16 : Malaga (1/3)

Manuel s'était allongé sur le lit de sa chambre d'hôtel. Il était perdu dans ses pensées.

Trois jours... trois jours dans le tunnel...

Dans la salle de bain, il entendait la douche couler. Celle qu'il aimait se faisait plus belle chaque jour.

Il portait une nouvelle combinaison. L'ancienne n'étant plus du tout utilisable. Il repensa à ce périple des plus fastidieux. Leur petit groupe avait rejoint la ville de Barcelone avant d'être rattrapé par les survivants de la dernière bataille. Comme il l'avait pressentit, son escadron avait été relativement peu exposé, car les autres machines arrivèrent dans des états proches du magasin de pièces détachées. Après des réparations de fortune, et des soins pour les blessés, l'ensemble avait pris un train spécialement affrété pour l'occasion en direction de Malaga. Les chimères furent laissée à la base espagnole et les pilotes purent prendre leurs quartiers. Peu de temps après arriva une permission de trois jours. Il en profita pour réparer les systèmes électriques et électroniques de son armure. Il fut extrêmement surprit de constater que malgré le feu et le choc thermique qui y avait eut lieu, le cadeau de sa sœur était intact. A quelques traces noires près, le disque dur était parfaitement opérationnel. Mais quelque chose d'autre n'allait pas dans sa machine, il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il avait vérifié chaque organe qui aurait pu être endommagé avant de le changer si nécessaire. Capteurs optiques, système de mesure des mouvements, différents systèmes de sécurités et de sauvegarde, il avait changé le matériel de vision à ultrasons et réparé les valves et le circuit d'azote. Pour plus de sécurité, il avait même changé le calculateur, pas question de tomber en panne dans une autre escarmouche de ce genre. Il y avait passé une journée entière de permission. Marilyn l'avait aidé du mieux qu'elle le pouvait. La jeune femme avait aussi appris pas mal de choses sur la mécanique des AMC. Il avait pris peur en contrôlant le régulateur de secours, en effet, celui-ci avait été soudé à l'armature de la machine. Le démontage aurait été plutôt périlleux et son remplacement des plus complexes : les pièces de rechanges de ce types n'étant pas légions. Et la plupart étaient déjà montées.

Mais pourquoi est-ce que j'ai choisi de le souder... deux vis et des écrous auraient été bien plus pratique. A notre arrivée au Mexique, je ferait une rectification. C'est un peu merdique comme ça...

« - Tu sais, j'ai bien réfléchis. Et je crois que je vais t'en vouloir, fit Marilyn à travers la porte de la salle de bain.

- Pourquoi ?

- Parce que tu as eu un manteau de fourrure avant moi ! »

Manuel ne pu se retenir de rire en entendant cette remarque purement féminine. L'eau s'arrêta, et quelques instants après, la jeune femme sorti avec, pour tout vêtement, une serviette enroulée autour de la taille. Un sourire illuminait son visage, visiblement contente de sa plaisanterie.

« - Tu vas sortir comme ça ? Lui redemanda-t-elle.

- Pas trop le choix : mes vêtements étaient dans le compartiment de stockage de ma machine. Ils ont prit un sacré coup de chaud et en dehors de la combi de rechange fournie par l'armée, j'ai rien.

- On arrangera ça demain alors.

- OK.

- Qu'est-ce-qui se passe ? Demanda-t-elle doucement.

- Je ne sais pas. Un pressentiment... »

Elle laissa les affaires qui étaient dans son sac pour monter sur le lit et s'asseoir sur lui à califourchon. Puis, elle se pencha sur lui pour murmurer doucement :

« - Je te promet de m'occuper de ce méchant pressentiment tout à l'heure.

- Oh ? »

Elle se releva, Manuel posa la main sur sa cuisse droite et commença à remonter. Elle venait à peine d'entrer sous la serviette que d'un coup sec, elle lui stoppa le bras.

« - Pas là. »

Du bout des doigts, Manuel touchait une feuille de plastique collé à la peau de la jeune femme.

Merde... la blessure.

« - Je t'ai fait mal ?

- Non. Et puis, les festivités, c'est pour tout à l'heure. Soit patient. » Lui dit-elle d'un sourire aguicheur.

Manuel la força à se coucher sur lui pour l'embrasser tendrement, avant de la laisser s'habiller.

*

* *

*

« - Bah alors major ? Vous étiez où ? La voix de Oneshot résonna dans le petit café espagnol à l'entrée du couple de combattant.

- Une femme met toujours du temps à se préparer mon cher. »

C'était un café comme les aimait bien l'escadron de choc. Calme et chaleureux, il y régnait une ambiance familiale. Et, l'intérieur voulait recréer une ambiance du dix-neuvième siècle. Le gérant n'avait pas trop mal réussi d'ailleurs, en dehors des décorations de noël encore présentes. Les meubles étaient en bois sombre vernis, les sièges en cuirs et des décorations en laitons polis rehaussaient de lumière cet aspect sombre mais chaleureux. Même si les lampes qui les éclairaient étaient des diodes, elles étaient cachées par des cloches en verre verte. Si tout cela était faux, il fallait reconnaître que c'était plutôt bien imité. Dans la salle plusieurs personnes étaient déjà présentes : Fernand, Véronique, Dionysos,et Oneshot.

« - Où est Rocco ?

- Devine.

- Merde. Ce coup-ci, il se démerde avec la police s'il se fait encore choper pour racolage.

- Pas de soucis là-dessus major. » Répondit Rocco en entrant dans le café. Il était suivi par une femme que Manuel ne reconnut pas tout de suite. C'était la russe qui avait voulu le tuer à Clermont-Ferrand, visiblement, elle aussi avait survécu à la dernière bataille. Assis à une grande table, Redcross se massait les yeux.

« - Merde... qu'est-ce qu'il va encore nous sortir... murmura-t-il.

- Rocco, qu'est-ce qu'elle fait ici ?

- Je l'ai amenée, major. Elle va boire avec nous à la santé de Grundig et de Marcus.

- Rocco, tu sais bien que...

- Ouh putain ! » Coupa Dionysos.

Tout le monde se mit à regarder le pilote qui avait les yeux grands ouverts en regardant Rocco. Ce dernier avait un sourire non dissimulé.

Dionysos regarda son verre encore à moitié plein avant de le repousser du bout des doigts sur la table.

« - Faut que j'arrête de boire : je vois des trucs vraiment pas normaux...

- De quoi tu parles ? Interrogea Fernand.

- Y'en a un qui a remarqué...

- Sa main gauche. »

Manuel vit en reflet doré à l'un des doigts. Une bague, il s'était marié. Machinalement, Redcross prit le verre de Dionysos et le vida d'un trait.

« - Dites-moi que je rêve... murmura Marilyn.

- Non Major. Lors de notre dernier affrontement avec les Silridriss, je me suis rendu compte que je m'inquiétais énormément pour mon homologue russe. Ça ne m'étais jamais arrivé avant. J'ai donc pris la décision de tout reprendre à zéro avec elle. Bon, ça a pas été simple, j'ai attendu une bonne journée sous la neige avant qu'elle ne veuille bien sortir de son baraquement. Je lui ai fait comprendre que je voulais qu'elle me suive et je l'ai emmenée à l'église puis à la mairie. Le prêtre et le maire se sont montré des plus compréhensifs.

- Et elle ?

- Ravie. »

La jeune femme disait bonjour aux autres membres de l'escadron. Elle ne parlait pas bien le français, mais elle faisait des efforts non négligeables pour se faire comprendre.

Ainsi commença cette soirée à la mémoire de ces deux pilotes morts au combat. Manuel appris à cette occasion comment ils avaient reçu leurs noms de combats. Grundig avait été surpris plus d'une fois à regarder la télévision dans sa machine, pour lui, c'était le seule endroit ou il avait la paix. Marcus, était le diminutif de Marcellino, étant italien, quoi de mieux qu'un nom d'origine Romaine. Le jeune combattant vit ainsi la vie d'un pilote, la vie d'un soldat. Il s'était toujours dit que ce n'était qu'une vie de débauche et un énorme gaspillage. Il comprit alors que la durée de vie d'un combattant était très limité. La plupart préféraient s'amuser autant qu'ils le pouvaient. Qui savait si demain ce ne serait pas à leur tour. Vivre intensément et ne rien regretter. Tel était le credo.

*

* *

*

« - Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? Je me suis fait un sang d'encre.

- Du calme maman, je vais bien. J'avais des choses urgentes à faire, et, une fois faites, il était trop tard pour t'appeler.

- Plus urgentes que me dire que tu as été blessé ? »

Ça faisait dix minutes que Manuel cherchait à rassurer sa mère. Celle-ci était dans un état qu'il n'osait imaginer. Il lui avait parlé de sa blessure et de la pommade qu'on lui avait donné pour soigner la peau. D'après le médecin, c'était une brûlure au premier degré. Quand à sa gorge, elle avait pris un sérieux coup de chaud. Mais rien de grave là non plus. Pour la tuberculose, il était sous traitement préventif.

Si ça continue, elle risque de casser le téléphone avec sa prothèse...

Un crac à l'autre bout du fil lui donna raison.

... Et allez... Un combiné à changer...

Un silence commença à occuper la ligne :

« - Sinon, quoi d'autre ?

- Deux personnes de notre escadron son morts, et les autres groupes sont plus durement touchés.

- M'en fout des autres.

- Dis pas ça ! Ils sont morts pour que nous puissions sortir de là.

- Désolé.

- Comment vont papa et Mylène ?

- Égaux à eux-même. Durant la bataille, ils ont quitté leurs bureaux pour aller voir ce qui se passait au centre de contrôle. Apparemment, ils se sont fait engueulés tout les deux. Ton père m'a dit que ça avait été plus violent qu'à Pau.

- Ouais. Ils étaient beaucoup plus nombreux également. Dis-lui qu'il y a un espion.

- Comment ça ?

- On est arrivé à cette conclusion dans l'escadron. Il y a trop de coïncidences pour que ce soit de la chance. Ils nous sont tombés dessus en nombre et bien équipés. Ils savaient par où nous allions passer.

- Je lui dirais.

- Dis-lui aussi que c'est très probablement une chimère.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Demanda-t-elle un léger frisson dans la voix.

- Les Silridriss ignoraient les défenses et les stratégies prévues en cas d'attaque. Ça les a pris au dépourvu et ça nous a sauvé la vie. Et si ce n'est pas une chimère, c'est une personne qui n'a pas accès au données militaires tactiques et stratégiques. »

Un silence se fit de l'autre coté du combiné. Sa mère stressait à le savoir sur une mission dangereuse, il le savait. Sa situation de soldat devait lui donner des cheveux blancs, et cette histoire de traître n'allait pas arranger les choses.

« - Je le lui dirais, tu embarques quand ?

- Après-demain, dans la soirée. La flotte chinoise est arrivée tout à l'heure. Ils sont en train de se ravitailler. Mylène et papa sont là ?

- Non, ton père avait du travail a terminer et ta sœur m'a dit qu'une expérience très importante allait avoir lieu cette nuit. »

*

Au plus profond du centre de recherche, Mylène était dans un petit centre de contrôle. Le professeur pour qui elle travaillait allait lancer une expérience et deux techniciens du noms de Malik et James étaient chargés de les assister toutes les deux. Malik était un grand noir à la peau brillante et au crane chauve. Il avait toujours le mot pour rire et le sourire au lèvres, mais il n'était pas à l'aise dans cette pièce minuscule. Il était de l'âge de Mylène et, elle ne le laissait pas indifférent. Après plusieurs tentatives d'approches infructueuses, il avait fini par la laisser tranquille, attendant son heure. James, lui, devait être un des premiers réfugiés anglais à rejoindre le continent. Il était assez petit comparé à Malik, et ses cheveux blonds voir blanc lui donnait un aspect plus ancien qu'ils n'auraient dû. Il ne riait jamais, pour lui, le temps des rires et des plaisirs étaient terminés depuis que les chimères étaient apparues. Bien que foncièrement différents, ces deux techniciens s'entendaient à merveille et fonctionnaient en une symbiose parfaite. Mylène s'était même étonnée de les voir une fois travailler de concert sans s'adresser une seule fois la parole, ils savaient exactement ce que l'autre faisait et agissait en conséquence. Ce jour-là, la fine équipe avait abattu le travail d'une semaine en trois jours. Mais, aujourd'hui, c'était différent, l'expérience qui allait avoir lieu était réellement très dangereuse. Et, savoir ces deux gaillards de forte compétences dans la même pièce qu'elle la rassurait un peu.

La pièce était réellement minuscule. Ils se donnaient presque des coups de coudes à chaque mouvement. Les murs étaient remplis d'écrans qui affichaient différentes courbes et des images sous plusieurs angles d'une AMC. Sur d'autres, ce que voyait le pilote, une image de son visage et les données biologiques.

« - Bon, Sergent, Avez-vous remarqué quoi que ce soit d'inhabituel dans le fonctionnement de la machine ? Demanda le professeur Wolkeazurblau dans un micro.

- Non madame.

- Avez-vous compris les enjeux de ce test ? Ainsi que les risques ?

- Ne vous inquiétez pas. Si jamais ça merde, je fais comme on a dit : je me tire de ce truc. Elle ne m'aura pas.

- Bon, accrochez-vous, ça risque de secouer. La femme éteignit le micro avant de dire au reste de l'équipe : Commencez les préparatifs.

- C'est parti ! Commença Malik d'une voix chantante. Chargement du système test Berserk dans la matrice de lancement. Ouverture des canaux capteurs. Biologie du sujet chargé. Contrôle... RAS. James, c'est à ton tour de rentrer en piste.

- Bien, la voix était sombre, grave et sans aucun entrain, Chargement des protocoles de commandes, définition des réseaux Sleipnir, correct, autorisation Sleipnir a vingt pour cent configuré et confirmé. Contrôle... RAS. Prêt pour la séquence suivante. Mademoiselle. »

Mylène sorti un registre d'un renfoncement entre deux ordinateurs et l'ouvrit. Mais elle s'arrêta net en le consultant. Elle regarda plusieurs fois l'écran devant elle avant de se rapprocher du registre pour s'assurer de ce qu'elle avait lue.

« - Qu'est-ce qui se passe beauté ? Demanda Malik se retournant avec un grand sourire, qui s'effaça en voyant le visage de la jeune femme.

- Daniela... on a un problème.

- Lequel ?

- Nous sommes au vingt-deuxième test suivant le registre. Sur un type cent-quinze.

- Et ?

- L'ordinateur signale près de vingt mille mises sous énergie sur un type cent-quatre. »

A ces mots, les trois personnes se rapprochèrent de la jeune femme pour vérifier son écran. Toutes eurent un frisson de terreur.

« - Merde. » Fut le seul commentaire que Daniela Wolkeazurblau trouva pour qualifier la situation.

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