Ils m'ont enfermé, je n'en reviens pas. Lorsque je me suis réveillée, j'ai vu les infirmières et ai d'abord pensé m'être encore évanoui. Mais loin de là la réalité. En vérité, ils ont eux-mêmes décidé de me priver de mon avenir.

-Ce n'est que pour ton bien, me répète mon père depuis une heure alors que j'ai juste envie de la castrer.

-Tu as commencé à crier à la mort alors qu'Agnès nous racontait de jolis histoires sur ses vacances. On a appelé Liam, il est pompier et ton petit-ami. Il nous a alors expliqué que ca t'arrivait souvent en ce moment et qu'il était temps de prendre la situation en main.

-Ma puce, on veut seulement ton bonheur.

J'observe successivement ma génitrice puis mon paternel en espérant leur faire passer l'immensité de ma colère à travers mes yeux. Je leur en veux tellement, j'étais prête à tout dire. Finalement, le destin a décidé que m'envoyer en hôpital psychiatrique serait le mieux.

Je déteste Liam pour son énorme trahison. Je me revois lui crier que je dirais tout, en me faisant emporter dans l'ambulance. Il me pense folle, comme tout le monde alors que c'était le seul qui aurait pu me dire je t'aime et que j'aurai cru. Comme quoi, il ne faut faire confiance à personne. Sinon on se retrouve internée pendant je ne sais combien d'années.

-Liam t'a laissé une lettre, m'annonce mon père en déposant une enveloppe sur la table de chevet.

Ils me posent un baiser sur mon crâne puis s'en vont comme ils sont arrivés quelques minutes auparavant. J'hésite entre déchirer le papier ou le lire. Mais la curiosité me pique et je pourrais toujours dire que je l'ai jeté tout de suite.

Em'.
        Je sais que tu m'en veux. A ta place je m'en voudrais aussi. Mais sache que je n'ai fait ça que par amour. Tu as besoin d'aide. Je sais que tu comptais sur moi pour te donner cette aide mais je ne peux pas. Des professionnels s'en chargent désormais.
        Je ne voulais pas en arriver là. J'aurais voulu en discuter avec toi mais lorsque tes parents m'ont appelé pour me raconter la situation, quand j'ai vu leurs yeux paniqués, et surtout quand je t'ai vu hurler de toutes tes forces j'ai compris qu'il fallait que ça se finisse.
        Ils interdisent toute relation amoureuse, et toute visite extérieure à la famille. J'imagine qu'on ne se reverra que quand tu seras guérie. J'ai si hâte de pouvoir te reprendre dans mes bras. Parle leur, ils sont là pour t'écouter.
Je t'embrasse,
Liam.

Je serre fort sa lettre contre mon cœur alors que je voudrais avoir la force de la déchirer. Je sais qu'il pensait bien faire. Il a toujours été comme ça : une âme d'héro qui veut sauver le monde.

Je me décide à me promener pour oublier le malheur dans lequel je suis plongée. Je me lève, passe la porte et découvre un autre monde. Un monde qui semble tourner au ralenti. Je passe devant des dizaines de chambres, toute à porte fermée en attendant trouver quelque chose de plus intéressant.

-Nouvelle ?

Je sursaute et me retourne d'un coup, découvrant par la même une fille dans une blouse blanche, couverte de paillette.

-Sympa la déco.

Elle hausse les épaules.

-Je m'appelle Mélanie, et toi ?

Je lui jette un coup d'œil puis continue mon chemin dans ce labyrinthe.

-Emilie.

-Alors quelle est l'histoire ? Un père qui te surprend en train de prendre de la drogue, bingo ?

-Pas vraiment, plutôt la trahison d'un copain qui t'envoie en hôpital.

-Ils t'apprennent à ne plus en vouloir aux autres ici. Le pardon c'est important.

Encore une fois elle a le droit à un regard méfiant. Disons que pour l'instant je suis trop en colère pour "faire la paix avec moi-même". Je m'arrête devant une grande salle avec quelques personnes de tout âge en tenue de sport, tous le même uniforme.

-Ils insistent sur les biens faits du sport. Ils vont t'obliger à choisir, tu ferais mieux de te renseigner. Il y a plein de choix. J'avoue que, quand je suis arrivée ici, je me voyais mal transpirer comme une bête dans une salle avec les autres mais on finit par s'y habituer.

-C'est bon à savoir. Et donc, leur objectif c'est de créer des clones ?

-Ha ha. Non, justement chacun doit accepter les particularités des autres. Mais les habits ne doivent pas être un critère social.

-Je vois.

Je souffle avant de continuer ma visite.

-Au début, ça fait un peu peur tout ça. Mais ne t'inquiète surtout pas, une éducatrice est en charge des nouveaux. Elle s'en occupe tellement bien que c'est difficile de la quitter.

Je lui souris poliment alors que j'aimerais bien qu'elle arrête de parler et qu'elle me laisse réfléchir à un plan pour sortir d'ici le plus vite possible.

-Bon en tout cas, si t'as des questions, n'hésite pas.

-T'es là depuis combien de temps ?

-Environ un an et huit mois.

Sa révélation me fait froid dans le dos. Aussi longtemps ? Mais je n'ai aucune envie de rester autant.

-Si c'est au niveau scolaire que tu t'inquiètes, il faut pas, ils reprennent tout depuis le début. Il y a des classes de niveau. Tu es en quelle classe ?

-En 1ère année d'emploi. Ou 6ème année post-bac comme tu préfères.

Même si actuellement c'est plutôt 1ère année de loose complète.

-Et toi ?, essayé-je de relancer la discussion.

-En seconde.

-T'es arrivée ici en quatrième ?

-T'es forte en maths, tu vas pourvoir m'aider, ironise-t-elle.

-Et donc, qu'as-tu fait ?

-Disons que j'ai trainé avec un mec peu fréquentable, qui prenait de la drogue, volait et qui m'a entrainé la dedans. Quand on est jeune, on pense pouvoir devenir la reine du collège avec quelques broutilles comme une cigarette aux lèvres et un téléphone dernier cris.

Elle hausse les épaules puis fait un signe de la main pour me signifier que c'est de l'histoire ancienne.

-Comment ça s'est fini avec lui ?

-Tu veux vraiment tout savoir hein ?, rigole-t-elle

-Mm-mmh

-Mon père est intervenu, il nous a interdit de nous voir mais ça n'a pas marché alors il m'a envoyé ici quand j'ai commencé à parler de rituel satanique et autres objets du démon, lorsque j'ai vu des êtres que personne ne voyait. Enfin bref, j'en suis pas fière mais ce dont je suis heureuse c'est d'en être sortie.

Si seulement il me suffisait de deux, trois mots pour en arriver aux mêmes paroles.