Chapitre 30
Tout tourne, comme si l'on m'avait projeté sur un manège. Je vois flou alors que la seconde d'avant tout me semblait nette. Pourtant je ne me frotte pas les yeux, mes mains trouvent ma couverture d'elles mêmes et la remonte sur ma tête. Mais ce geste n'a plus rien de normal et d'habituel. Il est malsain comme si cela ravivait les souvenirs d'un passé jamais oublié.
Je me force à ouvrir les yeux pour affronter l'horreur de la situation. J'aurais du fuir. A mesure que les sueurs froides montent en agressivité, les ongles caressent ma peau d'abord d'un geste affectueux.
Je prends immédiatement mon téléphone, sans savoir quoi en faire. Mon cerveau donne des ordres incohérents à mon corps qui obéit comme si le lever aller me faire oublier la torture.
Je me déplace vers la porte d'entrée à laquelle je m'adosse en respirant de plus en plus fortement. Dans un instant de survie, je tourne ma poignée et sans trop savoir comment, je me retrouve dans l'entrée de Liam.
Il referme la porte derrière moi, extrêmement honteuse.
-Je...
-Chut, me coupe-t-il immédiatement comme si tout ce que je pouvais dire était une bêtise. Je vais te chercher un verre de lait chaud. Assieds toi sur le canapé.
Je m'exécute, ne voulant pas paraître encore plus gamine que je le laisse penser.
J'observe attentivement sa table basse car c'est souvent sur ces dernières qu'on laisse traîner nos secrets.
Mais il n'y a rien sur la sienne. Elle est complètement vide, comme si on avait voulu cacher toutes les preuves avant mon arrivée. Mais je n'ai pas le temps de regarder à l'étage du dessous et de toute façon je n'aurai pas fouiller.
-Tes bras.
Sa voix autoritaire m'inquiète alors qu'il me tend une tasse, un plaid et une bouillotte bien chaude. Ses deux actions contradictoires me font froncer les sourcils. Je me paralyse lorsqu'il s'assoit tout près de moi et m'attrape les poignets avec une telle douceur car, comme lui, je ne sais pas ce que je vais y retrouver.
Avant de soulever mes manches, il me demande l'autorisation silencieusement en remontant ses yeux sur moi. Je hoche une fois la tête, pas convaincue que ce soit la bonne chose à faire. Cependant, il commence doucement à prendre mon pull et à en remonter la manche. Il fait de même avec l'autre.
Je souris. Il n'y a rien. Il sourit également. Je ne me suis rien fait.
-T'es sure que tu ne veux pas vivre ici ? Le plan n'a pas l'air de marcher...
-C'est moi qui ai dit à Chiara d'aller se promener.
-Mais elle était censée être en communication permanente avec toi !
-On a oublié. Et j'ai voulu dormir. Je n'ai pas besoin de baby phone.
Cependant, la mine qu'il fait me confirme bien qu'il pense le contraire.
-On se regarde un film ?, demandé-je.
Il secoue négativement la tête.
-Les films c'est pour les gens qui se comportent bien. En plus je me lève tôt demain, je vais devoir aller dormir et tu devrais en faire de même, t'as l'air fatiguée.
-J'ai quand même le droit à un câlin ?
Il souffle mais ne refuse pas et m'ouvre ses bras dans lesquels je me blottie. Je respire son odeur si fortement que je suis certaine qu'il s'en rend compte. Et alors que je pense qu'il va m'écarter de lui, il resserre sa prise comme on le fait avec son doudou quand on a besoin d'être réconforté.
-J'étais enfant, commencé-je après plusieurs longues minutes de silence, alors ça peut paraître tellement... je sais pas... peut être abusif, peut être immature.
Il passe une main dans mes cheveux pour me faire comprendre qu'il écoute.
-Mais c'est arrivé si souvent. Il attendait que j'aille me coucher. Je ne dormais jamais réellement.
Une larme roule alors que je tente d'aligner mes mots dans tous les souvenirs qui me reviennent. Ma mère qui l'empêche une nuit d'aller me voir en lui soufflant quelque chose, mon père qui m'annonce qu'il ne rentrera pas et le grand sourire de mon frère et surtout ses éternels je t'aime.
-Jamais il n'a pensé a mal. Finalement, peut être que je me suis juste montée la tête pour rien et que j'ai transformé des souvenirs en énormité. Ils ont peut être raison ces gens qui disent que je suis obligée d'attirer l'attention. Tu penses que j'ai besoin qu'on me remarque ?
-Non, tu as toujours été discrète. Et puis, je suis d'avis que tout le monde cherche à avoir son moment de gloire, ne serait-ce qu'une demi-seconde.
-Alors pourquoi j'agis comme ça ?
-Les émotions doivent être exprimées. Elles ne sont pas toutes bonnes à la poubelle. C'est un moyen d'extérioriser. Chacun réagit comme il le veut, il n'y a pas de réactions excessives car il n'y a pas de standard en matière de sentiment.
Ses mots sonnent comme une évidence dans sa bouche alors qu'ils résonnent dans ma tête pour y trouver sens. Mon cerveau tente d'appliquer sa réalité à mon idée de la vérité.
-Il venait le soir, quand personne ne pouvait voir ou à l'heure à laquelle tout le monde faisait semblant de ne plus s'intéresser à mes hurlements.
Sans prêter attention, mes mains agrippent la couverture et je me surprends à la renifler pour y dénicher le même parfum qu'il porte habituellement. Il pose son autre main sur la mienne et entrelace nos doigts.
-Il m'aimait, il m'aime toujours même s'il en aime une autre. Un amour n'empêche pas l'autre.
-Une personne qui te fait du mal ne peut pas t'aimer.
-Tu ne peux pas comprendre.
Et ça, j'en étais sûre. C'est pour cela que j'en parle à personne car tout le monde me demanderait de qui il s'agit comme si cela avait une importance alors que peu importe le visage qu'on met sur le corps, ses actions sont toujours aussi douloureuses. Et ce n'est pas en transformant ce nuage en un visage familier que cette douleur s'enlèvera.
-Peut-être mais tu ne peux pas rester ainsi. Alors que décides-tu ? De continuer à venir me voir chaque fois qu'un problème se présente ou d'accepter l'idée que cette personne, peu importe qui elle est et ce qu'elle a fait, t'as blessée et que cette blessure ne pourra se réparer que quand tu auras trouvé la solution par toi même ?
Et comme d'habitude ses mots me font réfléchir et penser d'une manière à laquelle je ne suis pas habituée.
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