5 : Silridriss (1/3)


Le dortoir des chimères était une immense salle cylindrique dont l'axe était vertical et auquel on accédait par la base. Elle était enterrée au centre de la montagne. Les parois étaient parsemées d'alvéoles de plusieurs mètres de diamètre qui servaient de chambres. En haut, des cristaux fournissaient une lumière jaune blafarde. Ce qui avait l'avantage de permettre à ceux qui le désiraient de dormir tout en autorisant ceux qui voulaient entrer ou sortir de se repérer. Un escalier en colimaçon permettait l'accès à pieds aux différentes alvéoles. En face de l'alvéole placée sous l'escalier en colimaçon, étaient rangées en ligne les armures de Redcross, Dionysos et Manuel. Le camion du médecin était ailleurs pour ses opérations.

Redcross entra dans la salle et se dirigea droit vers cette emplacement. La veille, les chimères la leur avaient confiée pour y dormir. Il s'assit à l'entrée et attendit un instant avant de murmurer :

« - On a un souci... La princesse-peluche ne se réveille pas.

- Et ? demanda Manuel du fond de la grotte dans le même murmure.

- On a d'abord cru qu'on avait merdé en la sauvant, mais les soigneurs de chez eux ne savent pas ce qu'elle a : théoriquement elle est en bonne santé. En cherchant un peu doc à trouvé un truc bizarre. Je crois que tu devrais venir voir ça... »

Il y eu un mouvement dans la pénombre, au fond de l'alvéole.

« - Hé, Doux-dingue... Pour ce qui s'est passé hier, tu n'avais pas le choix : c'était eux ou nous...

- Il y avait probablement des gens dans ces machines... et je les ai tués, se morfondit-il.

- Si tu ne l'avais pas fait, eux, n'auraient pas hésité. Je te le répète, tu n'avais pas le choix.

- Je sais, coupa Manuel. Mais... ils étaient vivants hein... et puis, j'ai du mal à accepter le déchaînement de violence que j'ai vu. Sur le coup... je dois dire, on ne se rend pas compte... on est dans l'action, comme dans le simulateur... Mais en vrai !... Ce n'est pas une simple bagarre de rues !

- T'inquiètes, j'ai été comme toi autrefois. Ça passera. Avec le temps... En attendant, on a besoin de toi.

- Je te suis.

- Autre chose, tu t'es super bien débrouillé pour ton baptême du feu. Félicitations. »

Le jeune pilote quitta l'alvéole. Il avait les cheveux en bataille et sa combinaison de pilote, froissée, n'était pas fermée jusqu'en haut. Ses yeux étaient rouge d'avoir trop pleuré et pas assez dormi. Redcross se rendit compte que ce jeune homme, qui pouvait être le meilleur combattant qu'il ait rencontré, sortait à peine de l'adolescence. Il sortit et guida Manuel à travers tout un dédale de galeries éclairées elles aussi par la lumière blafarde. Ils arrivèrent dans une salle gardée par deux chimères où coulait une petite cascade dans un étang intérieur. Il y avait Kouiros, le docteur Rosebrune, Dionysos, Véronique et la fille du roi des chimères inconsciente. Toutes les personnes conscientes tournèrent la tête à son entrée.

*

*      *

*

« - Ha ! Fit le docteur en le remarquant. Vous voilà, venez, j'ai quelque chose à vous montrer.

- A l'origine on était venu pour soigner une chimère... on peut savoir ce qu 'elle avait ?

- Elle a pris une balle creuse et a survécu... mais si les chimères ont parfois les pouvoirs pour soigner les chairs ils n'ont pas la capacité de retirer les corps étrangers... Et les balles creuses en font beaucoup. »

Le médecin s'approcha de son ordinateur portable. Manuel le suivit aussi sans mot dire. Un hologramme sorti de la machine pour montrer la chimère en trois dimensions. La chimère était de couleur rouge. Mais elle avait un élément bleu sur le dos. Ça ressemblait à un homard qui se serait fixé à sa colonne vertébrale près de la nuque avec des pinces qui descendaient de part et d'autre du cou.

« - C'est quoi ça ?

- Justement, on ne sait pas... tout ce que l'on sait, c'est que cela n'appartient pas aux chimères. C'est métallique. Quelque chose que les chimères ne maîtrisent pas. Elle est tombé dans les pommes peu avant l'attaque des Silridriss.

- Des quoi ?

- Ha, oui, tu étais dans un état second quand Monsieur Kouiros en a parlé... Pour faire simple, ce sont ceux que l'on a affronté hier.

- Et la tiare ? Et les colliers ? Ils ne sont pas en métal ? »

Kouiros s'approcha et baissa sa tête au niveau de Manuel en lui disant de toucher. Ce que Manuel fit. Cela ressemblait à du métal mou, comme de la pâte à modeler, et laissait un film visqueux sur les doigts. Rien à voir avec ce qu'il imaginait.

« - Est-ce que l'on a réussi à contacter le poste avancé ?

- Non, je ne vois ce que cela a à voir avec ce truc... dit Dionysos.

- Je crois que j'ai une petite idée de ce qu'est ce truc, évoqua Redcross, On n'était pas loin de la cité lorsque celle-ci a été attaquée. Étrangement, au même moment, madame tombe dans les vapes et un gros brouillage apparaît. Le brouillage est localisé car le poste avancé a pu nous envoyer les renforts aériens demandés. Cela signifie que le brouillage n'est efficace qu'à partir d'une certaines distance et inefficace à partir d'une autre. C'est bizarre, c'est vrai, mais je ne vois pas d'autres raisons pour expliquer que nos radios d'armures fonctionnent sans que l'on puisse joindre le poste avancé. Ces types dans les hélicos ont dû essayer de nous contacter sans succès. Les fusées rouges les ont guidés vers nous et nous nous en sommes sortis. J'évaluerais la distance de début de brouillage à quatre-cent mètres environs....

- La princesse a déjà été la captive des Silridriss... mais c'était il y a fort longtemps. Elle a été libérée au prix de pertes énormes. Intervint Kouiros.

- Vous m'intéressez... racontez-nous tout s'il vous plaît. » Demanda Manuel.

Kouiros raconta lentement l'histoire du peuple des chimères.

*

*      *

*

Le monde des chimères était une immense forêt vierge et luxuriante. C'était un monde fertile et plein de vie ou les siens vivaient en parfaite harmonie jusqu'à l'arrivée des Silridriss. Ils étaient apparus avec d'immense machines, hautes comme des bâtiments, par l'intermédiaire d'un trou dans la réalité : Ce que les humains appelaient une faille. Malgré de nombreuses tentatives pour discuter, les Silridriss ont massacrés toutes les chimères qu'ils rencontraient. Qu'elles soient mâles, femelles, ou petits, rien ne semblait les arrêter. Pire ! D'autres failles apparaissaient un peu partout dans leur monde. Le roi décida alors d'organiser la défense. Il y eu de violents affrontements entre les deux espèces. Mais les Silridiss perdaient rarement une bataille, même inférieurs en nombre. Comprenant qu'il y avait une intelligence derrière cette defense, les agresseurs capturèrent une chimère pour lier contact. Il y eu alors une rencontre pour une discussion entre leur impératrice et le roi Shershen.

Ce fut un piège. La fille du roi qui l'accompagnait fut capturée, la reine et l'escorte exterminée. Le roi fut relâché avec un ultimatum : soit il livrait son peuple à l'esclavage des Silridriss, soit lui, sa fille et son peuple seraient exterminés sans aucune pitié. Il eut un mois pour donner sa réponse et convaincre son peuple.

Les chimères furent alors divisées, entre celles qui étaient prête à servir les Silridriss pour survivre et celles qui voulaient rester libres quitte à en mourir. La situation devint grave quand les chimères commencèrent à se battre entre-elles. Le roi lui-même ne sut quoi faire.

La solution vint d'un sujet assez faible par son pouvoir mais d'une grande loyauté envers le roi. Avec des volontaires, il mena une opération suicide pour libérer la princesse. Sans l'avis ou l'accord du roi. Malgré les pertes,l'opération fut un succès. Ils apprirent également que d'autres peuples étaient déjà esclaves des Silridriss. Quatre mondes étaient déjà tombés sous leur coupe. Un des captifs leur expliqua toute l'horreur d'une vie de servitude avec les Silridriss pour maîtres. Cet Esclave, opérateur d'un passage qui menait entre les mondes leur proposa de les envoyer dans un monde aléatoire pour échapper à ce destin peu enviable.

L'information mise dans la mémoire, les chimères retrouvèrent unité et espoir. L'allié inattendu demanda seulement à les accompagner et à être protégé dans sa nouvelle liberté. Elles acceptèrent la proposition et se regroupèrent.

Au moment donné, le passage s'ouvrit pour laisser passer un flot ininterrompu de chimères. En apprenant cela, le sauvetage de la princesse et leur fuite possible, l'impératrice entra dans une rage folle. Elle ordonna d'abattre toutes les chimères, quelles qu'elles soient.

Celui qui avait sauvé la princesse comprit qu'ils ne pourraient pas stopper les Silridriss. Il sélectionna parmi ses congénères ceux qui avaient les pouvoirs les plus intéressants pour ralentir les assaillants. Le but était de laisser aux autres suffisamment de temps pour passer.

Cela fonctionna. Elles purent passer avec un minimum de pertes. Le technicien mourut dans un accident en sabotant sa machine, afin que les Silridriss ne les retrouvent pas.

De l'autre coté, les chimères firent face à un monde technologique presque semblable à celles que possédaient les Silridriss. Aucune chimère, pas même le roi, n'avait vu de Silridriss. Même les contacts entre les deux espèces ne furent effectués que par l'intermédiaire des esclaves ou des engins noirs. Le technicien décédé, ils n'avaient aucune base d'information.

Exilées, maltraitées, blessées dans leurs corps et dans leurs esprits, les chimères crurent être tombées dans un autre monde sous contrôle Silridriss.

La haine qui les animait, se reporta sur ceux qui se trouvaient là... La guerre contre l'Humanité commença.

Malheureusement, même sans beaucoup de moyens, les Humains leurs infligèrent de sacrés revers, peu pour commencer. Mais le temps passant, les humains devenaient plus fort, organisés, difficiles à vaincre. Leurs armes de plus en plus précises, leurs tactiques de plus en plus efficaces.

Utilisant la mémoire, le roi des chimères comprit alors son erreur... les armes que l'humanité employaient n'avait rien à voir en forme et en capacité avec celles des Silridriss.

Il changea sa stratégie, l'objectif était désormais de définir des zones où son peuple et lui pourraient vivre relativement protégés. Les zones montagneuses furent parfaites. Le but à long terme était la paix avec l'Humanité. Mais pour cela il fallait qu'il y ait un dialogue. Et les hommes ne semblaient guère vouloir rester sur un statut-quo vu qu'ils envoyaient régulièrement des troupes dans les montagnes.

Il tenta d'abord capturer un humain pour créer un contact comme l'avaient fait les Silridriss. Mais, lors des combats, les autochtones se battaient jusqu'à la mort. Il fut surprit de constater une telle agressivité chez les hommes. Il comprit que son peuple, les chimères, avait fait subir à l'humanité ce que les Silridriss leur avaient fait subir... Comment pouvait-il blâmer les hommes d'une telle réaction ? Après maints essais, il tenta de capturer un de ceux qui ne se battaient pas. Nouvelle déception : les humains qui ne se battaient pas se cachaient trop bien et leurs terriers étaient trop petits et bien trop protégés.

La chimère qui avait sauvé la princesse, proposa alors une solution : celle de l'émissaire. Après quelques échecs, le contact fut établi.

*

*      *

*

« - La suite, vous la connaissez... » Termina Kouiros.

Manuel avait écouté en ne quittant pas des yeux l'image holographique de la princesse avec ce drôle de truc sur le dos. Le silence devint pesant. Comme si les Silridriss les observaient.

« - C'était vous ? Demanda Dionysos.

- Pardon ? fit Kouiros, surpris.

- Celui qui a monté un plan pour sauver la fille du roi, celui qui a ralenti les Silridriss lors de la fuite et celui qui a proposé la méthode de l'émissaire. C'était vous ? »

Kouiros était sidéré. Les autres personnes n'en croyaient pas leurs oreilles. Il y eu des 'quoi ?' et des 'hein ?'.

« - Comment est-ce que ... ? »

- Laissez tomber la modestie : j'ai deviné c'est tout. J'ai mis en relation l'estime que le roi vous porte, vos réactions d'hier, et l'histoire que vous venez de me raconter.

- J'aimerais que cela reste secret si cela ne vous dérange pas... Je n'apprécie pas beaucoup la célébrité, j'ai déjà du mal avec ceux de mon espèce... J'aimerais également pouvoir tous vous tutoyer. Tous, si possible. »

Manuel sourit. Il avait le visage fatigué mais le sourire qui était sur son visage, lui rendait un peu de vigueur.

« - Sans soucis. Pour les deux demandes. Murmura Manuel... Moi, j'avais une autre question : Comment appelez-vous votre peuple ?

- Je ne comprends pas la question.

- Vos adversaires se nomment ''Silrirdriss'', Nous sommes l''Humanité''. Mais le terme que vous employez pour désigner votre peuple, c'est ''Chimère'', or c'est nous qui vous avons nommés ainsi. Si l'on veut reconnaître votre existence, il va falloir vous nommer de manière appropriée. Quel est le terme correct ?

- J'ai compris,... le mot que vous cherchez est dans la mémoire. Mais il n'a pas de sons assigné. Pas de prononciation propre. Après avoir compris ce que ''Chimère'' signifiait, j'ai relié les deux termes pour qu'ils aient la même connotation. C'est bien mieux que celui dont les Silridriss nous avaient affublés.

- Comment vous avaient-ils appelés ? Demanda Véronique.

- ''Esclaves''

- Oui, là, Il n'y a pas photo.

- Bon, Redcross, tu disais savoir ce qu'est ce machin ? Recentra Dionysos en montrant l'hologramme.

- Oui, je crois, entre-autres... Tout ce que je vais dire maintenant n'est que pure supposition. »

Redcross commença alors un long monologue :

« Je pense que c'est une balise. C'est grâce à ce truc qu'ils vous ont retrouvé Kouiros. Pour qu'une faille de petite taille apparaisse assez près de votre cité, que cette cité contienne la princesse, qu'ils la trouvent du premier coup... je trouve que ça fait beaucoup pour de la chance ou pour une simple coïncidence. Lors de l'attaque, ce qu'ils devaient chercher ce n'était pas la princesse, c'était le roi. Probablement dans le but de l'éliminer et ainsi détruire votre possible défense. La balise doit avoir un système incapacitant pour immobiliser la princesse et ainsi bloquer le roi à ses cotés.

Mais ce qui s'est passé avec les Silridriss a crée un précédent. Par sécurité le roi a laissé la princesse à l'abri dans la cité pour rencontrer les nôtres. Bien lui en a pris. Les assaillants ont bien trouvé la princesse, mais ils n'ont pas trouvé le roi. Ils se donc dit qu'en emmenant la princesse avec eux le roi se montrerait. Mais là, ils n'ont pas eu de chances... c'est nous qu'ils ont trouvés. Et avec tout ce que tu nous a dit, Kouiros, je penserais plutôt que c'est nous qui en avons eu... de la chance.

Je regrette Kouiros... mais vous n'avez pas sauvé la princesse : ils l'ont laissée partir avec ce truc dans le corps. Ils vous ont laissé de l'espoir pour mieux le détruire ensuite... Ces salopards sont vraiment sadiques.

- Mais pourquoi ? Pourquoi un plan aussi compliqué ?

- Deux ou trois coups dans le genre et ton espèce perd tout espoir. S'il n'y a plus d'espoir, vous n'agissez plus de peur de faire le jeu des Silridriss. Et là, ou vous acceptez de devenir des esclaves, ou vous mourrez... Ce qu'ils n'avaient pas prévus, je crois, ce fut que la fuite dans un autre monde. Je pense même que ça les a agacés...

- Ça ne tient pas, intervint Manuel, pourquoi n'ont-ils pas immédiatement ouvert un autre portail pour les poursuivre dans ce cas là ? Pourquoi attendre près de vingt ans ?

- Ça, je n'en sais rien, continua Redcross. Mais je suppose que l'on doit lui retirer ce truc au plus vite. Qui sait ce qui se passera quand la réserve d'incapacitant arrivera à zéro. Sans compter qu'il doit y avoir des sécurités.

- Tu peux le lui retirer Doux-dingue ? interrogea Dionysos

- Probablement... du moins mécaniquement. Mais je n'y connais rien en biologie.

- Ça, on s'en occupe. Reste sur la partie mécanique. » Fit simplement le docteur Rosebrune.

Manuel s'étonna de ne plus voir Kouiros. Véronique lui expliqua qu'elle l'avait vu sortir la tête basse.

Après avoir soigneusement étudié l'hologramme, Manuel définit l'ensemble des opérations à effectuer avec Redcross et le docteur. Il décrivit toutes les opérations qu'il fallait faire sur la mécanique. En gros il y en avait deux. La première consistait à poser un shunt sur un fil qui entourait la quatrième vertèbre puis à couper le fil. La seconde, plus complexe, supposait de percer en travers chacune des 'pattes' qui s'accrochaient aux différentes vertèbres et à y poser des goupilles pour ne pas qu'elles bougent. S'il existait un système de sécurité, cela l'inhiberait.

Le médecin et Redcross mirent la princesse sous anesthésiant : pas question qu'elle se réveille au milieu de l'opération avec le dos ouvert. Un soigneur chimère fut appelé au cas où. Dionysos et Véronique furent mis à contribution en tant qu'assistants pour le matériel médical.

Et l'opération commença.

Elle fut longue et délicate. Lorsque Manuel plaça la dernière goupille tous étaient épuisés. Ils retirèrent sans aucun problème la machine. Ce fut le soigneur qui finit l'opération. Son pouvoir de réparation et de cicatrisation les chairs impressionna le docteur. L'opération finie, l'étrange mécanique fut placée sous clé dans une des caisses métalliques qui avait servi à amener le matériel médical. Chacun alla chercher un repos dans son coin. Dionysos s'endormit à l'arrière du camion, Redcross partit faire un tour dehors avec le médecin, qui désirait fumer. Véronique commença un croquis de la princesse endormie.

Manuel, lui se dit que c'était le moment de nettoyer le canon de son arme de la terre qui y était entrée, et de faire l'entretien de sa machine par la même occasion. Il avait besoin de s'occuper l'esprit, de ne plus penser au combat de la veille.

Il trouva Kouiros dans le dortoir, en face des trois armures rangées en ligne.

« - Un problème ? demanda Manuel

- Pourquoi ne m'en suis-je pas rendu compte ? J'ai été manipulé, répondit tristement Kouiros après un silence.

- C'est ça la manipulation. Et si cela n'avait pas été toi, cela aurait été quelqu'un d'autre. Même moi je me serais fait avoir. Il est facile de taper sur ceux qui font de leur mieux quand les événements sont passés. Raison pour laquelle tu n'as eu aucun reproche de la part de qui que ce soit. Demande toi plutôt ce qui se serait passé si tu n'avais pas sorti la fille du roi de sa geôle ? »

Le visage de Kouiros resta triste un moment avant de revenir à la normale.

« Ça va mieux on dirait... Au fait, pour info : la princesse n'a plus le bazar sur le dos.

- Je sais... Le soigneur a mis cette information dans la mémoire. »

Manuel crut voir la chimère sourire. Il sourit en retour, tout en montant sur sa machine. Il inspecta son blindage, de nombreux impacts le parcourait. Un peu de peinture rayée et écaillée, quelques plaques pliées. Rien d'extrêmement grave. Il s'installa ensuite dans le poste de pilotage. Il l'alluma juste un instant, le temps de sortir le fusil, et de le poser au sol sur un bipied.

Avec des gestes experts, il ouvrit l'arme après l'avoir déchargée. Les pièces de mécanique commencèrent à être extraites afin de pouvoir en sortir le canon. Le tout avec d'infinies précautions et en silence.

Soudain, Manuel se senti observé. Il se retourna, Kouiros n'avait pas bougé d'un poil, il s'était juste allongé. En revanche, il y avait des chimères un peu partout. Elles étaient au sol, ou sur différents paliers de l'escalier en colimaçon. Dans des positions debout, assises ou couchées. Certaines l'observaient même depuis le fond de leurs alvéoles : les yeux luisants dans la pénombre.

Elles LE regardaient.

La surprise fut telle qu'il en lâcha la clé plate qu'il avait dans les mains. Cette dernière frappa le sol meuble avec un bruit sourd.

« - Kouiros ?

- Oui ?

- Il se passe quoi là ? Je fais une bêtise ? Je devrais faire ma mécanique dehors ? C'est ça ?

- Si tu fais ça tu vas faire des déçus... déclara Kouiros limite amusé.

- Précise s'il te plaît... Là j'ai un petit peu de mal à identifier le sujet.

- Bon, alors je vais t'aider : le sujet c'est ton petit groupe de combattants et toi en particulier. Dois-je te rappeler que tu as fait le contact ? Que tu as éliminé un Silridriss en deux temps trois mouvements alors que nous avons tant de mal ? Que tu as sauvé la fille de notre roi ? Et, que tu viens de lui retirer quelque chose qui la rendait incapable de faire quoi que ce soit ?...

- Oh ! Oh ! Minute ! Je n'ai jamais été tout seul !

- Non... je le sais, mais tu es actuellement le seul ici présent. C'est suffisant pour que beaucoup veuillent voir à quoi tu ressembles de leurs propres yeux. Et puis...

- Et puis ?

- Non... rien

- Juste me voir donc ?

- Juste pour te voir. » Confirma Kouiros.

Manuel regarda les chimères encore un moment : totalement déconcerté par ce qu'il voyait en ce moment. Il était actuellement le centre de toute leur attention. C'était pour lui un moment à la fois fantastique, terrifiant et terriblement gênant. Son regard se porta soudain sur la petite chimère verte qui l'avait suivi depuis le poste avancé.

« - Comment va son père, ils lui ont retiré tous les morceaux ? » Demanda-t-il

Kouiros suivi son regard puis répondit simplement que celui-ci avait été soigné et qu'il se portait bien. Malgré le fait que ce soit un homme qui l'ait guéri de son mal, il avait du mal à pardonner à l'Humanité la perte de sa compagne.

Le pilote ne dit rien. Il n'y avait rien à dire à cela. Il retourna sur le nettoyage de son arme. Il avait quasiment fini quand le reste de l'équipe arriva. Le médecin informa qu'ils devaient repartir : ils avaient fini ce qu'ils étaient venus faire ici, de plus, il n'y avait quasiment plus de fournitures médicales.

Le groupe décida de partir dans l'après-midi pour plus de confort. Après avoir discuté avec Kouiros, ils eurent l'autorisation d'emporter l'étrange élément découvert dans le corps de la princesse. En échange, les Chimères tenaient à savoir ce que c'était.


* * * * *


Shunt : rajout d'un fil pour court-circuiter un matériel électrique.

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