5 : Silridriss (2/3)
Le voyage se passa sans problèmes, mais, à leur arrivée, une surprise les attendait. Le poste avancé avait été attaqué. Une partie des bâtiments avaient été éventrés, d'autres avait des traces d'impacts, certains avaient dû prendre feu et d'autres encore étaient miraculeusement intacts. Dans un premier temps, le petit groupe fut méfiant. D'autant que de nombreuses carcasses parsemaient la clairière autour du stade. Mais ils virent une AMC monter la garde, elle portait les symboles de l'escadron Revenant.
Ils sortirent de la forêt en se demandant si l'attaque qu'ils avaient constatée hier contre les chimères avait eu lieu ici aussi.
Beaucoup de personnes n'eurent aucune expression en les voyant arriver. Un peu comme si on accueillait un invité dans une maison qui avait subit un ouragan. Ils virent le roi Shershen, entouré de quatre chimères, en train de discuter avec les diplomates. A leur cotés, le commandant Sarlen. Ce dernier remarqua leur entrée, s'excusa et vint à leur rencontre. Ils rangèrent leurs machines là où elles le devaient. Ils constatèrent qu'il manquait des AMC. Deux d'entre-elles pour être précis. Celles de Grundig et de Twister. Celle de Onehot semblait sérieusement endommagée.
Le commandant attendit patiemment que les machines soient éteintes et s'en soient sortit avant de parler :
« - Est-ce que ça va messieurs ? Ça fait presque vingt-quatre heures que l'on n'a pas de nouvelles de vous. Je commençais sérieusement à douter des capacités de communication de nos invités. D'autant qu'on a un brouillage qui viens de se créer. Alors ? Que s'est-il passé ? »
Les trois pilotes racontèrent alors tout. Il fut à peine surprit d'entendre les explications du combat ou des différents soins effectués là-bas. Il ne tiqua même pas lorsque qu'ils lui annoncèrent que le brouilleur était avec eux. Il était au courant, c'était visible, mais il semblait enclin à vouloir entendre l'histoire de la bouche même de ses hommes.
« - Bon, laissez ce bazar ici, l'hélico va venir le chercher pour étude, dit-il en sous-entendant le brouilleur, et allez filer un coup de main aux équipes derrière : ils ont besoin de bras. Vous en profiterez pour faire votre rapport à votre major. »
Ils trouvèrent le major Targin là où on le leur avait indiqué. Elle était dans un groupe de soldats équipés de pelles et de pioches. Ils creusaient. Il y avait deux ou trois chimères présentes. Mais elles se contentaient de regarder, comprenant que c'était là un rituel que d'enterrer les corps des décédés. Ils passèrent à coté d'une vingtaine de corps humains recouvert de bâches, avec, à coté, une dizaine de sacs comportant les restes des chimères qui s'étaient battues pour défendre le poste avancé. Manuel se sentit un peu mal, comme coupable d'être encore en vie, mais il ne dit rien. Son regard s'attarda sur les corps sans vies son visage ne montra aucune expression.
Il ne pensait rien.
Lorsque la guerre contre les chimères commença, les pertes furent énormes et les gouvernements abandonnèrent l'idée de ramener dans leurs pays d'origine les soldats tombés. Non pas parce que cela coûtait cher, mais parce que cela supposait qu'il y ait un itinéraire sûr pour que le transport se fasse sans encombres. Rien n'était moins sûr que les routes à ce moment là. Et les généraux avait préféré concentrer leurs troupe sur le combat plutôt que de les risquer dans des guets-apens. On ne pouvait pas non plus les laisser à l'air libre pour deux raisons : la première cela pouvait provoquer des épidémies. Et la seconde, ils s'étaient battus et ne méritaient pas de finir ainsi en charogne pour animaux sauvages. Ils étaient donc enterrés près de la base où ils étaient en poste. Dans le cas présent, c'était le poste avancé.
Il se détourna et aida les soldats présents à creuser des trous pour les corps. Sans mot dire. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que Fernand, Grundig et Oneshot n'étaient pas présent.
« - Major ? demanda-t-il redoutant la réponse à la question qui lui brûlait les lèvres.
- Si tu veux me parler de ce qui s'est passé lors de votre petite excursion, c'est inutile : Je suis déjà au courant.
- Non... c'était pour autre chose... Où sont les autres ?
- A l'hospice, je te rassure, ils vont bien. Ils ont tous reçu des blessures plutôt graves. Compréhensible : ce sont eux qui ont fait le plus de dégâts sur nos adversaires, alors ils ont concentré les tirs sur eux. Twister a perdu son bras gauche et s'est vu les deux jambes fracturées en plusieurs endroits. Grundig à vu une partie de son visage enfoncé et Oneshot a eu le bras droit en miettes. Mais ils ont tous été soignés par une chimère qui a tout remis en place et a fait repousser les membres perdus. Impressionnant à voir, réellement. Leur soigneur a ensuite préconisé qu'ils se reposent une petite journée. Leurs machines sont toutes les deux irréparables ici alors elles ont été ramenés à Clermont. Quand à l'armure d'Oneshot, les techniciens peuvent s'en occuper ici. »
Marilyn parlait avec une grande mélancolie.
« - Que s'est-il passé au juste ?
- Ces trucs, là, les Silridriss, ils se sont approchés sous le couvert des arbres. Une chimère les a repérés alors qu'ils se dirigeaient vers la cité chimère. Par chance, ou par malchance, ils l'ont eux aussi repérée. Elle a prévenu toutes les chimères et elle a foncée dans l'endroit sécurisé le plus proche. C'est-à-dire ici.
Le roi a alors coupé court à toute négociation pour que nous soyons prêt à les recevoir. Le poste de commande a alors changé les règles d'engagement et a demandé un soutien aérien. A partir de ce moment les seules nouvelles que l'on avait de vous provenaient des chimères. On a bien envoyé un drone pour votre support mais il est devenu incontrôlable et s'est écrasé.
L'escadron a eu pour mission de se placer sur le flanc avant gauche du poste avancé et d'attendre le signal pour prendre notre adversaire entre deux feux. Si jamais ils s'avisaient de nous attaquer bien sûr. Revenant et Vipère ont pris position dans le poste avancé. Que les chimères avaient décidé de nous aider à nous défendre.
Ils n'ont pas attendu de sortir de la forêt avant d'ouvrir le feu les salauds. Ils sont sortis à dix. Et on a riposté aussi sec, comme les mecs de l'avant-poste. Les balles creuses n'ont pas vraiment eu d'effets contre ces machines. Mais les débits que Grundig et Twister ont crachés par les gatlings ont quand même eu raison de deux d'entre eux. Oneshot en a eu un aussi.
C'est à partir de là ça a merdé. Grundig, Twister et Oneshot sont devenus leurs cibles principales. Ils en ont pris plein la gueule. Leurs armes n'étant pas très efficaces contre notre blindage non plus, ils sont passés au corps à corps. Sur les sept qui restaient, ils en ont eu cinq sur le dos. Les deux derniers ont copieusement arrosé l'avant poste. Qui lui semblait vulnérable. Et ça ripostait sec... Quelques chimères s'en sont mêlées, mais elles n'ont pas fait vingt mètres.
L'avant-poste a alors demandé notre retrait : les hélicos arrivaient. On n'a pas réussi à se sortir du guêpier où on était fourrés. Heureusement que les systèmes anti-tirs amis ont été efficaces. Néanmoins, nos trois zozos ont été salement amochés.
Les chimères nous ont alors prévenus votre altercation avec un Silridriss, de votre besoin de soutien aérien ainsi que l'efficacité des charges creuses. Elles se sont montrées des plus curieuses sur cette munition.
Voilà, tu sais à peu près tout. Tu as eu du nez de prendre cette arme. Vous ne vous en seriez jamais sorti sans ça.
- Qui est mort ?
- Essentiellement du personnel non combattant qui a cherché un abri dans les bâtiments. Et les chimères qui sont sorties du périmètre de sécurité. »
Manuel ne répondit rien : par soucis de ne pas paraître trop agressif, les baraquements fournis étaient non blindés. Il ne pouvait pas blâmer celui qui avait pris la décision : il aurait pris la même. Mais des gens étaient morts. Les Silridriss avaient attaqués sans aucune sommation. Ils n'avaient pas cherchés à différentier leurs adversaires. Un flagrant cas de ''Casus Beli''.
La Major déclara une pause d'un petit quart d'heure. Avec l'aide de Manuel, elle quittta la fosse qu'elle avait aidée à creuser. Elle fit quelques pas avant de s'asseoir, adossée à un reste de bâtiment. Manuel s'assit à coté d'elle.
« - Où sont les carcasses ? Demanda-t-il.
- Parties au centre de recherche. Mais, il y a plus intéressant.
- Ah ? Quoi donc ?
- Ah ?! Tiens ?! On dirait que j'ai piqué ta curiosité... »
Elle souriait, et ne l'avait pas vu sourire depuis longtemps maintenant. Et, après la tête d'enterrement qu'il avait vu, il se sentait soulagé de voir ce visage reprendre quelques couleurs.
Il la bouscula d'un coup de coude et elle s'inclina sur le coté sans pour autant tomber. Elle riait.
« - Me fait pas attendre... commença Manuel.
- Ou sinon ?
- J'annule ma réservation pour deux au restaurant quand on rentrera.
- Et avec qui comptais-tu y aller ? demanda la jeune femme piquée au vif.
- Étant donné que je ne mélange pas vie privée et boulot, Major, je vous dirais juste son nom : Marilyn. »
Le Major rit de bon cœur en entendant son propre prénom. Elle joua le jeu.
« - Pauvre femme... Elle n'est probablement même pas au courant. Tu devrais la prévenir avant qu'elle ne prévoit autre chose ce jour-là.
- J'y penserais.
- Allez, viens, je vais te montrer. »
Marilyn se leva, et prit la direction d'un bâtiment en particulier. Manuel l'identifia immédiatement comme étant celui de la prison. Ce n'était pas un bâtiment censé être utilisé ici car aucune chimère n'aurait pu y rentrer, mais il faisait parti de l'ensemble qui avait été amené. Une chimère et deux soldats semblaient monter la garde devant la porte.
Marilyn discuta un peu avec eux avant de demander :
« - Peut-on le voir ?
- Vous connaissez la procédure Major : je rentre avec vous... Dit un des gardes, en mettant une balle dans le canon de son arme.
- Et pas de contact physique. Je suis au courant. Compris Doux-dingue ? »
Manuel hocha la tête. La curiosité poussée à son paroxysme.
La salle dans laquelle ils pénétrèrent était composée de chaises en face d'une baie vitrée. de l'autre côté de cette dernière, une table sur laquelle était posée un micro et un haut-parleur. La salle était dénuée de tout autre élément. Les murs, blancs et les néons éclairaient l'ensemble d'une lumière froide.
Manuel s'approcha de la baie vitrée. Ce qu'il vit derrière le sidéra en même temps qu'il comprenait implicitement ce que c'était.
La créature qui se trouvait derrière sortait tout droit d'un jeu de rôles d'Héroic-Fantasy : un homme-lézard. Assis sur la seule chaise de la pièce il avait une carrure à faire pâlir un catcheur, la créature atteignait facilement le mètre quatre-vingt dix. Le visage reptilien s'approchait plus du dragon de komodo que l'homme. Manuel reconnut le casque et le collier des Chimères. Les yeux étaient jaunes, tranchés à la verticale par une bande noire. La peau, recouverte d'écailles vertes et noires, fournissait une protection naturelle à tout élément extérieur. Vêtu d'une sorte de tee-shirt en cuir sans manche et d'un pantalon de mailles dépoli on l'aurait cru provenant d'un roman post-apocalyptique.
Il portait également une paire de bottes et des gants de cuir brun. Son bras gauche était dans une écharpe et l'épaule du même coté était bandée de gaze. Sa gaze était tachée d'une couleur jaune-ocre en un seul point.
Manuel n'arrivait pas à se détacher de ce regard.
On y lisait de la colère et la haine. S'ils avaient été du même coté de la vitre, il aurait cassé tout le monde en deux avec une seule main. Et sans forcer. Son regard allait aux différents protagonistes présents avec un mélange de défi et de haine.
« - C'est un ... ?
- Oui, c'est un Silridriss. Sacrée bestiole hein ? »
Manuel se rapprocha de la vitre comme hypnotisé. Il observait le Silridriss comme un gosse de dix ans qui voyait un lion pour la première fois.
Il tourna la tête pour regarder Marilyn.
« - Comment avez-vous ...
- Attention ! » Hurla le garde attrapant Manuel par le col pour tirer vers l'arrière. De l'autre main il pointa le fusil vers la créature.
Manuel tomba en entendant la vitre vibrer très fortement. Le Silridriss s'était rapidement levé et avait tapé sur la vitre au moment même où il avait tourné la tête. La vitre avait tenu.
« - Si tu fais le con je suis autorisé à te plomber connard ! Pour être franc, je n'attends que ça. Alors vas-y ! Fais moi plaisir: Essaye de te barrer... déclara le garde sans desserrer les dents.
- Apprenez à connaître votre place créatures inférieures ! Siffla doucement le Silridriss. Votre faiblesse est telle que votre monde tombera comme les autres avant lui... »
Manuel se releva sous le regard méprisant de l'homme-lézard. Le collier lui permettait de parler. C'était une voix à la fois rauque et sifflante.
« ... Vos armes sont inefficaces contre nous : vous l'avez vu vous-mêmes. Vous devez être plus d'un pour nous infliger des pertes. Nous vous massacrerons à l'épée. A moins que vous ne juriez fidélité à la déesse-impératrice, vous serez anéantis. »
Marilyn allait répondre mais Manuel la devança.
« - Qu'est-ce qui vous fait croire que nous sommes vos inférieurs ?
- Tais-toi le faible ! Tu ne tiens même pas sur tes genoux. Si ça ne tenait qu'a moi, je t'aurais déjà achevé ! De tous les inférieurs tu es vraiment le plus pathétique que j'ai vu.
- Je crois que tu te trompes, intervint Marilyn. Je pense que tu te dis que tes copains vont venir pour te libérer. Oublie : ils sont morts. Et ce jeune garçon en est en grande partie responsable. C'est l'un de nos meilleurs pilotes. Le roi et la princesse sont saufs.
- Continuez à me mentir ainsi et quand je sortirai je vous tuerai tous dans les pires souffrances... Et si c'est là votre meilleur combattant vous serez en mesure de nous résister moins longtemps que je ne l'imaginais.
- On a éclaté cinq machines à vous près de la cité chimère. Une à flanc de montagne et les quatre autres près de l'entrée. On sait que vous vous êtes repérés grâce à une balise que la princesse avait sur le dos...
- Je ne vous crois pas, quant à cette esclave, elle va bientôt mourir. Comme les trois inférieurs dans leurs pathétiques copies de Sarback. Et son père suivra, déclara le Silridriss une lueur sadique et jubilatoire dans les yeux.
- Elle est en ce moment conduite dans un centre spécialisé car les hautes instances supposent que vous avez piégé la balise. Si le "Sarback" est cette espèce de machine noire avec laquelle vous nous avez attaqués alors il est bon que vous sachiez que ces trois-là sont vivants et en bonne santé. Ce pilote est d'ailleurs l'un d'entre-eux. »
Le Silridriss ne répondait rien. N'y croyant pas du tout.
« Vous voyez, reprit Marilyn. Je ne suis pas des plus fortes physiquement, si j'étais dans la même pièce que vous, je ne doute pas un seul instant que j'aurais été mise en morceaux. Seulement... je fais fonctionner mon cerveau. L'espèce qui a échoué dans ses objectifs n'est pas la mienne. Et, celui qui est prisonnier ici ce n'est pas moi. Alors de nous deux... demandez-vous maintenant qui est supérieur à l'autre. Je ne vous demande pas d'utiliser cette espèce de complexe de supériorité dont vous sembler faire une indigestion à force de vous en nourrir. Non, je vous demande de réfléchir.
- Qu'est-ce qui vous fais dire que nous n'avons pas atteint nos objectifs ? demanda le Silridriss avec un semblant de sourire sadique.
- Le simple fait que vous l'évoquiez me suffit. Si vous aviez autre chose en cours vous n'auriez rien dit ça de peur de nous mettre sur la piste. Au contraire : vous espérez que l'on va se mettre à chercher partout en gaspillant de l'énergie. A ce sujet je vous en remercie. Je vous demandais de réfléchir... Mais à l'évidence vous en êtes incapable. J'avais oublié que le cerveau reptilien est le plus primitif qui soit. »
La vitre vibra de nouveau sous le coup que lui asséna le Silridriss.
« - Dehors. » murmura le garde.
Manuel sortit, derrière Marilyn.
« - Je te tuerais Esclave ! Je prendrais grand soin de te faire souffrir mille morts avant que celle-ci soit effective...
- Garde ta salive ! cria Marilyn, coupant la parole au Silridriss. Tu vas en avoir besoin quand les spécialistes de l'interrogatoire vont venir. Tu vois, je ne suis même pas une expert et je te fais dire ce que je veux... je te garantis que tu vas t'amuser avec eux... »
« - Eh bien, je crois que tu t'ai fait un ami pour la vie,constata Manuel
- On dirait bien, mais maintenant on sait à quoi ils ressemblent.
- Pourquoi ont-ils le même collier et la tiare que les chimères ?
- As-tu vu la chimère qui était de garde ?
- Oui.
- C'est elle qui assure le lien avec ces éléments. Il ne les avait pas quand on l'a attrapé. Ce sont les chimères qui lui ont mis afin que l'on se rende compte du danger. En le voyant sortir d'une épave, elles ont immédiatement deviné de quel individu il s'agissait. Au fait, je croyais que vous aviez déjà enlevé la balise du dos de la princesse ?
- C'est le cas... mais lui ne le sait pas. Et c'est quoi le programme maintenant ?
- On fini d'enterrer les morts et on rentre. Si avant ils avaient besoin de nous car nous sommes considérés comme des civils. Et qu'ils ne voulaient pas paraître trop agressifs envers les chimères. C'est désormais une opération militaire à part entière. Dans tout les sens du terme. Alors demain, ils embarquent les bâtiments pour les remplacer par une véritable place forte. Revenant et vipère restent et ils seront renforcés par un régiment d'infanterie. Nous, on n'a plus rien à faire ici, on s'en va. Demain matin vers sept heures.
- Bon je vais voir nos trois blessés et je te rejoins sur le chantier.... Indien ?
- Pardon ? demanda Marilyn.
- Demain soir, un poulet tandoori ? Moi, ça me tenterait bien...
- Va pour un restaurant indien. » Confirma Marilyn après un petit rire.
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