16 : Malaga (3/3)
Manuel entra dans le hangar qui avait été réservé aux chimères. C'était un hangar de béton et d'acier posé à une centaines de mètres d'un quai. Bien que cherchant à les traiter au mieux, les autorités présentes furent bien obligés de les installer là où l'on risquait le moins d'incidents. Comme dans toutes les villes, Malaga vivait dans la peur constante des chimères. Les habitants avaient très moyennement apprécié d'être le lieu d'embarquement des chimères pour le Mexique. Afin d'éviter tout problèmes, une paire de gardes en AMC avait été placé à l'entrée de la partie du port qui les abritaient et un chemin d'accès interdit aux civils avait été défini pour leur permettre d'aller et venir pour chasser ou pour d'autres choses plus ou moins importantes. Le hangar était spartiate, mais fonctionnel pour ces fantastiques créatures. En dehors de Tégos, de quelques bidons et de deux armures de manutention sans plastrons, il était vide. La chimère cauchemardesque releva la tête à son entrée.
« - Tiens tiens tiens... mais qui voilà. Si tu cherches la princesse elle est partie à la chasse.
- Pas grave, c'est toi que je voulais voir.
- Tiens donc ?
- Je voulais savoir comment tu allais : c'est la première fois que je recouds le bide de quelqu'un.
- Je ne vais pas trop mal si c'est ce qui t'inquiètes. Un soigneur est passé et a terminé ce que tu avais commencé. Mais il a demandé à ce que je me repose et la princesse me l'a imposé.
- Et ça se repose bien ?
- En dehors de la visite d'une petite créature particulièrement têtue, ça se passe bien. Dit elle en faisant référence à sa présence Sinon, tu n'as pas eu trop froid la dernière fois ?
- Pardon ?
- Dans le tunnel.
- Ouais, donc j'ai pas rêvé. Tu m'as bien fait un clin d'œil cette nuit là.
- En effet. Je dirais... que j'ai agi à la Sellgan. »
Manuel comprit tout de suite ce que Tégos avait fait et, de la même manière, pourquoi Sellgan l'avait regardé ainsi.
« - Tu t'es débrouillée pour que je dorme avec elle. Tu pouvais utiliser ton pouvoir malgré ta blessure.
- Oui. Mais peut-être veux-tu la raison qui m'a poussé à le faire. Un sourire moqueur se dessina sur la gueule de requin.
- Dis toujours.
- Depuis leurs plus petite enfance, nos petits dorment avec leurs parents ou avec ceux qui sont chargés de les élever. Ils se sentent ainsi plus rassurés et peuvent dormir. J'ai également cette fonction auprès de la princesse depuis la mort de la reine. Moi blessée, Sellgan aurait bien voulu prendre cette place...
- Mais j'ai commencé à tomber en hypothermie, compléta Manuel.
- Exact. Et je me suis servi de ça pour éloigner Sellgan. Pour moi, il est hors de question que quiconque s'approche d'elle tant que son pouvoir n'est pas apparu. Les prétendants le savent depuis que j'en ai brûlé un.
- Hein ?
- Il s'est un peu trop rapproché de la princesse, je le lui ai signalé, il m'a... mal parlé. Il a prit feu.
- Mais je croyais qu'ils étaient sacrés jusqu'à ce que la princesse choisisse.
- Sauf pour la personne chargé d'élever le petit. Elle sert aussi de régulateur et de modérateur.
- Ouais, ... Donc, en gros, pour en revenir au sujet, tu t'es servi de moi.
- Oui. »
Manuel resta un moment stoïque face à cette réponse franche. Devant lui, la chimère avait un sourire non dissimulé. C'était un mélange surprenant : un visage de cauchemar franchement souriant et respirant la joie de vivre.
« - Bon, je vais chercher de l'alcool, c'est l'heure des soins, fit Manuel le sourire de la vengeance aux lèvres. Même s'il savait qu'il n'y avait plus de soins a faire, le simple fait de se les faire remémorer à la chimère était, en soi, une petite vengeance.
- Même pas en rêve.
- Rhaaa... Tu vas pas refaire ta gamine ? »
Tégos leva une patte, montrant ses coussinets. Des griffes longues comme des poignards sortirent en un bruit sec.
« - Approche-moi pour voir. »
*
A l'approche de la ville de Malaga, sur le retour de la chasse, La princesse Salida regarda les ruines qui parsemaient le coté est de la ville. Elle observait ces ruines tout en cherchant dans la mémoire à quoi cela avait pu bien ressembler avant le conflit. Elle arrêta quand elle comprit que ce qu'elle trouvait correspondait surtout la manière dont ça avait été détruit. Quelles pouvaient bien être l'utilité de ces bâtiments avant la guerre, elle n'en savait rien. La grande tigresse s'interrogea sur le moyen d'obtenir le savoir dont elle avait besoin.
Une information la concernant l'interpella dans la mémoire : le groupe embarquait ce soir. Elle se devait de rejoindre le hangar qui servait aussi de lieu de rendez-vous. Avec ceux qui prétendaient au trône, et ses gardes du corps, elle se mit en route. Un petit regret sur le manque d'être humain à ses coté se fit sentir. Elle n'en connaissait pas beaucoup, la plupart de ceux qu'elle avait rencontré s'était montré gentils et cordiaux. Pas tous, mais la plupart. C'est sur ces pensées qu'elle s'engagea sur le chemin qui lui avait été réservé. Elle passa entre les deux armures et marcha le long du quai.
Soudain, elle se figea, et le groupe de sécurité se rapprocha d'elle en grognant. Du hangar en face d'eux provenait les bruits d'une bagarre. Djar, à sa droite grognait même fortement. Elle le calma d'un ton sec avant de se rapprocher sans bruits de la grande porte ouverte. Elle n'était à une vingtaine de mètres de l'entrée quand deux bidons sortirent. L'un en roulant, l'autre en rebondissant. Ils allèrent droit dans l'eau. Elle demanda à ce qu'aucune chimère n'intervienne, elle estimait que s'il y avait problème c'était à elle de le régler. Salida se risqua à jeter un œil dans le hangar.
Manuel, dans une des AMC de manutention venait de coincer la tête de Tégos sous son bras gauche et frottait le front de la chimère avec son poing droit.
« - Tu vois que je t'ai attrapé ! Alors, t'as quelques chose à redire ?
- T'es sûr de me tenir ? Répliqua Tégos en faisant rouler l'AMC sur elle pour se retrouver sur lui. Qui tiens qui maintenant ? »
Les deux mains de la machine allèrent se placer sur les joues de la chimère avant de la faire tourner dans tout les sens. La langue sortie, la chimère avait un aspect grotesque.
« - Pourquoi tu tiens pas debout ? L'alcool à quatre-vingt dix degrés n'est pas pour la consommation personnelle ! »
La main droite de l'AMC attrapa la patte avant gauche et la main gauche poussa la chimère sur le coté, elle chuta. Désormais, c'était l'AMC qui était dessus. La machine chercha à se relever mais la chimère s'y accrocha, la forçant à rester au sol.
« - Ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça foutu bipède ! Heu... On va s'arrêter là je crois. »
Manuel vit Tégos le lâcher, le regard vers l'entrée.
Mais qu'est-ce qui se passe ?
L'armure se releva et le pilote regarda vers l'entrée. Salida était là, assise, entourée de trois autres chimères. Elle les regardait avec un léger sourire, la queue ondulant de temps en temps sur le sol.
« - On a fait une bêtise? Tégos ?
- Non, c'est juste qu'il faut que l'on s'arrête : la princesse est de retour et je dois reprendre ma place. T'inquiètes pas, on reprendra cette discussion en temps voulu.
- Quand tu veux, tu pourras faire ce que tu veux, tu n'échapperas pas à mes bons soins.
- Continue de rêver ! »
Manuel commença à récupérer les bidons éparpillé durant leur petit jeu. Ils avaient mis le bazar, il devait maintenant ranger, éviter que ça ne soit trop voyant. La princesse alla dans un coin et s'allongea, les autres chimères firent de même. La plupart regardaient Tégos de manière curieuse. A chaque fois, que l'une d'entre-elle croisait son regard, elle changeait de sujet visuel.
C'est fou ce que les plaques de tôles du toit ont la cote en cette fin année. Pensa Manuel, souriant, en voyant deux créatures la tête levée.
En dehors des nombreuses entailles et rayures sur la machine et des bidons manquants, il n'y avait aucune trace de ce qui s'était passé.
Sur sa poitrine, le bipper de Manuel vibra. ''Rejoindre l'escadron''. Il prit congé des chimères avant de sortir, le sourire de l'amusement sur les lèvres. Mais, même s'il était rassuré sur l'état de Tégos, il n'avait pas réussi à faire disparaître son inquiétude.
*
* *
*
« - Bon, suite à ce qui s'est passé dans les montagnes, les groupes ont été changés. Doux-dingue et Twister, vous êtes en protection rapprochée. Redcross, Dionysos, Rocco ; avec moi en protection un peu plus large. Oneshot, tu montes à bord d'un autre navire et tu nous appuies si nécessaire. Les Demony se répartissent également dans les autres navires de la force navale chinoise. Les Dancers sont retirés du service actif, informa Marilyn
- Oh ?
- Ils ne sont plus que trois. Je les vois mal monter des opérations à trois.
- Vu sous cet angle... »
Ils étaient tous devant leurs armures près d'un hangar de maintenance de Malaga. Celles-ci avaient été réparées, et étaient de nouveau prêtes à en découdre.
« - Oui, bon, Oneshot, quai numéro neuf. Les autres avec moi, on va au numéro quatre. »
Comme tout les autres pilotes, Manuel monta dans sa machine. Il s'y harnacha, la fit se lever, et se dirigea vers la sortie. Il suivit le petit groupe jusqu'au bout du quai numéro quatre. Là, les chinois avaient préparés une petite allée avec une dizaine d'AMC. Manuel les identifia comme des modèles amphibies. Elles étaient de couleur gris clair, légèrement délavé avec des touches de bleu. Sur leurs épaules, l'image d'un dragon rouge avec un cigare dans la bouche et un carré d'as dans une griffe.
Des modèles de débarquement...
Après s'être présenté aux chinois, l'escadron se plaça sur un coté en deux lignes. La princesse arriva sur ces entrefaites. Elle commença a échanger quelques mots avec le responsable chinois. Manuel avait entrevu des galons d'amiral. Mais quelque chose changea brusquement, les tons devinrent plus incisifs, de la part de la princesse comme des chinois. Aucun des pilotes ne comprenait le mandarin.
« - Contrôle-commande, ici leader Rock. Y'a un truc bizarre avec les chinois. Il se passe quoi exactement ?
- On se renseigne. »
La princesse s'assit et secoua la tête. Elle reprit la discussion de manière calme.
« - Major, Ici Sarlen, laissez couler. Ne vous en mêlez pas. Les chinois ont changés leurs plans sans avertir personne...
- Hein ?
- Ils veulent que Rock aillent rejoindre les Demony et les prétendants sur un autre navire de transport. Les machines autour de vous sont une partie de leur force de protection. Mais la princesse refuse de monter si ce n'est pas Rock qui s'occupe de sa protection rapprochée.
- Major, moi je veux bien quelques jours de vacances...
- Ta gueule Rocco. Quels sont les ordres mon commandant ?
- Laissez couler. Conformez-vous à ce qui aura été décidé devant vous. On n'a pas le temps de s'engueuler avec tout le monde.
- Bien reçu mon commandant. »
*
* *
*
« - Où en sommes-nous ?
- Les sept navires sont prêts Capitan. Les capitaines se sont entraînés sur des répliques et ils sont prêts. »
Arsear avait remit sa tenue de combat, la même que celle qu'il avait porté lors du la précédente bataille. Il réfléchissait sur ce qu'il avait bien pu oublier. Dans un coin du bureau, l'esclave était assise au pied du mur, le jambes légèrement écartées. Elle était inanimée, la tête reposant sur une épaule et les yeux constamment ouverts. Les larmes avaient séchées et avaient laisser des sillons oranges sur ses joues. Le corps en lui-même était recouvert de traces sombres et un liquide vert clair était répandu sur le sol tout autour d'elle.
« - Au fait, je ne t'ai pas demandé ce que tu pensais de cette tactique.
- Non, en effet. Voulez-vous l'entendre ? demanda Berik.
- Oui. Et si j'ai oublié un détail n'hésites pas à me le signaler.
- C'est... risqué et audacieux. Simple et basé uniquement sur les objectifs. C'est la raison pour laquelle les chances de réussites sont très élevées. Pour les oublis... je crains que malgré tout ce que l'on pourrait prévoir, il y auras toujours une certaine incertitude avec eux.
- Peut-être, mais, je crois que ce coup-ci nous auront l'avantage. A ce sujet, j'ai un certain nombre de cibles que l'on doit considérer comme prioritaires. Elles ont toutes l'un de ces symboles. » dit-il en montrant un petit nombre d'esquisses.
L'intendant prit le parchemin esquissé et le regarda. Il y avait trois symboles : un barbare chevelu orange jouant de la batterie, un petit diable rouge et un pégase.
« - Une dernière chose, fait venir une équipe de nettoyage, débarrasse-moi de ça.
- Vous vous êtes bien amusé avec elle au moins ?
- Pas comme tu le penses... et je n'ai pas eu ce que je voulais. Allez, fait virer ce truc de là.
- Si vous le dites. Pour ma part, la prochaine fois que vous vous amusez avec une si jolie créature, je serais intéressé pour que vous me fassiez partager. L'intendant passa le dos de sa main de reptile sur la joue de la dryade.
- Si tu veux. Mais tu risques d'être déçu. »
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