11 : Amis ? (2/3)

« - Princesse, si vous voulez bien me suivre : j'ai quelque chose à vous montrer. »

La chimère identifia le commandant Sarlen. Après avoir pris congé de ses interlocuteurs, elle se leva et avança à sa suite. Tégos sortit du hangar et commença à la suivre.

Il y eut un bref échange de regard, avant que les deux créatures ne poursuivent ensemble leur déplacement.

« - Le commandement a mit en évidence les problèmes liés aux communications interraciales lors des opérations. Il a été demandé aux différents contrôles-commandes de mettre en place un système permettant l'intégration de chimères dans les centres de commandes. Et je tenais à vous montrer la nôtre... »

Ce faisant, ils avancèrent dans un grand carré rouge tracé sur le sol. Un soldat attendait déjà dedans, un talkie-walkie à la main.

« ... Veuillez faire attention à ce que vous ne sortiez pas du carré pendant la descente s'il vous plaît. »

L'officier ne vit pas les deux chimères qui se regardèrent d'un air interrogatif et fit un signe au garde, qui dit un simple « descendez ».

Le sol eut une secousse, puis, il commença à s'enfoncer, sous le regard interdit des chimères. Le commandant parlait pendant que l'ascenseur descendait dans le sol. Le plafond se ferma après un enfoncement de dix mètres.

« - A l'origine, cet endroit était tenu secret : il abritait le dépôt de munitions de la région. Mais ce n'est plus le cas, il a été reconverti en second contrôle-commande... »

Après une vingtaine de mètres les murs métalliques laissèrent place à une structure mécano-soudée. Au travers, on pouvait voir une immense salle où toutes sortes de personnes travaillaient en une fourmilière géante. Il y avait des éclairs, des gerbes d'étincelles et un bruit incroyable. Sur la gauche, des préfabriqués, sur la droite, d'énormes réservoirs tout les deux protégés par des murs de béton où traînaient çà et là des meurtrières. Et, au fond, des rangées de consoles et des écrans.

« ... Un espace a été aménagé pour ceux de votre espèce qui travailleront ici. Les protections que vous voyez ici et là ont pour objectif de protéger cet endroit des Silridriss si ceux-ci venaient à tenter de pénétrer ici... »

Il regarda la princesse avant de poursuivre.

« ...que se soit pour les amis ou les ennemis, il ne sera pas dit que les humains ne savent pas recevoir.

- J'espère pénétrer ici en tant qu'amie.

- C'est le cas princesse. Raison pour laquelle nous vous le faisons visiter alors qu'il n'est pas encore totalement prêt. Normalement, il le sera pour votre départ. C'est d'ailleurs avec lui que l'on va suivre vos mouvements et organiser votre protection. Mais comme nous sommes un peu courts sur le planning, vous ne pourrez pas le visiter avant votre départ. Et je prends sur moi de vous le montrer alors qu'il n'est pas fini. »

L'ascenseur s'arrêta sur un énorme piédestal qui rejoignait le sol en pente douce.

« - Je vous présente monsieur Varibelli, le maître d'œuvre de cet endroit.

- Bonjour, princesse, c'est un honneur de vous avoir ici. » L'homme portait une chemise blanche, un jean bleu tenu par une ceinture noire, une paire de chaussures de sécurité et un casque jaune.

L'homme, contenait avec difficulté son angoisse d'être en face de chimères. Il jetait de fréquents regard au commandant Sarlen avec le un air terrifié.

Voyant cela, la grande tigresse se coucha pour diminuer sa taille devant cet homme, et, par là même, paraître moins imposante et impressionnante. Tégos grogna son désaccord avant de regarder ailleurs.

« - Monsieur Varibelli, je suis heureuse de pouvoir pénétrer ici, j'espère que je ne gêne pas votre travail, fit la princesse avec la voix la plus douce qu'elle pouvait avoir

- euh... non.

- Monsieur Varibelli, calmez-vous je vous prie. Je ne vous ferais pas le moindre mal. »

Mais, l'homme fixait l'énorme gueule immobile de la tigresse blanche et bleue alors que celle-ci parlait. Pour ne rien arranger, Tégos bailla laissant apparaître ses rangées de dents triangulaires. La princesse lui jeta un regard accusateur avant de reprendre à l'égard de l'homme terrifié, qui cherchait en Sarlen un soutien.

« - Regardez-moi Monsieur Varibelli, regardez-moi dans les yeux s'il vous plaît. »

L'homme regarda dans les yeux argent de l'énorme tigresse, dès lors, il y fut bloqué. La princesse le considérait sans haine ni menace, au fur et à mesure que le maître d'œuvre le constatait, il se calmait : la chimère ne lui ferait rien. Dix minutes passèrent ainsi. Avant que la princesse ne reprenne :

« - Si vous le désirez, nous pouvons passer ici à un autre moment : nous restons sept jours.

- Non, ça ira. On peut faire ça maintenant. »

L'homme était toujours effrayé mais bien moins qu'avant.

« - Bien, nous vous suivons. »

La princesse se releva le plus lentement possible.

« - Pour commencer, l'entrée. Elle est totalement épurée pour pouvoir contenir les Silridriss si ceux-ci tentaient de pénétrer ici.

- En quoi cette épuration empêchera les Silridriss de rentrer ? demanda Tégos, ironique.

- Eh bien, en fait, cet endroit est fermé par de lourdes portes métalliques et les trous qui sont dans les murs sont là pour permettre à ceux qui défendent de tirer sur leurs adversaires tout en étant protégés. L'assaillant, lui, n'a rien pour se cacher. »

La chimère ne répondit rien.

Ils marchèrent en direction des préfabriqués. Autour d'eux, les hommes et les femmes qui construisaient s'écartèrent.

« - Ici peuvent vivre les gens du contrôle commande s'ils ne peuvent plus sortir. Il y a tout ce qu'il faut pour soigner également. Nous avons également fait un dortoir chimère en fonction des informations dont nous disposions... »

Varibelli les mena vers un accès à la pièce en question. L'endroit était en béton nu et de huit mètres de hauteur sous plafond. En forme de demi-cercle et dans la partie en arc, juste en face d'eux, se découpaient de nombreuses alvéoles. Mais, si les méthodes de fabrication des chimères consistaient à creuser la terre, là c'était du béton lisse. Le sol et les dessous des alvéoles étaient recouverts d'un enrobé polymère.

Dés leur entrée, les deux chimères regardèrent le sol, visiblement surprises par le revêtement.

« ... C'est un enrobé mélangé à un élastomère. L'ensemble vous permettra de faire le minimum de bruit lorsque les vôtre entreront ou sortiront d'ici. »

Tégos se dirigea vers une des alvéoles et s'y installa, visiblement surprise.

« - Nous avons fait au mieux avec les informations dont nous disposions. S'il manque quoi que ce soit n'hésitez pas à nous le dire.

- Pouvez-vous contrôler la lumière ? Elle est trop forte.

- L'éteindre ou la baisser ? Nous avons prévu les deux. »

Là encore, Tégos fut étonnée.

« - Poursuivons », fit le maître d'œuvre, visiblement content et soulagé que cela plaise.

Après être sortis du dortoir prévu pour les chimères, ils se dirigèrent vers la droite.

« - Par là, c'est la salle des serveurs, désolé, vous ne pourrez pas y pénétrer, l'entrée est un peu petite...

- Pourquoi l'avoir faite aussi petite ? Demanda Salida.

- Heu... En vérité elle était prévue comme cela et il n'a pas été jugé bon de la modifier. Vous savez, il n'y a rien d'intéressant là- dedans : ce sont juste des ordinateurs alignés les uns à cotés des autres comme dans une bibliothèque.

- Qu'est-ce c'est qu'un ordinateur ? Demanda Tégos.

- Qu'est-ce qu'une bibliothèque ? Interrogea Salida.

- Oulla...

- Pour en revenir au sujet, un serveur c'est un peu notre ''mémoire'' à nous. Il y a d'autres fonctionnalités mais c'est en gros l'utilité. » Intervint Sarlen.

La comparaison éclaira le regard des chimères. Instantanément, elles parurent comprendre de quoi il parlait. Ce ne fut pas le cas du maître d'œuvre. Mais il n'osa pas poser de question.

Ils continuèrent la visite, encore à droite.

Ils arrivèrent à plusieurs rangées de consoles, le tout devant des écrans géants. Certains étaient allumés, d'autres non.

« - C'est ici que seront organisés les attaques et les défenses, il y a des zones dans le sol où les vôtres pourront se placer. Comme les déplacements sont limités on s'est dit que de l'enrobé au sol leur serait utile. Il y a de la place pour quatre chimères à la fois. »

Aux sols, placés en quatre endroits, d'où on pouvait tout voir et tout entendre, des emplacements spécifiques pour chimères. Là encore, cet enrobé rouge rendait la place, bien que petite, plutôt confortable.

« - Et qui commandera ? Interrogea Tégos.

- Celui qui sera désigné pour cela, nous n'avons pas reçu de directives pour le moment. Mais je ne doute pas que ce sera fait. » Répondit Sarlen, esquivant la question fâcheuse. « On continue ? » Rajouta-il.

La chimère grogna légèrement son mécontentement. Mais Sarlen ne se laissa pas impressionner : il n'était pas homme à se laisser marcher sur les pieds, que se soit par un homme ou une chimère.

Un peu plus loin, une autre porte comme celle qui fermait la salle des serveurs. Varibelli passa devant sans s'arrêter. Mais la princesse l'interrogea :

« - Qu'il y a-t-il ici ?

- Le ''Sleipnir''. C'est un supercalculateur refroidi à l'azote. Il est utilisé par le centre de recherche pour les calculs longs et compliqués. Il était déjà là avant que nous ne commencions à transformer cet endroit. Un supercalculateur est complexe à fabriquer et à mettre en place. Raison pour laquelle il était placé ici en vue de sa protection. La porte derrière peut contenir l'explosion des munitions qui étaient stockées ici. Le bouger pour gagner de la place est une utopie : les huit tours qui le composent ne peuvent être mis nulle part ailleurs.

- Un supercalculateur... c'est important ? Demanda Tégos.

- Non, en dehors du centre de recherche, personne ne l'utilise. Il n'a pas d'utilité au combat... » Répondit Sarlen.

Avant de rajouter mentalement : Du moins, pas encore...

« - On continue ? » Interrogea le maître d'œuvre qui désirait que cette désagréable expérience se finisse au plus vite.

Les deux chimères emboîtèrent le pas de l'homme au casque jaune. Tégos regarda une dernière fois la porte, pressentant, derrière, un danger qu'elle n'arrivait pas à définir.

Elle les rejoignit en quelques pas, l'homme expliquait l'utilité des citernes et de l'espace de stockage. En grande partie, il contiendrait de l'eau et des vivres. Mais des munitions en vue de la défense du poste de contrôle-commande pouvaient aussi y être stockées.

La visite terminée, le chef de projet les laissa au pied de l'ascenseur, pas mécontent de se mettre hors de vue de la princesse et de sa garde du corps.

« -Veuillez excuser Monsieur Varibelli : nous n'arrivons pas tous à accepter votre présence.

- Ne vous inquiétez pas : je l'ai bien compris, je ne lui en tiendrais pas rigueur.

- Comment remonte-t-on ? Interrogea Tégos.

- Le seul système de commande de l'ascenseur se trouve tout au bout, dans la salle du contrôle commande. Pour descendre, il faut avoir un talkie-walkie, la bonne fréquence, et une manière de montrer que l'on est du même coté que ceux qui contrôlent l'ascenseur. D'en bas, il suffit de demander. »

Joignant le geste à la parole, il fit signe au garde qui tenait le talkie-walkie. D'un simple : « Montez » l'ascenseur se mit en branle, les faisant remonter tout les quatre vers la lumière du froid soleil de décembre.


* * * * * *

Sleipnir : Cheval fabuleux d'Odin dans la mythologie nordique. Il est sensé avoir huit pattes et ne pas avoir d'équivalent question rapidité.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top