2 : Décisions (1/3)


Manuel mit un moment avant d'activer l'ouverture du simulateur. Il était exténué. Lentement, dans un soufflement pneumatique, la carcasse mécanique s'ouvrit. Ce faisant, une personne l'attendait dehors : son père.

Le jeune homme laissa sa tête taper doucement dans le repose-tête en fermant les yeux. Il soupira. Jamais il n'avait mené de combat aussi éprouvant, il était fatigué, épuisé, des douleurs partout. Avec difficulté, il sortit ses mains des gants de commandes, avec ses doigts, encore crispés, il eu du mal à enlever sa jugulaire. Il retira son casque, il sentait la sueur dégagée par les mouvements violents et les chocs encaissés le brûler comme de l'acide. Il en était trempé, de la tête aux pieds.

Le professeur Ferreira regarda son fils avec un mélange de fierté et d'amour paternel. En tant que père, l'exploit que son fils avait réalisé le comblait autant qu'il l'inquiétait. Il ne parla pas, il le laissa reprendre lentement ses esprits. Il sourit un moment en pensant à l'énorme crise que sa mère allait faire en voyant son fils rentrer dans un tel état. Bleus compris.

Manuel sortit lentement, avec beaucoup de précautions du simulateur. Chacun de ses muscles lui faisait mal, sans parler des articulations. Il fit quelques pas avant de faire demi-tour et s'asseoir sur la carcasse du simulateur.

« - Je suis complètement naze... Quelle heure est-il, s'il te plaît ? demanda-t-il à son père

- Deux heures moins dix de l'après midi. Ça fait presque trois heures et demie que tu es là-dedans. Une sacrée bagarre je dois dire.

- Tu as tout vu ?

- Oui. Décidément, tu ne changeras jamais ; néanmoins, j'aimerais que tu me fasses une promesse.

- Laquelle ?

- Ne fait jamais ce genre de cabrioles en combat réel si tu devais t'y retrouver confronté, demanda le professeur en faisant référence au passage de la falaise. En simulation, ça fonctionne, mais dans le réel... C'est une autre paire de manche.

- OK, promis... Où sont les autres pilotes ?

- Ils discutent dans la salle de contrôle en haut. Quand as-tu compris ?

- A partir de la clairière, j'ai eu un doute, et ça m'a été confirmé lorsque j'ai affronté le modèle d'artillerie. De plus les autres simulateurs de la salle sont tous ouverts. Manuel toussota. On va manger ? J'ai les crocs.

- Tu ne veux pas connaître les résultats d'abord ? Ni ceux que tu as affrontés ?

- Ta collègue m'a mené en bateau depuis le début, seul l'environnement était simulé là-dedans. Ceux que j'ai affrontés sont bons, excellents même, ça me suffit et je suppose que le test les concernait eux, pas moi. De mon coté, la mission est un échec : Je suis mort... En plus, j'ai dû affronter la quasi-totalité des forces présentes sur la carte, question discrétion c'est raté, non ? Pour toutes ces raisons, je me moque complètement des résultats de son test. Elle peut se carrer tout ça où je pense. »

Le scientifique sourit doucement, présenté comme ça la mission était en effet un échec complet. Il savait aussi que son fils, idéaliste et un peu naïf n'acceptait pas le mensonge ou le manquement de parole. Il songea un moment à la colère du major lorsqu'elle apprendrait qu'ils étaient partis comme des voleurs. Cela le fit doucement sourire, il s'en moquait : il était civil, et son fils aussi.

« - Italien, ça te convient ?

- Ce sera parfait. » Répondit Manuel en récupérant son casque.

*

* *

*

Le lendemain, lundi, Manuel attendait la pause des cours vers dix heures et demie. Il était assis au milieu de l'amphithéâtre à écouter d'une oreille distraite ce qu'expliquait le professeur. Il était couvert de bleus et de compresses, et Fernand, deux rangs plus bas n'était pas dans un meilleur état. Sa mère avait piquée une sacrée crise en le voyant revenir après le restaurant italien.

Elle avait insisté pour lui mettre de la pommade et des compresses pour protéger le tout avant qu'il n'aille se coucher. Chose étrange, il ne faisait jamais de siestes, mais ce jour là il avait fait exception à la règle. Son état de fatigue était tel qu'il s'était écroulé dans son lit vers quatre heures de l'après-midi pour se réveiller le lendemain matin. Dans son sommeil, il avait vaguement entendu sa mère sérieusement sermonner son père. Pour qu'il entende ça, ça avait dû crier fort hier soir. Et ce matin, ça avait continué : il avait dû batailler dur avec sa mère pour pouvoir aller en cours.

Dû au manque de place dans les établissements scolaires à cause de la guerre, les écoles primaires partageaient leurs bâtiments avec les maternelles, quand aux collèges, ils partageaient les leurs avec les lycées. Les universités étaient surbookées, la place manquait partout. Les cours avaient alors été séparés en demi-journées de travail pour permettre à tous d'accéder à la connaissance. Si on loupait une journée, pour quelque raison que ce soit, on devait la rattraper avec une autre classe le jour suivant. Et Manuel n'avait pas envie de s'expliquer avec des gens qu'il ne connaissait pas.

La rumeur commençait à courir dans l'école qu'ils s'étaient battus tous les deux avec des voleurs ou des junkies ; voire même l'un contre l'autre. Qui faisait courir ces bruits de couloirs, il l'ignorait, et, pour être franc, il s'en moquait. Fernand n'avait rien dit : il ne voulait pas que l'on apprenne qu'il s'était rapidement fait éliminé, et il lui avait confié qu'il attendait sa revanche. Quand à Manuel, il n'avait pas envie que toute l'école apprenne qu'il avait servi de cobaye pour une expérience. Fernand avait essayé du lui donner ses résultats, mais il avait coupé court, ça ne l'intéressait pas et il en savait suffisamment à son goût. La seule chose qu'il avait acceptée de Fernand fut le nom du groupe qu'ils avaient affronté : L'escadron Rock.

C'était un escadron plutôt connu, des spécialistes du combat en armure, comparables aux commandos pour les forces d'infanterie, avec des faits d'armes sur les cinq continents. Leur logo était une espèce de barbare chevelu jouant de la batterie dans un cercle. Mais ce n'était pas des fondus de la gâchette pour autant, et ils détestaient les projecteurs que pouvaient braquer les médias. Généralement, on n'entendait parler d'eux qu'une fois la mission terminée, et on ne les voyait jamais. On n'apprenait que plus tard qu'ils étaient passés par là. C'était devenu un peu le dahu des journaux : tout le monde le chassait mais personne ne l'avait jamais vu. A tel point, que certains médias doutaient de leur existence.

Alors comme ça ils sont réels...

Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien chercher à tester lors de cette simulation ? Une nouvelle AMC ? Une méthode d'approche ? Une arme ? Un système d'acquisition ? Va savoir, dans tout les cas, je n'aurais pas été mis au parfum, comme Fernand d'ailleurs.

Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas la sonnerie de la pause. Ce fut Fernand qui le ramena à la réalité. Il ramassa ses affaires et se prépara à sortir pour rejoindre le cours suivant. Ce faisant, il questionna son ami :

« - Alors, comment tu te sens ?

- Je suis le plus heureux des hommes ! Répondit l'intéressé, un sourire radieux au milieu du visage tuméfié. Par mes aïeux, quelle baston ! J'ai pas duré longtemps, mais je reprends une dose quand tu veux !

- T'es com-plè-te-ment maso... » Raillait Manuel, rire lui faisait mal aux côtes, mais du bien au moral.

« - J'ai l'impression que toi, tu ne te rends pas compte : tu leur as tenu tête bon dieu ! Tu as fait armes égales avec eux ! Pire ! Tu les as maîtrisé les uns après les autres ! Tu les as fait tourner en bourrique comme des amateurs ! Bon, sauf le dernier, faut l'avouer, mais ta machine était HS !

- Et ? Tu crois que ça n'arrive pas dans la réalité.

- 'Et ?' Bien sûr que ça arrive. Mais putain, c'est tout ce que ça te fais ? Merde alors... A ta place, j'aurais fait la fête pendant deux jours !

- Café ?

- Café ! »

Ils allèrent chercher au self deux cafés puis entrèrent sur des sujets de étudiants : les profs, les cours, ce qui se passe après les cours. Cinq minutes après, la sonnerie de retour en cours retentit, ils finirent leurs verres puis se mirent en route. A l'entrée de la salle de classe le professeur les interpella :

« - Ferreira, Lebon, le directeur vous attend dans son bureau après les cours. »

Les deux concernés se regardèrent.

« - Est-ce que vous savez pourquoi monsieur ?

- J'en sais trop rien, mais à vous voir je dirais qu'il doit y avoir un rapport avec vos têtes. Dans quel bazar êtes-vous allé vous fourrer tout les deux ?

- On a voulu rendre service monsieur ... commença Manuel en entrant dans la salle.

- ... Et on est impatient de remettre ça. » Termina Fernand en faisant de même.

Sur ce cours là, les deux comparses étaient voisins. Personne ne se mettait jamais à coté d'eux, mais, aujourd'hui, une fille vint se placer là. Dés le commencement du cours elle leur demanda ce qui leur était arrivé, pour la énième fois de la journée. Les deux comparses avaient décidé de donner les raisons les plus folles pour qu'on leur fiche la paix.

« - On étaient tellement bourrés hier que Manuel est allé au zoo avec l'idée de rouler une pelle à un kangourou... Commença Fernand.

- Une kangouroute ! Corrigea Manuel, rentrant dans le jeu.

- Une kangouroute donc. Repris Fernand. Manque de pot, il était tellement cuit que c'est un mâle qu'il a embrassé...

- On s'en est rendu compte quand Fernand a voulu vérifier qu'il n'y avait pas des bijoux de famille sur la bestiole...

- Hé ! On fait les choses bien ou on ne les fait pas ! Non ?

- Vous vous foutez de moi tout les deux ? » Coupa net la jeune femme.

Les deux étudiants eurent un mouvement de recul et la même réponse :

« - Qui ? Nous ? Voyons, on n'oserait pas. »

En vérité, c'était la cinquième raison complètement folle qu'ils invoquaient dans la même matinée. La jeune femme quitta sa place, en colère, dès que l'enseignant eut le dos tourné. La réaction provoqua l'hilarité chez les deux amis qui eurent du mal à se contrôler pour éviter que le professeur ne les entende.

Ils en avaient discuté : donner la véritable raison aurait paru aussi crédible aux yeux de leurs camarades que celle qu'ils venaient d'invoquer : Nous avons affronté l'escadron Rock !

Le cours se passa sans autre incident. A la fin le professeur leur rappela leurs obligations.

Ils arrivèrent peu après au bureau du proviseur, se demandant toujours quelle raison ils allaient bien pouvoir invoquer pour expliquer leur état. Pas un seul instant ils ne croyaient que la vérité le convaincrait. Ils frappèrent à la porte attendant le « entrez » signifiant leur descente dans l'arène. A leur entrée, ils constatèrent qu'il y avait déjà une personne présente dans la pièce avec le proviseur. Étant de dos, ils ne la reconnurent pas tout de suite, mais quand elle se retourna, ils l'identifièrent immédiatement. Marilyn Targin. Elle les accueillit en se levant. Elle portait une tenue militaire d'apparat gris souris. Sur ses épaules, brillaient les insignes de major, et sur sa poitrine, un arc-en-ciel de campagnes générées par les combats auxquels elle avait participé. Elle portait des souliers noirs, brillants, un béret rouge avec l'insigne des pilotes d'AMC et, sur son épaule apparaissait discrètement le logo de l'escadron Rock en orange sur fond noir. Ses cheveux, que Manuel avait toujours vu lâchés étaient là attachés en queue de cheval. Renforçant on ne sait comment la prestance de l'uniforme.

L'ensemble, de la tenue militaire à la coiffure de la jeune femme, faisait tache face à son jeune âge. Si, avant on ne l'identifiait pas, là on pouvait deviner qu'elle avait à peine plus de vingt ans. Sur son front, la bosse avait diminué, mais le bleu était resté.

Le proviseur se massait le menton, assis sur sa chaise. Réfléchissant.

« - Ravie de vous revoir les gars, commença Marilyn en tendant la main après un clin d'œil à chacun. J'aimerais me faire pardonner de vous avoir entraîné dans une telle histoire en vous offrant le repas de ce midi. »

L'un après l'autre, les deux étudiants serrèrent la main à la militaire sans rien dire, limite sous le choc de la transformation de la jeune femme. Le proviseur leur adressa enfin la parole.

« - A voir vos têtes ce matin je me suis un moment interrogé sur ce qui vous était arrivé, et, j'avais de toutes façons envie de vous faire venir dans mon bureau pour des éclaircissements. Mais cette jeune femme est arrivée ce matin et m'a expliqué ce qui s'était passé à la discothèque. Je dois dire que je suis assez fier que vous vous soyez porté au secours de cette dame. Mais à l'avenir, commencez par appeler la police avant de détruire l'établissement. D'accord ? »

Les deux étudiants croisèrent leurs regards, comprenant que la raison qui, leur posait tant problème quelque minutes plus tôt était réglée.

« - Filez maintenant ! Et pas de bêtises ! »

*

* *

*

Le dimanche après-midi précédent, la militaire était entrée dans une rage noire en apprenant que les Ferreira, père et fils, étaient partis sans prévenir personne. Elle avait alors libéré l'ensemble des personnes restantes de toutes obligations non sans avoir sérieusement sermonné le groupe de combattants En effet, ceux-ci s'attendait à un affrontement rapide et facile et ils avaient commis des fautes de débutants. Elle avait ensuite épluché les données concernant Manuel Ferreira. Ce qu'elle avait pressenti à son sujet se révélait exact : c'était un soldat né ! Sa précision au tir et la coordination dans ses gestes étaient excellentes, du même niveau que les autres membres du groupe Rock. Mais, ce qui était le plus impressionnant était sa faculté à trouver une solution à un problème en plein combat.

Si on regardait de plus près les actions, on pouvait les séparer en quatre rencontres. La première contre le sniper, la seconde contre deux modèles d'assaut, la troisième contre un modèle lourd et la dernière contre un modèle d'assaut et un autre de corps à corps. A aucun moment Manuel n'avait eu un quelconque avantage ; mais il s'en était tiré à chaque fois. Ce qui la sidérait au plus haut point c'était surtout ses réactions chaotiques, totalement hors des enseignements du corps militaire. Si on excluait le fait qu'il se soit servi d'un arbre ou qu'il ait pris à revers une partie du groupe de ses adversaires, ses actions avec le modèle lourd et celui de corps à corps relevaient du génie pur. S'il n'avait pas eu une machine en mauvais état, Marcus, celui qui avait réussi à le vaincre aurait eu beaucoup plus de mal. Il fallait également le reconnaître : il avait eu de la chance lorsque Redcross lui avait tiré dessus. D'autres éléments, en revanche était plus inquiétants : D'après l'ordinateur, il avait violemment torturé sa machine. Les mouvements et les actions qu'il avait mené avaient poussé la mécanique au-delà de ce qu'elle avait été conçue pour supporter. A ce titre, il avait détruit lui-même son AMC.

A corriger : il faudra qu'il se calme et qu'il ne pilote plus sa machine comme un engin de foire...

Son ami Fernand n'était pas mauvais non plus. A la première analyse, on aurait pu penser que ce n'était qu'un amateur, mais ce n'était pas le cas. Après une étude minutieuse, il était apparu qu'il avait piloté comme un vétéran. En effet, il avait choisi une armure lourde avec une forte puissance et une grande portée. Et il avait affronté deux modèles de combat rapproché. La finalité de cet engagement n'avait laissé aucun doute sur les vainqueurs. Ce qui était intéressant, ce fut sa capacité à se protéger et surtout à sauvegarder son armement longue portée. Une armure de ce type sans cette capacité devenait plus un boulet qu'autre chose, et jusqu'au bout, ses canons lourd étaient restés opérationnels.

Je me demande ce qu'il donnerait dans un modèle d'assaut...

Il avait affrontés ses adversaires en faisant tournoyer son armure, présentant chaque fois de nouvelles parties blindées indemnes aux tirs ennemis. Il avait agit avec un sang-froid impressionnant malgré les violents coups qu'il avait pris dans le simulateur. Quand tout son blindage fut hors service, il continua à présenter les parties les moins endommagées. Il s'était même permis le luxe de se servir de ses armes d'autodéfenses occasionnant des frayeurs à ses adversaires. Il avait tenu une demi-heure de sauvages combats. Une performance non négligeable. Marilyn n'était pas dupe : Dans un combat réel, ses équipiers auraient vite été présents sur les lieux pour lui porter assistance. Et dans un tel cas, la victoire aurait été sienne. D'une certaine manière l'escadron Rock avait eu de la chance que ces deux là n'aient pu se rejoindre dés le départ. Car, dans le cas contraire, Manuel aurait pu fournir toute l'assistance nécessaire à Fernand, et Fernand sa puissance de feu à Manuel.

Les deux gosses, ensemble, devaient former un duo infernal à affronter.

Ce n'est qu'en début de soirée que le professeur Ferreira vint la voir. La rage qu'elle avait accumulée pour leur fuite du début d'après-midi éclata. Mais le professeur n'était pas homme à se laisser faire et l'énorme dispute qui s'ensuivit laissa place à un silence gêné. C'est au cours de cette accalmie que le professeur expliqua les idéaux et le fonctionnement de son fils.

Elle eu un peu de mal avec ses idées paradoxales sur la paix, l'armée, la guerre et les conflits en général. Mais le sentiment d'honnêteté, elle le comprit. Et du même coup elle assimila les raisons qui l'avaient poussé à partir sans rien demander. Elle lui avait menti, depuis le début, et il ne l'avait pas accepté. Si elle voulait pouvoir conserver les compétences de ces deux pilotes, elle allait devoir tout leur expliquer, et s'excuser.

Elle ne ferait pas deux fois la même erreur. Dorénavant, elle jouerait cartes sur table avec eux. Sa première action fut de contacter les autres pilotes de l'escadron Rock, et de réserver une table à un restaurant. La seconde fut de récupérer ceux dont elle espérait faire de nouvelles recrues et le seul endroit où elle était sûre de les trouver était l'école. Pour mettre toutes les chances de son coté elle mit sa tenue d'apparat. Elle inventa une histoire de toutes pièces pour le principal, et, apparemment, cela arrangeait bien les affaires des deux garçons.

Une fois hors du bureau, elle glissa une seule phrase aux deux jeunes : « Je vous explique tout dans la voiture. » Aucun des deux ne broncha.

La traversée de l'école par deux élèves aux visages amochés suivant une militaire fit régner partout où ils passaient un silence religieux. Ce silence était accompagné par des regards interrogatifs, parfois inquiets et quelques commentaires murmurés de la part des élèves présents sur le trajet. Manuel souffla, voila qui allait alimenter encore plus de rumeurs. Avec un peu de chance, le principal lâcherait la raison que Marilyn lui avait donnée.

Dans le véhicule, Marilyn leurs raconta tout. Le fait qu'elle était le Major Marilyn Targin, la chef de l'escadron d'AMC Rock. Qu'elle avait eu pour mission de leur faire arrêter les simulateurs. Mais, qu'elle fut boutée hors de la simulation par Manuel. A partir de là elle voulut savoir quelles étaient leurs réelles performances à tout les deux. Le fait qu'elle connaisse son père l'aida à prévoir une session d'essai contre de vrais combattants : l'escadron Rock lui-même.

Ce faisant elle les emmena dans un petit café-restaurant « Le goupil ». C'était un de ces bistro qui reprenait un peu la décoration des années dix neuf cent vingt avec ses boiseries et ses laitons sans oublier les verres dépolis. A leur entrée, un homme au fond de la salle se leva en criant :

« - Et voila la plus belle ! »

Le groupe d'hommes auquel il appartenait accueilli l'exclamation par une ovation sonore qui fit vibrer les vitres du petit café.

« - Et ses deux chevaliers servants ! » repris un autre.

Nouvelle acclamation verbale du groupe.

« - Boucle là cinq minutes Grundig, tu vas leur faire peur. Répondit Marilyn en approchant de la tablée.

- Leurs « faire peur » ? Qu'est-ce qui pourrait bien faire leur peur à ces deux lascars ! Même à une chimère ils seraient foutu de lui faire la peau avec des petites cuillères ! »

Nouvelle ovation du groupe.

- Rassieds-toi ! Tu dis des conneries ! Je vais faire les présentations si tu le veux bien.

- Pas de soucis Major ! »

Après un rapide coup d'œil sur le groupe, Manuel et Fernand comprirent qu'ils avaient affaire aux membres de l'escadron Rock. Tous étaient plus ou moins amochés, d'âge qui allait de trente à quarante-cinq ans, et tous étaient vêtus en civil.

« - Pour commencer, sachez que de l'escadron Rock, je suis la seule personne à être militaire de carrière. Le reste des membres de l'escadron Rock sont tous des civils. Alors, de gauche à droite, Marcelino Brunnetti, dit « Marcus », AMC d'assaut, pilote d'armure de manutention dans une base logistique. Axel Domano, dit « Redcross », AMC d'assaut, Pilote/pompier. Frantz Hüller dit « Grundig » AMC d'artillerie, Pilote d'armure pour les eaux et forêts. John Redshort dit « Rocco », AMC de corps à corps, Pilote d'armure pour la police. Yves Dusort dit « One shot », AMC furtive de sniper, Pilote d'armure de construction. Diego Traxino dit « Dionysos », AMC d'assaut, Pilote d'armure de manutention dans une usine. »

Ça faisait trop d'informations à retenir pour les deux amis. Mais Marilyn continua :

« Bon je vais me changer, Rocco, si je te gaule à encore tenter de me mater par le trou de la serrure je te crève un œil. Et laisse la serveuse tranquille cette fois. » Lança la jeune femme provoquant l'hilarité du groupe d'hommes alors que le désigné se confondait en excuses et raisons valables.

En faisant connaissance avec eux ils apprirent l'origine de l'escadron Rock : A la base c'était une bande d'amis anglais passionnés par la musique. Lorsque la faille est apparue, ils se sont défendus avec le peu de moyens qu'ils avaient. L'un d'entre eux avait un oncle qui fabriquait des armures. Ils récupèrent ce dont ils avaient besoin et organisèrent la défense de leur petite ville. La remise en place des armées effectuées, ils restèrent civils mais avec le commandement d'un militaire et l'assurance que cette spécificité serait conservée, l'une des premières milices. En vérité, l'officier militaire n'était là que pour transmettre les ordres du commandement, comment ceux-ci étaient appliqués sur le terrain relevait du seul choix du reste de l'escadron. Le fait de prendre des civils, d'en faire des éléments combattants était nouvelle, ils firent tout pour éviter que cela se sache. Malheureusement leur efficacité au combat contre les chimères devenant de plus en plus connue, ils changèrent leurs noms pour des surnoms, protégeant ainsi leurs familles respectives en cas de découverte par les médias de leurs spécificités. Chaque surnom était décidé par les autres membres de l'escadron, spécifiant ainsi les travers ou les compétences de chacun. Pendant la guerre, les membres originels de l'escadron furent tués, mais l'esprit de ce qu'ils avaient crée resta. Notamment celles de la ripaille et de la vanne facile, et, le sport commun à l'ensemble de l'escadron : se moquer de l'officier militaire qui les chapeautait.

La bonne humeur étant de mise ils firent un excellent repas, et passèrent une très bonne après-midi en leur compagnie.


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