I. huit mois
Point de vue — Athéna
Depuis huit mois, mes pieds nus foulent le sol de ma chambre. Disons plutôt que c'est le sol de la chambre que l'on m'a attribué depuis ces huit derniers mois. En effet, j'ai hérité d'une belle chambre vierge de toute décoration. Excepté peut-être les trois étoiles lumineuses sur mon plafond, et d'un vieil article accroché au-dessus de mon lit il y a huit mois, tout est blanc.
Je suis dans ce que tout le monde appelle « l'Institut », un centre de redressement pour adolescents. La plupart sont là pour des addictions à soigner. À vrai dire je ne suis ni accro à la drogue, ni à l'alcool, ou à tout ce genre de cas que l'on peut rencontrer ici.
En fait, je n'ai aucune addiction, j'ai plutôt un besoin vital : la musique. Elle m'est indispensable pour me maintenir en vie. Depuis huit mois c'est la seule chose que j'accepte.
La nourriture je n'en veux plus, j'ai dû bien perdre plusieurs kilos depuis que je suis à l'Institut. Je proscris les contacts physiques à un point où dès que l'on m'effleure simplement, je me mets dans des états pitoyables. Je hurle à m'en décrocher les poumons, je deviens violente et incontrôlable.
La musique a toujours été mon échappatoire, elle l'était avant même ces fameux huit mois, qui ont chamboulé à jamais ma vie. Mais elle l'est encore plus maintenant. Ces huit mois ont ruiné mon avenir, emportant avec mon sourire, et ma capacité à pleurer.
Puisque depuis ces quelque temps, je n'ai plus jamais souris, plus jamais pleurée, je ne fais que me tapir dans un silence de mort, ou hurler comme un animal qu'on égorge dès que quelqu'un ose entrer en Contact avec ma peau.
Je ne peux pas l'expliquer, c'est comme un électrochoc et dans ma tête, j'ai des alarmes qui me hurlent le mot « Contact » et j'ai rapidement compris que le Contact était mon pire ennemi. Si on accepte de se faire toucher on fini par en souffrir.
Et c'est depuis ces huit mois, que je n'accepte plus le Contact physique. Mon corps tout entier en tremble rien que d'y penser. Personne ne me comprend. Et je ne peux l'expliquer à personne. C'est pourquoi je reste cloîtré dans ma chambre avec mon chat. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux, il représente beaucoup de choses pour moi, il est toujours là quand je pense à eux.
« Athéna ? » demande une voix derrière la porte après avoir toqué deux fois contre la porte. « C'est moi, Greg. »
Greg est la seule personne avec qui j'ai un minimum de discussion, je sais qu'il est prêt à faire beaucoup pour me voir heureuse. C'est bien le seul à s'en soucier. Mais je ne souris plus et il n'arrivera pas à me faire redevenir comme avant.
« Voici tes médicaments, essaye de tous les prendre cette fois-ci ! » sourit Greg.
« Hm » dis-je simplement en restant dans un coin de ma chambre attendant qu'il ne parte; mais il reste.
« Tu as l'air encore plus faible que d'habitude » me fait-il savoir alors que je hausse simplement les épaules. « Tu vas bien ?
- Tu sais très bien que non » grondais-je froidement.
Le brun hoche lentement la tête comprenant qu'il n'y aurait aucun aveux de ma part. Je ne cache pas mon mal-être, mais lui sait à quel point je subis l'Institut. Quelquefois il essaye de me raconter des blagues, et il croit voir dans mes levés de sourcil, des sourires. Comme de la psychologie inversé.
« Je peux faire quelque chose pour toi ? » demande le brun en s'approchant de moi doucement.
« Ouais, sort s'il te plaît. » dis-je en tournant la tête vers la fenêtre de ma
chambre.
Je l'entends souffler avant qu'il ne s'exécute et sorte de ma chambre, cela me soulage rapidement. Je n'aime pas avoir trop de Contact avec les gens, même s'ils ne sont pas tous physique. Quand il sort, je m'approche de mon lit pour me mettre à genoux et prendre sous mon lit mon iPod et mon casque.
Quand la musique s'empare de mes oreilles, plus rien n'a d'importance pour moi. J'aimerais mourir un casque sur la tête. Car la musique c'est toute ma vie. Elle est malheureusement aussi la cause de ces fameux "huit mois", et la seule chose qui me raccorde à mon passé.
Je finis par prendre ma boîte de médicaments et de la jeter dans la poubelle première poubelle que je vois dans les couloirs. Mon casque sur les oreilles, je marche au rythme d'un chanteur de rock. Kurt Cobain me guide vers la cafétéria de l'Institut, tout le monde va manger là-bas. Il faut avouer que visuellement ce n'est pas appétissant, mais beaucoup disent que c'est bon. Moi je n'en sais rien, je ne mange presque rien.
Je suis assise à une table, dans un coin de la salle, un plateau devant moi avec dessus un simple yaourt nature et une cuillère. Ma principale alimentation disons plutôt. Je ne prends plus de plaisir à manger, je ne prends plus plaisir à rien en fin de compte. Sauf à écouter la musique siffler dans mes oreilles. Le son n'est jamais trop fort et les accords jamais trop bon, mais rien que d'avoir un fond sonore peu me calmer.
Je suis normalement interdite de musique. Ici dans ce centre de redressement, il y a des addictions pour tous, la pyromanie, l'alcool, la drogue etc. Ils ont cru que j'avais un problème moi aussi, et que la musique était aussi nocive pour moi que la clope l'était pour certains. Sauf que personne n'a comprit que la musique est le dernier pilier qui tient encore ma pyramide un minimum stable.
Les infirmières font le tour des tables pour regarder si tout le monde a prit un repas équilibré. Quand une arrive à ma hauteur, je ne daigne même pas relever la tête, et je continue à manger lentement mon yaourt.
Puis plus de musique. Plus de sensation chaude sur mes oreilles. Plus de berceuse pour me calmer. Elle a retiré mon casque. Je me lève violemment faisant tomber ma chaise au passage, et je la regarde froidement.
« Redonnez-moi ce casque ! » grognais-je.
« Non, tu sais très bien que tu n'en as pas le droit Athéna. » dit-elle en enroulant fièrement le casque et en tournant les talons. « Et va te prendre un fruit au moins. »
Assez. J'en ai plus qu'assez de cet endroit où ils t'enfoncent plus qu'ils ne te font remonter la pente. Une colère monstre monte en moi, et je jette mon plateau contre le mur. Je hurle sur plusieurs personnes en sortant de la cafétéria, elles l'ont bien cherché.
« Tu sais où tu peux te le foutre ton fruit de merde ? » je hurle en claquant la porte de la cantine.
Je cogne dans tous les murs que je vois, me faisant mal aux jointures de mes mains, mais rien ne m'arrête. Je crie mon désespoir et frappe ma souffrance. J'ai besoin de la musique pour vivre c'est la seule chose qu'il me reste d'eux.
Je ne pleure jamais, mais à cet instant, des larmes de colère auraient pu faire leurs apparitions sur mon visage, si mon corps n'avait pas heurté quelque chose. Ou quelqu'un.
« Non, mais tu ne peux pas regarder devant toi espèce de folle ?! » me hurle un grand brun.
Je reste immobile devant lui, mes yeux sont rivés sur son cou. Je ne voue aucune passion pour les cous. Mais lui avait quelque chose autour de son cou, quelque chose que je convoite à cet instant avec une envie indéfinissable.
« Bon, tu t'excuses ? » soupire-t-il bruyamment.
« Donne-moi tes écouteurs. » dis-je sans quitter des yeux son cou où pendait une paire d'écouteurs.
Marie.
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