Chapitre 22
J'attrape de suite mon téléphone et cherche comment me débarrasser de ces idées noires. J'appuie sur la touche de réconfort, mon doigt se pose lentement, effleure le bouton, le caresse, comme un geste désespéré.
-Allô ?
Je ne réponds rien, de peur qu'il entende tous mes non-dits, de peur qu'il découvre la vérité. Et s'il pensait comme tous les autres ? S'il ne me croyait pas ? Je pose une main sur ma bouche pour étouffer un sanglot alors que mes larmes ne cessent de couler. Elles m'aident à calmer le feu et préparent la nouvelle tempête. Mais ce silence n'aide en rien, j'ai l'impression qu'il peut y lire chaque phrase qui me hante, que son expression dégouttée me juge et me reproche mille choses mais que, comme moi, il se tait.
-Em' ?
-Je...
Mais à peine ai-je prononcé ces mots, je me sens ridicule. Tel l'enfant que je n'ai jamais été, je pleurniche auprès d'un garçon que j'ai rejeté quelques jours plus tôt. Je m'apprête à raccrocher mais je ne peux pas, ma raison a pris le dessus et elle sait qu'il est mieux que je reste en contact avec lui. Car cette lame est encore trop proche de mon bras.
-Parle-moi.
M'entends-tu ?
-Em' ?
Je suis là.
-Que se passe-t-il ?
Viens.
-J'arrive. Respire calmement. Compte jusqu'à 3 en inspirant puis jusqu'à 6 en expirant.
Ne viens pas.
J'essaye de respecter ses consignes tout en écoutant attentivement tous les bruits qu'il émet. Chaque respiration me rapproche de lui. Il attrape ses clés, claque sa porte puis le bruit de la rue résonne tandis qu'il continue de ma parler de la pluie et du beau temps. Mais rien y fait, mon cœur se serre un peu plus à chaque souvenir de lui sur moi. "Je t'aime".
-Tu te rappelles ce jour où un orage s'était déclenché à peine avait on mis un pied hors du lycée. On s'était tous réfugié chez moi. On avait bien rit ce jour là.
Je m'en souviens comme si c'était hier. On avait fait un marathon de films tous plus nuls les uns que les autres en mangeant du pop corn et en criant d'excitation chaque fois qu'un éclair s'entendait. On était rentré trempé chez lui, il nous avait prêté des vêtements, que je ne lui ai jamais rendu et que je reniflais à notre séparation. Sa maison ne ressemblait plus à rien avec tous nos habits en train de sécher sur chaque radiateur. Il y en avait même un qui avait cramé. L'époque où m'affichait à ses côtés me semblait normal.
Je prends conscience qu'un léger sourire est venu s'installer sur mes lèvres. Puis quelqu'un sonne à l'interphone. Je me lève pour lui ouvrir et lorsque je le vois passer la porte avec cet air inquiet, j'ai envie de lui sauter dessus. Il est à croquer dans son pantalon noir et son sweat blanc avec une tâche de sauce tomate en plein milieu qu'il a manifestement essayé d'enlever.
Je pointe cette salissure. Il baisse la tête puis la relève vers moi avec un petit sourire qui fait exploser mon cœur. Je m'oblige à regarder ailleurs pour éviter de lui faire l'amour sur le champ.
-Je me suis sali avant de recevoir ton appel, j'ai pas eu le temps de me changer.
Désolé. Je vais m'installer sur le canapé, comme une gamine punie, honteuse de l'avoir dérangé pour rien. Il vient en face de moi et prend mes mains dans les siennes. Je sais qu'il a remarqué qu'elles sont extrêmement froides, je sais qu'il a vu mes cicatrices encore rouge sang. Ses yeux parcourent mes bras alors que je sens que la tentative pour cacher mes marques ne sert à rien car il est trop tard, il sait déjà.
-Em', souffle-t-il d'une façon vraiment attirante.
Je relève les yeux vers lui. Son regard est dur, noir et inquiet.
-Tu veux un café, un thé, quelque chose ?
Il semble surpris par mon changement d'humeur alors que je me lève d'un coup et agis normalement jusqu'à la cuisine.
-Hum... non merci.
Je souffle une fois dos à lui et me prépare une tisane. Je le sens m'examiner mais je n'y prête pas plus attention.
-Où est Chiara ?
-Je sais pas. Je crois qu'elle a un nouveau copain.
Je reviens devant lui avec ma tasse brûlante que je pose sur la table basse. Il hoche la tête et reprend mes mains dans les siennes. Il réfléchit très fort, tellement que je peux pratiquement atteindre son schéma de pensée.
-Tu veux faire semblant que tout va bien ?
Son ton colérique me surprend et je fronce les sourcils pour essayer de comprendre pourquoi il a haussé la voix.
-Cesse de faire l'enfant Emily, réveille toi. Si tu ne veux rien me dire, très bien, mais parles en à quelqu'un : un ami, un spécialiste...
Je ris jaune et j'enlève mes mains des siennes en me retournant vers la table basse. La fameuse réponse du psychologue. Je bois une gorgée pour m'aider à faire face à l'instant d'après.
-Non, ne me tourne pas le dos. Ca suffit. Tu veux souffrir toute ta vie ? Tu vois bien que le silence ne te mène nul part.
Je ferme ma bouche pour éviter d'hurler les mots que j'ai envie de lâcher. Je ne veux pas le regarder, pourtant il me fait le fixer d'un simple geste de la main.
-Em'.
Et ça en est trop pour moi. Ses yeux, ses paroles, son visage, tout m'implore de lui dire la vérité.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top