XI - aveux

— Point de vue Athéna —


Cet argent, je sais qu'il pense que je l'ai volé, mais non, c'est l'argent que j'ai reçu pour la mort de toute ma famille. Une sorte de cadeau d'excuse. Pitoyable. Le fric ne ramènera jamais ma mère, mon père ou mon petit frère à la vie.

Neil me regarde longuement et je déteste qu'on me fixe de la sorte. Pourtant avec lui ça me gêne beaucoup moins. Et je ne veux pas, je ne peux pas lui donner ma confiance. À tous ceux qui ont eu la chance de l'avoir sont morts par ma faute. Et je n'ai aucune envie de lui faire du mal... Je lui en ai déjà trop fait.

Nous nous sommes déjà beaucoup éloigné de l'Institut et peut-être que si nous passons une nuit dans un hôtel.. Personne ne le remarquera ? Au fond je l'espère. Alors je hoche simplement la tête en le regardant droit dans les yeux.

Il opine lui aussi lentement du chef, je sais qu'il comprend que j'accepte et je le vois se détendre immédiatement. Il est vrai que dire non à un lit confortable, une douche réchauffante, et pouvoir manger un peu, serait de la folie !

Nous sommes dégueulasses, nos vêtements ne ressemblent plus à rien, ils sont pleins de boues, nos pieds sont trempés par la neige fondue et crasseuse, nos visages sont pales et fatigués par les dizaines et dizaines de kilomètres qu'on a dans les jambes.

Je frissonne comme une folle, mes mains, mon corps, les lèvres; tout tremble comme jamais. Je suis congelée, rien ne me réchauffe pas même quand je me frictionne les bras, rien. Je vois bien que Neil se mord la lèvre et qu'il se retient de vouloir faire quelque chose.

Quelques dizaines de minutes plus tard on arrive près de l'entrée de la ville, et je suis terrifiée à l'idée qu'on nous reconnaisse, qu'ont nous renvois là-bas. J'ai peur parce que c'était l'enfer; il nous prive de ce qui nous laisse encore vivre. Ils nous font mourir. Pas "revivre" comme ils le disent si fièrement. Crétins.

Je m'arrête près du panneau qui indique le nom de la ville et Neil aussi puis il se tourne vers moi.

« Athéna ? Tu es vraiment sûr de vouloir y aller ? »

Je souffle et hoche la tête avant d'avancer et de le suivre. Nous arrivons quelques minutes plus tard et devant la pancarte de l'hôtel, j'ai encore une fois peur.

Et je me déteste. Je me déteste d'être une peureuse comme ça, je passe mon temps à refouler les larmes, à repousser tout le monde pour éviter qu'ils ne fissure ma carapace, à détruire et rayer des vies et des familles entières. Pourquoi j'arrive pas à crever ?

Les autres meurent pendant une fraction de seconde, alors que moi au bout de huit mois, je n'ai que quelques égratignures et un coeur qui ne fonctionne plus comme avant. Je suis brisé de l'intérieur et je crois que j'ai trouvé quelle est ma punition.

Le remords, c'est l'une des émotions que l'homme puisse ressentir. Le remord d'être en vie, le remords d'être une violoniste comme moi, le remords d'être égoïste et de passer la musique avant tout le monde. Le remords de ne pas avoir passé assez de temps avec eux avant l'accident.

« Ça va aller Athéna. Je te le promets... Crois-moi... s'il te plaît. » il me supplie.

Je le regarde droit dans les yeux, il vient de me sortir de mes pensées, ou plutôt de mes cauchemars éveiller. En le regardant, un soupir m'échappe et je ne sais pas pourquoi, sûrement j'en ai marre de lutter. Je ne sais pas pourquoi avec lui je laisse toutes les barrières tombées.

« Sinon on peut... » commence-il.

« Non, c'est bon » je souffle. « Mais... tu peux t'en occuper...? » je demande en lui tendant la liasse de billets.

Il semble réfléchir quelques instants avant de hocher la tête et de les prends puis il s'avance vers l'entrée et Neil prend tous en charge. Il s'approche de la guichetière et lui demande une chambre, la jolie dame la lui donne sans broncher.

Moi je reste à l'écart, j'ai encore trop la trouille. Je suis minable, égoïste, peureuse, tueuse, inutile...

« Athéna ? » souffle Neil « Il y a un problème... il reste une chambre... mais il n'y a qu'un seul lit...»

Il est si près de moi que j'en sursaute et le regarde avec des yeux ronds comme des billes. Je hausse les épaules à sa deuxième phrase. Foutu pour foutu. Il semble surpris de ma réaction et me demande si je suis sûre. J'acquiesce et il m'indique de me dépêcher et nous traversons les couloirs presque en courant. Quand le brun ouvre la porte nous nous y précipitons avant de refermer à clef derrière nous.

Dans une symbiose parfaite, nous soupirons d'aise et tandis qu'il glisse contre la porte pour s'asseoir par terre, je me laisse aller contre le mur. Les yeux fermés. La pièce principale est chaude, et toute cette chaleur qui m'englobe suffit à me faire oublier pendant une poignée de secondes tout ce que l'on a déjà parcouru. 

Puis je l'entends rire d'un rire nerveux et j'ouvre les yeux, les écarquillants encore un peu tandis qu'il continue de rire. Depuis l'accident je n'ai pas rit une seule fois. Et l'entendre de la bouche de quelqu'un me fait bizarre. Comme si c'était quelque chose de nouveau, que j'entendais pour la première fois.

Mais je ne me sens pas capable de l'imiter. Je suis trop fatiguée pour cela. Je ferme les yeux à nouveau et souffle longuement. Neil se relève, je l'entends et il commence à visiter l'appartement. Puis il revient vers moi.

« Tu devrais aller prendre une douche. » dit-il d'une voix douce.

« Tu ne me trouve pas assez sexy, la boue me va bien au teint je trouve... » je dis en le regardant.

Je me mordant la lèvre en le voyant aussi choqué du fait de ce que je viens de dire, un vieux tic. Il est complètement déconcerté, je ne parle pas non plus. Avant j'avais un humour très déplacé et qui faisait beaucoup rire ma famille. Depuis qu'elle n'est plus là, j'ai arrêté. Je n'avais plus de public. Maintenant j'en ai peut-être retrouvé un ? Qui sait.

« Je... c'est... c'est pas du tout ce que je voulais dire... enfin tu... » bafouille-il très gêné.

« Je sais Neil » je le coupe d'une voix douce.

Je passe devant lui et m'enferme ensuite dans la salle de bain. En me déshabillant je me rends compte que je suis encore trempée de ce matin et dès lors que je me place sous le jet d'eau chaude, la sensation de l'eau brûlant ma peau me fait frémir violemment.

Le shampoing dans mes cheveux, le gel douche sur mon corps sale, la bonne odeur qui m'enrobe me remet un peu de baume au coeur. Je me dépêche de me sécher et d'enfiler le pyjama offert par l'hôtel et sort bien vite pour laisser la place à Neil.

Quand il part se laver, je m'assois lentement sur le lit et finis par tomber sur le dos. en regardant le plafond, je me rends compte que quelque chose à changer.  Je ne saurais pas dire quoi. Mais quelque chose à changer.

Quand Neil entre dans la pièce je ne me redresse pas, je ne le regarde pas non plus. Mais en sentant le lit s'affaisser un peu, je comprends qu'il s'est lui aussi allongé. À nouveau nous lâchons un soupir en même temps.

« Athéna ? » demande le brun.

« Hm ? » je dis en tournant la tête vers lui.

« Pourquoi la musique ? » il me demande en tournant lui aussi son visage vers le mien.

Je regarde à nouveau le plafond et souffle longuement, il m'a raconté son passé, à moi d'en faire autant.

« Dès mon plus jeune âge, j'étais un peu dans mon coin, je n'aimais pas trop jouer avec les autres. Les barbies et tout... ça ne m'intéressaient pas. Pas grand-chose ne m'intéressait en fait. Puis un jour mon père m'a emmené à un cours de musique, on avait le droit d'essayer n'importe quel instrument. »

Je déglutis avec difficulté en y repensant. Pourquoi j'avais choisi celui-là ? Si j'en avais choisi un autre ? Est-ce que je serais là aujourd'hui... ?

« Je ne sais pas pourquoi mais depuis le début du cours mes yeux étaient posés sur le violon. Je comprenais vite les accords, les ajustements etc. Je voyais bien dans les yeux de mon père qu'il était fier. Et ça me rendais encore plus heureuse. Depuis ce jour, je n'ai jamais lâché la musique. »

Ma voix tremble mais je me force à paraître neutre. Je n'ai pas le droit de craquer une nouvelle fois. Neil me regarde en silence.

« Mes parents m'ont rapidement acheté un violon et j'y ai joué tous les jours ! Je voulais être la meilleure, et je l'étais presque. J'ai mis ma vie scolaire entre parenthèses, j'ai eu un coach violoniste et on travaillaient d'arrache-pieds pour une audition, celle qui me permettrait de faire partie d'un orchestres. Le plus grand des orchestre. Ce jour-là par ma faute on était un peu en retard. J'étais tellement stressée que j'en ai pas dormi de la nuit et le lendemain je ne me suis pas réveillée à temps. »

Quelques larmes passent la barrière de mes cils qui tremble, tout comme ma voix et mon menton. Mais peu importe.

« Ma mère conduisait, plus vite que là normal, parce qu'elle ne voulait pas que je sois en retard. Puis à un tournant, on  pas vu la voiture arriver et on n'a eu un accident... je suis la seule survivante. Ma mère, mon père et mon petit frère de huit ans sont morts... »

Je pleure parce que c'est dur d'en parler huit mois après cela. C'est dur de voir ces trois cicatrices; celle sur sa joue gauche, celle sur sa cuisse droite et celle de son bras gauche être une preuve de l'accident. Et de les porter à vie.

Je ne sais pas pourquoi j'ai tout raconté à Neil, je sais qu'il est déjà au courant. Mais j'ai besoin de parler, et de lui prouver le minimum de confiance que j'ai en lui. Car oui, au plus profond de moi je sais que je peux lui faire confiance.

Marie.

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