12 : Nemaya (2/3)

« - Doux-dingue, file-moi cette putain de télémétrie !

- Twister, je t'ai dit que c'était inutile, elle se déplace trop vite, t'arrivera pas à la toucher ! Reste en dehors de ça ! »

Manuel venait de suivre Nemaya jusque sur le toit du parking après quelques échanges de tirs. Il avançait avec milles précautions. Il se doutait qu'elle l'attendrait. Ils étaient si proches que les deux points, vert et bleu, se chevauchaient sur la carte. Le premier qui trouvait l'autre gagnait.

Alerte gauche.

Il sauta par dessus le parapet et s'accrocha à celui-ci pour passer à l'étage du dessous. Sous les tirs de Nemaya.

Il vit où elle était, derrière un camion, à quarante mètres. Près d'un parapet elle aussi.

Il courut vers la position qu'elle devait tenir en décrivant un arc de cercle sur la droite. Bien lui en prit : des tirs traversèrent le plafond pour frapper à là où il aurait dû être s'il avait été tout droit.

Il riposta à travers le plafond.

Un changement de luminosité à droite le prévint du danger avant l'ordinateur : Nemaya venait de faire la même manœuvre que celle qu'il avait réalisé. Une partie du plafond se brisa sous le poids de la machine russe et, pour se rattraper, elle lui mit un violent coup de pied. Manuel tomba de nouveau sur le dos. La russe sorti une lame de son bras gauche.

Arme intégrée...

Elle se laissa tomber pour frapper Manuel au poste de pilotage. Il rattrapa la jeune femme avec ses jambes sur sa poitrine. Il dévia la lame qui entailla son épaulette droite.

Rien de grave, mais, toi, tu vas voler !

La combattante russe comprit immédiatement ce qu'il allait faire car elle chercha immédiatement à se dégager.

Même pas en rêve salope !

Manuel poussa fort sur ses deux jambes et lâcha le bras de la russe. Même sans le compresseur de puissance, il aurait pu la propulser assez fort pour la faire tomber hors du building. La majeure partie de la puissance des armures se situaient dans les jambes après tout. Mais, avec le compresseur, l'AMC russe, aussi lourde qu'elle soit, fut littéralement éjectée.

Il se releva en pensant qu'il avait réussi à s'en débarrasser.

Il se pencha pour regarder en bas.

Il y avait encore cette fumée blanche. Et Nemaya en bas, les pieds enfoncés dans le sol, le revêtement de la route éparpillé un peu partout.

Elle s'est servi du propulseur dorsal pour maîtriser sa chute... putain, j'y crois pas... Elle a réussi cette manœuvre... moi je me serais lamentablement ramassé dans la rue...

Il lui fit un signe de la main. Elle lui répondit par un doigt d'honneur avant de pointer son arme sur lui.

Ouais. Elle est encore furax on dirait... Mais merde... Mais qu'est-ce que je lui ai fait à cette folle pour qu'elle me haïsse à ce point...

Manuel courut en direction du parapet opposée.

Vu comment elle pilote, je suis sûr qu'elle va encore faire écrouler le bâtiment... Faut que je sorte de là et fissa ! Pas le temps de prendre la sortie habituelle !

Manuel entendit des tirs, et des impacts.

J'en était sûr : cette barge est en train de flinguer les piliers du bâtiment. Elle est complètement tarée !

Manuel sauta dans le vide après avoir tiré au grappin sur la grue du chantier de construction. Le bâtiment s'écroula peu après qu'il l'ait quitté. Il régla le grappin pour arriver au sol en dérapant.

Son arrivée au sol fut des plus compliquées : la terre battue du chantier réagit comme un tapis de billes. Cela ne le freina pas, mais le préfabriqué du chef de chantier, si. Il y pénétra comme dans des cartons.

D'un autre coté, je ne fais pas mieux qu'elle...

*

« - Votre pilote est impressionnant : Je n'ai jamais vu quelqu'un tenir tête à Nemaya, fit simplement Vozhd'

- Et moi, je n'ai jamais rencontré quelqu'un capable de maîtriser Doux-dingue. A croire que ces deux là ce sont trouvés... »répondit Marilyn.

Sur l'écran principal, il y eut une explosion, du nuage de fumé provoqué sortirent en courant deux armures. Marilyn contrôla l'enregistreur de dégâts. Le mode surhomme annulait d'office toute les dégâts que les pilotes s'infligeaient, mais, avec l'enregistreur, ils pourraient facilement identifier qui infligerait à l'autre une frappe mortelle. Pour l'instant, il n'y avait que quelques marques jaunes sur les deux armures. Cela signifiait des rayures plus ou moins profondes, un peu de peinture écaillée et de tôle pliée. Ça faisait bien un quart d'heure qu'ils se battaient d'une manière particulièrement violente et aucun n'avait pu prendre le dessus sur l'autre. Elle s'inquiétait : combien de temps Manuel allait-il pouvoir tenir un tel rythme. Et puis, c'était elle qui avait proposé le mode surhomme pour punir Rocco. Mais, jamais elle n'aurait pensé qu'il y aurait réellement eu des problèmes.

« - Comment a-t-il été formé ? Demanda Vozhd'

- Pardon ? »

Sur l 'écran, un nouveau bâtiment s'écroula. Cette fois, Manuel en était responsable.

« - Qui a formé ce pilote ?

- Personne, il n'a jamais eu d'instructeur, raison pour laquelle il pilote comme ça. Et elle ?

- Pas savoir... Nous avoir trouvé Nemaya près de montagnes de l'Oural. Elle seule survivante de son village. Pilote déjà. Mais seule, tenir chimères à distance par combats, et pièges sur deux kilomètres autour de village a elle. Mais jamais parler, jamais plaindre, jamais discuter ordres... Elle voulait se battre contre les chimères, mais personne pour prendre dans escadron. Alors, je le lui avoir proposé, elle a acceptée. Elle pilote toujours la même machine que celle dans laquelle nous l'avoir découverte... »

*

« - Qui est-ce qui se bat ? Demanda Salida au commandant.

- Doux-dingue et Nemaya.

- Doux-dingue se bat ? C'est lequel ?

- Celui qui a une armure orange et jaune. »

Sur l'écran, les deux pilotes rivalisaient d'imagination de performances physiques, de dextérité et de prouesses mécaniques. Si le combat avait été réalisé en réel, les deux machines auraient réellement souffert, poussées dans leurs extrêmes limites par ces deux exceptionnels combattants.

Une exclamation fit tourner la tête du commandant qui répliqua : « Je tiens le pari ! »

Dans la salle, une ovation sonore se fit entendre.

« - Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qu'un pari ?

- Un soldats vient de dire que Doux-dingue allait gagner. Et qu'il était près à parier deux-cent crédits monétaires qu'il gagnerait. Je lui ai dit que je tenais le pari. Cela signifie que si Doux-dingue gagne, je devrais lui donner deux-cent crédits. Mais si Nemaya gagne, c'est à lui de me les donner.

- Qu'est-ce qu'un crédit monétaire ? Demanda Salida, les yeux rivés sur l'écran.

- Un élément qui nous permet de donner une valeur à tout ce qui nous entoure. C'est assez important.

- N'y a-t-il pas un risque qu'un tir nous atteigne par accident ?

- Non, strictement impossible. Seules les images nous parviennent, pas les effets. »

Sur l'écran, les deux protagonistes venaient de se séparer, chacun dans son coin. Manuel avait trouvé refuge dans le parking souterrain et Nemaya dans le supermarché. Ils s'étaient arrêtés. A l'extérieur de leurs abris, dans la simulation, l'état de délabrement était tel que n'importe qui aurait cru qu'une armée entière s'était battue dans un mouchoir de poche.

« - Pourquoi avez-vous dit que Doux-dingue allait perdre ? C'est pourtant un de vos soldats... N'avez-vous pas confiance en lui ? »

Le vieux soldat rit doucement avant de répondre en s'assurant que personne n'écoutait :

« - Je me moque totalement du vainqueur. J'ai fait ça pour éviter de laisser penser aux soldats présent dans cette salle que je suis là pour les surveiller, ou identifier les meneurs et les punir plus tard. En participant aux paris, je rentre dans le même jeu qu'eux... Et donc, même si je perds le pari, deux-cent crédits, ce n'est pas cher payé pour la considération qu'ils me porteront. Ce qui m'intéresse surtout, c'est le combat. Ces deux pilotes-là on un niveau à la fois équivalent et terriblement élevé. C'est un duel d'anthologie, presque légendaire qui se déroule actuellement. »

Salida reporta son attention sur l'écran en étant des plus attentive.

*

Lentement, Manuel avançait, dans le parking souterrain. Il avait mal partout. Il avait perdu son pistolet dans la seconde rencontre avec Nemaya. Et, dans la cinquième, elle avait sorti de son espèce de bouclier une lame courte qu'il avait brisé.

Il surveillait régulièrement à intervalles très courts la position de la terrible guerrière. Elle semblait s'être arrêtée elle aussi.

Bordel, cette foutue nana est la reine des manœuvres à la con : pas moyen de cadrer un tir correct avec des mouvements aussi chaotiques.

Manuel commença à se remémorer tout les engagements qu'il avait pu avoir pour chercher un défaut quelque part. Quelque chose qui pourrait lui donner un quelconque avantage. Il avait bien essayé le combat à court et moyenne distance sans succès. Il n'avait pas tenté la longue distance, il n'y aurait eu aucun avantage. Quand au corps à corps... Il aurait dû en avoir un, mais Nemaya se jouait des défauts de sa machine. Même en vitesse elle l'égalait. Il était passé aux différents pièges qu'il avait pu inventer, et elle aussi. Mais rien n'y faisait : ils s'annulaient mutuellement.

« - Comment ça va ?

- J'ai l'impression d'avoir fait des tonneaux en voiture, Twister.

- Elle est forte ?

- Le mot est faible. »

Le jeune pilote regarda le minuteur de mode surhomme : trois minutes.

« - Tu veux que je vienne ? Interrogea-t-il.

- Non, intervint Oneshot. J'ai vu une partie du combat. Tu ne fais pas le poids. Aucun de nous ne le fait. Donc, non seulement ta tête ira garnir sa collection de trophées empaillées, que je suppose déjà bien fournie, mais en plus tu risques de gêner Doux-dingue.

- C'est pas à toi que je posais la question.

- Non, mais il a raison sur un point : si tu viens, elle va te transformer en paillasson mon pote. Tu ne feras pas le poids avec ton veau. Elle se déplace déjà trop vite pour que je puisse cadrer un tir potable. Impressionnant avec un truc aussi lourd... Par conséquent, l'artillerie est à proscrire. Et elle aura l'avantage au corps à corps car son armure a un style morphologique...Tu te rappelles ce qui s'est passé la dernière fois que tu as affronté ce type de bécane...

- Ouais, ouais... Mais, là, si on s'y met à deux... on devrait pouvoir se la faire.

- Laisse-moi m'en occuper seul s'il te plaît, demanda Manuel. J'ai l'impression de m'affronter dans ce combat... Elle réagit comme moi, elle se déplace comme moi, elle tire comme moi... Si je veux connaître mes défauts, je dois l'affronter seul. »

Il y eu un silence.

« - T'es sûr ? »

Manuel réfléchit un instant. Il sentait la déception dans les propos de Fernand.

« - Ouais, elle me pousse dans mes limites. Je voudrais bien savoir jusqu'où ça va. Par curiosité bien sûr.

- La dernière fois qu'on a pris une déculottée là-dedans tu m'as traité de masochiste. Je te retourne le compliment. Je t'attends dehors. »

Les yeux de Manuel se posèrent de nouveau sur l'horloge : le décompte était terminé. Un à un il vit les point verts et bleus disparaître de la carte au fur et à mesure que les pilotes quittaient l'univers virtuel.

Il ne resta bientôt plus qu'eux deux.

Je m'en doutais : le premier qui quitte la simulation abandonne hein ?! Alors je partirais, mais après toi. Bon...Plus facile à dire qu'à faire hein...

Machinalement, Manuel rangea son fusil et sortit sa lame courte. Il commença à tapoter le plat de la lame contre le toit d'une voiture carbonisée. Il réfléchissait :

Comment faire... on est repassé en mode normal. Le prochain échange risque d'être le dernier... Qu'est-ce que j'ai bien pu oublier...Commençons par un inventaire. Il me reste un chargeur et demi, le grappin, une charge de fumigène et la lame courte. Elle, de son coté, doit avoir encore une bonne demi-bande pour le canon de suppression, sa lame intégrée, et une charge du propulseur dorsal...

Son regard se posa sur l'arme, dans ses mains, plus précisément sur le manche de la lame. Il s'immobilisa. Ses doigts s'écartèrent sauf l'index et le pouce. La lame se mit en équilibre entre ses doigts.

Non... L'ordinateur accepterait ce genre de connerie ?

Lentement, une stratégie commença à germer.

*

« - Que font-ils ? » Interrogea la princesse.

Dans le mess, l'ambiance s'était calmé, les soldats regardaient l'écran en silence, attendant le prochain affrontement. Certains, malgré l'interdiction de fumer, s'étaient allumé une cigarette pour essayer de se détendre ; sans vraiment de succès. L'ambiance qui régnait était désormais lourde, un peu comme dans un film policier ou d'horreur, où chacun est dans l'attente d'un dénouement qui ne vient pas.

« - Je ne sais pas... Je crois qu'ils ont compris qu'ils étaient aussi fort l'un que l'autre. Ils se reposent peut-être en attendant le prochain échange, et ils mettent ce temps à profit pour réfléchir sur comment avoir l'autre... Sincèrement, je ne sais pas... Qui peut savoir ce qui traverse l'esprit d'un pilote quand il est dans sa machine. Pour ma part, j'ai renoncé à deviner il y a bien longtemps. »

Salida comprit que les deux petits bonhommes dessinés en bas, étaient les statuts des deux armures. Il y avait des marques jaunes là où ils s'étaient touchés. Celle de Nemaya avait une marque jaune à la poitrine et à la jambe gauche. Quant à Manuel, c'étaient son épaulette gauche, son bras droit et sa tête qui étaient marqués.

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