé, je n'ai pas participé à tous ça. »

Intérieurement, il n'avait pas envie de dire qu'il avait été livré à lui-même avec deux autres soldats au milieu de nulle part. Que dans ce qu'il s'était passé, il avait été un des plus exposés. Elle s'était inquiétée, il voyait les cernes et le visage tiré. Si jamais il devait repartir qui sait ce qu'elle imaginerait. Il vit les clients commencer à s'impatienter.

« Je vais t'aider à la boutique en attendant que Mylène revienne. Papa vient manger ? »

Elle répondit que non : depuis que les carcasses des machines bizarres étaient à la base, il rentrait tard le soir. Elle lui demanda ce qui s'était passé.

Sûrement les machines Silridriss... pensa Manuel avec un frisson dans le dos. Sa mère ne vit rien.

Il commença à raconter tout en aidant sa mère qui avait repris son commerce. Il évita soigneusement de parler du fait qu'il avait affronté les Silridriss près de la cité chimère. Il vit cette dernière le regarder d'un œil inquiet à chaque fois qu'il lui disait qu'il avait parlé à une chimère.

Lui dire que je me suis violemment fritté avec des Silridriss n'est pas forcément la meilleure idée...

Il finissait son histoire alors qu'elle fermait à clé. Ils montèrent dans l'appartement familial pour le repas de midi. Il mit la table pendant qu'elle s'affairait aux fourneaux. Elle alluma la télévision sachant que les nouvelles ne seraient pas forcément bonnes. Les journaux, quels qu'ils soient, préféraient généralement voir les mauvaises nouvelles.

Mylène rentra, et, lorsque ses yeux se posèrent sur son frère et se jeta à son cou. Ça faisait si longtemps que sa sœur ne l'avait pas enlacé que c'en fut presque gênant. Elle riait, en répétant : « Tu es vivant » le tout entrecoupé de jurons.

La mère de Manuel revint avec un plat qu'elle tenait dans un torchon. Elle leur demanda de s'asseoir que le repas était chaud. Sa sœur ne cessait de l'interroger sur ce qui s'était passé. Ils avaient baissé le son de la télévision pour l'écouter. Sa place habituelle était généralement dos à la télévision, comme son père. Sa mère et sa sœur était en face de lui. Et il lui répondait la même chose qu'a sa mère. Puis, soudain, ce fut le silence. Sa mère se figea devant la télé et sa sœur se bloqua avec le verre d'eau aux lèvres. La main gauche maternelle chercha un moment la télécommande avant de la trouver. Elle monta le son. Manuel se retourna lentement sachant déjà ce qu'il allait y trouver.

Il y avait une carte avec un point rouge. Le présentateur expliquait le déroulement des opérations qui avaient eu lieu dans le territoire Chimère.

Ça ne sent pas bon pour moi, avec un peu de chance, ma petite escarmouche passera inaperçue. Espéra Manuel.

Après les mises en garde contre les vidéos pouvant être violentes l'écran montra des images de l'escarmouche ayant eu lieu près du poste avancé. Manuel les identifia comme provenant des enregistrements provenant d'armures de combat et d'autres qui avait dû être pris par les journalistes présents. L'ensemble des tirs, des explosions, des armures qui s'esquivaient, se mettaient à couvert, ripostaient avant de changer de nouveau de position. Tout cela conférait à ce qu'ils voyaient un aspect extrêmement violent de ce qu'il s'était passé. Manuel lui-même estima que ses trois amis blessés avaient eu de la chance de s'en tirer.

L'image revint sur le présentateur qui termina en expliquant que malgré cette attaque les négociations avaient eut lieu et qu'elles se poursuivraient.

Ouf... J'ai eu de la chance : je m'en tire à bon compte...

« - Voici maintenant une histoire tout à fait extraordinaire. De celles qui alimentent les légendes. Alors que la bataille faisait rage autour du poste avancé, un petit groupe de trois soldats de l'escadron Rock s'est retrouvé isolé de la base... »

Merde...

« ... A l'origine pour une mission d'assistance. Celle-ci s'est rapidement transformée en une mission de sauvetage... »

Merde, merde...

« ... La suite en images. »

Merde, merde, merde... Véronique, je vais te buter ! Hurlait intérieurement Manuel en se cachant le visage derrière une main dont les doigts, écartés lui permettait de regarder quand même la télévision.

Le présentateur expliquait tout ce qu'il s'était passé. Au fur et à mesure des commentaires, et des images, Manuel glissait lentement de son siège.

On vit sa première altercation avec le Sarback Silridriss. Suivi du sauvetage de la princesse. Un savant montage présentait l'ensemble comme très bien préparé... Alors que tout avait été complètement improvisé. Au moment ou l'on vit l'armure de Manuel courir avec la princesse sous les tirs adverses, images prisent par un de ses deux équipier ou par Véronique, il y eu le bruit de chute et du verre brisé.

La mère de Manuel venait de s'écrouler.

*

* *

*

Manuel s'était assis sur une chaise contre un des murs de la salle d'attente de l'hôpital. Il avait les bras sur les dossiers vides des deux sièges à coté de lui. Sa tête, accolée au mur derrière lui ce qui le forçait à regarder le plafond. Il s'inquiétait pour sa mère et il ressentait de la culpabilité de ne pas lui avoir dit la vérité. Un mélange qui provoquait un malaise assez important. Il aurait tout donné pour pouvoir échanger sa place avec quelqu'un d'autre, tout en sachant qu'il était le seul et unique responsable de cette situation.

« - Comment va-t-elle ? » demanda une voix qu'il connaissait bien.

Le fils baissa la tête pour regarder son père, la mine inquiète.

« - Elle a fait une syncope. Elle est en train de s'en remettre. J'ai pas trop envie d'aller dans sa chambre : elle va encore me passer un savon et me dire d'arrêter tout ça...

- Elle s'inquiète tu sais... Lui dit son père en s'asseyant à coté de lui.

- Oui, mais ils n'ont montré que ma performance aux infos... ou du moins maman n'a pu voir que celle-là, après elle est tombée dans les pommes. J'étais pas tout seul. Je reconnais que c'était dangereux comme manœuvre. Mais je ne connais pas de mouvement parfaitement sûr sur le terrain...

- Tu lui as monté un plan. C'est ça ? »

Manuel garda un silence gêné. Oui, il lui avait menti. Il lui avait dit qu'à aucun moment il n'avait été en danger alors que la réalité avait été toute autre.

« - Oui. » répondit simplement Manuel.

« - Où est-elle ? demanda son père après un court instant.

- Troisième porte à droite avec Mylène. A l'origine, je ne voulais pas qu'elle s'inquiète.

- Je sais.

- Dis-lui que je suis désolé et essaye de lui expliquer mon point de vue. Si c'est moi, elle ne voudra jamais m'écouter. »

Son père lui répondit par un sourire. Sur ce point là, ils étaient d'accord : sa mère ne l'écouterait pas.

« - J'essayerai... déclara doucement le professeur Ferreira en se levant, Autre chose... j'ai pu parler avec... comment s'appelle-t-il déjà ? ... Ah ! Oui ! Redcross ! Je lui ai donc parlé ce matin. Lui, m'a tout raconté. Je le crois donc volontiers quand il m'a dit que c'était toi qui avais monté l'opération... »

Manuel pris un visage horrifié.

« ... je te rassure, je n'en parlerais pas à ta mère. Ce que je voulais te dire, c'est que, compte tenu du matériel que vous aviez, cette manœuvre était la meilleure à effectuer. Et vous l'avez réalisée avec brio. Il est clair, que comme ta mère, j'aimerais que tu sois dans un endroit plus calme, plus sécurisé. Mais, ces choses auraient tout aussi bien pu apparaître en plein milieu de Clermont-Ferrand.

Je ne ferais que te répéter ma demande : fait preuve d'une extrême prudence. J'ai pu croiser le pilote d'une de ces machines, crois-moi : ils ne feront pas de prisonniers. Ou alors très peu.

- Je l'ai rencontré aussi je crois. Il ne serait pas du genre modeste ? »

L'allusion fit rire le professeur Ferreira. Il lui confirma avec ironie que la modestie était la principale qualité de ce prisonnier. Puis ils se quittèrent en disant qu'il allait voir Mme Ferreira.

Manuel reprit sa position d'avant sa rencontre avec son père. Avant de remarquer que du personnel soignant le regardait avec une certaine insistance. Que ce soient les hommes ou les femmes, sa mère savait qu'elle ne devait dire le nom de son escadron à personne. Néanmoins elle avait dû dire quelque chose qui faisait qu'il était désormais au centre de toutes les attentions.

Il se leva, et prit la direction de la maison. Dans peu de temps, il devrait de préparer à aller au restaurant avec Marilyn.

Une idée qui lui particulièrement agréable. Il verrait sa mère quand elle se serait calmée.

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