15 : Survivre (3/3)

Depuis leur petite explication à la lisière de la forêt, une espèce de froid s'était installé entre-eux. Manuel n'aurait pu en définir réellement la raison, mais c'était assez flagrant. Le jeune homme savait que ce dernier avait une animosité vis-a-vis de l'espèce humaine, mais il se doutait qu'il y avait autre chose. Ça le gênait. Il se promit de régler ça à Malaga, histoire de définir clairement ce qui n'allait pas et y remédier. Dans son AMC, Nemaya frottait la main sur la plaque métallique, cherchant un moyen de l'ouvrir. Le frottement du métal peint sur du métal rouillé résonnait dans le tunnel.

« - Que voulez-vous dire ?

- Rien de plus que ce que j'ai dit. Ça sent la mort.

- Il veut dire qu'il y a des cadavres là derrière, intervint Tégos dans un murmure. Je les sent également. Ils sont nombreux. »

Il y eut un gigantesque vacarme. Manuel se retourna d'un bond, l'arme à la main. Mais il n'y avait rien, de dangereux du moins. Devant lui, aussi loin que portait sa lampe, s'étendait un bidonville. La partie médiane du tunnel était prise par des bâtiments montés sur deux étages. Les deux bords extérieurs du tunnel étaient encombrés par d'autres bâtiments, mais de plein-pied. Cela laissait deux couloirs de part et d'autre des bâtiment centraux. Pas de lumières, pas de bruits, juste une lampe éteinte qui se balançait avec un sinistre grincement.

Le mur de métal venait de tomber d'une seule pièce.

« - Qu'est-ce que c'est ? Demanda Salida tremblant légèrement.

- Chut... » murmura Manuel en braquant sa lampe sur les différents bâtiments.

Une chose était sûre : a moins de détruire tout les bâtiments, les chimères ne passeraient pas. Les deux pilotes éclairaient ces bidons-villes à la recherche de traces pouvant indiquer que le lieu était encore habité. La porte avait fait un vacarme de tout les diables en tombant, s'il y avait quelqu'un, la présence de leur petit groupe n'était plus un mystère.

Manuel descendit de sa machine. Il fit signe aux chimères de reculer. A la guerrière russe, le signe du pistolet pour lui demander de le couvrir. L'armure lourde hocha la tête sans quitter sa position de tir. Le jeune pilote sorti une lampe torche de sa trousse à outil et avança avec précaution vers la première maison. Elle était faite de tôles ondulées et de cartons et paraissait abandonnée depuis très longtemps. Un simple drap déchiré servait de porte. Il glissa doucement la lampe entre le drap et le mur de carton. Lentement, il souleva le tissus sali par les années passés dans le taudis. L'intérieur était des plus spartiate, un petit réchaud, quelques coussins et un carton posé sur le sol en guise de lit. Recouvert par une couverture pelucheuse, une silhouette était allongée et une autre juste à coté l'enlaçait.

Des cadavres. Deux cadavres.

Manuel entra et les éclaira de sa torche. Il pu voir qu'il s'agissait d'un homme et d'une femme, dans un état de momification que seul le froid, et l'absence de lumière pouvait créer. Les vêtements, plutôt anciens, et les cheveux tombés au sol lui permettait d'identifier les sexes des deux protagonistes. Leurs visages étaient tiré, les muscles sous la peau, atrophiés, et l'ensemble avait une couleur entre le jaune et le vert et la consistance apparente du plastique. Visiblement l'homme était mort le premier, la femme avait suivit, peu après probablement. Elle l'enlaçait avec une tendresse morbide, ne voulant pas se séparer de son aimé pour l'éternité.

Mais de quoi sont-ils morts ?...

En regardant de plus près Manuel vit qu'ils n'avaient plus de dents.

Quelque chose qui fait tomber les dents... Même à des gens en pleine forme... Le scorbut ! Bon, ça va, c'est pas dangereux...

Le jeune soldat se prépara à sortir mais se stoppa net lorsque le faisceau de la lampe éclaira des bouteilles de jus de fruit encore pleines. Elle étaient périmées depuis longtemps, mais on voyait encore le liquide à travers le verre.

Le scorbut... un manque de vitamine C. Ils n'ont pas pu mourir de ça avec ces bouteilles... Y'a autre chose.

Il commença à fouiller les étagères du faisceau de la lampe. A la recherche d'un indice quelconque. Il regarda les coussins, le réchaud. Finalement, il trouva ce qu'il cherchait : un petit inhalateur posé sur le sol à coté des deux cadavres. Il était violet et vert avec un système de capsule a casser avant d'inhaler...

Il trouva la boite un peu plus loin. Il la retourna pour voir la date de péremption. Celle-ci datait du début de la guerre avec les chimères.

Quoi qu'ils aient voulu soigner, c'était perdu d'avance...

Le jeune homme retira la notice de la boite, il espérait avoir plus d'informations sur la maladie qui les avait touchés. Il eut du mal à se convaincre qu'il avait bien lu ce qu'il y avait d'écrit. Lentement, sans quitter des yeux cette notice, sa main ferma hermétiquement son casque. Il sorti du petit bâtiment en essayant de toucher au minimum le drap.

*

« - Excusez-moi ?

- Ouais ? »

Aucun des trois pilotes n'avait vu arriver l'énorme chien de feu. Peu après le soin de Djar, Marilyn, Dionysos et Redcross s'étaient mis à jouer aux cartes pour faire passer le temps. C'était à ce dernier que Djar s'adressait.

« - Qu'est-ce que la tuberculose ? »

La question laissa place à un silence gêné les trois pilotes se regardèrent les uns les autres essayant de savoir où cette créature avait entendu parler de cette maladie.

« - Une maladie mortelle très contagieuse. Mais également assez rare en Europe. Où as-tu entendu ça ?

- Le groupe de la princesse a trouvé une sorte de ville abandonnée, visiblement, les habitants sont morts de cette maladie. Comment s'en protège-t-on ? »

*

Le petit groupe avait reculé dans le tunnel pour limiter au maximum la contamination. Manuel tentait de désinfecter la plaie de Tégos. Mais il arrivait au bout du flacon et des compresses. De plus, les anesthésiants avaient fini par ne plus faire effet et il n'en avait pas d'autres. A chaque fois que la compresse touchait ne serait-ce que les bords de la plaie, un soubresaut agitait le corps de la chimère. Il s'était déjà excusé de la douleur que cela causait, et la chimère lui avait répondu de faire ce qu'il avait à faire sans s'inquiéter. Mais elle serrait les dents, elle avait mal, il le voyait, il le sentait, c'était presque palpable dans l'atmosphère.

« - Fait chier... y'en a plus... »

Manuel jeta le flacon en plastique dans son armure ouverte. « Tégos, je suis désolé, mais je n'ai... » Le pilote entendit siffler derrière lui. Il se retourna et rattrapa juste à temps un flacon que lui lançait Nemaya. Les caractères cyrilliques qui en parcouraient l'étiquette étaient incompréhensibles. En revanche, le ''90°'' lui, était en chiffres arabes.

« - Merci Nemaya... mais...

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Tégos

- Un désinfectant, le sien, mais...

- Mais quoi ?

- C'est de l'alcool à quatre-vingt dix degrés : Tu vas vachement douiller avec ça. Si tout à l'heure tu avais mal, là, tu vas réellement souffrir. »

Tégos ferma les yeux, la douleur lui lacérant la poitrine. Avant de demander :

« - C'est efficace ?

- C'est radical. » Manuel fit tourner et retourner le flacon entre ses mains.

« - Fait ce qu'il y a à faire, si je survis, la douleur ne sera plus qu'un mauvais souvenir. »

Accroche-toi, ma grosse, tu vas chanter... Se mit-il à prier mentalement en mouillant une de ses dernières compresses. L'odeur de l'alcool rempli rapidement la partie du tunnel où ils étaient. Salida et Sellgan firent une moue de dégoût lorsque l'odeur atteignit leur narines. Nemaya n'eut aucune autre réaction que de s'allumer une nouvelle cigarette.

« - Je vais faire aussi vite que possible. » commenta Manuel en essuyant la plaie.

Tégos se contracta, serrant les dents plus fort que les fois précédentes, retenant sa respiration. Manuel vit les énormes griffes sortir de ses pattes qui se raidissaient à vue d'œil. La nuque et le dos se contractèrent, la tête de Tégos partit en arrière, cherchant à faire diminuer cette effroyable douleur. Elle cherchait à maîtriser les soubresauts de son corps. Manuel frotta rapidement le morceau de gaze sur la plaie, cherchant à nettoyer le plus rapidement possible. Il se rappela d'un jour où il était revenu en sang de la zone dévastée. Sa mère n'avait alors que ce type d'alcool pour le désinfecter. Ses plaies étaient légères, mais il avait eu sacrément mal. Là, Tégos devait souffrir le martyre.

« - Ça devrait être bon. Merci Nemaya. »

Elle ne comprenait pas le français, il ne comprenait pas le russe. Mais cette barrière ne les empêcha pas de se comprendre. Elle leva sa main, de manière imperceptible, la cigarette entre les doigts. Lui signifiant : ''Pas de souci''.

Ce fut la princesse qui lui adressa la parole. En russe.

Même les colliers et la tiare sont super utiles.

Manuel se rapprocha de Tégos :

« - Essaye de tenir le coup tu veux bien ?

- J'en ai vu d'autres.

- Un petit mot gentil pour Nemaya ?

- Non. »

Manuel eut un mouvement de surprise face à cette réponse. La chimère se senti la nécessité de continuer.

« - Nul mot, nul remerciement, rien de ce que je pourrais dire ou faire ne lui fera changer son avis à mon sujet.

- Que s'est-il passé là-bas ? Que s'est-il passé dans le Caucase ?

- Une horreur sans nom. Une tragédie doublée d'un horrible carnage. Les exactions qui y ont été menées, y sont terribles ; des deux cotés. Terribles... même le mot me paraît faible. C'est une grosse question que de savoir pourquoi elle m'a fourni ce produit.

- Ouais. Il n'empêche qu'elle a fait le premier pas.

- Il semblerait que Vohzd' ait une solution interrompit la princesse. Est-ce que tu as une tente ?

- Non, c'est Twister qui l'a.

- Hum... » La chimère reprit son monologue en russe envers la jeune femme. Une fois la parole tue, la jeune femme plaça la cigarette dans sa bouche, prit un sac derrière elle, le jeta par terre, et ferma sa machine avec violence. Elle la leva et se dirigea vers les profondeurs du tunnel, son AMC martelant le sol de bitume.

« - Que fait-elle ?

- Elle va nous frayer un passage dans les taudis là-bas. Vous, vous avez été blessé, Vohzd' veut que vous vous reposiez. Et puis... elle a laissé ça pour vous. »

Manuel vit un sac vert kaki sur le sol. Il l'ouvrit laissant apparaître du tissu et des tubes en aluminium.

« - Je ne sais pas trop ce à quoi cela va servir ici.

- Des masques.

- Pardon ?

- Selon Vohzd' les tentes militaires sont doublées en tissus NBC. Même si je ne sais pas ce que signifie cet acronyme, il a dit que cela devrait nous protéger.

- Protection nucléaire, bactériologique et chimique. J'ignorais que nos tentes avaient cette caractéristique. Toujours bon à apprendre. »

Manuel sorti la toile avec la doublure de la tente et les sépara. A l'aide d'un couteau, il la coupa en trois morceaux.

« - Quel est le but ?

- Vous allez mettre ça sur le museau. Tout les trois. C'est pas agréable, mais ça limitera grandement les risques. On fera ça quand elle reviendra. Là, je vais me reposer dans ma machine ; il y fait quand même plus chaud que dans un tunnel en plein hiver. »

*

* *

*

« - Vous m'avez fait demander Capitan. »

Arsear s'était avachi dans son fauteuil. Dans ses mains tournaient et retournaient de petit rectangles de bois. Devant lui, une carte était étalée, et un poignard y était planté. Le regard était mauvais et perdu dans le vide. L'intelligence malsaine le travaillait encore et encore sur son problème.

« - Oui. On va les piéger là-bas. Qu'en penses-tu ?

Berik s'approcha de la carte et commença à réfléchir. Le couteau était planté en un point où deux bandes de terres rejoignaient deux bandes de mer avant de murmurer :

« - C'est de la folie...

- Excellente réaction. Raison pour laquelle ça va marcher, répondit Arsear sur le même ton.

- Mais notre contact nous as dit ...

- Que ça serait facile en deux points. Notre dernière bataille a été plus proche du fiasco que de la consécration. Ces créatures sont sacrément malines et elles semblent mieux connaître leurs propres points faibles que nous. Elles n'ont jamais eu l'intention de réellement nous affronter. Leur but était de nous ralentir, nous contenir avant que leurs renforts n'arrivent.

- Je ne crois pas. » Risqua l'intendant.

Les rectangles de bois continuaient de tourner dans les mains reptiliennes tandis que la conversation presque feutrée se poursuivait.

« - Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- J'en ai la sensation.

- Alors tu sens mal. »

L'intendant continua de regarder la carte. Cherchant dessus une raison qui aurait pu le guider sur la raison de la remarque.

« - Et vous ? Pourquoi pensez-vous cela ?

- Combien de Sarback sont arrivés à notre objectifs ? Et, lesquels ?

- D'après les enregistrements, trois, et c'était la première vague...

- Ensuite ?

- Ils n'étaient plus là. On a perdu leurs traces.

- Exactement. Ils sont resté pour une escarmouche puis, ils sont partis. Il n'ont pas cherché à fuir plus que nécessaire : ils se sont su pris au piège, l'engagement était inévitable. Alors ils se sont positionnés pour nous recevoir. Puis, le champs libre, ils ont repris leur fuite. Et il n'y a pas que cela : en moins de temps qu'ils n'en faut, ils ont renversé la situation du champs de bataille alors qu'ils n'auraient jamais dû y arriver. J'ai calculé que nous avons une petite fenêtre de temps pendant lequel nous avons la possibilité de faire tout ce que nous voulons. Après, leurs renforts arrivent et ça devient beaucoup plus compliqué. Avec ou sans boucliers. Par conséquent, ils faut se montrer plus malin qu'eux, être plus rapide, et plus efficace par la même occasion.

- Mais, à cet endroit là, ce sont les Humains qui contrôlent la zone... ils seront certainement plus rapide que la dernière fois.

- J'évalue le temps disponible à dix clizines.

- Quoi ! Mais on aura jamais le temps de faire tout ce qui est demandé par la gouverneur.

- C'est amplement suffisant. On aura même un peu de marge si tout se passe bien.

- Comment réaliser un tel prodige ? »

Pour la première fois depuis le début de cette conversation le Capitan posa les yeux sur son intendant. Un sourire mauvais illumina le visage de reptile. Il jeta les trois morceaux de bois sur le bureau.

« - En se montrant plus malin qu'eux... je vais t'expliquer, ensuite, tu iras préparer les navires. Sept suffiront. »

Arsear prit les pièces de bois qu'il plaça suivant des positions bien précises avant de commencer ses explications.

*

* *

*

Manuel se sentait bien, là où il était. Mais il avait un peu froid au cou. La couette avait du glisser sur son épaule. Il bougea sa main pour chercher celle-ci et la ramener au bon endroit. Il plongea sa main dans une fourrure épaisse et tira.

« - Aie ! Doucement ! »

Depuis quand les couettes parlent ? Et depuis quand ont-elles des poils ? S'interrogea-t-il en massant le tas de poils.

Ces simples réflexions le réveillèrent d'un coup sec. Ses yeux s'ouvrirent immédiatement, comprenant que quelque chose dans la situation n'allait pas.

Minute... je ne suis plus dans ma machine là. Je n'ai pas la bonne position.

La seule réflexion qui lui vint à l'esprit quand il vit où il était, fut quelque chose du genre : Merde ! Mais qu'est-ce que je fais là ?

Il était coincé tout contre la princesse Salida. Elle s'était roulée en boule, et lui, au milieu, était coincé entre ses pattes, tout contre son ventre. Il chercha à se dégager mais les pattes se resserrent un peu, le coinçant un peu plus. Le visage félin se releva jusqu'à arriver à son niveau.

« - Ne bougez pas, et évitez de me tirer les poils s'il vous plaît.

- Désolé... mais... comment suis-je arrivé là ? »

Le jeune pilote vit un petit feu auprès duquel dormait la pilote russe, dans son sac de couchage. Sellgan était de l'autre coté des flammes, et lui aussi semblait réveillé. Tégos, elle, dormait sur le reste de camion qui servait de brancard.

« - Nous avons identifié que vous vous mettiez à frissonner, puis, votre respiration est devenue anormale. Selon votre centre de contrôle il y avait de gros risques pour que vous tombiez en hypothermie. Et oui, vous ne bougiez plus et votre combinaison est dans un sale état... Nous ne sommes que deux chimères en forme ici. Sellgan et moi. Sellgan s'est servi de son pouvoir sur les ronces pour vous prendre et je me suis permis de vous réchauffer... Tégos n'étant pas en état de faire du feu.

- Euh ouais... Mais, si ça ne vous dérange pas, j'aimerais bien sortir là.

- Non, je ne compte plus les fois où vous vous êtes mis en danger pour moi. Laissez- moi au moins une fois vous rendre la pareille. Alors pour le moment, vous ne bougez pas et vous vous reposez. On attends que Nemaya soit réveillée et on repars. Elle est complètement éreintée, mais la voie est libre.

- En gros, je n'ai pas le choix.

- Non. Même si vous n'appartenez pas à mon peuple, considérez ça comme un ordre royal ; provenant d'une responsable d'une espèce alliée. Vos supérieurs sont au courant et ont demandé à ce que vous obéissiez. Maintenant, vous ne bougez plus et vous dormez. »

La grande tigresse remit sa tête entre ses pattes et ferma les yeux. Manuel sentait le souffle chaud de la créature glisser sur lui, le réchauffant un peu plus. Il regarda à nouveau autour de lui. Sellgan ne le quittait pas des yeux... A quoi pouvait-il donc penser... il n'en savait rien, il n'arrivait pas à l'identifier. De la haine ? De l'envie ? De la jalousie ? La culpabilité ? Ou bien pensait-il encore à une stratégie pour approcher la princesse ? Rien ne laissait transpirer ses émotions. Ils les regardaient, simplement, mais fixement. Le jeune pilote s'intéressa alors à la guerrière russe. Les cheveux roux sortaient en bataille de son sac de couchage kaki et ce dernier était régulièrement soulevé par la respiration de la jeune femme. Un petit nuage blanc s'élevait régulièrement pour signaler que tout allait bien. A quoi pouvait-elle bien rêver... Il ne savait rien d'elle, si ce n'est qu'elle haïssait profondément les chimères. Enfin, son regard se posa sur Tégos. L'énorme chimère noire et rouge se remettait lentement de ses blessures, mais, il fallait l'avouer, c'était plus rapide que pour un être humain. Il la voyait couchée en chien de fusil sur leur brancard improvisé. Elle respirait doucement elle aussi, les nuages de fumées blanches sortaient souvent de ses narines encastrées dans une pièce de cartilage. La bouche légèrement ouverte laissait paraître ses dents triangulaires coupantes comme des rasoirs.

Soudain, leurs regard se croisèrent.

Elle est réveillée.

La chimère de cauchemar lui fit un clin d'œil avant que sa vision ne soit bouché par une queue blanche et bleue. Le pilote retourna son visage vers Salida, qui n'avait pas bougé d'un pouce, mais qui le regardait.

« - Dormez. »

Manuel tourna derechef la tête vers Tégos. Mais celle-ci dormait à poing fermés.

J'ai du rêver... C'est impossible qu'elle fasse ce genre de choses...

Manuel se laissa un peu glisser dans l'épaisse fourrure de la chimère avant de tomber dans un profond sommeil sans rêves.

Le réveil fut simple. De nouveau, Manuel partagea une partie de ses rations de combats. Deux pour Tégos, une pour Salida et une pour lui-même. Sellgan refusa. Nemaya avait ses propres rations, mais elle n'en proposa à personne. Tout le monde s'accorda pour dire que c'était infect question goût. Il ne savait pas combien de temps ils avaient réellement passé dans ce tunnel, mais il était pressé de revoir la lumière du soleil. Il plaça les masques NBC bricolés avec la toile de tente sur le museau de chacune des chimères. Chacune d'elles portait maintenant l'une de ces muselières blanches et, visiblement, c'était gênant : elles avaient toutes envie de se gratter pour retirer cette toile. Les deux pilotes fermèrent leurs casques qu'ils verrouillèrent hermétiquement.

Leur petit groupe s'avança en direction de ce village mort depuis des années. En approchant, Manuel vit que Nemaya n'avait pas fait dans la délicatesse. Elle avait dû mettre des coups de poing dans les bâtiments fait de bric et de broc, puis pousser les décombres sur les côtés afin de libérer le passage. Ce faisant, elle avait également écrasé les habitations latérales. Le résultat était une allée bordée de part et d'autre par des décombres desquels dépassait parfois un ou deux cadavres.

Ils arrivèrent au bout de la ville fantôme. Personne n'était à l'aise parmi tout ces morts. Et, ils furent content de trouver une porte en tout point semblable à celle qu'ils avaient eut tant de mal à ouvrir et à fermer. Derrière, le soleil, l'air, et les grands espaces.

Mais, là encore, la porte avait été soudée. Rien que quelques coups de pieds ou de poings en armure ne sauraient briser s'ils étaient bien placés.

Les deux machines ouvrirent la porte avec beaucoup de précautions : qui savait si les Silridriss ne les attendaient pas de l'autre coté...

La nuit avait déjà plongé les montagnes environnantes dans les ténèbres. Le style de leur porte de sortie n'avait rien à envier à celle de la porte d'entrée, de l'autre coté de la chaîne de montagne. Mais, là, il y avait de grandes arches en pierres qui pointaient vers le ciel comme des pointes de lances. Elle chevauchaient la route bitumée, les enjoignant à suivre leur route, leur montrant le chemin.

Sellgan fut le premier à s'aventurer dehors. Il fit quelques pas avant de reculer lentement, la tête baissée.

Manuel l'avait vu lui aussi : quelques chose n'allait pas. Il avait l'impression d'être attendu et épié. Les rochers aux sol étaient étalés sur plusieurs dizaines de mètres. La route bitumée avait été libérée de tout obstacles. Sans parler de ces arches formées d'une seule pièce.

Mais, Sellgan releva la tête, et sortit d'un pas décidé. La princesse se mit à auteur du jeune pilote.

« - Kouiros. » murmura-t-elle par l'intermédiaire de son collier. Nemaya les dépassa et sortit elle aussi à la suite de la grande loutre.

Kouiros... mon pote. Même en disgrâce, tu restes fidèle à tes convictions et tes engagements...

Manuel s'avança lui aussi dans le froid hivernal à la suite des deux chimères et de la guerrière russe.

* * * * * *

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