IX - nouvelle perte
— Point de vue Athéna —
Hier, je me suis en quelques sorte mise à nue. C'était la première fois depuis l'accident que j'ai osé lâcher quelques larmes. Pourtant je me suis retenue, mais il y a un moment où l'on craque. Et Neil n'essaye pas de me toucher ou de me regarder avec pitié comme le faisaient Greg et les médecins de l'Institut.
Alors oui, quand j'ai vu qu'il n'avait pas dormi, cela m'a agacé ! Aujourd'hui on a beaucoup de route à faire, et on ne peut pas se permettre d'être fatigués. C'est pourquoi dès que le soleil s'est levé on a plié bagage et on a quitté discrètement la ferme.
J'ai calculé sur la carte rapidement avant de partir, et si nous parcourons une vingtaine de kilomètres aujourd'hui, nous pourrions sûrement être en Alabama dans une semaine ! Le problème; c'est la neige, cela n'était pas du tout prévu dans mon programme et il s'avère être un véritable obstacle.
Neil, me suit sans rien dire, depuis notre discussion d'hier soir, il n'a pas l'air pareil, comme si reparler de ses démons, le hantait à nouveau. Ce que je peux tout à fait comprendre, puisque je suis moi aussi traquée par mes peurs. Nous sommes pareils.
On marche depuis presque trois heures sans pause, nous ne savons pas vraiment où nous sommes, nos portables sont éteints car à cette heure-ci, les gendarmes sont surement à notre recherche et on ne tient pas à retourner à l'Institut.
Ursäkta est dans mon sac à dos légèrement ouvert pour qu'il y est de l'air. Porter un chat dans ses bras pendant trois, ce n'est pas facile et Neil m'a proposé de faire comme ça, et il a eu raison. Autant dire qu'à force de marcher, on ne fait plus attention où l'on met les pieds.
Grosse erreur.
Je ne comprends pas pourquoi mais le sol se dérobe sous mes pieds. Je n'avais pas franchement chaud, à la base, mais là je suis congelé sur place ! Je suis trempée jusqu'aux os en moins de deux secondes.
La neige a recouvert la fine couche de glace qui avait dû se former sur ce lac. Et la glace fraîchement figée de la veille n'a pas supportée mon poids.
« Neil ! » je réussis à crier.
Celui-ci accourt alors que je me débats dans l'eau glaciale, je sens de moins en moins mes membres. Je voudrais hurler pour la douleur que ça me procure au lieu de me glacer, ça me brûle de plus en plus. Puis les mains de Neil m'attrapent et me sors de l'eau.
Je ne tiens même pas debout, son bras autour de mes hanches m'aide à être encore un minimum sur mes jambes même si je suis soutenue juste par son bras. Je suis congelé, je tremble comme une folle et mon visage est blême. À ce moment je ne sens même plus les contacts que ses mains sur mon corps me procurent.
« ... Athéna tu m'entends ? » demande-il en redressant mon menton à l'aide de ses doigts « tu es blessée ? »
Mes yeux se fixent sur son visage, non je ne l'entendais pas, je suis complètement à l'ouest. Il me regarde avec des yeux inquiets, puis mes yeux s'écarquillent en voyant mon sac à dos par terre, trempé.
« Ursäkta ! »
Je hurle en me débattant de ses bras pour courir vers là où je suis tombé. Je crie le nom de mon chat ! Non, il ne peut pas mourir, il ne peut pas me laisser. Je n'ai pas pu tuer la dernière personne de ma famille...
Pour la deuxième fois depuis huit mois, je me laisse pleurer, c'est même des cascades de larmes qui dévalent mes joues. Neil me retiens encore plus et me parle mais je ne l'écoute pas. Je dois retrouver ma famille.
« Neil ! Je t'en supplie... Mon chat... s'il te plaît... » je gémis.
Alors je me tourne et le frappe au torse de toutes mes forces en pleurant et hurlant. On est au milieu de nul part. Je suis maintenant complètement orpheline et perdue, avec un homme que je ne connais même pas. Je ne sais pas pourquoi il était à l'Institut, si cela se trouve c'est un multirécidiviste.
Mais Neil ne me lâche pas, j'ai beau l'insulter, le frapper, me débattre et pleurer comme une folle il ne me lâche pas. Après dix minutes d'efforts, je suis à bout, je n'en peux plus. Je laisse ma tête tomber contre son torse et continue de pleurer en silence.
Je me sens responsable de tout. De la mort de mes parents et de mon petit frère, de mon chat... Je suis maintenant seule au monde. Et je n'ai pas envie de l'être.
« Je veux mourrir... » je dis d'une voix triste.
« Non, Athéna, je ne te laisserai jamais faire, tu m'entends ? Tu mérite de vivre. » murmure-il doucement
« J'ai pris tant de vies Neil... »
« Non, ne pense pas à ça s'il te plaît. Tu n'es pas responsable de tout ça ! » dit-il sans me toucher plus que ça.
Chaque nuit je rêve de ne pas me réveiller le lendemain. D'être puni de tout ce que j'ai fais endurer à mon entourage. Mais pour l'instant je ne peux pas. Neil est avec moi que je le veuille ou non, et je ne peux pas le lâcher maintenant. Pas au milieu de nul part comme là où nous sommes.
D'ailleurs j'ai toujours aussi froid, il m'a prêté son pull que j'ai accepté sans rien dire. Aucune expression n'est visible sur mon visage. Excepté un mélange de tristesse et de haine envers moi-même.
Nous avons repris la route, on ne se touche pas du tout, il y a déjà eu trop de contact entre nous. Nous marchons dans un silence de mort, c'est le cas de le dire. Je continue de trembler, encore sous le choc, je n'arrive toujours pas à y croire.
Mais mes vêtements trempés et mon sac à dos trop léger me prouvent que je ne rêve pas et que j'ai bien perdu ma dernière famille.
« Tu as faim ? » demande Neil tandis que nous traversons toujours les champs de neige.
Je secoue négativement la tête et attrape une barre chocolatée qui traîne dans mon sac à moitié vide et la lui tend. Il l'attrape et me regarde toujours avec ses yeux inquiets.
« Mange un peu Athéna... »
Je baisse la tête et ignore ses conseils, je n'ai pas faim, j'ai pas du tout envie de manger pendant que d'autres sont mort par ma faute. Je ne sais pas comment expliquer, comment je me sens mais... mal.
J'ai l'impression que tout ce que je touche et que je m'autorise à aimer et à les laisser entrer dans ma vie; je me détruis ensuite. C'est une sorte d'autodestruction de moi-même. Je ne savais même pas que c'était possible.
Neil m'arrête soudain en me touchant l'épaule, me ramenant à la réalité. Contact. Je m'écarte, le brun me dévisage mais je n'y peux rien. Je suis remise en mode anti-contact et je me sens horrible de ne plus être en état de choc. C'est comme une habitude, et c'est affreux.
« On va devoir passé par-dessus ce barbelé » m'annonce-t-il.
La barrière de barbelé fait quasiment ma taille et il est impossible de passer entre. Je déglutis avec difficulté tandis que Neil me regarde avec une mine gênée.
Au fond, il est là pour moi depuis le début et l'on ne se connaît que depuis une semaine, et cela fait trois jours qu'on est en fuite et nous en sommes là. Il n'a eu aucuns gestes déplacés, ni aucunes paroles non plus d'ailleurs. Et puis il connait mon histoire et moi la sienne. Alors...
Suis-je vraiment prête à le laisser me porter, et donc me toucher...?
Marie.
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