12 : Nemaya (1/3)
Ils s'étaient quasiment tous assis à leurs positions respectives dés leur entrée dans le monde virtuel. D'après la carte, il s'agissait d'une ville d'assez bonne taille entourée par des champs et des forêts. Chacun, quel que soit son escadron pouvait voir la position des autres. Les Demony avaient des points bleus et les Rock avaient les leurs en vert. Au-dessus de chaque point, sur la carte, le surnom du pilote. Manuel vit que la plupart des Demony se désintéressaient du problème qui concernait Rocco. Ils étaient quand même trois sur lui. Rocco courait aussi vite que sa machine le lui permettait, et ripostait quand on lui en laissait l'occasion. Mais, à trois contre un, il ne faisait pas le poids. Il avait bien demandé de l'aide au reste de l'escadron. Mais personne n'avait envie de se battre pour une bêtise dont il n'était pas responsable.
Manuel avait prévenu Marilyn de son erreur avec le prétendant Sellgan. Elle lui avait répondu qu'ils verraient ça plus tard, pour le moment il se devait de se défendre du mieux qu'il le pouvait.
Manuel regarda le compteur : il restait un peu plus d'une demi-heure.
« - Doux-dingue, t'as une TKB en approche. »signala Marcus.
Il jeta un regard à sa carte, Nemaya pilotait l'armure en question. Elle se rapprochait de lui à vitesse moyenne.
« - Je ne sais pas ce qu'elle veut, vu la position de Rocco, elle veut peut-être le prendre entre deux feux... Je quitte sa trajectoire. »
Le jeune homme commença à se déplacer vers le nord, cherchant à éviter le combat.
Et merde...
« - Ici Oneshot, elle vient d'accélérer ! Elle change de trajectoire ! J'arrive en appui par l'ouest ! Elle en a après toi ! Tires-toi !
- Ici Twister, en position au sud-ouest !
- Barrez-vous ! Je ne sais pas pourquoi, mais c'est après moi que cette folle en a. Si vous vous en mêlez, ses copains vont arriver et ça va finir en baston générale.
- Eh ! Mon pote, t'as rien à voir avec les histoires de culs de Rocco... Alors je viens ! J'attends ta télémétrie ! »
Manuel courait aussi vite qu'il le pouvait tout en cherchant un endroit où il pourrait engager la jeune femme si elle voulait vraiment en découdre.
« - OK Twister ! Reste en position, si j'ai besoin d'aide, je te fais signe. Mais je vais quand même voir si je peux la corriger tout seul.
- Fais gaffe quand même, d'après ce que j'ai entendu, ce n'est pas une débutante, loin de là même... Et si ça dégénère, je déboule, que tu le veuilles ou non.
- OK. »
Il arriva à une grande place, un parc au milieu, un parking souterrain , un autre aérien, un immeuble en construction, un grand magasin, et pas mal de carcasse de véhicules abandonnés...
Ici.
Il entra dans une des rues adjacente au square. Il changea la configuration du grappin de son fusil : désormais, le filin serait tracté coté canon, et non par la crosse. Ce faisant, il vit Nemaya qui se rapprochait rapidement.
Quand on veut discuter, on ne se déplace pas à cette vitesse...
*
« - Hum, si je me souviens bien, ce Doux-dingue, c'est votre meilleur pilote, non ? Demanda Vozhd'.
- C'est le cas, répondit Marilyn.
- Alors il va y avoir spectacle : Nemaya être le nôtre. Peut-on activer l'enregistreur de dégâts ? Histoire de leur dire qui est mort en premier... »
L'opérateur avait écouté ça d'une oreille distraite. Il avait déjà entendu parler des capacités de Doux-dingue. S'il y avait vraiment du spectacle, cela valait le coup de le faire partager. Discrètement, il tapa un texto sur son téléphone portable. Il actionna ensuite les sorties vidéos extérieures à la salle de simulation.
« - Oui, bien sûr major. » Dit-il en appuyant sur un bouton.
*
Manuel épaula et tira sur une des carcasses de véhicules avec son grappin.
Si elle veut se fritter, je dois m'en assurer...
Lentement, il vit le point bleu se rapprocher de son point vert. Puis, ce dernier s'immobilisa.
D'un coup sec, il tira sur le grappin, la carcasse de voiture se souleva... et prit une longue et violente rafale de balles, qui la brisèrent en plusieurs morceaux.
Bon, je suis fixé ! Pensa-t-il en rembobinant le grappin et en se déplaçant de manière à contourner son adversaire.
Mais Nemaya avait tenté la même manœuvre et ils furent tout les deux surpris de se retrouver face à face dans la rue parallèle au parc. Ils réagirent, là encore, de manière identique. La rue était jonchée de carcasses de véhicules. Chacun d'eux mit un coup de pied dans l'une des épaves. Objectif : l'envoyer sur l'adversaire pour gêner sa ligne de mire. Cela avait également l'avantage de forcer l'adversaire à se concentrer sur un autre danger que celui de se faire tirer dessus.
La surprise que provoqua l'action synchronisée, doublée de celle de voir une énorme carcasse de voiture lui foncer dessus empêcha chacun des deux pilotes de cadrer correctement leurs tirs.
Les murs et le bitume se zébrèrent sous les tirs d'armes automatiques en un énorme roulement de tonnerre.
La réception des véhicules abîmés lancés par les deux machines fut différente. Nemaya attrapa et bloqua l'engin lancé par l'armure de Manuel avec son bras gauche. Son armure recula de trente centimètres sous l'impact. Endommageant sérieusement le bitume sur lequel elle se trouvait. Manuel encaissa le choc sur l'épaule gauche en faisant tourner sa machine. Il dévia ainsi la carcasse de sa trajectoire sans trop de dégâts, pour s'accroupir derrière une épave et épauler. Voyant Manuel la viser, la russe se servit du projectile comme bouclier.
Merde, pas de visuel !
Il tira quand même : au pire ça montrerait à son adversaire qu'il avait de la ressource. La carcasse fut violemment secouée lorsque les balles la frappèrent. Il se dit que ça la calmerait, jusqu'à ce qu'il repère le canon de la Russe, juste sur le coté de la carlingue. Elle se servait de l'épave comme s'il s'agissait d'une aide à la visée.
Re-merde !
Il tira une nouvelle fois. Mais cette fois, il voulait faire rater l'attaque de la russe. Cela fonctionna, il put retourner dans la rue qu'il avait précédemment quitté. Le tout, sous les projectiles de la jeune femme. Deux véhicules explosèrent et un murs vola en éclat.
Manuel s'appuya contre le mur au moment même où la carcasse qui servait de bouclier à Nemaya fut projetée et allait frapper le mur en face de lui.
Il analysa la situation en un éclair. Il avait pu la voir, il pouvait en déduire une partie du reste des armes qu'elle possédait et, de la même manière, élaborer une stratégie pour la contrer.
La TKB russe était une armure lourde conçue pour transporter le matériel de soutien de l'armée russe. Elle était la solution russe à un besoin russe. Lourde, bien plus lourde que tout ce qui avait pu être conçu en occident, elle correspondait une méthode de combat du style : ''J'avance, je tire'' répété autant de fois que nécessaire. En cela , elle était extrêmement solide, mais ce qu'elle avait gagné en force brute et en blindage, elle l'avait perdue en mobilité et en maniabilité. Manuel avait pu voir, lors de leur précédent échange une partie de ses équipements. Elle avait un canon de suppression lourd sur le bras droit, utilisée pour le soutien, cette arme la prédestinait au combat de moyenne et longue distance. Il n'avait pas vu de quel modèle il s'agissait, mais il était certain d'y avoir vu le même bouclier intégré que celle de la véritable machine pilotée par Nemaya. Manuel supposa qu'elle devait avoir une arme blanche intégrée quelque part. Quand à ce qu'elle portait dans le dos, il n'avait rien pu identifier.
Son engin de construction n'avait pas la même endurance que le monstre qu'il avait en face de lui, en revanche, sa maniabilité et sa précision étaient au-dessus de son adversaire. Selon lui, la force devait être équivalente avec le compresseur de puissance actif.
Si je ne peux pas l'avoir de face, va falloir que je m'en occupe par le coté ou dos... C'est parti !
*
Il pénétra un peu plus dans la rue où il avait trouvé refuge avant d'activer le compresseur et de se jeter sur un mur, en direction de l'engin russe. Sous la puissance du compresseur, il passa le mur en béton comme s'il traversait un mur de carton. Sa machine de construction, aussi utilisée comme outil de démolition, se trouvait dans une utilisation routinière.
Soudain, alors qu'il ne venait que de passer que deux cloisons, celle en face de lui s'écroula, laissant passer une armure TKB verte. La surprise laissa, là encore, les deux pilotes interdits dans cette situation. Nemaya commença à diriger son canon, sur son bras droit, en direction de Manuel.
Celui-ci stoppa son mouvement du plat de la main gauche, posé sur le tube. Et il tenta de la viser avec son propre fusil. Elle eu exactement la même réaction. A ceci près qu'elle lâcha son canon de surpression pour tenter de se rapprocher encore de lui et l'enserrer par la taille.
Elle veut me foutre par terre !
Manuel mit un coup de tête sur celle de son adversaire, Il cru un moment l'avoir déséquilibré, car elle se recroquevilla tout en lâchant son fusil. Il tenta d'attraper son pistolet avec sa main gauche. Mais il se senti soudain déséquilibré : La russe avait attrapé son pied gauche avec sa main droite, et, de sa main gauche, elle l'avait poussé sur la poitrine. Le poids de la machine russe avait fait le reste. Sous le choc, il en lâcha le pistolet.
La russe récupéra son canon de suppression alors que Manuel tombait. Le jeune homme vit alors ce qu'elle avait dans le dos : un propulseur dorsal.
Elle pointa son fusil sur lui.
Il mit un coup de pied dedans au moment où elle tira.
La rafale le manqua de peu. Le tir automatique découpa presque le bâtiment en deux. Autour d'eux, les gravats qui tombaient devenaient de plus en plus gros.
Manuel comprit que le bâtiment avait subi trop de dégâts : il allait s'écrouler.
Je dois sortir de là...En arrière !
Il pointa son fusil par là où il était entré, tira avec le grappin. A peine celui-ci s'était-il accroché qu'il activa le tracteur de câble, se tirant hors du bâtiment qui s'effondrait. Il glissa ainsi, sur le dos jusqu'à la rue. Il décrocha le grappin, le rétracta, et se servit de sa propre vitesse pour se retourner en roulant sur le dos.
Devant lui, le bâtiment se réduisait à un tas de décombres.
Hé, c'est quoi ça ?...
Une colonne de fumée blanche s'élevait des ruines du bâtiment. Manuel la suivit des yeux, elle faisait une courbe avant d'arriver sur le toit du parking.
Sur la carte, elle était là-bas...
Elle a fait en sorte que le bâtiment s'écroule sur moi, et, avec son arme, a fragilisés les étages supérieurs avant d'utiliser le propulseur dorsal... Cette foutue nana a de la ressource...
*
« - Je suis désolé princesse, Doux-dingue n'avait pas la moindre intention de vous nuire. Il recevra la sanction appropriée d'ici peu.. »
Salida avait été voir le commandant Sarlen peu après que Manuel eut fait son erreur. Ils discutaient dehors, sur la place au milieu de la base.
« ... Je vous assure que ce genre d'incident ne se reproduira plus.
- Je pense que vous n'avez pas compris la raison de ma présence, commandant. Signalez-lui sa bêtise, mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit sanctionné.
- Nous verrons, c'est une erreur que je ne peux pas laisser passer, comprenez-le.
- Je le comprends, mais, il l'a fait sans intention de nuire, De plus, je sais que certaines réactions, au sujets des sentiments qu'ont ceux de votre espèce, peuvent devenir violentes... Mais que se passe-t-il là bas ? Un danger ? »
Sarlen se retourna. Il vit différents soldats courir et pénétrer dans le mess avec précipitation. Il en venait d'un peu partout. Il n'y avait pas que des militaires, du personnel civil pénétrait aussi dans le bâtiment avec vitesse.
« - Je n'en ai pas la moindre idée... Je vais me renseigner.
- Cela vous ennuie-t-il si je vous accompagne ? Je suis un peu curieuse.
- Oui, j'aimerais m'assurer qu'ils ne font pas des... bêtises. Pour dire cela poliment... Restez ici s'il vous plaît. » Répondit Sarlen après une petite réflexion.
En vérité, le vieux soldat aurait préféré qu'elle n'eut jamais remarqué l'agitation derrière lui. A son approche, il entendit un énorme brouhaha qui filtrait par les fenêtres. Ça criait et ça bougeait dans tout les sens dans la pièce. Quoi qu'il s'y passât, ça n'allait pas lui plaire.
Il rentra dans le mess, pénétrant dans une atmosphère surchauffée par la quantité et l'excitation des personnes présentes. Il entendait différents encouragements ainsi que des prises de paris.
« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ! » Hurla-t-il par-dessus le vacarme.
Comme si le temps s'était arrêté, tout le monde se figea dans des positions plus ou moins maladroites. Lentement, ceux qui avaient les bras levés commencèrent à les baisser en essayant d'être le plus normal possible.
« Ouvrez une fenêtre ! Ça sent le fennec ici ! Et je repose ma question ! Qu'est-ce que vous bricolez bordel de merde ? »
Personne ne parla, comme des enfants pris la main dans le sac de bonbons.
Il y eu un bruit d'explosion craché par une paire d'enceintes. Immédiatement, l'attention du commandant y fut attirée. La télévision qui se trouvait dans le mess transmettait les images d'un combat particulièrement violent. Il regarda un instant, cherchant à identifier qui tirait sur qui.
Doux-dingue, Nemaya,...OK, ils font des paris... Hé, minute, leurs armures n'ont que des traces jaunes et ça fait bien dix minutes que le combat a commencé...plutôt impressionnante la russe...
« - Qui est le plus haut gradé ici ? Continua-t-il avec une voix normale.
- Euh, je crois que c'est moi, mon commandant. Fit un soldat en sortant de la troupe. Adjudant Idarez, Escadron Végas.
- OK, vous et vous six, êtes responsable de l'état de cette salle à la fin du combat, dit-il en désignant six autres combattants. Vous vous démerdez, mais je la veux comme neuve quand vous sortirez d'ici. Et enregistrez-moi une copie... Amusez-vous bien. »
A peine Sarlen sortit-il de la salle que les brouhahas reprirent de plus belle. Il referma la porte du bâtiment avec le sourire : les moments d'amusements comme ceux-ci seraient de plus en plus rares, autant qu'ils en profitent.
Il retourna auprès de la princesse :
« - Alors ? Rien de grave j'espère.
- Non, ils sont juste en train de s'amuser. Rien de grave.
- Hum... Je m'interroge sur ce qui peut bien vous mettre dans un tel état. On entend le bruit d'ici.
- En fait, ils font des paris sur un combat qui a lieu actuellement.
- Un combat ? Et vous dites qu'il n'y a rien de grave ?
- Non, ces deux combattants sont en simulation. Aucun des deux ne risque quoi que ce soit si ce n'est quelques bleus. Et leur état est essentiellement dû au fait que les concernés sont plutôt exceptionnels.
- Je sais que ma demande va être des plus étranges, mais je n'ai jamais vu un seul d'entre-vous se battre... même s'il y a des traces dans la mémoire, je n'en ai jamais vu en réel... Oserais-je vous demander ... si ...
- Oui, bien sûr. Pour être franc, j'avais aussi envie de voir ça. »
Il ne fallu pas longtemps avant que la télé ne soit mise à coté de la fenêtre dans le mess, la princesse des chimères et le commandant regardant le combat depuis l'extérieur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top