15 : Survivre (2/3)

« - Alors ?

- Bah écoutez major, vous avez une poitrine superbe, répondit Redcross complètement hypnotisé.

- Je te parle de la cicatrice connard !

- Hein ? Ah oui... Bah, elle est nickelle. »

La jeune femme referma sa combinaison sous le regard de l'infirmier souriant. Ils étaient dans un vieux hangar souterrain, au plus profond niveau. Ces bâtiments furent crées à cause d'une loi sur la pollution visuelle que certains entrepôt occasionnaient sur le paysage. Rapidement, plutôt que de stocker sur la hauteur, les industriels préférèrent stocker en profondeur. Les coûts de constructions bien plus élevés pour construire en profondeur qu'en surface forcèrent ensuite ces industriels à s'associer pour leurs bâtiments. L'endroit était jonché de papiers, de plastiques sales et de palettes brisées. Trois armures et deux chimères étaient également présentes dans la pièce. La troisième machine appartenait à Dionysos qui était parti soulager un besoin naturel. Les chimères ne semblaient pas à leur aise dans cet endroit un peu réduit tant par leurs proportions que pour l'atmosphère oppressante que les jeux d'ombre dégageaient. L'une d'entre-elles s'était blessé à une patte et Redcross avait proposé ses services. Poliment refusés, depuis, elle se léchait sans arrêt le membre saignant. Elles se refusaient à toute discussion qui ne leur paraissait pas nécessaire. La première avait une allure de chèvre blanche aux yeux noirs, dont les cornes n'arrêtait pas de taper le plafond à chaque mouvement de tête. Mais ses pattes, elles, auraient plutôt appartenu à un fauve de la savane africaine. La seconde, était cet espèce de chien au couleurs de feu qui avait refusé tout contact dans la base de Clermont-Ferrand. Marilyn n'avait pu lui soutirer que deux choses : son nom et sa fonction. Djar, du service de protection de la princesse.

« - Tu es sûr que tu ne veux pas lui redemander ? Cet abruti va s'infecter, demanda la jeune femme en regardant le gros chien se lécher la patte.

- Ha non. Je lui ai demandé une fois, j'ai fait ma b.a. envers lui pour qu'on ne me le reproche pas plus tard. Mais son sort, je m'en contrefout. Maintenant, il se démerde. Ce n'est plus mon problème. »

La combattante regarda alors, inquiète, la porte en acier qui les protégeaient de l'enfer extérieur.

« - La porte est solide, elle ne cassera pas.

- C'est pas pour la porte que je suis inquiète.

- Si c'est pour ton taré de mec, je plains plutôt le Silridriss qui se frottera à lui... »

La chimère couleur de feu s'arrêta de se lécher la patte. L'espèce de chèvre regarda les deux pilotes du coin de l'œil.

« ... Doux-dingue est un nom qui lui va à ravir : gentil comme un cœur, il est quand même capable d'une extrême violence quand il se bat... Vaut mieux pas l'asticoter quand il est là-dedans, sinon ça se passe pas bien. Tu as vu ce qu'il a mis à Nemaya ? Et même avec une machine endommagée il a de la ressource. Non, je ne m'en fait pas pour lui.

- Il a soigné Tégos.

- Et je devrais faire pareil ? Le ''lion d'Androclès'' hein ? Je ne veux pas de chimère pour amie. Pour quelques raisons que se soit. Je ne suis pas Doux-dingue.

- Tu le fais exprès ou tu te forces ?

- Hein ? De quoi ?

- Les conneries que tu débites, tu le fais exprès hein ? Je te parle de soigner un combattant. D'après les prévisions, les Silridriss sont quatre à cinq fois plus nombreux que nous. Chaque soldat est nécessaire, qu'il soit Chimérique ou Humain, quel importance ? Il se bat contre ces saloperies, c'est tout ce qui m'intéresse. Alors tu y retournes et tu lui redemandes. Et c'est un ordre. »

Le pilote souffla un soupir sonore suivit d'un ''oui major'' murmuré sans enthousiasme. Il se leva et se dirigea les mains dans les poches, tout en traînant les pieds, en direction de la chimère blessée qui avait reprit son mouvement de langue. A son approche, la chimère s'arrêta derechef. Le pilote resta à bonne distance de l'énorme créature avant de parler :

« - Bon, c'est pas dans ma nature d'insister, mais je suis les ordres. Alors ne m'en veuillez pas si je vous repose la question : est-ce que vous voulez que je regarde votre plaie ?

- Si vous voulez, répondit l'énorme créature en laissant glisser sa patte sur le sol.

- Vous voyez major, ça sert à rien d'insister.

- Il a accepté abruti.

- Ha merde ! Désolé... je ... euh...

- La trousse de secours est dans ta machine. »

Le combattant se dirigea vers sa machine, en retira un sac vert orné d'une croix rouge puis revint vers la créature.

*

« - C'est à toi de jouer. »

Ernach regardait ce jeu en damier, les différentes pièces sur la planche de bois. Le grand griffon semblait pensif.

« - Je dois avoir que ce ''jeu'', malgré des règles simples est assez difficile.

- N'est-ce pas ? » Répondit Fernand devant lui.

Dans la pénombre de ce parking souterrain, le pilote et la chimère était les seuls à parler ensemble. Pour le reste, l'autre pilote humain restait dans son coin et les deux autres chimères faisaient pareil. En dehors de leur petite discussion et du frottement du feutre, sous les pièces, sur le bois, rien ne venait troubler le silence.

« - Quand même, c'est étrange...

- Quoi donc ?

- On jurerais que c'est une bataille qui se déroule sur ce damier.

- C'est le cas.

- Ha ?

- Oui, les échecs sont un jeu très ancien. Ils symbolisaient une bataille, et, chaque pièce représentait un type de combattant avec ses propres compétences.

- Mais, pourquoi s'arrêter avant d'éliminer le roi ? Pourquoi simplement le bloquer ?

- Imaginons un court instant, que le roi noir, que tu as en face de toi, c'est moi. Si je suis ton ennemi, il est en effet facile de m'éliminer. Mais, arriveras-tu à te faire obéir des autres pièces que je contrôle actuellement ? Accepteront-elles de t'obéir ? Il y a peu de chances... Pour les éliminer, tu devras encore sacrifier certaines des tiennes. En revanche, si tu me coinces, et que je capitule, tu pourras m'imposer de donner des ordres à ces mêmes pièces. Tu auras dessus un contrôle par personne interposé.

- Hum...

- C'est mieux que pas de contrôle du tout... Mais ce n'est là qu'un reliquat de ce qui se faisait il y a des centaines d'années.

- Quel âge a ce jeu ?

- Je ne sais pas... on y jouait déjà au moyen-âge. Donc, un minimum de mille ans.

- Quand même ! Cavalier D2-F3, Echec. Tu perds ta tour. » Ernach avait un grand sourire.

Fernand regarda un petit moment le jeu après avoir bougé la pièce d'Ernach.

« - J'aurais jamais du t'apprendre le coup de la fourchette... »

*

* *

*

Ils avançaient assez lentement parmi les décombres et les carcasses qui jonchaient le sol du tunnel. Nemaya était en tête, suivaient Salida, Sellgan et Manuel tirant le chariot sur lequel gisait Tégos. Soudain, Nemaya s'arrêta. Salida allait la dépasser mais elle lui barra le passage avec le canon de son arme. La princesse regarda la guerrière avec interrogations. Mais l'armure avait le regard fixé vers les quelques carcasses qu'il y avait en face d'eux. Lentement, le tube du canon de suppression russe, s'approcha de la poitrine de la tigresse. Elle lui faisait signe de reculer.

Derrière la femme en armure, un bruit de métal qui frappe le sol retenti dans un son cristallin. Manuel avait lâché la partie tractrice du brancard improvisé.

« - Princesse, reculez s'il vous plaît. » Murmura Manuel.

La chimère vit l'armure faite de bric et de broc épauler son arme vers la russe.

Nemaya... Qu'est-ce que tu fais... Je t'en conjure... Pas de conneries... Ce n'est ni le lieu ni le moment...

Mais la lourde machine de combat continuait de leur montrer le dos. Manuel l'entendit s'ouvrir, et lentement, elle se retourna, tout en gardant son arme du coté sombre. De sa main droite, elle désigna ses yeux avec l'index et le majeur avant de montrer les profondeurs obscures.

Elle a vu quelque chose... mais quoi... Rah... et j'ai plus de vision...Quelle merde.

La guerrière sorti de sa machine, un petit tube dans la main. Manuel n'identifia la grenade que trop tard. Elle avait déjà dégoupillé et lancé l'engin derrière les carcasses. Mais, au lieu d'une explosion, une fumée blanche sorti et commença à remplir le grand couloir. Là encore, elle ouvrit et ferma plusieurs fois sa main.

La lumière...

Après avoir entendu le contrôle commande le mettre en garde, il hésita un court instant avant de faire ce qu'elle lui demandait. Entre-temps, elle était remonté dans sa machine et avait éteint les siennes.

C'est alors qu'il les vit.

Mis en évidence dans le nuage de fumée, les rayons des différentes mines laser apparaissaient clairement. Formant une toile que personne, même sans armure n'aurait pu passer.

Mais... elles sont où ? Je ne les vois pas...

Une lampe torche s'alluma dans la pénombre. Lentement, le faisceau qui venait de l'armure russe commença à inspecter les différents points où les rayons se rejoignaient.

Il y a des lasers... mais pas de mines ?

La jeune femme attrapa une carcasse de véhicule qui la gênait et la tira. Il la vit, elle était là : une mine laser dans un renfoncement d'extincteur. C'était un truc bricolé, avec tout un tas de fils apparents relié entre-eux jusqu'à un espèce de laser.

Rhaaa... putain... j'y comprend rien à l'électronique...

Avant qu'il n'ait pu dire quoi que se soit, la russe était descendue de sa machine et s'était approché de l'origine des lasers.

« - Heu... Nemaya, je ne crois pas que toucher à ce truc... »

Les rayons rouges disparurent. La guerrière russe se retourna l'air interrogative.

« ...Non rien. »

Comment ça se fait que tu saches désamorcer ce bazar ? Quelle tragédie as-tu donc vécue Nemaya ?... Je ne t'ai jamais vu sourire, ni rire, ni même t'intéresser à autre chose que ta machine. Tu es totalement indépendante, même vis a vis de tes frères d'armes... Que s'est-il donc passé pour que même Tégos s'inquiète...

*

* *

*

« - Donc, elle est en sécurité, demanda Djar.

- Ouais. Du moins, dans la situation actuelle.

- Comment cela se fait-ce que je ne ressente pas la douleur ? »

Redcross avait ouvert la plaie et, avec une pince à épiler, retirait des gravier de l'ouverture. La blessure était longue et assez profonde. Si on avait dû la comparer à une morphologie humaine, la coupure aurait été du coude à la main sur une profondeur de trois centimètres.

« - J'ai anesthésié autour de la plaie. Les nerfs qui vous permettent de contrôler vos muscles et de ressentir la douleur sont inexploitables...

- Quoi !

- Oui, essayez donc de bouger la patte.

- Mais vous m'avez ... je vais vous... commença à s'énerver la chimère.

- Ce n'est que temporaire, éleva la voix de Redcross, dans quelques heures, vous pourrez de nouveau le bouger. Mais c'est plus simple pour les soins. Bon, ça devrait aller pour le moment. »

L'infirmier retira de son sac un genre de bombe de mousse à raser qu'il secoua.

« Bon, v'la le topo. La blessure que vous avez est vraiment moche. Je vais y mettre un anesthésiant local ainsi qu'une bonne couche de désinfectant. Ensuite, un coup de cautérisant, je recouds et je bande. Vous pourrez bouger et la douleur sera atténuée, mais allez voir un soigneur chimère dés que possible. Si nécessaire, je vous enlèverais les fils. On fait ça ? »

La chimère hocha la tête et commença à regarder l'homme effectuer le soin au mieux.

« - Ce Doux-dingue, est-il fort ?

- Si, par fort, vous entendez ''déjanté'', ''imprévisible'' et ''expéditif''. Oui, il est fort.

- A quel point ?

- De quoi ? A quel point il est taré ? Demanda Redcross.

- Non. Jusqu'à quel point est-il fort ? Vous aviez dit dit qu'il était gentil... La force et la gentillesse...pour moi, ce n'est pas compatible. »

L'infirmier réfléchit un moment sur la réponse à donner. Il venait d'identifier que la chimère désirait des informations sur son compagnon d'arme, et il ne voulait pas en donner. A la fois parce qu'il ne savait pas ce que Djar allait en faire et qu'il n'avait pas vraiment confiance mais aussi parce qu'il ne se voyait pas ami avec la chimère qu'il soignait.

« - Fort au point d'aider une chimère antipathique mortellement blessée. Gentil au point d'envoyer chier le contrôle commande. Et suffisamment taré pour s'attaquer seul à un escadron d'élite et quasiment gagner. Ça réponds à la question ? Derrière lui, il imagina sa supérieure sourire à cette évocation de leur première rencontre avec le jeune pilote.

- Non.

- Dommage. Car c'est la seule réponse que j'ai. Rassurez-vous, votre princesse a peu de choses à craindre. Allez, j'ai terminé. Évitez de trop vous appuyer dessus et, je le répète, allez voir un de vos soigneur dés que possible. »

*

* *

*

Le petit groupe composé des trois chimères et des deux pilotes arrivèrent devant un mur de métal. Il était rouillé en beaucoup d'endroit, mais pas de signe extérieur de vie. Elle montait jusqu'en haut et épousait parfaitement la forme bétonnée en arc du tunnel.

« - Monsieur Doux-dingue ?

- Qu'il y-a-t-il prétendant Sellgan ?

- Ça sent la mort. »

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