Chapitre 2
Aujourd'hui...
Et voilà, encore une page de tournée. Encore un moment éphémère qui s'est enfuit bien trop vite.
Je souffle en repensant à ces trois dernières années et prends mon courage à deux mains afin de passer, pour la dernière fois, les portes de mon école. Les études dans le sud sont finies, il est tant de remonter à la capitale. Et même si cette vie a été tourmentée et rythmée par le travail, j'aimais bien me réveiller avec l'idée d'en apprendre plus et de me surpasser pour battre les autres.
J'embrasse Léonie puis regarde en même temps qu'elle le bâtiment dans lequel on a sué nuit et jour pour fournir le meilleur de nous même. Il faut croire que ça a fonctionné puisqu'on a toutes les deux décrochées des emplois sur Paris.
-On se retrouve demain matin à la gare, lâché-je pour pouvoir m'éloigner et réfléchir seule.
-On dîne ce soir avec la promo je te rappelle.
J'avais oublié. Je hoche la tête et pars à son opposé pour rejoindre l'appartement que j'ai loué pendant deux jours, l'internat étant fermé depuis hier. J'y arrive en deux enjambés insuffisantes qui ne me permettre pas de mettre mes pensées au clair.
Je vais revoir ma famille et mes amis du lycée. Je ne suis restée en contact qu'avec Chiara, Elliott, et Léonie, cela va s'en dire. On a été acceptée dans la même école après nos deux ans de classe préparatoire loin l'une de l'autre. Depuis, on ne se sépare plus. Elle est un petit peu plus calme que moi, mais dans l'ensemble, notre caractère similaire nous rapproche.
Quant aux autres, on se fait des appels vidéo régulièrement mais on ne s'est pas vu depuis un bon moment, principalement à cause des partielles des uns et des autres. J'ai si hâte de les retrouver, de pouvoir les prendre dans mes bras et de rigoler de nouveau comme je rigolais au lycée à leurs côtés.
Je dépose mon sac à mes pieds et m'allonge dans mon lit, épuisée par cette journée. La nostalgie fait surface et je me rends dans ma galerie photo. Je souris face aux bêtises de Chiara, face aux têtes peu rassurées de Léonie et face aux déguisements d'Elliott bourré. Ce dernier est plutôt du genre réfléchi mais lorsqu'il est alcoolisé, on peut lui faire faire n'importe quoi ; il devient incontrôlable mais tellement drôle.
Je souris quand je revois Kacy ou encore Lana avec qui je n'échange plus que pour les occasions particulières. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elles me manquent car je ne l'ai connais pas suffisamment pour exprimer une telle émotion. Surtout qu'elles n'étaient pas un pilier de notre groupe, elles préféraient rester dans leur coin à écouter plutôt qu'à converser.
Cependant, mon sourire s'estompe aussi rapidement qu'il est apparu quand mon doigt glisse sur une photo de Liam. Les beaux souvenirs de mes amis sont remplacés par ceux en sa présence.
Mon cœur en prend un coup. Cela fait cinq ans qu'on ne se parle plus, aucune nouvelle de lui, le silence radio. On s'était promis de se retrouver à la fin de nos études mais il faut croire que le temps a eu raison de nous. L'éloignement a été tellement difficile que l'idée de le revoir me fait déjà souffrir. Treize ans ensemble qu'on balayait d'un revers de main portant comme excuse les études.
A dire vraie, il s'est accroché mais je me suis tellement donnée à fond en prépa que je le délaissait. Un jour, plus de message de bonne nuit ou de bon matin. J'étais seule dans ma chambre de six mètres-carrés. Et c'est à ce moment que je m'en suis rendue compte de ce que signifiait "la vie d'adulte".
Je nous revois dans sa maison à grignoter des chips devant des séries, à se câliner dans mon lit jusqu'à ce que ma mère crie mon prénom du bas des escaliers, à s'embrasser dans tous les recoins du lycée. Je revois même sa silhouette escalader le mur de ma maison pour venir me rejoindre en douce la nuit, puis son corps contre le mien.
Je ferme les yeux pour me remémorer plus profondément ces moments mais je sens mon désir monter en sentant ses mains me toucher. C'était magique à ses côtés.
***
Je ferme ma valise sur laquelle je suis obligée de m'asseoir et ce geste me fait penser à Liam. A vraie dire, depuis que j'ai revu sa photo, tout me fait penser à lui. J'ai rêvé de lui, regarder la télévision en rêvassant de lui. Bref, l'enfer.
Il se moquait si souvent de moi quand il me voyait faire ça. Je souris malgré moi face à ce souvenir. Je n'ai aucune idée de ce qu'il est devenu, je ne sais même pas s'il est encore dans les études ou s'il travaille déjà. Il voulait devenir utile et faire un métier en conséquence. Il avait été accepté dans pas mal de grandes écoles mais je ne sais pas laquelle il a choisi, on évitait de parler de l'avenir.
Physiquement, je l'imagine exactement pareil avec un peu plus de barbe et le visage plus carré. Il a toujours eu des traits très marqués qui aurait pu me faire faire n'importe quoi. Peut être s'est-il fait une teinture ? Mon esprit cherche de multiples solutions à son changement.
Je secoue la tête et regarde l'heure, toujours en retard. Je jette un dernier coup d'œil à l'appartement pour m'assurer de n'avoir rien oublié puis ferme la porte et court dans les escaliers jusqu'à mon taxi. Le train est dans une heure, Léonie va me tuer. Je ferme les yeux pour ralentir le rythme des battements de mon cœur. Ce retour me fait paniquer. Je ne sais pas comment je serais accueillie chez moi, ce qu'est devenue la vie là-bas.
J'arrive enfin à la gare et je me rue vers le panneau d'affichage pour découvrir le quai. On s'est dit qu'on se retrouverait dans le train, pour des questions de praticité mais je n'ai aucune idée de comment lire cet écran. Pourtant, je me doute que ce n'est pas difficile mais le stresse ne me laisse pas de répit pour réfléchir.
-Excusez-moi est-ce que vous savez sur quel quai se trouve le train pour Paris ?
-Le quai numéro 3, je vais dans cette direction, je vous y conduits ?
-Avec plaisir.
Je me force à lui sourire mais ça sonne faux. Je marche derrière cet homme que j'ai osé accoster. Ses cheveux bruns volent au gré du vent, ce qui brise le style stricte qu'il a tenté de se donner. Il doit avoir dix ans de plus que moi, à en juger par les quelques rides qui commencent à pointer le bout de leur nez.
Une fois arrivés, il se retourne avec un grand sourire alors que je farfouille dans mes poches pour trouver mon billet.
-Merci, merci beaucoup.
Mais il ne bouge pas.
-C'est intrusif de te demander ton téléphone ?
Oui, ça l'est alors dégage connard. J'ai envie de lui hurler d'aller se faire voir mais je trouve enfin le numéro de ma place ce qui me fait oublier cet inconnu.
-Désolé, je dois y aller. Au revoir.
Il baisse la tête mais je peux sentir son regard me reluquer lorsque je passe devant lui. Le wagon est déjà rempli et quand j'arrive devant Léonie, je me laisse tomber sur mon siège, heureuse d'avoir enfin trouvé. Elle me regarde, l'air fermé. Je sais qu'elle va me faire la morale.
-Salut, me dit Camille à ses côtés.
-Hey, je savais pas que tu rejoignais Paris aussi.
-Un coup de tête de dernière minute.
-Parce qu'il y a des coups de tête réfléchi à l'avance ?
-Ha oui, non, en effet, répond elle en posant un doigt sous son menton comme pour penser à ce qu'elle vient de dire.
Je souris et sors un livre de mon sac posé à mes pieds. Que le voyage commence... Un voyage parsemé de plaintes de Léonie qui trouve que les sièges ne sont pas confortables, que les sandwiches ne sont pas bons et que la climatisation est mise trop forte. Elle est obligée de mettre un pull ce qui cache son T-shirt Rolling Stones qu'elle a mis exprès pour cette journée, dans un but inconnue de ma personne. Une route menée à la rigolade par les blagues de Camille, qui nous amuse pendant tout le trajet.
Quand mon pied touche enfin le sol parisien, mon cœur s'emballe. Très mauvaise idée de faire une crise de panique au milieu de la gare... J'essaye de contrôler ma respiration et me concentre sur les pas de Léonie devant moi qui marche à une vitesse ahurissante pour quelqu'un qui se dit "pas pressée".
***
Je suis paniquée à l'idée de revoir mes meilleurs amis, mon cerveau me crie de ralentir pour prendre le temps d'apprécier le moment et pour pouvoir prendre une décision rationnelle en cas de force majeur. Mais mon traître de corps n'obéit pas, trop concentrée de ne pas tomber sur ses talons plus haut que la concorde. On a décidé de tous se retrouver dans un bar mais j'avoue avoir de moins en moins envie d'y aller. Pourtant, je passe les portes et les cherche la seconde d'après. Ils sont tous arrivés, évidement.
Chiara me saute dans les bras alors que je vois Elliott sourire comme un déjanté. Finalement, la joie l'emporte sur le reste et je câline mon amie pour ensuite rejoindre les autres à qui je fais la bise. Lana et Kacy boivent une gorgée en même temps pendant que je me fais une place sur la banquette à côté d'Elliott qui me raconte déjà toutes ses péripéties.
Au bout d'une heure de breuvage intensif, Camille décide de se lever pour aller danser. Lana et Kacy la suivent alors que je reste à discuter avec Léonie et mon meilleur ami, Chiara étant déjà partie en quête d'un garçon. Mais elle en décide autrement et m'oblige à me lever. Je réajuste ma robe et accepte sans grande conviction, pensant pouvoir me sauver rapidement. Sa joie est contagieuse, je me déhanche au même rythme qu'elle en hurlant les paroles des chansons que je connais.
Je jette un regard derrière l'épaule de ma partenaire de voyage et me fige instantanément. Il est là, devant moi, adossé au comptoir comme si de rien n'était.
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