2 : Décisions (3/3)

Casqué, Manuel s'était installé au poste de pilotage. Ses jambes descendaient un peu dans les cuisses de son engin et sa tête se trouvait en haut de la poitrine de cette dernière, il s'assura que le centre de gravité de son corps serait le même que celui de l'AMC. Cela lui faciliterai le pilotage. Il l'alluma d'un geste. La machine se mit à souffler doucement : la mise sous énergie était faite. Lentement, il abaissa le harnais mécanique qui le maintiendrait à son poste de pilotage. C'était une large pièce rembourrée comme on peut en trouver sur la plupart des manèges de fête foraine, constitué de deux bras qui passaient sur ses épaules et se rejoignaient sur son ventre. Il venait de le descendre de quarante-cinq degrés et les verrous qui allaient lui tenir les jambes et les pieds sortirent et s'attachèrent sur les bottes spéciales et enserrèrent le pantalon. Deux pièces, de part et d'autre du poste de pilotage se rapprochèrent et positionnèrent son bassin.

Bon, ça, ça fonctionne... la suite...

Il laissa aller sa main sur le levier de fermeture de l'armure, sur sa cuisse gauche. D'un coup sec, il l'abaissa vers l'avant, le long de sa cuisse. Il sentit son harnais et les verrous se serrer un peu plus avant de se verrouiller dans leur dernière position. Le support de plastron, constitué d'une armature mécano-soudée se mit en place. Le plastron absent, tous pouvaient voir Manuel casqué regarder si tout se passait bien.

Sa main droite tâtonna deux ou trois fois avant de trouver le bouton de mise en marche.

Manuel dû s'y reprendre à trois fois avant que la l'engin ne veuille bien démarrer. Au soufflement du système de refroidissement s'ajoutèrent le ronronnement d'une pompe et le sifflement d'une turbine.

Face à lui, Manuel avait quatre écrans, huit jauges à aiguilles ainsi que deux rapporteurs d'équilibre. Pour le moment, il les ignora. Il concentra son attention sur les jauges : savoir si le circuit montait en pression...

« - T'as du jus ? Demanda Mylène

- Ouais... le circuit monte en pression. Prévenez-moi si vous voyez de l'huile couler.

- Je te parlais des écrans...

- Euh... non, j'ai rien. Enfin, si... j'ai du jus mais pas de signal vidéo. » Déclara Manuel en jetant un coup d'œil aux écrans noirs.

« - Bouge pas les bras : je vais voir derrière... reprit sa sœur

- Pas de soucis : mes mains ne sont pas dans les gants de contrôle. » Répondit Manuel le regard toujours fixé sur les jauges.

Apparemment, y'a pas de fuites... on va passer à la suite...

Manuel abaissa le petit écran de casque pour voir ce que son armure percevait. Rien. Il bougea la tête pour voir si la tête de l'armure faisait de même. Il entendit les vérins chuinter suivant ses mouvements. Ça lui suffisait pour le moment.

« - J'ai pas de retour sur le principal non plus.

- OK., che m'en ochubbe de chuite. » Marmonna sa sœur, un paquet de fils dans les mains, un tournevis en travers de la bouche.

Dans leur coin, Fernand et le professeur discutaient tout en observant la fratrie travailler de concert.

« - C'est quoi ces écrans sur le support de plastron ?

- Une idée de Mylène... elle se refusait à laisser Manuel avec une seule sortie vidéo. Alors...

- Je comprends... pour éviter qu'il ne se batte avec le carter ouvert... Je le connais aussi l'olibrius... »

Le professeur Ferreira observait la machine de son fils avec un certain intérêt mêlé d'inquiétude. Manuel avait commencé à ramener des pièces de ce type de machine vers l'âge de dix ans. A l'origine, le professeur avait pensé que ce n'était qu'une envie passagère de découvrir les armures. Mais il continuait de travailler sur ces choses avec passion. Il faillit même faire exploser la maison avec un réservoir sous pression mal branché qui avait fini sa course chez le voisin d'en face. Lors des anniversaires, le jeune homme se montrait déçu par les cadeaux autres que ceux qui pouvaient avoir un rapport avec ces énormes machines. Le temps passant, sa chambre ressembla de plus en plus un garage ou à un magasin de pièces détachées.

Jusqu'à ce qu'a quinze ans, il entreprenne de construire sa propre machine. Sa mère, qui cherchait à ce qu'il range sa chambre, finit par abandonner la partie.

Devant ce que sont fils avait crée aujourd'hui, il se montrait impressionné et inquiet : la machine semblait fonctionner, mais pour combien de temps...

« - Ha, attends... j'ai l'image sur le principal... »

Manuel retira le petit écran de ses yeux. Et regarda les quatre écrans que sa sœur avait installés. Ceux-ci montraient ce qu'il y avait devant le plastron absent.

« ...Les secondaires fonctionnent aussi. On passe à la suite ! Je branche les écrans secondaires sur les jauges électroniques et le système de contrôle du calculateur... »

*

* *

*

Le Major arriva vers neuf heures du soir. Dés son arrivée elle comprit que l'ambiance n'était pas au beau fixe. Elle portait encore sa combinaison de pilotage et ce fut la mère de Manuel qui lui ouvrit la porte.

En voyant la jeune femme, elle comprit immédiatement que c'était elle qui avait emmené son fils sur la voie de l'armée. La colère brûlait en elle, si on lui avait laissé le choix, elle l'aurait étranglée sur le palier même de la maison. Mais elle se sentait vaincue et totalement isolée de l'ensemble des personnes présentes ce soir là.

Ce fut sans un mot et avec les yeux rouges qu'elle s'écarta pour lui laisser le passage.

Soudain la maison trembla suite à une énorme détonation. Du bas de l'escalier elles reçurent quelques morceaux de plâtre. L'une à la suite de l'autre elles se précipitèrent jusqu'à la chambre de Manuel.

Tous les protagonistes en dehors de Manuel regardaient de l'extérieur de la chambre. Manuel, harnaché dans son armure dépouillée de toute protection, portant son casque bleu, avait le poing tendu face à lui. Et l'armure avait la même position. La porte-fenêtre de la chambre était ouverte, le vent frais de la nuit aérait la pièce surchauffé par la présence de toutes ces personnes.

« - Merde, je me suis enfoncé de combien derrière ?

- A peu de choses près je dirais que tu as dix ou vingt centimètres dans le mur. Répondit la sœur, Mylène.

- Putain, quelle puissance... murmura Fernand. Bon, d'un autre coté, il n'y a aucun blindage...

- Vas-y sors. On va voir les équilibrages dynamiques. » Reprit le père.

Pendant que Manuel sortait avec les plus grandes précautions Les deux femmes interrogèrent les personnes présentes pour savoir ce qui s'était passé. Ce fut Mylène qui leur répondit : test de divergence. Il s'agissait pour le pilote de donner un coup de poing dans le vide pour vérifier que l'automatisme n'était pas divergent. Dans le cas contraire, l'engin aurait été incontrôlable. Mais, la machine avait déployé trop de puissance par rapport au mouvement effectué, elle s'était donc enfoncée dans le mur.

Maintenant il fallait vérifier le reste. Mais il était temps de passer à table.

Personne ou presque n'osa parler pendant le repas. L'atmosphère était lourde, pesante. Ce fut Manuel qui ouvrit la conversation.

« - Major, quelle est la décision du commandant ?

- C'est OK, sachant que c'est toi qui pilote à tes risques et périls. Mais tu dois rester au moins deux ans. Autre chose, appelle-moi Marilyn s'il te plaît : j'ai fini mon service il y a un moment et les autres Machos de l'escadron ne sont pas là. Ça vaut pour toi aussi Fernand.

- Hum-hum, j'ai la liste de l'ensemble des pièces de rechanges. Mais il me manque des éléments de protections, et des pièces particulières, j'aimerais passer à la base demain pour les récupérer.

- Bien donne moi ça et passe avec ta machine dans l'après-midi. J'aimerais aussi que les techniciens de la base y jettent un œil.

- Bien. Qu'ils y fassent attention : je tiens à ce bazar. »

Le repas fini, Mylène et les trois garçons retournèrent à leurs travaux.

Marilyn, ne connaissant que le strict minimum en matière d'armure les laissa et préféra aider la mère de Manuel. Elles travaillèrent dans le silence, jusqu'à ce que la mère de Manuel lance la conversation.

« - Pourquoi me prenez-vous mon fils ?

- Il a fait son choix : moi je n'ai fait que lui proposer la même chose qu'a ceux qui nous rejoignent.

- Pourquoi lui faire la proposition à lui ? Il y a tant d'autres garçons dehors...

- ... Qui ont, eux aussi des mères qui les aiment, et qui, tout comme vous s'inquiètent de leurs sorts. Mais, Manuel est différent, il a un don. Une affinité avec ces machines. Quelque chose que je ne peux pas définir. C'est pour cela que je lui ai fait cette proposition. Je n'en fais pas à tout va vous savez, je ne suis pas un recruteur de l'armée. Les gens qui sont dans mon escadron ont tous une spécificité, un talent quelconque qui les met au dessus du lot. Manuel ne sera jamais en meilleure sécurité qu'avec mes hommes et moi-même. Même s'il restait ici.

- Promettez-moi qu'il ne lui arrivera rien.

- Ça, je ne peux pas, en revanche je peux vous promettre que je ferais tout ce qui est possible pour vous le ramener en un seul morceau, et vivant. »

La mère de Manuel ne continua pas la conversation et pleura doucement.

*

* *

*

Le lendemain, Manuel déposa son armure à l'atelier comme le lui avait demandé Marilyn. Puis il alla la rejoindre pour terminer toute la procédure administrative. Fernand était déjà présent. Une fois les papiers terminés elle leur montra un bureau en face du sien en leur disant que c'était désormais le leur. Elle attira leur attention sur le fait que ce bureau faisait office de chambre, les couchettes étant repliées dans les murs et l'armoire servant pour les affaires vestimentaires. Elle était à leur libre disposition, et, s'ils étaient consignés ou de permanence ils seraient bien contents de la trouver. Elle les conduisit ensuite au magasin ou ils récupèrent leur dotations. Tenue d'apparat, combinaison de combat, casque, chaussures, gants et un bipper étanche pour chacun au cas où il y aurait une alerte.N'étant pas considéré comme militaires à part entière, ils ne disposèrent pas du pistolet. Après avoir rangés leurs affaires à leurs emplacements respectifs dans la chambre bureau, Marilyn les invita à manger à la cantine de la base.

Le reste de l'escadron les attendait, ils avaient monté une petite fête en l'honneur de leurs arrivée et les quelques autres soldats de la base étaient invités à y participer. La tradition était, à chaque arrivée d'un nouvel élément, de se saouler, puis d'aller faire un tour dans les simulateurs. Ils n'y échappèrent pas.

Pendant ce temps, Marilyn rejoignit la zone de maintenance. Elle reconnue de suite la machine de Manuel : elle était plus petite et plus musculeuse que les autres présentes dans l'atelier. La plupart des AMC étaient constituée de pièces de blindages avec de nombreuses facettes pour dévier de possibles tirs. Celle de Manuel était un mélange entre ces pièces à facettes et des versions au formes arrondies. L'ensemble était quasiment terminé : il ne lui manquait que la peinture. Elle ressemblait ce qu'elle était : une machine faite avec des pièces de récupération. Certaines pièces de blindage étaient rayées, parfois un peu rouillées. De l'extérieur, elle avait un aspect peu engageant.

Elle alla au bureau qui se trouvait dans un renfoncement de l'atelier. Ce bureau contenait quatre personnes en train de manger à une table carrée au fond de la pièce. Certains étaient avec un sandwich d'autres avec un Tupperware mais tous avaient une bière. C'était un simple bureau d'atelier : un peu sale et crasseux mais fonctionnel. Son entrée fut salué par quelques sifflet mais un des hommes, le plus vieux, mis fin à cela :

« - Arrêtez de rêver les gars, vous ne lui arrivez même pas à la cheville, et si vous la poursuivez, de chasseurs vous finirez gibiers. D'autres y ont laissé des dents, parfois même un peu plus. Alors ma louloute, tu es venu pour savoir ce que je pensais de l'engin qui m'a été amené ce matin ?

- T'as tout compris 'Papy'. »

Dans cette base, le plus vieux des mécaniciens était surnommé 'Papy', c'était surtout une marque de respect tant à son âge qu'a ses compétences. Dans ce cas présent, le vieil homme avait le crâne chauve et le visage marqué par le temps, mais son regard brillait encore d'une malice de gamin. Sur son visage, une paire de lunette en demi-lune rappelait que le temps joue parfois quelques tours. Son bleu de travail, noir en pas mal d'endroit rappelait que de tous ici présent, c'était lui le chef. Et personne n'aurais remit en cause cet état de fait. La jeune femme avait eu des problème sur son armure en revenant d'Asie, et aucun mécanicien n'avait trouvé d'où cela pouvait provenir, sauf lui. Il avait mis moins de cinq minutes à identifier le défaut et y avait pallié. Depuis, une certaine amitié était née, un peu comme entre une petite fille et un grand-père un peu espiègle.

« - Viens voir : ça vaut le coup d'œil. » Dit le vieil homme en prenant son sandwich, et une fois sorti du bureau il reprit :

« Cette bécane est bien conçue. Je ne sais pas qui a fabriqué ce modèle mais il mériterait une médaille. Certains points sont perfectibles comme les articulations... Mais sinon, elle est impressionnante. »

Ils grimpèrent à un escalier métallique pour se retrouver dans le dos de l'armure de Manuel. Si de face, l'amure semblait prête, de dos, pas mal de pièces avaient été retirées. Le vieil homme avait le regard brillant de passion pour le sujet qui l'animait.

« - Regarde : les tubes que tu vois là appartiennent à la structure de la machine, Ils sont soudés entre eux pour en former le squelette. Leurs densités et leurs positions donnent à la machine une bonne résistance aux déformations. Ceux-ci, continua-t-il en montrant d'autres tubes, plus petits sont placés à tout les endroits où il y a une pièce de blindage. Ils sont directement reliés à un petit bac d'azote liquide et à un condensateur par l'intermédiaire d'un automate. En cas de brusque montée ou de chute de la température, le système actionne l'un ou l'autre des deux éléments. Protégeant le pilote et l'intégrité du blindage. On ne trouve ce système que sur certaines armures de construction chargées du soudage plasma. Et là, sous le carter pelvien, ... »

Le vieil homme était intarissable. D'aussi loin que Marilyn se souvenait, jamais elle n'avait vu 'Papy' dans cet état d'excitation. Cela la désola mais elle dû couper l'élan du vieil homme

« - 'Papy', Si je comprend bien cette machine est bonne pour le combat ?

- Oui, sa conception est un peu étrange car elle ne dispose pas d'armes intégrée dans sa structure comme la majorité des engins de combat. Et, comme je te l'ai dit, les articulations ne sont optimales. Mais, elle reprend la fonction de base même de l'armure : protéger son pilote. Et paradoxalement, cet avantage fait aussi son inconvénient : Le pilote est un des points faibles que j'ai pu identifier.

- Comment ça ?

- Cette machine dispose de circuits de sauvegardes dans tous les coins. Elle fonctionnera toujours, et pour la bousiller, faudra vraiment y aller. Tu tues le pilote, l'armure ne bouge plus. Tiens, d'ailleurs, je voudrais savoir, pourquoi il y a ces emplacements vides dans les épaules ?

- Ça je n'en sais rien, peut-être pour les autres équipements...quels sont les autres point faibles.

- Les articulations des épaules et des hanches. Et le fait qu'il n'y ait pas d'armes intégrées. Si ce pilote se retrouve un jour sans munitions pour les armes qu'il transporte, il sera vraiment mal. »

* * * * *

Rapporteurs d 'équilibre : C'est un simple rapporteur avec une pièce de métal indiquant l'angle de l'armure par rapport au sol. L'angle avant/arrière et droite/gauche.

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