Chapitre 3
C'était certain qu'on allait se croiser, je suis revenue dans le quartier où on a grandi et il a toujours dit vouloir rester près de ses parents. En plus, il n'y a pas beaucoup de bars, les sorties sont donc limitées. Mais je n'y avais juste pas pensé, moi qui réfléchi toujours à toutes les possibilités de scénario, j'ai délaissé celle-ci. Je voudrais bouger, faire comme si cela ne m'atteint pas. Mais la vérité c'est que mon cœur en prend un coup, je suis terrifiée. De loin, il n'a pas l'air d'avoir changé. Toujours ses cheveux roux, bien ordonnés qu'il mettait des heures à coiffer. J'ai juste l'impression qu'il a pris confiance en lui, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Il est en train de boire une boisson aux couleurs verdâtres et discute avec un garçon à lunettes que je ne connais pas, visiblement insouciant du drame qui se passe dans ma tête. Le voir ravive tellement de souvenirs enfouis. La peur se fait omniprésente et je sens la crise de panique arriver.
Camille se retourne, cherchant la cause de mon problème. Elle fronce les sourcils en m'observant, déconcerté de me voir agir de la sorte mais je suis trop chamboulée pour lui expliquer. Il me faut de l'air.
-Si c'est comme ça que tu réagis à la vue d'un beau...
-Il y a mon ex, la coupé-je après avoir pris une inspiration.
Elle sait immédiatement de qui je parle, je n'ai eu que lui. Je réalise en même temps qu'elle ce que je viens de dire, on croirait rêver.
-Celui de grande section ?
Je hoche la tête, ne pouvant plus le quitter des yeux même s'il ne fait pas grand chose. Son sourire s'élargit au fur et à mesure que son ami parle et je réécoute son rire sincère. Il était bon public avec moi même si je le saoulais souvent en essayant des jeux de mot foireux. Elle m'attrape par les épaules, m'obligeant à la regarder puis me retourne pour que je ne le regarde plus.
-Première règle, ne jamais fixer un garçon. Seconde règle, agis normalement. Relax.
Je me remets à danser mais on dirait plus un robot en train de faire un AVC que la danse séduisante que j'avais en tête pour un premier contact visuel avec lui. La grimace de mon amie me confirme mes dires. Ça ne présage rien de bon. Je veux m'enfuir avant qu'il me remarque mais mes traîtres de pieds refusent d'obtempérer.
-Il fait quoi ?, j'ose lui demander.
-Rien, il boit comme tout le monde ici.
Je souffle mais c'en est trop pour mon petit cœur. En repartant m'assoir, je m'assure qu'il n'a pas bougé et ne m'a pas remarqué par un petit coup d'œil lancé derrière mon épaule.
-Alors tu n'as pas supportée le collé-serré de Camille ?, rit Léonie qui s'empresse de prendre une gorgée de son verre.
Elliott part dans un fou-rire avec elle en voyant ladite personne se déhancher contre un homme beaucoup plus jeune que nous.
Je ne me concentre pas plus sur eux, perdue dans mes pensées. Mon meilleur ami semble s'apercevoir que quelque chose ne va pas puisqu'il me propose d'aller chercher un autre verre. Et bien, d'accord, noyons nos problèmes dans l'alcool. Sinon on pourrait aussi aller se baigner dans un piscine remplie de jus de citron alors qu'on vient de se faire attaquer par des crocodiles du Nil, non ?
Je déjante.
Il m'attrape la main et me guide jusqu'au comptoir. Mais sur le chemin, je croise le regard de Liam qui semble s'être rendu compte de ma présence. Je m'arrête nette et le fixe également. Sa bouche s'entrouvre et ses yeux ne me lâchent pas. Ses sourcils se froncent, comme s'il cherche pourquoi je me trouve ici.
Elliott casse notre contact visuel en me demandant ce qu'il se passe. Il comprend bien vite en vu de l'arrivée de mon ex petit-ami qui le surprend tout autant que moi. Je ne pensais pas le croiser et en plus devoir lui parler. C'est bien trop d'émotions. Mon meilleur ami sursaute en arrière mais je ne fais pas attention à lui, trop concentrée sur la démarche de Liam.
Il a l'air peu sûr de lui tout à coup. Plus il s'approche, plus j'ai envie de m'enfuir. Pourquoi me fait-il me sentir comme une petite fille misérable ?
-Salut.
Sa voix me fait frissonner. Comme des aimants, mes yeux retrouvent les siens. Je l'examine minutieusement. Comme je l'avais prédis, son visage est devenue plus carré mais il ressemble toujours à la personne que j'ai laissé cinq ans auparavant.
Ses yeux n'ont pas changé, si ce n'est leur intensité. Ces anciennes baies vitrées que j'étais la seule à entrevoir se sont refermées, me laissant seulement voir une sombre tristesse qui me fait plisser le nez.
Des petites taches de rousseur perlent sur ses joues ainsi que deux ou trois boutons d'acnés. Il n'a jamais eu à sans plaindre car elle n'était pas sévère. Ses sourcils se sont épaissis légèrement, donnant un air plus sérieux à son visage d'homme.
Il s'est vêtu d'un T-shirt noir ample qui ne me laisse pas voir sa carrure et d'un jean bleu. Il n'a pas changé son style vestimentaire, classique.
Il est beau.
-Bon bah je vais chercher nos verres, seul.
Il appuie sur le dernier mot pour me faire comprendre que je l'énerve de le délaisser mais je n'en ai pas grand chose à faire en ce moment. Ses paroles ont tout de même pour finalité de me faire atterrir. J'essaye de garder une attitude aussi neutre que possible alors que je me remémore tous ces moments où il a su lire en moi, il était le meilleur dans ce domaine.
-Salut.
-Je ne pensais pas te revoir ici...
-Moi non plus.
-Tu es donc revenue...
J'ai l'impression qu'il prononce ses phrases pour lui, converser avec moi ne l'intéresse manifestement pas et ce constat me gêne. Je prends une mèche de cheveux dans mes mains que j'emmêle autour de mon doigt alors que je déteste les personnes qui font ça. Il se passe une main dans les cheveux ce qui me fait intérieurement sourire, il faisait toujours ça quand il ne savait plus quoi dire alors qu'il pouvait tuer si quelqu'un toucher à son œuvre d'art.
-Hum... Emy, tu veux quoi ?
La voix d'Elliott me replonge sur terre encore une fois. Il place une main dans mon dos pour m'obliger à avancer. Je ne sais pas trop comment réagir.
-A bientôt, lancé-je.
-On peut s'échanger nos numéros pour se recontacter ?
J'attends qu'il déverrouille son portable, toujours la main de mon meilleur ami coincé contre ma peau. J'hésite à lui dire que je n'ai pas changé de numéro mais il a du supprimer mon contact alors je saisis son iPhone dernier cri que je ne peux m'empêcher d'observer. J'y note mon numéro, mon nom et mon prénom, on ne sait jamais, peut-être a-t-il plusieurs Emilie dans son répertoire. Lorsque je lui rends son téléphone, sa peau chaude me brûle la main, elle-même brûlante.
-Bon bah salut.
-A plus.
Je m'éloigne de lui et rejoins Elliott au bar.
-Désolé, je pensais que t'avais besoin d'aide.
-Hum...
Je ne peux pas faire mieux en terme de réponse, beaucoup trop préoccupée par cette rencontre. Beaucoup trop de questions se déclenchent dans ma tête et la chaleur n'aide en rien à me sentir mieux. Ma tête est en train de bouillir. J'ai envie de tourner la tête pour voir ce qu'il fait mais une petite voix dans ma tête se dit que c'est une très mauvaise idée.
-Je pense que je vais rentrer.
Je vois qu'il n'apprécie pas ma décision, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu et il a envie de profiter mais je suis dans un état beaucoup trop second pour répondre de quoique ce soit. Je lui fais une bise et pars d'ici non sans jeté un coup d'œil en direction de Liam qui semble aussi perdu que moi. Il est retourné s'asseoir et avale sa bière d'une traite.
Il semble si différent mentalement. J'ai connu un garçon sage, intelligent et très protecteur qui s'occupait plus de mes pensées que des siennes. Le voir si confiant et charmeur me fait froid dans le dos, son sourire à la serveuse n'ayant pas échapper à mes yeux observateurs. C'est étrange de voir un personnage comme celui-ci dans un corps dont j'ai exploré chaque partie les unes après les autres.
Le moins que l'on puisse dire est que la nuit va être de bon conseil. Est-ce que j'ai été ridicule ? Certainement, mon air de chien battu n'a rien arrangé. Je me balance un coussin à la figure. Je ne peux m'empêcher de repenser à chaque détail. Est-ce que j'étais jolie ? Sûrement pas, après avoir dansée et bue, je devais ressembler à une baleine échouée. Je hurle dans mon oreiller pour passer mes nerfs.
Mais je m'arrête rapidement en me rappelant que ma famille dort juste à côté. Je ne les ai pas beaucoup vus, juste le temps de grandes retrouvailles puis j'ai débarrassé mes affaires avec mon père à qui j'ai tout raconté. Je m'endors en repensant à ce moment père-fille.
***
Je me prépare pour une nouvelle journée ensoleillée sur un morceau de musique classique que j'adore. Je me tresse les cheveux puis enfile mes tennis avant de recevoir un message. La sonnerie de celui-ci me réveille complètement. Mais le message me glace.
Numéro inconnu :
Coucou. Je suis dispo aujourd'hui si ça te dis d'aller prendre un café...
Je t'embrasse, Liam.
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