VII - souffrance à deux
– Point de vue Athéna –
Rien qu'à son regard réprobateur je comprends qu'il n'est pas du tout d'accord avec mon idée. Mais nous n'avons pas le choix, c'est le seul endroit où l'on peut dormir, et si l'on demande aux habitants de la ferme on risque de se faire repérer ou même dénoncer. Alors pas question qu'on retourne à l'Institut.
J'avance parce que l'autre n'a pas l'air de vouloir le faire. La terre est boueuse et l'on s'enfonce facilement, la nuit est déjà tombée depuis un petit moment et je ne vois pas du tout où j'avance. Ursäkta dort dans mes bras depuis près de trois heures. Le vent souffle, il est tellement frais qu'il pourrait nous congeler d'un seul coup.
L'hiver aux États-Unis ça n'est pas de la rigolade. Il neige souvent, le vent est glacial, tout comme la pluie. Heureusement pour ce soir il ne pleut ni ne neige pas, à notre plus grand soulagement. Déjà que nous avons marché toute la journée, il ne manquerait plus qu'une déferlante.
Arrivé près de la grande porte, qui n'est par magie pas fermé d'un cadenas. J'essaye de la pousser mais je suis épuisée de notre escapade et mes bras ne suivent plus, j'y puise pourtant mes dernières forces, en vain.
« Laisse, je vais le faire. » dit Neil calmement.
Je me décale pour ne pas entrer en contact avec lui. Il pousse légèrement la porte pour que nous puissions passer tous les deux et une fois cela fait, il referme derrière lui. Je le remercie d'un simple regard.
La chaleur de la grange me frappe comme une violente gifle. Un souffle de soulagement sort de ma bouche en même temps que le brun à mes côtés. Nous sommes crevés. Mes yeux cherchent un endroit où l'on pourrais se réfugier sans se faire repérer.
Les vaches nous regardent sans rien dire et au fond je remarque une échelle qui mène à une sorte de grenier où sont empilés plusieurs bottes de paille. Je lance un rapide regard à Neil qui hoche la tête et nous nous y dirigeons tous les deux.
Je monte la première suivi de près du brun, une fois en haut, la chaleur est deux fois plus intense. Je pose le chat doucement sur la paille et me laisse tomber à côté d'elle. Un soupire d'aise se faufile une fois de plus de mes lèvres et je ferme les yeux quelques secondes.
« Athéna ? » demande Neil qui s'est assis non loin de moi.
« Hm ? » dis-je en ouvrant mes yeux que j'avais au préalable fermé après mon étalage.
« Je... »
Il hésite et je me redresse, m'asseyant en tailleur pour lui faire face. Il est gêné et je ne me sens pas vraiment à l'aise face à lui. Je ne sais pas pourquoi, mais cela fait huit mois que je suis seule et puis il arrive, il ne cherche pas vraiment à me comprendre et quelque part c'est ça qui me soulageait. Mais là.
« Tu peux me mettre de la crème dans le dos...? » dit-il embarrassé.
Je peux sentir mon sang se glacer malgré la chaleur du grenier. Je déglutis avec difficulté car je sais pertinemment que je suis incapable de toucher cet homme. Mais je me sens aussi tellement responsable de sa blessure au dos.
« Sinon... Je peux... » dit-il en voyant ma mine paniquée.
« C'est juste que... »
J'enfouis rapidement mon visage dans mes mains et souffle longuement. Est-ce que je suis réellement capable de faire une chose pareille ? Je laisse tomber mes mains et souffle une nouvelle fois avant d'ajouter à nouveau.
« Moi et les contacts... » dis-je à voix presque trop basse.
« Je sais » murmure-t-il « C'était complètement con de ma part, excuse-moi... » continue-t-il.
« C'est bon... » je souffle. « Je vais le faire. »
Je lui dois cela, c'est de ma faute s'il est blessé et je me sens complètement responsable. Même si j'ai du mal avec tous ces contacts je dois essayer de réparer mes erreurs tant que je peux encore le faire. Lui aussi paraît surpris et me demande même si je suis sûr. Je hoche simplement de la tête pour lui confirmer tout cela.
Il se tourne et ouvre son sac à dos, je remarque qu'il cherche quelque chose et il en extirpe une crème, celle que l'ambulancier lui avait donné après l'incident. Et pendant qu'il retire son tee-shirt j'attrape la crème qu'il a sorti et posé près de son sac.
En voulant la prendre je remarque une photo dans sa besace. Je fronce les sourcils et la prends délicatement, c'est lui à côté d'une femme plus âgé, beaucoup plus âgé que lui. Elle a les cheveux bleus, un piercing aux nez et semble avoir des tatouages sur le bras. Disons, qu'elle semble être tout son opposé.
« C'est ta mère ? » demandais-je en me tournant vers lui et en montrant la photo.
« Euh... » il déglutit avec beaucoup de difficulté. « En fait... c'était... » il baisse les yeux tandis que son visage est complètement décomposé. « C'est la cause de toutes mes souffrances »
Je m'assois et le regarde longuement, je ne sais pas s'il va se confier, mais j'ai très vite compris que je n'étais pas la seule à souffrir... Lui aussi semble mal.
« Elle s'appelait Katherine, disons que... c'est à cause d'elle que je bois. Je l'avais rencontré en boîte, on avait parler et petit à petit je suis tombé amoureux d'elle. Katherine était le genre de femme à boire, à fumer, à aimer les jeunes comme moi et le sexe. Elle m'a fait découvrir tout ça... Puis quand elle m'a quitté il y a quelques années, j'ai été dévasté, et l'alcool a été ma source de réconfort... Je me sentais vide, pas aimé, mes amis ont été là pour moi. Mais j'étais tellement mal que j'ai coupé les ponts avec tout le monde. Puis ma mère m'a emmenée dans cet Institut et je me suis sentis encore plus trahis. Mais mes amis m'envoient régulièrement des messages, me demandent comment je vais... J'arrive toujours pas à me séparer de cet alcool de merde ! » gémit-il la voix tremblante.
Bien sûr que cela me fait quelque chose de savoir que des humains sont capables de faire souffrir des gens comme cela. En plus d'être deux fois plus vieille que lui, elle l'a détruit. Et on dit que les adultes sont matures ? On ne peut pas mettre d'âge à la maturité tant que des gens comme Katherine peuvent faire ça à un homme comme Neil.
Je ne sais pas vraiment quoi dire au brun. Je devrais le consoler ? Je suis incapable de le toucher et donc de lui caresser le dos. Je plante mon regard dans le sien. Et on ne parle pas, on en a pas besoin. Il s'est livré à moi, et je comprends quand il ouvre la bouche que lui aussi va me questionner.
« C'est quoi la cicatrice que tu as sur la joue ? »
« Mes souffrances... » dis-je en fermant les yeux.
« L'accident ? » demande-t-il.
Je hoche la tête, pas besoin de plus pour que les larmes me montent, ma gorge se serre mais je les empêche de sortir. Huit mois que je ne pleure plus. Il sait tout. Rien à rajouter.
Marie.
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