Chapitre 23
En un murmure, j'essaye de me faire comprendre tout en ravalant mes larmes :
-J'ai si honte.
Je baisse la tête. Il ne m'interrompt pas.
-Je... Je... Je sais pas comment te dire ça.
Aide-moi.
Les paroles de mon père sur ma prise de poids me remontent aux oreilles. Les gémissements de mon frère arrivent à mon cerveau comme une douce claque. Je ferme les yeux, essayant de mettre un ordre à mes pensées. J'oublie tout, je l'oublie lui. Puis rouvre les yeux.
-Il faut que tu me comprennes.
Ma voix est une supplication. Il ne comprend rien. Moi même j'ai du mal à suivre.
-Tu es de mon côté ?
Il hoche la tête mais ses sourcils se froncent de plus en plus. Il m'examine.
-J'ai dessiné.
Ces mots me font frissonner. Car c'est ceux que j'utilisais pour montrer à ma mère mes blessures. Elle les soignait toujours doucement sans me jeter un coup d'oeil.
Mais lui ne comprend pas ces mots d'enfant. Il fronce les sourcils en cherchant ce que j'essaye de dire. Et pour l'aider, je remonte mes manches et lui montre les traces qu'il a déjà vu.
-Pourquoi ? Pourquoi tu t'infliges ça ?
-Tu penses que je suis folle ?
-Non.
Il secoue la tête et je le vois réfléchir difficilement pour savoir comment agir.
-Quand je ferme les yeux, je les vois tous. Ils me font du mal, ils ne me veulent pas du bien, continué-je sans prêter attention à ses expressions qui me supplient toutes de le laisser m'aider.
-Qui vois-tu ? Des gens t'ont fait du mal ?
-Toi tu m'as fait du mal, mais je ne dessine pas pour toi.
Je marche de droite à gauche dans la pièce et récite mon texte. Je sais qu'il me croit folle actuellement car je doute moi même de mon état de sobriété.
-Je... ne comprends pas ce que t'essayes de me dire, fait-il désemparé.
Je m'arrête net, me tourne face à lui et place mes mains de part et d'autre de son corps pour que nos têtes soient rapprochées.
-T'as demandé.
Je me bascule à côté de lui sur le canapé et me mets sur le dos.
-Tu peux partir maintenant. Tu sais, t'es dégoutté, au revoir.
-Emily ferme les yeux. Je suis à côté il ne va rien se passer.
Je secoue négativement la tête. Hors de question qu'il me voit hurler à la mort. J'ai vécu trop de situations de honte en sa présence, ça dépasse tout quota habituel.
-Je ne pense pas que ta présence soit appréciée ici désormais.
-Ne joue pas aux imbéciles.
-Je ne joue pas.
-Emily, c'est sérieux. Et visiblement tu refuses de m'en parler alors tu de...
-Parce que je ne viens pas de t'en parler ?
-Je ne peux rien faire, tu ne veux rien dire à part d'évidentes preuves, hausse-t-il le ton.
-Mais je ne peux pas. Il compte sur moi, ils comptent tous sur moi.
-Peu importe qui est ce « il », toute personne qui te fait subir cela doit être condamnée.
-Non. Il m'aime.
-Mais il n'est pas le seul, tu ne seras pas seule.
-Tu ne comprends pas.
-Et s'il recommence sur une autre personne que toi ?
Ses mots sont durs, ils creusent un doute en moi, un sentiment de culpabilité qui n'existait pas.
-C'est impossible.
Personne ne l'aime comme moi et il n'aime personne à part moi, il me l'a promis.
-Qui est-ce ? Est-ce que tu le vois encore ? Il peut toujours te faire du mal ?
-Il ne me fait pas de mal, je m'en fais toute seule.
-Mais parce que tu penses que ça va soulager ta douleur intérieure qu'il a créée.
-Personne ne m'y oblige.
-Alors pourquoi ?
-Parce que je veux vivre.
Il fronce les sourcils. Je l'ai perdu. Je vois pendu à ses lèvres « mais tu vis » mais il la retient.
-Je veux le sentir pour éviter de me laisser périr, dis-je en fondant en larme.
L'avouer à voix haute qui est plus, devant mon ex petit-ami qui était la personne qui me connaissait le mieux, me fait si peur et étrange que mes ongles trouvent eux-mêmes ma paume de main et se plantent si fort que j'en viendrais presque à hurler s'il n'était pas là. Je l'ai déjà trahi, j'en ai trop dit. Et s'il revient ? « Viens là ma belle ». Il me punissait. « T'as fait des bêtises ». Il savait tout, toujours.
Je me fâche les yeux pour me sortir de cet enfer, oubliant que je viens juste de m'ouvrir la main, que du sang se loge sur ma joue et vient ruisseler jusque dans mon cou. J'oublie ses bras réconfortant et ses paroles de détresse ressassant les mêmes questions.
-Ça a commencé quand ?
Je ne réponds rien essayant de tout oublier pour partir loin d'ici.
-Il faut remonter aux origines pour chasser le mal.
-Vers mes 12 ans.
-Quand on était ensemble ? Mais comment tu as fait pour me le cacher ! On couchait ensemble, je t'ai vu des milliers de fois nue.
La colère dans sa voix, qu'il tente de cacher, ne m'échappe pas. Je me recroqueville au bout du canapé, le plus loin de lui.
-Tu vas me faire du mal ?, demandé-je.
La tête de mon frère vient se placer devant moi puis ma chambre d'enfant remplace le décor du salon et tous les éléments anciennement réunis le sont de nouveau. Je suis spectatrice de ce massacre et j'ai beau hurler, ils ne m'entendent pas et je ne peux rien faire.
La petite fille que j'étais se retrouve trimbalée jusqu'à son lit puis endormi sous les coups profonds que lui offrent son frère. Les coups qui le font jouir.
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