3 : Kouiros (2/3)

Dans son armure, accroupi derrière un mur de l'enceinte de l'école, Manuel n'en croyait pas ses oreilles. Maintenant qu'il était près de cette chimère jaune, l'idée d'aller lui dire 'bonjour comment vas-tu ? tu veux être mon ami ?' ne lui semblait plus si bonne. Mais il avait dit ce qu'il pensait, il devait maintenant mettre les deux pieds dans le plat.

« - Eh, Doux-dingue ! C'est Grundig ! Je ne sais pas comment tu vas t'y prendre mais on n'a pas beaucoup de temps. »

Cette affirmation sortit Manuel de sa torpeur, il afficha la carte sur son écran. Il voyait toutes les positions des autres AMC de son escadron ainsi que celles des autres. La chimère, repérée par un drone, était elle aussi positionnée. Rapidement il monta un plan et donna ses ordres comme s'il était dans le simulateur.

« - Oneshot, la cible est-elle à portée de tir ?

- Positif Doux-dingue. Répondit Oneshot, le nez dans la lunette de son fusil.

- OK, tu ne bouges pas, si elle fait quoi que ce soit de dangereux tu la plombes.

- Pas de soucis, elle n'aura pas le temps de faire la conne que je l'aurais déjà transformée en descente de lit. »

Le jeune homme sourit à la réponse du sniper. En regardant la carte, la chimère n'était pas loin et passerait devant son école dans quelques minutes si elle continuait à suivre la route principale. C'était là le meilleur endroit pour la piéger.

« - Grundig, déplaces-toi à portée de tir au sud-ouest, règle ta télémétrie sur celle de Twister...

- Reçu ! Je rejoins la position.

- ... Dionysos, Rocco, dirigez-vous au sud, dépassez la chimère et assurez-vous qu'elle n'a pas des copines dans le coin, pas d'engagement, seulement du repérage... »

Les deux pilotes contactés acquiescèrent et commencèrent à se déplacer sur la carte.

« - ... Leader Rock, Suivez la chimère à une rue d'écart, tirez si elle venait à tenter de s'enfuir... »

Manuel vit le point de Marilyn se déplacer sur la carte pour rejoindre son emplacement.

« - ... RedCross, Marcus, je vais avoir besoin de vous au croisement de la route principale sud et de la rue de l'obélisque dans trois minutes. C'est-à-dire à l'intersection sud du Lycée Drake. Même chose qu'Oneshot pour les règles d'engagement. Arrivez par l'est ; OK pour vous ? ... »

Les deux pilotes nommés acquiescèrent. Ils comprirent que Manuel voulait coincer la chimère entre deux feux. Leurs points bougèrent sur la carte.

« - ... Twister ! Avec moi ! À mon signal, tu fonces de l'autre coté de la rue, et tu positionnes le cent-cinq sur la cible en tir direct. Envoie aussi la télémétrie pour Grundig ! On ne tire que si elle fait la conne. OK ?

- J'espère que tu sais ce que tu fais mec. Je te suis. »

Merci mon ami...

*

Au centre de contrôle-commande, la tension était montée d'un cran avec la demande du Major Targin. Nombreux étaient les autres escadrons qui demandaient ce qui se passait. Dans un coin de la salle, le commandant Sarlen buvait son café. Il avait la cinquantaine d'années et un visage rond et barbu. Lorsque l'alerte avait été donnée, il était en train d'effectuer le discours d'accueil des nouveaux engagés. N'ayant pas eu le temps de se changer, il portait encore son uniforme d'apparat gris. C'était un vétéran, ou plutôt un survivant : il avait laissé ses jambes à Glasgow lors de la reprise de la ville, et il avait perdu son bras et son œil droit près de la faille. Si on ne distinguait pas de différence notable entre son œil valide et la prothèse au visage, les jambes et le bras étaient en revanche d'acier. Derrière l'uniforme, on ne distinguait que la prothèse du bras qui sortait par la manche, mais quand il se déplaçait on entendait les prothèses effectuer un bruit lourd et sourd sur le sol.

Quand il avait reçu l'appel du major Targin « Leader Rock » il comprit immédiatement que quelque chose d'imprévu se passait. N'ayant pas tous les éléments pour comprendre de quoi il s'agissait, il avait laissé le champ libre à l'escadron Rock. Ayant été sur le terrain, il savait pertinemment que ce qui s'y déroulait était parfois inexplicable en peu de mots. Surtout face aux chimères. Néanmoins, ne pouvant pas se baser uniquement sur des suppositions, il avait laissé les troupes de la périphérie de la ville en alerte. Elles avaient ordre de tirer à vue sur toutes chimères approchant. Celles restées en ville avaient reçu un ordre de demi-repli pour laisser le champ libre l'escadron Rock.

Il attendait de savoir ce qui allait arriver. A y repenser, une seule chimère ce n'était pas normal ; en pleine ville et de jour qui plus est.

Il avait entendu les ordres donnés par ce 'Doux-dingue' et il avait lui aussi compris ce qu'il allait faire. Pourquoi pensait-il y arriver ? Il n'en savait rien. Tous ceux qui avaient tenté de capturer une de ces bestioles étaient morts. Ou dans un sale état en passe de l'être...

*

La chimère se rapprochait du lieu de l'embuscade. Elle y parviendrait après les dix minutes qu'il avait imposées. Mais il voulait voir ce que cela allait donner. Il but une gorgée de café, puis se leva et alla se positionner en face de l'écran principal. Celui-ci montrait la zone où allait se dérouler l'opération. De part et d'autre de l'écran principal, d'autres écrans, secondaires, montraient ce que voyaient les pilotes. Dans quelques minutes, ils verraient tous la même chose...

*

« - Doux-dingue, ici contrôle-commande, déclara une voix féminine, votre rythme cardiaque est trop élevé, essayez de vous calmer »

Dans sa Machine, Manuel transpirait, sa respiration, dans le casque était bruyante, et haletante. Il avait tellement peur qu'il entendait son cœur taper dans ses oreilles en rythme avec sa respiration.

« - Doux-dingue, calmez-vous ou repliez-vous. Vous risquez la sur-oxygénation. » reprit la voix de manière plus injonctive.

Manuel ferma les yeux, il se concentra sur sa respiration, il tentait de se calmer. Lentement, et avec une extrême difficulté, sa respiration diminua en fréquence. Lorsqu'il rouvrit les yeux, la chimère était à quelques mètres de l'intersection.

« - Dionysos, Rocco, ici Doux-dingue, des contacts ?

- Doux-dingue, ici Dionysos, pas de contacts.

- Doux-dingue, ici Rocco, aucune chimère dans la zone. On dirait qu'elle n'a pas invité ses copines à la fête.

- OK, au reste de l'escadron, à mon commandement : on la coince. Prêt ?...

Maintenant ! »

Les quatre armures lourdement armées sortirent de leurs cachettes à l'intersection et mirent en joue la chimère.

*

Les secondes qui suivirent durèrent, pour l'ensemble des protagonistes une éternité.

« - Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel... ? » Murmura le commandant Sarlen dans la salle de contrôle-commande. La salle était silencieuse, tel un tombeau, toutes les personnes présentes avaient les yeux rivés sur l'écran. La carte montrait la chimère au milieu de l'intersection, encadrée par les AMC du groupe Rock. Deux sur la route au nord à vingt mètres d'elle, et deux sur la route à l'est à quinze mètres. Les écrans secondaires, eux présentaient la chimère sous tous les plans que pouvaient avoir les soldats de l'escadron. Dés que les AMC étaient sorties de leurs cachettes, la chimère avait baissé la tête comme si elle s'attendait à recevoir un coup, s'était arrêtée et ne bougeait plus. Elle avait les yeux fermés.

« - Merde...Elle n'a pas moufté... » Le murmure de Redcross avait activé son micro, et tous avait entendu la remarque. Personne n'y croyait vraiment tant la situation paraissait irréelle : elle aurait dû tenter de s'enfuir ou d'attaquer.

Les secondes s'écoulèrent, telles des siècles. Lentement, une des paupières de la chimère s'ouvrit. Pour se refermer aussitôt en ayant vu les armures de toutes les couleurs. Mais, ce coup-ci, elle plissa les paupières comme pour se convaincre que ce qu'elle voyait ne pouvait être là.

« - Hé Doux-dingue, ici Marcus, c'est normal si elle tremble comme ça ? T'avais prévu ça, ou elle va nous sortir un truc à la con ? »

La créature était en effet prise de violents tremblements au niveau des pattes. Elle avait visiblement du mal à conserver son équilibre.

« - Marcus, ici Doux-dingue, imagine qu'un groupe de flics te choppe dans la rue avec tellement de flingues que si jamais ils appuient sur la gâchette tu retrouves vaporisé. Voilà ; maintenant, t'as une idée de son état d'esprit...

- Et, c'est quoi la suite ? demanda Leader Rock, t'as une idée ? Parce que moi je n'en vois pas »

Sur la chimère, le collier et la tiare brillaient au soleil, Manuel réfléchissait. Une idée ? Celle qui lui venait était folle, s'il l'a réalisait, et s'il en réchappait, il aurait droit à une visite chez le psychiatre de la base. Mais il n'en avait pas d'autres. Si ce monstre était vraiment un émissaire, cela voulait dire qu'il y avait de l'intelligence derrière... Et qui disait intelligence, disait des actions calculées.

« - Couvrez-moi, mais conservez les règles d'engagement que je vous ai données quoi qu'il arrive... C'est le seul moyen de savoir... » Murmura-t-il.

Lentement, il fit avancer sa machine tout en gardant sa cible en joue. Lorsqu'il fut limite à bout touchant il s'arrêta.

« - Doux-dingue, c'est Twister, pas de conneries mec ! On n'est plus dans un simulateur ! »

Manuel ferma les yeux. Fernand n'avait pas tort. Il chercha encore une fois à calmer sa respiration. Faire baisser la peur. Celle qui secouait le monstre en face de lui l'aida à reprendre un peu courage. Sa main droite conserva la commande de tir du fusil, il sortit sa main gauche du gant de commande. Il attrapa la poignée qui se trouvait à coté de sa cuisse. Ce qu'il allait faire le terrifiait, mais c'était le seul moyen : dans quelques minutes, l'ordre d'abattre la chimère serait donné.

Il inspira un grand coup, et tira d'un coup sec la poignée.

*

Dans la salle du contrôle-commande, tous étaient hypnotisés par ce qui se déroulait devant leurs yeux. Soudain quelqu'un cria :

« - Armure ouverte ! Ce taré a ouvert son armure à deux mètres de la cible !

- Escadron Vipère, et Sabre, ordre de rejoindre l'escadron Rock ! Si ça dégénère je veux un tir à vue sur la chimère ! Que l'escadron Rock se prépare à abattre cette saloperie. » Hurla le commandant Sarlen tout en sachant qu'il faudrait vingt minutes aux deux autres escadrons pour exécuter l'ordre. Pour lui, les choses allaient trop loin, l'escadron Rock allait être massacré par la chimère.

*

Harnaché dans le poste de pilotage, Manuel ressentit la lumière sur ses yeux clos. Dans son casque, les injonctions de fermeture de son armure du centre de contrôle et de ses équipiers résonnaient. Il les entendait, mais il ne les écoutait pas. Le vent soufflait doucement. Lentement, il souleva les paupières. La chimère tremblait toujours, mais ses yeux étaient désormais ouverts, et non fermés. La visière de son casque le gênait à tout percevoir. Il la releva.

A l'instant même où son regard croisa celui de la créature une voix claire et féminine s'éleva du collier d'argent pour retentir dans la rue.

« - Ne tuez pas ! Je viens parlementer ! Ne tuez pas ! Je viens chercher le silence des armes ! Ne tuez pas ! Ne tuez pas ! Je cherche la paix !... »

Les demandes de cessez-le-feu continuaient sans cesse.

« - Taisez-vous s'il vous plaît, j'ai compris. Leader Rock, c'est bien un émissaire, je vous rends le commandement... Déclara Manuel d'un ton soulagé.

- Doux-dingue, murmura la voix de Marilyn dans le casque de Manuel, ta mère va me tuer en apprenant ce que tu viens de faire... et si cette créature vient parlementer je ne crois pas qu'elle risque grand-chose tant qu'elle reste tranquille. Les autres, conservez les règles d'engagement. »

Marilyn rendit compte au contrôle-commande, qui annula l'ordre d'abattre la créature, les deux escadrons qui devaient initialement leur porter secours devaient maintenant sécuriser le périmètre. Le centre de commande demanda également à ce que les AMC présentes à coté de la chimère cessent de la mettre en joue. Si c'était vraiment une émissaire, ils devaient se comporter avec respect. Mais, si visuellement elle n'était plus menacée, Grundig avait toujours la télémétrie de Twister et Oneshot la gardait dans son viseur. La prudence l'exigeait.

Voyant les armes braquées sur elle se relever, la chimère reprit lentement une position normale, et cessa peu à peu de trembler.

« - Quelle frayeur... Ne vous renfermez pas dans la peau de pierre s'il vous plaît ! Je ne connais pas votre mode de communication, je ne peux parler que si je vois vos yeux : Mes pensées sont converties par le collier, mais je dois avoir accès à votre esprit pour que cela fonctionne.

- Vous lisez dans mes pensées ? Demanda le pilote méfiant.

- Non, Je n'ai pas cette possibilité, mais le collier a en partie cette capacité. Il n'a accès qu'à celles qui ne nécessitent pas de réflexion ou de souvenirs. Votre de mode de communication est automatique, le collier peut l'utiliser. Il convertit mes pensées en vos mots. Mon nom est Kouiros, quel est le vôtre ? »

Manuel réfléchit quelques minutes avant de répondre :

« - Je me nomme Doux-dingue. Quelle est l'utilité du casque ?

- Elle fonctionne de manière inverse que le collier : elle convertit vos mots en pensées pour me permettre de vous comprendre. »

Le pilote s'excusa un instant en prenant connaissance des instructions de Marilyn dans son casque. Il devinait qu'elles venaient du contrôle-commande.

« - Madame Kouiros, je viens de recevoir mes ordres. Mon escadron est chargé de vous escorter jusqu'à la base. Là-bas, vous serez logée et soignée le temps qu'un de nos diplomates soit désigné pour traiter avec vous.

- D'accord, mais je suis un mâle, précisa la créature.

- Ah ?! Euh...Désolé...Si vous voulez bien me suivre... »

Manuel se retourna et vit les armures de Redcross et Marcus ouvrir le chemin vers la base militaire. Il déplaça son armure pour les suivre avec son carter de protection de pilote ouvert. La chimère les suivit un instant avant de se mettre à la hauteur de Manuel. Fernand et Marilyn fermaient la marche. Dans ses écouteurs il entendait les rapports des membres de l'escadron se mettre en place. Rocco et Dionysos les appuyaient, un de chaque coté à une rue d'intervalle. Il savait que Fernand n'avais pas désactivé la télémétrie pour Grundig, et qu'ils continuaient discrètement de pointer leurs armes lourdes sur la chimère. De la même manière, Oneshot n'avait pas vu ses ordres changer. Si c'était un piège, la chimère le regretterai amèrement.

Lui, avait reçu pour ordre de faire parler le plus possible la terrible créature tout en limitant ses propres réponses. Le fait que Kouiros reste à sa hauteur l'arrangeait bien. Même s'il s'était calmé, Manuel sentait bien que l'animal n'était pas rassuré. Lui-même ne l'était pas.

Il en profita pour détailler un peu plus la Chimère : des yeux d'un noir profond qui regardait tout ce qui l'entourait avec inquiétude. Une toison jaune, qui visiblement ne masquait pas complètement la couleur originale brune. Les hélices bleues dessinées de manière un peu gauche qui tremblaient à chaque pas et des cornes qui montaient haut dans le ciel.

Ils se déplacèrent lentement, et arrivèrent à la base dans l'après-midi. Entre-temps, un hangar d'hélicoptère avait été vidé pour servir d'abri. De gros tapis de sport avaient été récupérés dans un des gymnases de la ville et servaient maintenant de matelas sommaire. Une grande cuve neuve de récupération d'eau de pluie qui avait été décapitée et remplie d'eau. Les soldats avaient fait au mieux avec les moyens à leur disposition. Le hangar était désormais gardé par un escadron d'AMC tant par méfiance envers la chimère que pour sa propre protection.

Kouiros fut immédiatement pris en charge par des infirmiers dés son entrée dans le hangar. Il était visible que personne n'était à l'aise, chimère comprise. Soigner une créature appartenant à une espèce qui avait failli exterminer l'humanité, sans aucune protection et sans qu'elle ne soit endormie ou immobilisée pouvait sembler suicidaire. Mais ils agirent en professionnels : ils soignèrent la blessure au mieux comme on leur avait demandé. Pour Manuel, la mission était terminée, il devait ranger sa machine : quelqu'un avait pris le relais.

Marilyn était furieuse. Elle attendait impatiemment que Manuel ait fini dans le hangar pour le baffer. Elle patientait d'ailleurs près de son emplacement. Quelle idée avait-il eu d'ouvrir son AMC face à une chimère ? Où avait-il vu ça ? Elle vit arriver la lourde armure bleue, aller à sa place et s'asseoir. Le carter déjà ouvert, on voyait distinctement Manuel s'assurer que tout allait bien dans sa machine. Le fautif retira son harnais, et sorti de sa machine avec une expression réjouie : il avait eu raison.

Marilyn l'attendait de pied ferme.

Il n'eut que le temps de faire trois pas avant de tourner de l'œil et de s'effondrer au sol.

« - Merde ! A l'aide ! Infirmiers ! Redcross ! » Hurla Marilyn en se précipitant sur l'inconscient.

*

* *

*

« - Alors docteur ? Demanda Marilyn.

- Pour être franc, il va bien, mais il est dans un état de fatigue extrême. Le stress du combat affecte à la fois le physique et le mental. Le corps sécrète des substances qui préparent tous les muscles à de violents efforts, au combat. Lorsque le danger disparaît, le stress aussi, les substances également. Mais la fatigue est là. Ce garçon a tellement stressé que son corps est épuisé. Vous vous êtes habitué à ces situations, mais lui c'est sa première fois. Une sacrée première fois d'ailleurs... Le médecin souriait, Il a juste besoin de repos et de calme. D'ici demain, il ira mieux. Ce n'est pas plus mal d'ailleurs : y'a une armée de psys à l'entrée du service qui attendent de lui explorer la tête. Ah ! Au fait, je fais quoi à ce sujet, je donne des numéros et on tire au sort ? »

Le médecin riait franchement.

La major ne trouvait pas cela drôle. Elle quitta le médecin pour aller voir Manuel. Elle trouva sans soucis la chambre de son pilote, ce dernier avait relevé le dossier de son lit et était parfaitement éveillé. Il discutait avec Fernand et deux infirmières. Ils éludaient les questions des deux femmes concernant ce qui s'était passé avec la chimère. Pourtant elles insistaient. Apparemment son exploit, ou son escadron d'appartenance s'était ébruité. Si Manuel ne s'en rendait pas compte, Marilyn, elle, le vit immédiatement : les deux femmes avaient visiblement d'autres idées en tête que les soins prescris par le médecin.

« Dehors. » Fut la seule chose que la combattante réussi à articuler en serrant les dents. La voix n'était pas forte, mais le ton était glacial, et le regard, renforcé par la balafre, suffisamment expressif pour que le personnel soignant quitte la pièce. Fernand voulu partir également.

« Toi tu restes là. »

Il se rassit sur la chaise.

Ils restèrent ainsi un moment dans le silence. Marilyn prit une chaise et s'assit à coté du lit de Manuel.

« - Qu'est-ce qui t'as pris d'ouvrir ton armure à coté de la chimère ? demanda-t-elle doucement.

- Je me doutais que si c'était un émissaire, il devait chercher le contact. Alors je le lui ai donné.

-Et qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Comment as-tu deviné que c'était un émissaire ?

- Ce serait un peu long à expliquer mais si tu as un ordinateur portable, je veux bien te taper un rapport.

- OK Manuel, primo tu t'expliques, secundo tu tapes le rapport. »

Manuel fit la grimace. Puis il commença son raisonnement. Pour commencer, il fallait que l'envoyé soit facilement repérable, d'où le jaune et suivre les grandes routes lentement n'est pas très discret. Ensuite, il fallait qu'il aille seul, et qu'il ne soit jamais agressif, quoi qu'il arrive, même s'il devait mourir. Dans le cas de son décès, il permettrait à ceux qui le suivraient d'avoir plus de chances de réussite dans leur mission. Le jeune pilote savait que dés qu'une chimère était repérée, la population se réfugiait dans les abris. Les seuls dehors étaient les soldats prêts à en découdre, le conflit passé les avait conditionnés à se battre jusqu'à la mort. A l'époque les chimères ne faisaient pas de prisonniers. Elles n'avaient donc aucun moyen pour capturer quelqu'un et tenter un contact. L'une d'entre-elles devait donc tenter sa chance dans les concentrations humaines : les villes. Enfin, le symbole d'un point de rencontre était la croix, et la croix la plus simple qui existait est une croix à trois branches.

Il admit qu'il ignorait complètement l'utilité du collier ou du casque, et il avoua que l'expérience l'avait terrifié.

« - Et toi ? Tu n'aurais pas pu l'empêcher d'ouvrir son AMC ?

- Comment aurais-je pu savoir ce que ce malade allait faire major ?

- Merci pour ton soutien Fernand... »

Après quelques coups à la porte, celle-ci s'ouvrit, laissant entrer les parents de Manuel. Fernand et Marilyn comprirent immédiatement qu'ils étaient de trop en voyant le regard de la mère. Surtout Marilyn, qui lui avait fait une promesse. Fernand sortit immédiatement. Marilyn sorti t elle aussi, après avoir mit une grosse baffe à Manuel en lui disant dit que la prochaine fois qu'il lui ferait un coup pareil ce serait un coup de poing.

Il s'était assis sur son lit, sa joue gauche lui faisait mal. Une fois Marilyn sortie, il avait laissé sa tête retomber en arrière. Son regard perdu dans le vide du plafond. Il sentait qu'il avait blessé Marilyn en se mettant volontairement en danger. Étrangement, ça le gênait... Sa position fit qu'il ne vit pas arriver la deuxième baffe, celle de sa mère. Maintenant, il avait mal des deux cotés. Elle hurla, c'était un mélange de reproches, de pleurs et de colère. Tout y passait : Marilyn, l'escadron, les chimères... lui. Mais il n'écoutait pas. Pendant qu'elle parlait, elle se tenait sa prothèse comme si elle avait encore mal après tout ce temps. Cette gestuelle eu plus d'impact sur Manuel que toute argumentation. Son père ne dit rien. Mais Manuel savait qu'il n'en pensait pas moins. Tout ce que sa mère savait, ce devait être lui qui le lui avait dit, vu qu'il avait toujours un pied dans la base, il avait dû tout voir.

« - Tu m'avais promis de ne plus faire d'âneries Manuel. » dit simplement le professeur Ferreira.

« - Je t'avais promis de ne pas faire de cabrioles avec mon armure papa. Pour l'instant, je tiens ma promesse.

- Tu sais que j'ai failli avoir une attaque quand j'ai compris ce qui se passait. Que ce serait-il passé si la chimère avait attaqué ?

- Si elle avait été agressive tu ne crois pas qu'elle aurait commencé par attaquer les éléments en périphérie de la ville ?

- Probablement... Mais je persiste à dire que tu as eu de la chance. Évite de jouer à la roulette russe comme ça. Je n'ai qu'un fils, et ça me ferait chier d'être invité à son enterrement avant son mariage. »

Manuel n'eut rien à répondre à cela.

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