13 : Départ (3/3)
Au cours du trajet qui les emmèneraient jusqu'au premier point de repos les pilotes discutaient entre-eux. Généralement les Chimères ne s'en mêlaient pas. Les problèmes des langues différentes avaient commencé à s'estomper. De nombreux pilotes en maîtrisaient plusieurs, l'anglais semblait satisfaire tout le monde. Manuel avait branché le disque dur sur son système audio. Il avait un fond de musique sur les conversations des autres pilotes. Il ne s'en mêlait pas, préférant se concentrer sur la musique. Il bougeait la tête en rythme avec avec les instruments de musique et les mouvements de sa machine suivaient. Il regardait fréquemment sa carte et son radar pour savoir si quelque chose d'étrange apparaissait. Mais il n'y avait rien.
« - Doux-dingue, ici Contrôle-commande. Avez-vous des ennuis mécaniques ?
- Euh... non. Pourquoi ?
- Les chimères ont identifié un changement dans votre manière de vous déplacer... Êtes-vous sûr que tout va bien ?
- Ouais ouais, tout est nickel. J'ai juste Jumping Jack Flash qui tourne dans le casque.
- De quoi ?
- Yeah ! Les Rolling Stones ! Un vrai classique ! Ça date un peu mais on n'a pas fait mieux ! Fait tourner Doux-dingue ! » Intervint Dionysos.
*
https://youtu.be/O4irXQhgMqg
Dans la salle flambant neuve du contrôle commande. Un technicien releva la tête, ne comprenant pas la conversation. Jusqu'à ce que la musique pénètre son casque. Un sourire se dessina sur son visage. Les enceintes placées dans la salle commencèrent elles aussi à diffuser le son. Entre-temps, la musique avait changé. Désormais, c'était ''Paint it black''.
Les chimères du contrôle-commande cherchèrent du regard à comprendre ce qui se passait.
Un technicien qui passait leur expliqua que ce n'était qu'un peu de musique. Rien de grave. Elles en furent convaincues lorsqu'elles virent le commandant Sarlen battre la mesure sur un de ses talon.
Arson se rapprocha du vieux guerrier :
« - N'y-a-t-il pas un risque que cela gène les communications ?
- Non, pas avec un volume aussi bas... Et puis, si ça commence à chauffer, ou s'il y a le moindre doute, on lui demandera de couper.
- C'est la musique de votre espèce ?
-L'une d'entre-elles oui..
- Et... Vous en avez beaucoup ?
- Des millions...voir plus. Pour être franc, je ne sais pas. Il y en a tellement. »
La chimère regarda le commandant avec un air de surprise non feinte.
« - Et vous ? Demanda le soldat sur le même sujet.
- Beaucoup moins, mais sur des styles bien différents. Apparemment vous cherchez le rythme, nous sommes plus à rechercher l'harmonie.
- Il faudra nous faire écouter.
- Bien entendu. »
*
* *
*
Le voyage se passa sans encombres. Il arrivèrent au premier point de repos peu après la tombée de la nuit. Les soldats montèrent un camps au beau milieu d'un petit bois. Il y avait suffisamment d'arbres pour masquer les quelques lumières et pour y cacher des sentinelles. Les tentes étaient des deux places selon les critères de l'armée. Donc des monoplaces dans le civil. Tout les soldats furent content de pouvoir sortir de leurs machines et de s'installer dans quelque chose qui, bien que petit, ne leur serrait pas le corps.
Manuel avait hâte de pouvoir se coucher. Il avait monté la tente avec Fernand avant qu'une tape sur l'épaule ne lui enlève tout ses espoirs.
« - On prends le premier tour de garde, dit simplement Marcus. Allez, on remonte et on sécurise le périmètre.
- Combien de temps ? Interrogea Fernand.
- Quatre heures. Jusqu'à vingt-trois heures environs. Départ à huit heures demain.
- Et le repas ?
- Après la garde. S'il reste quelque chose de chaud. »
Avec des soupirs non masqués, les deux jeunes remontèrent dans leurs machines. Ce à quoi leur camarade de combat rétorqua que cela faisait partie des joies du métier. Ainsi commença quatre heures d'attentes interminables. En dehors de Oneshot qui s'était placé ailleurs pour les appuyer en cas de problèmes, les pilotes de l'escadron Rock s'étaient placés en cercle.
Comme la plupart des combattants, lorsque la nuit tombait, Manuel alternait régulièrement les modes de vision nocturne et d'infrarouges. Sa machine avait un genou a terre pour en diminuer la taille. Mais elle était tout de même massive.
Un mouvement derrière lui et sur sa droite attira son attention.
Deux chimères quittaient le petit camps pour venir vers lui.
Ça sent les galères...
Quand ils furent assez proches, Manuel identifia Ernach et Sellgan.
« - Doux-dingue, ici contrôle-commande, les Chimères ont un point à régler avec vous. Veuillez ouvrir votre véhicule.
- Négatif contrôle. J'ai rien à dire au prétendant Sellgan. En plus, je suis de garde : sa présence me gêne.
- Doux-dingue, ici Leader Rock, ouvre ta bécane. C'est un ordre. Oneshot, surveilles un peu plus le secteur de Doux-dingue.
- Bien reçu major. »
Le soldat ouvrit sa machine pour se retrouver face aux deux énormes créatures. Nyctalopes, leurs yeux brillaient d'un vert irréel dans les ténèbres naissantes.
« - Bonsoir Monsieur Doux-dingue, commença Sellgan, je suppose que vous savez pour quelles raisons je suis ici ? »
Le jeune pilote garda le silence, les yeux planté dans ceux de la chimère.
« Je suis venu pour vous faire mes excuses pour vous avoir mêlé aux intrigues de la cour. Et plus personnellement, pour vous avoir contraint à une extrémité qui vous a coûté une fête qui vous semblait très importante... Alors voilà je suis désolé. »
Manuel garda le silence. Ils continuèrent à se regarder un moment ainsi, leurs souffles respectifs crachant de petits nuages de givre blanc dans la noirceur de la nuit. Comprenant qu'il n'y aurait aucune réaction de la part du jeune pilote, Sellgan fit demi-tour en direction du petit camp.
« - Est-ce que cela te dérange si je monte la garde avec toi ?
- Non Ernach. Mais, pourquoi tu l'as accompagné ?
- Dans ce genre de situation, il faut généralement un témoin. Et, aucun prétendant n'aurait aidé Sellgan, quand au gardes, ils se désintéressent de ça.
- Pas toi ?
- Non, si ça peux aider mon oncle à récupérer un peu de crédibilité et de considération vis-a-vis du roi...
- Je vois.
- Mais dis moi, que penses-tu de Sellgan ?
- Pas grand chose et pas en bien. Pourquoi ?
- Tu pourrais préciser ?
- Pour faire simple, il est malsain et calculateur. Il veut atteindre son objectifs mais il n'est jamais honnête dans sa manière de faire. J'en ai encore eu une preuve ce soir. Les excuses qu'ils m'a faites ne sont pas du tout franches. C'est, je le pense, encore une manœuvre. De cette manière il se victimise vis-à-vis de Kouiros, et s'amende vis-à-vis de moi.
- A une différence près, coupa le griffon.
- Laquelle ?
- La princesse a elle aussi demandé à ce qu'il fasse des excuses.
- Alors je dirais que ça l'aide à montrer qu'il est au ordres de la royauté. Pour un peu, j'en viendrais presque à le plaindre.
- Pardon ?
- Imagine-toi à sa place un court instant : tu es seul. Ton ami du jour peu devenir à tout instant ton pire ennemi. Tu n'as personne à qui faire confiance, personne sur qui tu peux compter. Pour couronner le tout, tu te dois de te montrer meilleur que les autres, quitte à paraître ce que tu n'es pas pour plaire au plus grand nombre. Non, je ne voudrais pas être à sa place. Parlons d'autre choses. Comment va Kouiros ?
- Il va plutôt bien. Il a ordre de ne pas approcher la princesse. Mais il a prévenu qu'il serait toujours dans les parages. Même si cela lui a coûté, sache qu'il ne regrette pas sa décision de le frapper.
- Je ne sais pas ce que j'aurais fait à sa place.
- Moi non plus. Au fait, j'ai vu quelque chose d'étrange tout à l'heure.
- Quoi donc ? Demanda Manuel.
- Tu as monté ta tente avec Twister... Pourtant ta... femme est là non ? Pourquoi ne pas dormir avec elle ?
- Notre armée a ses lois mon cher... et en service, je ne peux pas dormir avec elle. Et vice-versa.
- C'est frustrant...
- Mais c'est comme ça. Quand j'ai posé la question, on m'a répondu que c'était historique... J'ai pas demandé plus.
- Cela reste toute de même curieux... Vous vivez ensemble lorsque vous ne portez pas l'uniforme, mais lorsque vous vous battez, des barrières apparaissent.
- Elle est major et je ne suis qu'homme du rang.
- Tout cela est trop compliqué pour moi... Je vais aller me reposer : demain nous reprendrons le voyage.
- Bonne nuit. »
Le jeune pilote referma sa machine et reprit sa garde. Il signala au reste de l'escadron ainsi qu'au contrôle-commande la discussion qui avait eu lieu. Mais il ne déclara que les faits, ses propres réflexions, ils les garda pour lui.
Un des membres de l'escadron américain vint le relever un peu plus tard. Pour un peu, il aurait remercié le soldat : il était éreinté. Il mangea rapidement avant d'aller se coucher. Il n'eut l'impression de n'avoir fait que fermer les yeux lors du réveil le lendemain matin.
Le petit déjeuné fut frugal : une tasse de café et une barre céréalière. Puis il se dirigea vers sa machine. Ce faisant, il croisa de chimères qui achevaient de dépecer un cerf.
Il les dépassa sans vraiment faire attention. Pendant que Fernand s'occupait du rangement de la tente, Manuel vérifia quelques points sur leurs machines.
Il monta dans le quadripode pour commencer, son ami avait placé une photo de Véronique dans un cadre fixé sur une des traverses. Cela le fit sourire. Il retrouveraient Véronique à Malaga avant l'embarquement sur les navires chinois. Il commença par vérifier les niveaux d'huile et de batterie. Avant de passer à une inspection visuelle de l'état intérieur. Mais il n'y avait rien à identifier qui ne sorte de l'ordinaire. Il s'extirpa du cockpit avant d'aller vers sa propre machine. Il y fit les mêmes vérifications. Il vérifia également l'état des roulements à rouleaux qu'il avait monté après la bataille près de la cité chimère. Et là encore, rien à signaler.
« - Alors ? Demanda Fernand la tente sous le bras.
- Bon pour le service. »
* * * * * *
« Jumping Jack Flash » : Chanson du groupe Rolling stones, 1968.
« Paint it Black » : chansons du groupe Rolling stones, 1966.
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