Chapitre 20
Il est beau, comme d'habitude. Je m'oblige à me détendre mais toutes ces paroles d'un nous m'ont retournées le cerveau.
Je traverse la salle du café en essayant de ne pas faire claquer mes talons au sol. Je n'ai pas eu le temps de me changer, j'espère que je ne vais pas avoir l'air stupide dans cette tenue.
-Salut, fis-je.
Il relève les yeux de son portable, surpris. Et dès qu'il rencontre mon regard, il sourit chaleureusement. Il est beau, je le sais. Je suis foutue. Son sourire me donne les memes papillons.
-Hey.
Il range son téléphone tandis que je m'assois en face de lui. Je sens son regard parcourir tout mon corps et cette sensation me met mal à l'aise, comme si, tout à coup, il ne voyait plus que mes défauts.
Lorsque je m'assois mes cuisses molles s'étalent sur le siège et viennent se toucher alors que je les regarde faire, impuissante. Je regrette cette jupe moulante.
-Ta journée s'est bien passée ?, demande-t-il et je relève les yeux vers lui.
-C'était mon premier jour de boulot.
Il se redresse, intéressé, et tend une oreille attentive à chacune de mes paroles. Intérieurement, sa réaction me fait rire.
-Je crois que ça a été. Évidement, certain n'était pas content de s'être retrouvé avec mon travail quand je n'étais pas là mais mes collègues sont sympas, l'ambiance est détendue et le boulot me plait.
Il sourit, de toutes ses dents comme s'il était réellement content pour moi.
-Ça me fait plaisir de voir que ça te plait. Tu vas travailler 5 jours sur 7 ?
-Oui, du lundi au vendredi.
Il secoue la tête.
-Et toi ?
Ses yeux commencent à briller, il aime tellement son travail.
-Aujourd'hui était calme, on a eu une petite intervention sur un malaise, un accident de voiture mais rien de très grave. Il faut bien se reposer après le calvaire de la semaine dernière.
Il se radoucit et je vois qu'il veut aborder un sujet mais qu'il n'ose pas. Pour l'encourager, je pose une de mes mains sur la sienne qui se baladait sur la table. Ce geste me surprend autant que lui mais je ne l'enlève pas.
-Je suis désolé de ne pas être venu te voir à l'hôpital. A vrai dire, je pourrais te dire que nous avons enchaîner incident sur incident, que les gardes ont été très longues mais je me cacherais dans le travail alors que la vraie raison est juste que j'ai horreur de ces lieux.
Mon regard exprime mille questions mais elles ne traversent pas mes lèvres.
-Pourquoi étais-tu dans cet état avant-hier ?
Ce n'est pas le bon moment, mais j'ai besoin de savoir. Il retire d'un coup sa main et ses yeux me lancent des éclairs. Je baisse la tête vers mes mains, consciente d'avoir fait une bourde. Il se passe une main dans les cheveux, je vois qu'il essaye de lutter contre la colère. Mais celle-ci est trop puissante. Dans son regard, elle domine sous une fine couche de tristesse. Alors que je m'en vais changer de sujet, il prend la parole en fuyant mon regard.
-Je... C'est... Ils...
Une nouvelle fois, il fait passé ses doigts dans ses cheveux. Il ferme la bouche et s'appuie très fort les yeux comme si ça pouvait le faire aller à un autre endroit et je me sens stupide à côté de lui.
-Bon, alors explique moi comment ça marche d'être pompier ?
Il semble surpris que je change de sujet aussi facilement mais me remercie silencieusement. Je connais les secrets. Je sais combien il est difficile d'en parler.
-Hum... Les pompiers ne doivent être appelés que si des personnes sont en danger mais les gens ne le savent pas alors les standardistes passent leur journée à rediriger les appels. Une fois qu'une alerte s'est déclenchée, on choisit l'équipe ou les équipes qui doivent aller sur les lieux. Et après on doit agir vite.
-Comment ça se passe si vous n'arrivez pas à les sauver ?
-Si la question est : est-ce qu'on est virer si les gens qu'on devait secourir meurt, la réponse est non. Et heureusement. C'est difficile mais ça arrive tellement moins que les réussites, qu'on finit par déculpabiliser.
Je hoche la tête même si je ne comprends pas. Pourquoi voir toutes les horreurs du monde alors qu'il y a cent autres manières de se dégoutter ?
-Comment tu t'es dit, je veux risquer ma vie pour les autres ?
Il rit.
-Je sais pas, je ne me suis pas vraiment dit ça. Je cherchais quoi faire après le bac. Je pensais me diriger, comme tout le monde, vers une prépa. Mais un ami de mes parents m'a parlé de son métier et j'ai adoré l'écouter. Je me suis imaginé le faire et j'ai su que je voulais faire ça. C'est pas plus compliqué. C'est difficile parfois : les gardes de plusieurs heures d'affilée, les échecs, les incendies ravageurs, agir vite sans s'emmêler les pinceaux, le pied toujours brinquebalant entre la vie et la mort, mais c'est le surpassement de soi,...
Il hausse les épaules alors que j'essaye de tout assimiler. Le serveur ramène des boissons que j'assimile a une commande prise avant mon arrivée.
-Tu chantes toujours ?
-Un peu, répond il. Quand j'ai le temps, en faisant des taches quotidiennes.
Je souris en me rappelant comme j'aimais entendre sa voix sous la douche pendant que je me réveillais doucement.
-Tu ne chantes que pour toi.
Ma phrase sonne comme une question remplie de reproches car je lui ai dit des milliers de fois qu'il pouvait partager sa passion au monde sans prise tête, juste pour l'amusement. Mais il ne semble pas y croire ou ne pas vouloir y croire.
-Quand tu es partie, ça a été compliqué.
Il baisse les yeux un instant puis les remonte jusqu'aux miens qui essayent de deviner sur quel chemin il nous emmène.
-D'abord parce que tu ne répondais plus, la rupture, etc. Mais aussi parce que je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire de ma vie. En fait je me sentais horriblement seul.
Où veut-il en venir ?
-Je me réfugiais dans tes messages et dans mon besoin de te voir. Mais ils se sont faits de moins en moins fréquent. J'avais comme l'impression que tout me tombait dessus mais je mettais ça sur le fait du travail, en prépa tu devais être occupée. Et un jour j'ai compris, que tout ce que j'ai fait était vain. Je n'ai pas réussi à te garder et tu as fini par t'enfuir. J'avais envie de t'écrire tout ce qui se passait ici, comment ma vie changeait mais je ne voulais pas te forcer la main.
Il marque une pause pendant laquelle j'essaye d'assimiler ses paroles. Ma culpabilité me dévore l'esprit alors que je prends conscience qu'on aurait du avoir une conversation il y a cinq ans.
-Je...
-Alors quand tu as réapparu, ce soir là dans la boîte, me coupe-t-il, j'ai reçu un coup d'éclair. Je voulais t'en vouloir d'avoir l'air si heureuse alors que j'étais démuni mais je n'ai pas pu car tu rayonnais. Tu m'as fait sourire. Je ne sais pas si on peut appeler cela un coup de foudre, car on se connaissait déjà avant, mais ça m'a paru être une évidence que je voulais être avec toi.
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