Chapitre 24

De nouveau devant ma maison d'enfance à sonner alors qu'autrefois je n'avais pas besoin de permission pour rentrer. J'observe un instant mon reflet dans la vitre de la porte et ce que je vois me donne envie de faire demi-tour. Mais trop tard, ma mère est déjà en train d'ouvrir.

-Bonjour Emilie.

Sa voix autoritaire me fait comprendre qu'il y a quelque chose qui n'est pas comme d'habitude. Elle fait partie du groupe qui déteste les surprises, les imprévus ou les changements de routine. Je suis tout son contraire, j'ai grandi bercée dans un quotidien semblable d'un jour à l'autre.

-Bonjour maman.

J'entre dans l'entrée mais m'arrête net en découvrant une femme sourire à mon père. Mon frère la dévore des yeux et un instant j'en viens à penser que papa nous présente une nouvelle femme. Il a toujours été le seul en qui j'avais confiance, le plus droit.

-Voici Agnès, le future mariée, annonce ma génitrice heureuse.

Son rêve est d'avoir des petits enfants à qui raconter des anecdotes et jouer car elle sait que le jour viendra où elle sera seule dans cette grande maison. Il lui faut une occupation et comme elle est manipulatrice, elle s'est toujours débrouillée pour assurer la descendance. Je suis certaine qu'elle a payé cette femme pour croiser le chemin de mon frère.

-Enchantée.

Elle s'avance et me tend sa joue. Sur le moment j'hésite mais, poussée par ma mère, je me vois forcée de lui faire la bise. Je l'observe quelques secondes dans les yeux pour reconnaître les signes de détresse, ceux qui me prouveront qu'il lui fait du mal. Mais ils n'y sont pas. Il n'aime que moi, je me répète pour prouver la véracité de la chose.

-Moi de même.

Mon sourire se veut accueillant mais il est surtout peureux. Est-elle ici pour me prendre ma place auprès de mon frère ? A la manière dont il la regarde, cette théorie s'affirme et me met mal à l'aise.

-On va se marier dans deux semaines, crie-t-elle toute contente en secouant sa bague sous mon nez.

Je fais semblant de m'intéresser à son diamant alors que mon cerveau se demande pourquoi elle a les bras recouverts, si elle se torture aussi, si elle vit le même cauchemar. Et sous ces questions, un sentiment de trahison s'installe en moi. Je ne suis plus la seule qu'il aime. Depuis combien de temps ne m'aime plus autant ? S'il a le droit de mentir pourquoi n'avais-je pas le droit ?

Je me passe une main sur mon visage, essayant de faire abstraction de sa main beaucoup trop proche de ses fesses ou de ses lèvres qui montrent tant ses dents que c'est à se demander s'il ne va pas rester coincé.

-Tu ne dis rien Emilie ?, m'interroge mon père alors qu'on transite au salon pour prendre l'apéritif.

A vrai dire, non car seuls les mots de Liam me reviennent en tête actuellement. Pourrais-je me le pardonner si, par ma faute, il lui fait du mal ? Elle a l'air si innocente. Sa chevelure blonde se promène dans son dos à mesure que sa tête regarde amoureusement mon frère ou intéressée ma mère.

Elle fait tout pour paraître naturelle, mais elle semble vraiment dans son élément. Son sourire ne quitte jamais son visage alors que le mien peine à arriver. On est si différente, comment a-t-il pu me faire un coup comme celui-ci ? Est-ce pour me rappeler que je suis grosse ? C'est vrai que la robe dans laquelle elle a été moulée lui va à ravir contrairement à mon pantalon ample qui est censé cacher mes rondeurs.

-Je suis psychologue dans une primaire. Généralement je m'occupe des situations familiales compliquées : les cas de divorce du point de vue de l'enfant, etc. J'ai récemment fait une campagne contre le harcèlement, tu en as peut-être entendu parlé Emilie ?

Je secoue négativement la tête, sans être vraiment sûre de la question posée. Une psychologue qui va marier un psychopathe, le monde est fou. Les humains ne font que mentir. Je l'imagine sur elle, lui faisant la même chose qu'à moi. "C'est toi que j'aime le plus". "C'est pour ton bonheur".

Et s'il lui disait réellement toutes ses phrases ? Cela voudrait dire qu'elle ne me concerne plus. Si tel était le cas, je pourrais dire la vérité à Liam. Je lui fais confiance, il n'appellerait pas la police.

"Tu ne peux faire confiance à personne". "Tu ne dois rien dire, cela détruirait notre famille si papa apprenait que mère était au courant. Tu imagines une innocente qui paye pour tes actes".

J'ai envie de hurler, de lui hurler d'aller se faire foutre. Mais je ne peux rien faire, je suis condamnée à l'affronter. Affronter son regard plein de tendresse se poser sur elle me brise le cœur un peu plus chaque fois. Mais c'est lorsque j'aperçois le visage qu'il me faisait en me disant je t'aime que je comprends qu'il a tourné la page. Il ne m'est plus destinée, son je t'aime était pourtant si précieux.

Je vais tout dire.

Mais avant que je n'ai pu faire quoique ce soit, je me fais emportée par deux grandes personnes. Je regarde autour de moi et observe ma mère avec de gros yeux ronds, à la fois inquiète et énervée. Portée par ses deux femmes en uniforme, je vois défiler le salon puis l'entrée jusqu'à me retrouver dans la rue. Je me fais kidnapper par mes propres parents ?

J'aperçois Liam et lui hurle de m'aider mais sa tête coupable m'annonce qu'il est tout autant impliqué qu'eux. Et sans que je n'ai rien pu faire, je me fais endormir avec les pensées vaquant vers l'avenir.

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